Dans une Union Européenne qui s’élargit, les questions environnementales prennent une importance grandissante. De nombreuses directives sont établies, à destination des Etats membres, afin qu’ils les adaptent à leur contexte économique, social et politique. Citons par exemple la directive cadre sur l’eau du 23/10/2000, la directive «nitrates » du 31/12/1991, qui ont été traduites en droit français par la suite. La DCE de 2000 a donné lieu à la rédaction, le 30/06/2006, de la loi sur l’eau et les milieux aquatiques en France, imposant notamment une gestion équilibrée des ressources en eau. L’Indre-et-Loire dispose d’une importante ressource souterraine en eau, dans la nappe du Cénomanien. Cette nappe stratégique du point de vue de l’alimentation en eau potable, n’en est pas moins menacée par l’abondance des prélèvements et les activités humaines, génératrices de pollutions. Afin de localiser les activités polluantes, des « points noirs » du point de vue de la pollution par les nitrates sont mis en évidence, et ces secteurs doivent faire l’objet d’études, pour comprendre l’origine de la pollution, et pouvoir traiter le problème à sa source. L’un de ces points est le captage de la source de Morin, sur la commune de Seuilly, dans l’Ouest du département (figure 1 ci-après), dont l’eau est polluée par les nitrates. La Direction Départementale de l’Agriculture et de la Forêt d’Indre-et-Loire, grâce à son indépendance vis-à-vis du milieu marchand, et l’assistance aux collectivités qu’elle peut fournir, a décidé de recruter un stagiaire sur 5 mois, afin de diagnostiquer la pollution par les nitrates sur le secteur de Seuilly. Nous nous intéresserons donc dans un premier temps à la problématique liée à l’eau potable en Indre-et-Loire, tant du point de vue de sa qualité que de sa quantité, puis nous chercherons à mettre en place un protocole d’étude du secteur du captage pollué par les nitrates. Enfin, nous exposerons les résultats de notre étude, et proposerons des solutions à mettre en place afin de parvenir à une baisse des teneurs en nitrates dans les eaux. Dans l’éventualité d’une adaptation de cette étude sur d’autres secteurs touchés par une pollution par les nitrates, tout sera mis en oeuvre afin d’assurer la reproductibilité des méthodes employées, la recherche documentaire s’appuiera sur des ouvrages et rapports généraux, ainsi que sur des documents internes à la DDAF, établis pour chacune des collectivités territoriales du département.
La nappe du Cénomanien en Indre-et-Loire
Présentation
Les couches déposées au Cénomanien, étage du Crétacé supérieur, sont présentes sur une grande partie du bassin parisien, mais la partie perméable, qui constitue un aquifère, est entièrement comprise dans le bassin Loire-Bretagne. Il concerne 10 départements et 4 régions administratives. Cet aquifère s’étend sur 25000 km², dont 20000 km² sont captifs. La bonne qualité naturelle de l’eau de cette nappe ainsi que l’importance de la réserve (plusieurs dizaines de milliards de m3 ) ont contribué à l’augmentation des prélèvements à la fois pour l’eau potable, pour l’industrie et pour l’irrigation. Les prélèvements sont actuellement estimés à environ 80 millions de m3 par an, dont un tiers seul pour le département d’Indre-etLoire.
Pressions et conséquences
L’importance et la qualité de cette réserve en font la plus solicitée du département ; les prélèvements estimés correspondent aux besoins en eau potable de 1,5 millions d’habitants, le département en comptant environ 550 000 (recensement 1999). Depuis une trentaine d’années, une baisse régulière, d’un mètre par an, du niveau de l’eau du Cénomanien est observée en Indre-et-Loire et dans le Loir-et-Cher, et peut atteindre 20 m en région tourangelle (PASED, 2004). L’ensemble de ces facteurs contribue à fragiliser la nappe et entraîne :
• une perte importante de productivité des forages existants,
• un dénoyage de la nappe,
• un rétrécissement des zones ayant une capacité de dénitrification (zones réductrices recueillant les eaux de la nappe des craies et tuffeaux du Crétacé Supérieur (Séno-Turonien) située en position sus-jacente) vers le centre de l’aire d’extension du Cénomanien, et donc une concentration en nitrates croissante à la périphérie de l’aquifère,
• une pollution directe par les systèmes aquifères latéraux mis en communication par des forages défectueux ou sollicités par augmentation des cônes de rabattement des forages actuels, ces chutes de niveau piézométrique ont été observées en région tourangelle, et ont, semble-t-il, permis l’arrivée d’eau riche en chlorures depuis les couches du Jurassique situées sous le Cénomanien.
