Secret médical et obligations du médecin

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Secret médical et obligations du médecin

Code Pénal

En France, la loi impose à tout citoyen de signaler une situation d’enfance en danger ou en risque de danger. Si cela n’est pas fait, il s’agit de non-assistance à personne en danger (article 223-6 du Code Pénal), passible de 5 ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende.
Tout professionnel de santé est par ailleurs soumis au secret médical :
« La révélation d’une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d’une fonction ou d’une mission temporaire, est punie d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. » (Article 226-13).
La loi du 5 novembre 2015 vient modifier le code Pénal avec l’article 226-14 autorisant la révélation du secret dans certaines situations :
« L’article 226-13 n’est pas applicable dans les cas où la loi impose ou autorise la révélation du secret. En outre, il n’est pas applicable :
– A celui qui informe les autorités judiciaires, médicales ou administratives de privations ou de sévices, (…) dont il a eu connaissance et qui ont été infligées à un mineur ;
– Au médecin ou à tout autre professionnel de santé qui, avec l’accord de la victime, porte à la connaissance du procureur de la République ou de la cellule de recueil, de traitement et d’évaluation des informations préoccupantes relatives aux mineurs en danger ou qui risquent de l’être, (…), les sévices ou privations qu’il a constatés, sur le plan physique ou psychique, dans l’exercice de sa profession et qui lui permettent de présumer que des violences physiques, sexuelles ou psychiques de toute nature ont été commises. Lorsque la victime est un mineur (…) son accord n’est pas nécessaire. »
Cette loi accorde également une quasi-immunité au signalant : c’est le principe d’irresponsabilité civile, pénale et disciplinaire :
« Le signalement aux autorités compétentes effectué dans les conditions prévues au présent article ne peut engager la responsabilité civile, pénale ou disciplinaire de son auteur, sauf s’il est établi qu’il n’a pas agi de bonne foi. »
Le médecin n’est pas responsable de mener l’enquête, il porte simplement à la connaissance de la CRIP ses appréhensions et préoccupations, et ne peut être poursuivi pour diffamation.

Code de déontologie

L’article 44 du code de déontologie incite les médecins à alerter les autorités pour protéger l’enfant (21) : « Lorsqu’un médecin discerne qu’une personne auprès de laquelle il est appelé est victime de sévices ou de privations, il doit mettre en oeuvre les moyens les plus adéquats pour la protéger en faisant preuve de prudence et de circonspection. S’il s’agit d’un mineur de quinze ans ou d’une personne qui n’est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son état physique ou psychique il doit, sauf circonstances particulières qu’il apprécie en conscience, alerter les autorités judiciaires, médicales ou administratives. »
Toutefois, le Conseil National de l’Ordre des médecins précise que le médecin doit agir avec « prudence et circonspection » et alerter en tenant compte de plusieurs facteurs (22):
– Un signalement aux autorités sur de simples présomptions peut déstabiliser une famille ;
– L’hospitalisation de l’enfant ou de l’adulte peut être une mesure de sauvegarde et de mise à l’abri du risque ;
– Une surveillance étroite et un accompagnement du milieu familial en équipe pluridisciplinaire (enseignants, éducateurs, travailleurs sociaux) peuvent être suffisants ; la cellule départementale de recueil, de traitement et d’évaluation peut-être utilement saisie.
Dans tous les cas, il rappelle que le médecin a l’impérieux devoir de prévenir.

Code de l’Action Sociale et des Familles (CASF)

Il introduit la notion de partage des informations à caractère secret entre professionnels apportant leur concours à la protection de l’enfance (article 226-2-2) :
« Les personnes soumises au secret professionnel qui mettent en oeuvre la politique de protection de l’enfance ou qui lui apportent leur concours sont autorisées à partager entre elles des informations à caractère secret afin d’évaluer une situation individuelle, de déterminer et de mettre en oeuvre les actions de protection et d’aide dont les mineurs et leur famille peuvent bénéficier. Le partage des informations relatives à une situation individuelle est strictement limité à ce qui est nécessaire à l’accomplissement de la mission de protection de l’enfance. Le père, la mère, toute autre personne exerçant l’autorité parentale, le tuteur, l’enfant en fonction de son âge et de sa maturité sont préalablement informés, selon des modalités adaptées, sauf si cette information est contraire à l’intérêt de l’enfant. »
Par ailleurs, l’article 226-5 rappelle les obligations d’information du Président du Conseil Départemental :
« Le président du conseil départemental informe les personnes qui lui ont communiqué des informations (…) des suites qui leur ont été données. En cas de saisine de l’autorité judiciaire, il en informe par écrit les parents de l’enfant ou son représentant légal. »
Ainsi, après avoir transmis une IP, le médecin transmetteur recevra un accusé de réception de la CRIP précisant à qui a été diligentée l’enquête.

