SECTORISATION FINALE D’UN RDEP
INTRODUCTION À LA SECTORISATION D’UN RÉSEAU DE DISTRIBUTION D’EAU POTABLE
Les réseaux de distribution d’eau potable (RDEP) sont conçus pour distribuer une eau de qualité à des pressions adéquates aux usagers et assurer la protection contre les incendies. L’analyse de ces infrastructures n’est pas simple à réaliser compte tenu de l’interaction de leurs composantes physiques (Annexe I). La modification de la topologie du réseau par son expansion continuelle complexifie l’estimation des volumes d’eau produits et consommés, de même que la localisation et la quantification des bris de conduites sur l’ensemble du territoire concerné. Ce chapitre introduit les caractéristiques liées aux RDEP au Québec et présente des exemples d’application d’une méthode de gestion des réseaux.
L’état des infrastructures des réseaux de distribution d’eau potable dans les municipalités canadiennes et québécoises
Avec ses 4 500 rivières et son demi-million de lacs, la province de Québec possède 3 % de l’eau douce renouvelable de la planète (MDDEP, 2002). Ayant un accès privilégié à cette ressource, la majorité des résidents québécois (90 %) sont alimentés par un RDEP tandis qu’une minorité (10 %) possède des puits privés (Environnement Canada, 2011). Toutefois, plusieurs exemples de cas survenus en 2010 témoignent de problèmes liés à la disponibilité de cette ressource, notamment: (1) un réaménagement de la rivière des Mille-Îles qui a dû être effectué en raison d’un niveau d’eau trop bas au cours de l’été, (2) le prélèvement d’eau dans la rivière Yamaska qui a atteint 1,6 fois son débit en période d’étiage, (3) de nombreux problèmes concernant les prises d’eau dans le fleuve Saint-Laurent et (4) des niveaux critiques atteints par certaines nappes d’eau souterraine (MAMOT, 2013b). Selon une enquête auprès de 738 municipalités du Canada représentant 21,1 millions de personnes, 86 municipalités ont mentionné avoir connu des problèmes d’approvisionnement en eau entre les années 2007 et 2009 (Environnement Canada, 2011). Dans ce contexte, l’évaluation et l’entretien des équipements de distribution d’eau potable défaillants sont les première actions à implanter dans le but de réduire les pertes d’eau, outre la sensibilisation des usagers en ce qui a trait à leur consommation.
REVUE DE LITTÉRATURE
En premier lieu, ce chapitre permet de distinguer les types de fuites. Par la suite, les critères généraux de la sectorisation sont présentés, suivis des méthodes pertinentes de définition des frontières des secteurs. Finalement, quelques règles de base de la disposition des vannes d’isolement dans un réseau et les critères de performance des RDEP sont exposés.
Types de fuites dans un réseau de distribution d’eau potable
Les pertes d’eau dans un RDEP se calculent par un bilan hydrique entre les volumes d’eau entrant (pompé et traité) et sortant (consommé). La consommation se divise en deux principaux sous-ensembles qui rassemblent tous les volumes d’eau associés à la consommation autorisée par l’instance qui achemine l’eau aux usagers et ceux associés aux pertes, tel que présenté au Tableau 2.1.
Les volumes d’eau perdus se divisent en deux classes distinctes, soient les pertes réelles et les pertes apparentes. Les pertes réelles proviennent des débordements des réservoirs et des fuites le long des conduites d’eau potable, aux joints et aux raccords (Farley et Trow, 2003). Ce volume d’eau est perdu avant d’être utilisé par l’utilisateur. Les pertes apparentes sont les volumes d’eau associés principalement aux imprécisions des débitmètres. Toutefois, elles considèrent les volumes d’eau non comptabilisés qui sont consommés par les utilisateurs (consommations non-autorisées).