Dans la partie libre de cet aquifère, la problématique principale concerne essentiellement la qualité des eaux, tandis que l’aspect quantitatif est prépondérant dans la partie captive. Actuellement, le niveau piézométrique de la nappe se situe au-dessus du toit du Cénomanien. Si la baisse des niveaux continuait, le toit de la nappe serait dénoyé et le processus de dénitrification naturelle, dans ces conditions oxydantes, ne pourrait avoir lieu. De plus, malgré la présence d’une couche relativement imperméable entre les aquifères du Cénomanien et du Séno-Turonien, le drainage des eaux vers le Cénomanien serait accentué si le niveau du Cénomanien baissait, puisque la charge hydraulique du SénoTuronien serait supérieure à celle du Cénomanien.
Ce phénomène de drainage accentué pourrait entraîner un abaissement des niveaux d’eau dans le Séno-Turonien où les irrigants puisent, avec des risques de dénoyage des forages, et pourrait également contaminer le réservoir du Cénomanien par les eaux du Séno-Turonien légèrement polluées.
Protections de la nappe du Cénomanien
Depuis de nombreuses années, le souci d’une gestion équilibrée du système aquifère du Cénomanien a donné lieu à la mise en place de diverses actions. La nappe du Cénomanien est inscrite dans le SDAGE Loire-Bretagne comme « nappe à réserver en priorité à l’alimentation en eau potable » (ou NAEP). Elle fait donc l’objet de mesures préventives « pour assurer la protection du patrimoine » :
• classement en Zone de Répartition des Eaux depuis 2003,
• examen des possibilités de reconversion pour les plus gros prélèvements industriels ou irrigants,
• mise en conformité des ouvrages mal conçus,
• rédaction et diffusion large des prescriptions techniques pour les nouveaux forages, cela concerne également les forages à usage domestique. Selon le code de l’environnement, « les installations, ouvrages ou travaux permettant les prélèvements (d’eau) sont soumis à autorisation ou déclaration ». La différence entre autorisation et déclaration est fonction du débit (déclaration à partir de 8 m3 /h, autorisation dès 80 m3 /h). Les seuils sont abaissés pour les forages situés en ZRE. Ces constatations posent le problème de la gestion concertée de la nappe, et préalablement la question de la connaissance du comportement de la nappe actuel et futur en fonction des sollicitations (prélèvements) dont elle peut faire l’objet. Dans cette optique, M. le Préfet de la région Centre a mis en place, en 2000, un « comité de gestion de la nappe du Cénomanien », présidé par M. PELICOT, vice-président du Conseil général d’Indre-et-Loire. Ce comité a décidé d’engager un programme d’études de la nappe qui débouchera sur la réalisation d’un modèle mathématique de gestion de la ressource. SOGREAH a été mandaté par l’Agence de l’Eau en janvier 2003 afin de réaliser le programme d’étude et de modélisation pour la gestion de la nappe du Cénomanien (SOGREAH, 2007). Le modèle numérique, après calage, permet de reproduire le comportement du système aquifère cénomanien à l’échelle régionale. Il peut donc être utilisé pour évaluer l’impact sur la nappe de différents scénarios d’exploitation. En juillet 2007, une première série de scénarios de simulation ainsi que des scénarios complémentaires qui permettront d’établir les règles de gestion techniques pour la gestion durable de l’aquifère ont été présentés. Les conclusions sont les suivantes :
• le maintien des prélèvements à un niveau constant par rapport à 2004 sur tout le secteur d’étude, implique une stabilisation des niveaux piézométriques au terme de 6 ans, avec une baisse d’environ 3 m à Tours par rapport à 2004,
• une diminution localisée des prélèvements de 5 % dans la zone centrale permet de limiter le dénoiement des marnes à long terme (20 ans), avec stabilisation des niveaux piézométriques au niveau de 2004. Ces conclusions, aussi encourageantes soient-elles, ne doivent pas stopper les mesures prises pour la protection de la nappe, et les efforts de contrôle et de limitation des prélèvements doivent être accentués.