Circuit de l’IP et modalités

Voies de recours

L’Observatoire National de l’Enfance en Danger (ONED) a émis en 2011 une analyse complète des IP et des CRIP, montrant notamment que les principaux pourvoyeurs d’IP étaient l’Education Nationale et le Parquet (23).
Des protocoles établis dans certains départements entre l’Education Nationale, le Conseil Départemental et l’Ordre des médecins peuvent expliquer ces résultats.
« Des protocoles sont établis entre le président du conseil départemental, le représentant de l’Etat dans le département, les partenaires institutionnels concernés et l’autorité judiciaire en vue de centraliser le recueil des informations préoccupantes au sein d’une cellule de recueil, de traitement et d’évaluation de ces informations. Après évaluation, les informations individuelles font, si nécessaire, l’objet d’un signalement à l’autorité judiciaire. Les services publics, ainsi que les établissements publics et privés susceptibles de connaître des situations de mineurs en danger ou qui risquent de l’être, participent au dispositif départemental. Le président du conseil départemental peut requérir la collaboration d’associations concourant à la protection de l’enfance » (Article 226-3 CASF). A titre d’exemple, le protocole pour la Seine-Maritime est disponible en Annexe 4.
Les alertes transmises par le secteur médical représentent une très faible part (environ 5% d’après le Conseil National de l’Ordre des médecins), et émanent des médecins libéraux et hospitaliers confondus (24).
Le secteur médical arrive systématiquement derrière les autres acteurs, que ce soit pour une IP ou un signalement (25).
En ce qui concerne la Seine Maritime, la CRIP 76 a centralisé en 2018 environ 3400 IP :
– 32% des IP concernaient des enfants de 0 à 5 ans,
– 33,3% des enfants de 6 à 11 ans,
– 34,8% des enfants de 12 à 17 ans.
Les trois principaux transmetteurs étaient dans l’ordre : les services médico-sociaux du Département (32,68 %), l’Éducation nationale (21,14 %) et les Parquets (10,58%), comme le montre la Figure 1. Seules 0.5% des IP de Seine Maritime émanaient des professions libérales. Figure 1 : Transmetteurs d’IP en 2016, 2017 et 2018 en Seine Maritime. Issue du rapport 2018 de l’Observatoire Départemental de la Protection de l’Enfance Seine Maritime (6). MECS : Maison d’Enfants à Caractère Social ; CCAS : Centre Communal d’Action Social ; CMP : Centre médico-professionnel ; CMPP : Centre médico-psycho-pédagogique ; MDA : Maison des Adolescents ; SNATED : Service National d’Accueil Téléphonique pour l’Enfance en Danger
Le Service National d’Accueil Téléphonique de l’Enfance en Danger (SNATED) ou 119 est un numéro joignable 24h/24h et 7j/7. Il permet de recevoir des appels de toute personne confrontée à une situation d’enfance en danger ou en risque de l’être. Le professionnel de l’enfance répondant à l’appel donnera des conseils, évaluera la situation et transmettra si nécessaire les informations reçues à la CRIP (26).
En 2019, environ 34 000 appels ont été présentés au SNATED. Cela correspond à 93 par jour, dont 36% émanent de la famille proche. 6012 appelants sont des mineurs dont 4 733 directement concernés. Ces appels aboutissent à 47 IP par jour (soit un appel sur deux) et 46 aides immédiates par jour (soutien, conseils). 95.3% des auteurs présumés de danger seraient la famille proche de l’enfant (27).