Méthodes d’isolement des conduites
Dans un RDEP, il existe quatre types de vannes, soient (1) les vannes d’isolement, (2) les vannes de contrôle, (3) les vannes anti-retour, et (4) les vannes d’évacuation d’air (Ysusi, 1999). Dans un contexte où des secteurs sont créés dans un RDEP, les vannes d’isolement sont celles qui sont utilisées. Il est nécessaire de connaître leurs emplacements optimaux et l’ensemble des vannes à fermer pour isoler une partie du RDEP (Walski, 1993). Une fois l’ensemble des conduites à fermer ciblées par les méthodologies citées ci haut (section 2.4.2), un ensemble de vannes doit être manipulé afin de créer les secteurs. Selon le nombre et l’emplacement réel des vannes sur les RDEP, il est possible qu’il n’y ait pas de vannes existantes positionnées sur toutes ces conduites. Une règle de base simple mentionne l’installation de n-1 vannes à toutes les intersections de plus de 3 conduites (n est le nombre de conduites qui se rejoignent) (Walskiet al., 2007). Par contre, ce nombre de vannes n’est pas toujours disponibles dans la réalité. Un problème d’optimisation doit alors être résolu pour connaître la disposition des vannes, à chaque intersection, possédant la meilleure fiabilité.
Critères d’évaluation de la performance d’un réseau de distribution d’eau potable
Plusieurs critères doivent être respectés lors de la conception d’un RDEP afin que les usagers puissent avoir accès à une eau de qualité, en quantité suffisante, en tout temps. Cette section énumère des normes de base et des indices de performance considérés lors de la conception, lesquels s’avèrent également pertinents dans le contexte de la sectorisation d’un réseau.
Critères hydrauliques
Pour un réseau assurant une protection contre les incendies, la pression résiduelle minimale à maintenir est de 140 kPa sous la condition la plus défavorable entre les consommations de pointe horaire et les consommations maximales journalières additionnées au débit d’incendie afin d’assurer l’alimentation adéquate des usagers (Ministère de l’Environnement, 1984). De plus, la pression maximale dans le réseau ne doit pas excéder 760 kPa afin d’éviter une détérioration prématurée des infrastructures souterraines. La pression lors de l’opération normale du réseau ne devrait pas être inférieure à 275 kPa (Ministère de l’Environnement, 1984).
OBJECTIFS ET APERÇU DES TRAVAUX RÉALISÉS DANS LE PRÉSENT MÉMOIRE
Problématique
Il existe plusieurs exemples d’implantation de la sectorisation permanente d’un RDEP dans de nombreux pays tel que présenté à la section 1.4 du présent mémoire. Les ouvrages de référence (AWWA, 2009; Morisson et al., 2007; WRC, 1999; Wrc/WSA/WCA, 1994) proposent que l’identification des secteurs repose sur des critères empiriques tels que le nombre de connections ou d’usagers par secteur et la fermeture d’un nombre minimal de vannes. Ces principes généraux guident le concepteur vers une diversité de solutions acceptables sans les distinguer davantage l’une par rapport à l’autre. De plus, ces seuls critères ne sont pas suffisants pour assurer l’obtention d’une solution acceptable au sens des conditions hydrauliques et de l’alimentation des usagers.
Hypothèses et limitations générales des présents travaux
Il est important de rassembler, en premier lieu, les informations topologiques, les caractéristiques physiques des conduites et l’historique des interventions afin de créer un modèle hydraulique du RDEP. Ensuite, les pressions à tous les noeuds ainsi que les débits circulant dans toutes les conduites sont simulés à l’aide de l’outil de modélisation aquaGEO (Aqua Data, 2014), développé par l’entreprise Aqua Data Inc. (partenaire des présents travaux). Les modèles développés, pour les réseaux d’étude, ont été validés par Aqua Data (informations concernant les RDEP et prises de mesure ponctuelles sur les pressions et débits) et il est supposé que ces modèles demeurent valides et représentatifs des conditions existantes de ces RDEP.