Nitrates : respect de la Directive Cadre Européenne
Les nitrates
Le nitrate est un anion (molécule chargée négativement) formé d’un atome d’azote et de trois atomes d’oxygène. Il s’agit de la forme (spéciation) la plus stable de l’azote. En l’absence de toute fertilisation azotée, on trouve toujours des nitrates dans les sols. Ceux-ci proviennent de la fixation de l’azote atmosphérique par certaines espèces végétales, les légumineuses, qui sont capables, grâce à des bactéries qui vivent en symbiose avec elles, de capter l’azote et de le transformer en matière organique azotée dans leurs racines. Quand la plante a fini son cycle saisonnier, cette matière organique azotée est peu à peu transformée décomposée par les bactéries nitrifiantes du sol, et transformée en nitrates. Ces nitrates sont à leur tour utilisés par les autres espèces végétales pour leur propre croissance, car on rappelle que pour se développer, les végétaux ont besoin de trouver dans le sol trois éléments majeurs : l’azote (sous forme de nitrates), le phosphore (sous forme de phosphates) et le potassium, qui sont d’ailleurs les principaux fertilisants apportés par l’agriculture industrielle. On estime qu’un sol contient en moyenne 1000 kg d’azote par hectare, sous forme de matière organique plus ou moins fraîche ou en cours de décomposition (OPECST, 2003). Chaque année, seule une fraction de cet azote est tranformée en nitrates (minéralisation), mais en régime normal, cette fraction minéralisée est remplacée par de la matière organique fraîche, si bien que le stock d’azote est constant. Si la majorité de ces nitrates « naturels » est consommée par la végétation en place, une légère fraction est cependant toujours lixiviée par l’infiltration de l’eau de pluie (surtout en hiver), et se retrouve dans les nappes en profondeur.
Pour l’agriculteur, il est nécessaire que les nitrates soient présents au niveau des racines des cultures au moment de leur croissance, quand elles en ont besoin. Si une pluie survient après l’apport de fertilisant, les nitrates pourront s’infiltrer vers la nappe, et l’agriculteur devra refaire un apport. Le changement d’occupation des sols (labourage d’une prairie, défrichage de forêt, assèchement d’un marécage …) peut être une source d’origine anthropique des nitrates, mais la source majeure est l’apport d’engrais azoté. Cet apport peut se faire soit directement sous forme de nitrates, soit sour forme d’ammoniac, ou d’urée, lesquels se tranformeront dans le sol en nitrates. Une fraction de ces apports est lixiviée par l’eau de pluie et peut rejoindre soit directement les cours d’eau par ruissellement, soit s’infiltrer vers les nappes.
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Table des matières
Introduction
Première Partie – Problématique et Contexte
I.Problématique
1.La nappe du Cénomanien en Indre-et-Loire
2.Nitrates : respect de la Directive Cadre Européenne
3.Vulnérabilité des aquifères
II.Contexte
1.Présentation de la commune de Seuilly
2.Description du site du captage de la source de Morin
3.Contexte géologique et hydrogéologique de la source de Morin
4.La pollution par les nitrates à Seuilly
III.Objectifs du stage
1.Cadre du stage
2.Les étapes de l’étude
3.Elargissement des objectifs
Deuxième Partie – Acquisition des Données
I.Méthodologie
1.Étude préliminaire
2.Délimitation de la zone d’étude
3.Prospections dans la zone d’étude
II.La campagne de mesures
1.Déroulement de la campagne
2.Première campagne de mesures
3.Seconde campagne de mesures
III.Réflexions sur les solutions à court terme
1.Les solutions envisagées
2.Sécurisation de l’approvisionnement en eau potable
3.Les possibilités d’interconnexion
Troisième Partie – Résultats et Discussion
I.Les données recueillies
1.Piézométrie
2.Les teneurs en nitrates
3.Bilan
II.Diagnostic de la pollution
1.Sensibilité des sols à l’infiltration hydrique verticale
2.Sensibilité des sols au ruissellement
3.Assainissement
4.Diagnostic de la pollution sur le bassin
III.Mesures à prendre sur le bassin
1.Les problèmes liés à l’assainissement
2.Mesures agronomiques
3.Suivi des actions mises en oeuvre
Conclusion
Bibliographie
Annexes
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