Modalités

Depuis 2007, la CRIP est le destinataire de toutes les IP, quel que soit le circuit utilisé.
La CRIP est joignable par téléphone aux heures ouvrables. Le professionnel peut prendre contact pour discuter d’une situation, et recevoir des conseils sur les démarches à effectuer.
L’IP doit être ensuite rédigée et transmise par écrit, courrier ou mail. Elle ne doit être adressée qu’à la CRIP et non aux parents ou à des tiers. En revanche, les parents doivent en être informés, sauf intérêt contraire de l’enfant. Il est souhaitable de présenter aux parents cette mesure comme une aide pour résoudre les difficultés rencontrées et identifiées.
Le médecin veillera à transmettre des informations complètes et à rapporter les faits en décrivant la situation de façon objective.
Il n’existe pas de formulaire type fixé par la loi. Le courrier doit regrouper des éléments informatifs sur l’enfant et sa famille (identité, adresse …), les éléments et motifs d’inquiétude, et des éléments sur l’informateur.
La CRIP analysera ensuite l’IP dans un délai maximal de 3 mois. En contexte d’urgence, elle réalisera un signalement au Procureur de la République. Sinon, elle pourra mandater les travailleurs médicaux-sociaux (ASE, PMI…) pour évaluer les conditions de vie de l’enfant.
Un modèle de signalement est donné sur le site du Conseil National de l’Ordre, visible en Annexe.
Le parcours de l’IP et son traitement sont résumés dans la Figure 2.
Figure 2 : Organisation du recueil, du traitement et de l’évaluation des informations préoccupantes. Issue de l’Observatoire National de la Protection de l’Enfance.

MATERIELS ET METHODES

Une étude qualitative avec entretiens semi-dirigés a été réalisée.
Cette méthode, issue des Sciences Humaines et Sociales, a pour objet spécifique d’étudier les représentations et les comportements. Elle permet également d’explorer l’expérience vécue par les acteurs du système de soins. Il s’agit ainsi de saisir le sens que les individus attribuent à leurs actions (28).
C’est la singularité des sujets qui est mise en avant, et on ne recherchera pas à mesurer, prouver ou démontrer une réalité (29).
Cette méthode nous a paru être la plus appropriée pour recueillir le ressenti et le vécu des médecins généralistes face à une situation de protection de l’enfance.
L’échantillonnage a été réalisé de manière raisonnée (ou échantillonnage ciblé). La population cible était les médecins généralistes ayant transmis une IP à la CRIP de Seine Maritime entre 2018 et 2019.
Pour ce faire, l’investigateur s’est rendu à la CRIP en mai 2019 afin de s’entretenir avec le médecin coordonnateur et le directeur de la Protection de l’enfance. Par la suite, l’ensemble des médecins concernés ont reçu un mail du directeur de la Protection de l’Enfance les informant de notre travail et de notre volonté de prendre contact avec eux. Ils pouvaient refuser d’être contactés.
La liste des médecins généralistes ayant transmis une IP entre janvier 2018 et mai 2019 nous a alors été remise. Les médecins remplaçants et les médecins de PMI, qui ne rentrent pas dans la définition du « médecin de famille », n’ont pas été inclus. Cette définition, rappelée sur le site du Conseil de l’Ordre, est décrite par la Société Européenne de médecine générale – médecine de famille comme une médecine globale non sélective intégrant des dimensions multiples et mettant à profit la connaissance et la confiance engendrées par des contacts répétés (30).

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Table des matières

INTRODUCTION
I. Contexte légal en France
1) Rappels historiques :
2) Loi de 2007
3) Loi de mars 2016
II. Secret médical et obligations du médecin
1) Code Pénal
2) Code de déontologie
3) Code de l’Action Sociale et des Familles (CASF)
III. Circuit de l’IP et modalités
1) Voies de recours
2) Modalités
MATERIELS ET METHODES
RESULTATS
I. Analyse descriptive de l’échantillon
II. Analyse des entretiens
1) Facteurs favorisants la transmission d’une IP
2) Un acte difficile pour le médecin généraliste
3) Conséquences d’une IP pour le médecin généraliste
4) Perspectives d’amélioration
DISCUSSION
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
Annexe 1 : Modèle de signalement donné par le Conseil de l’Ordre
Annexe 2 : Courrier d’information aux médecins participants
Annexe 3 : Guide d’entretien
Annexe 4 : Protocole départemental de l’alerte et du signalement en protection de l’enfance en Seine Maritime

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