Hypothèses sous-jacentes à l’application de la méthode développée par DiNardo et DiNatale (2011)
Cette méthode repose sur la simulation des conditions hydrauliques en régime permanent, associées à la consommation horaire maximale. Selon les auteurs de la méthode, la consommation horaire maximale représente les pires conditions en termes de sollicitation du réseau qui peuvent être rencontrées dans les réseaux qu’ils ont étudiés (DiNardo et DiNatale, 2011). Ce choix méthodologique est motivé par l’importante variation de la performance hydraulique créée par la modification de la configuration d’un réseau, suite à la sectorisation. Une fois la sectorisation initiale complétée, il est supposé que les conditions hydrauliques (pressions et vitesses) rencontrées suivant les différents scénarios de consommation au cours d’une journée permettent d’alimenter les usagers adéquatement (revoir au besoins la section 2.5.1 pour un rappel des valeurs de conception minimales et maximales des pressions et des vitesses dans un RDEP).
Adaptation de la méthode développée par DiNardo et DiNatale (2011)
À la lumière des précédents constats concernant la méthode de sectorisation développée par DiNardo et DiNatale (2011), cette section présente les améliorations apportées à cette méthode. Cette nouvelle méthode de sectorisation (ci-après appelée méthode adaptée) considère les particularités des RDEP québécois en plus d’établir des règles décisionnelles supplémentaires dans la définition des secteurs initiaux (Figure 4.1).
SECTORISATION FINALE D’UN RDEP
La sectorisation initiale identifie les conduites qui doivent être fermées pour former les secteurs, toutefois ces conduites ne sont pas toutes munies de vannes d’isolement. La sectorisation finale s’intéresse donc à identifier l’ensemble des vannes d’isolement à fermer pour la création des secteurs finaux. L’identification de cet ensemble de vannes est posée sous la forme d’un problème d’optimisation, lequel est résolu par l’utilisation de l’AG qui sera plus précisément décrit.
CONCLUSION
La stratégie québécoise d’économie de l’eau potable a été élaborée dans le but de réduire, d’une part, la consommation des québécois et, d’autre part, le volume associé aux pertes. Les municipalités québécoises doivent donc développer un plan d’action qui regroupe des techniques de détection, localisation et réparation des fuites. La sectorisation des RDEP est l’un des moyens à la portée des municipalités. Elle permet : (1) de comptabiliser le volume des pertes d’eau dans chaque secteur, (2) de répertorier les nouvelles fuites et bris de conduites dans un secteur et (3) de gérer la pression par secteur afin d’opérer l’ensemble du réseau à un niveau de pression optimal.
Dans la littérature, il existe quelques méthodes de sectorisation informatisée. Toutefois, celles-ci sont majoritairement appliquées aux réseaux européens qui sont différents des RDEP québécois de par leur topologie (les RDEP européens sont plus ramifiés), leur fonction (les RDEP québécois assurent la protection contre les incendies) et leur conception (les RDEP européens sont conçus en tenant compte de la formation des secteurs dès la phase de conception). Les objectifs de la méthode de sectorisation développée dans ce mémoire sont : (1) d’adapter la méthodologie de sectorisation permanente initiale développée par DiNardo et DiNatale (2011) aux RDEP québécois, et (2) d’établir les frontières des secteurs finaux en considérant les vannes disponibles et opérables selon la déformation minimale des secteurs initiaux.
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Table des matières
CHAPITRE 1 INTRODUCTION À LA SECTORISATION D’UN RÉSEAU DE DISTRIBUTION D’EAU POTABLE
1.1 L’état des infrastructures des réseaux de distribution d’eau potable dans les municipalités canadiennes et québécoises
1.2 Les habitudes de consommation d’eau potable
1.3 Présentation et objectifs de la stratégie québécoise d’économie de l’eau potable
1.4 Exemples d’application de la sectorisation d’un réseau de distribution d’eau potable et pertinence des présents travaux
CHAPITRE 2 REVUE DE LITTÉRATURE
2.1 Types de fuites dans un réseau de distribution d’eau potable
2.2 Méthodes de réduction des pertes réelles
2.3 Considérations générales sur la sectorisation d’un réseau de distribution d’eau potable
2.4 Revue des approches de sectorisation développées et critères pris en compte
2.4.1 Critères de conception traditionnels empiriques
2.4.2 Approches informatisées existantes pour la délimitation des secteurs
2.4.3 Méthodes d’isolement des conduites
2.5 Critères d’évaluation de la performance d’un réseau de distribution d’eau potable
2.5.1 Critères hydrauliques
2.5.2 Critères associés à la vulnérabilité d’un réseau
2.5.3 Critères de performance topologiques
CHAPITRE 3 OBJECTIFS ET APERÇU DES TRAVAUX RÉALISÉS DANS LE PRÉSENT MÉMOIRE
3.1 Problématique
3.2 Objectifs des travaux
3.2.1 Aperçu général des travaux réalisés
3.2.2 Hypothèses et limitations générales des présents travaux
3.2.3 Présentation des réseaux à l’étude
CHAPITRE 4 SECTORISATION INITIALE D’UN RDEP
4.1 Présentation de la méthode développée par DiNardo et DiNatale (2011)
4.1.1 Description de la méthode développée par DiNardo et DiNatale (2011)
4.1.2 Hypothèses sous-jacentes à l’application de la méthode développée par DiNardo et DiNatale (2011)
4.1.3 Application de la méthode au réseau Anytown, USA
4.1.4 Application de la méthode aux deux réseaux d’étude québécois
4.2 Adaptation de la méthode développée par DiNardo et DiNatale (2011)
4.2.1 Poids de la matrice d’adjacence du réseau principal
4.2.2 Répartition des consommations par secteur
4.2.3 Les zones d’influence des sources
4.2.4 Calcul des fréquences
4.2.5 Indices de performance des RDEP
4.2.6 La protection contre les incendies
4.3 Validation de la méthode
4.4 Application de la méthode adaptée aux réseaux d’étude
4.4.1 Réseau de Ville-Mont-Royal
4.4.2 Réseau d’Aylmer
CHAPITRE 5 SECTORISATION FINALE D’UN RDEP
5.1 Description du problème de la sectorisation finale
5.1.1 Présentation du problème d’optimisation pour l’identification des vannes aux frontières des secteurs
5.1.2 Connectivité des noeuds d’un secteur à une source
5.1.3 Déformation des secteurs initiaux – g(x)
5.1.4 Nombre de vannes d’isolement fermées – h(x)
5.1.5 L’absence de vannes d’isolement – j(x)
5.1.6 Détermination des poids des critères de la fonction objectif
5.2 Description de l’algorithme génétique
5.1 Solutions obtenues au terme de l’optimisation
5.2 Détermination des secteurs finaux pour les RDEP à l’étude
CHAPITRE 6 ANALYSE DES RÉSULTATS ET DISCUSSION
6.1 Résultats obtenus à partir des méthodes de sectorisation initiale
6.1.1 Analyse des pressions
6.1.2 Cas particulier du réseau d’Aylmer
6.1.3 Analyse des vitesses
6.1.4 Analyse des indices de performance en fonction des modifications apportées à la méthode de sectorisation initiale développée par DiNardo et DiNatale (2011)
6.1.5 Analyse de la performance de la protection contre les incendies
6.1.6 Comparaison des sectorisations initiales avec la sectorisation manuelle pour le réseau de Ville-Mont-Royal
6.2 Comparaison des RDEP sectorisés selon la méthode de sectorisation finale
6.2.1 Point de vue hydraulique
6.2.2 Point de vue de la performance des RDEP
6.2.3 Point de vue de l’optimisation
CONCLUSION
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