Évolutions des Démocrates de Suède de 1988 à aujourd’hui
La définition communément admise et déconstruite du terme « politique » est la charge des affaires publiques. Le dictionnaire de l’université d’Oxford indique que la politique est, « comme concept général, la pratique de l’art ou de la science de diriger et administrer directement un État ou un autre type d’entité politique » . Ici, nous étendons la notion de « politique » à tout ce qui conduit à cette charge d’exercice du pouvoir, à la mise en place d’un mouvement général visant à établir ses thèmes et ses concepts dans le débat publics, à exercer une certaine influence dans l’opinion afin de s’établir électoralement. Nous suivons l’histoire des Démocrates de Suède, caractérisée par une tendance générale de normalisation et d’établissement politique souhaités dès ses origines par ses fondateurs, en observant dans un premier temps les racines du parti. Par la suite, nous nous intéressons à l’implantation du parti dans la sphère publique et la façon dont cet ancrage remodèle en différents pans le champ sociopolitique suédois à différents niveaux, concernant l’électorat et concernant le repositionnement politique des autres partis.
Aux origines des Démocrates de Suède : l’intention de s’établir politiquement
La fondation d’un parti d’extrême-droite
Les Démocrates de Suède sont fondés le 6 février 1988. Ils le sont sur les restes d’organisations ayant existé dans les années 1980 et dans la lignée de la création d’un autre parti fondé deux ans plus tôt, aux mêmes visées politiques, qui ne connaîtra toutefois pas les mêmes réussites : « Sverigepartiet » (« le Parti de la Suède »), lui-même une émanation de « Bevara Sverige Svenskt » (« Préserver la Suède suédoise ») et de la section de Stockholm de « Framstegspartiet » (« le Parti du Progrès »). Cette multitude de mouvements politiques qui se créent, s’allient ou font scission témoigne des dissensions qui existent alors au sein de l’extrêmedroite, et d’une certaine redondance dans le lancement d’entreprises politiques qui n’ont jamais, jusqu’aux Démocrates de Suède, su faire connaître à un parti une ascension et une stabilisation politiques.
L’enjeu de rendre le parti respectable et de s’étendre politiquement
Le parti des Démocrates de Suède débute résolument à l’extrême-droite. Pourtant, et c’est là le paradoxe de nombreux partis populistes en Europe ayant des racines extrémistes, ses dirigeants souhaitent s’en défaire, ici dès sa création, bien qu’ils s’inscrivent eux-mêmes dans son histoire.
S’inscrivant dans la longue lignée des structures politiques d’extrême-droite se succédant en raison de dissensions, de divergences politiques ou stratégiques, les Démocrates de Suède ne constituent pas une rupture à leur création, ne visant pas à changer intégralement le discours hérité de mouvements tel que BSS, ni de modes d’action. Voici ce qu’écrivent Lodenius et Larsson au début des années 1990.
Il y a quelque chose de l’ordre de l’immanence, tenant presque du paradoxe, dans le souhait des Démocrates de Suède d’être un parti « normal » depuis leur fondation. Cela implique de ne pas créer de polémique bien que le parti s’inscrive dans la lignée de l’extrême-droite, de s’établir dans le système institutionnel suédois et européen, c’est-à-dire participer aux élections mais aussi, depuis que des élus sont issus de leurs rangs, de travailler sérieusement et pouvoir apparaître comme une alternative politique crédible et viable pour la Suède, prête à gouverner en coalition et à collaborer avec d’autres partis présents au Parlement. Les fondateurs du parti apprennent de leurs erreurs passées, car ceux-ci ont officié dans d’anciens mouvements d’extrême-droite, la première direction des Démocrates de Suède étant composée de nombreux individus ayant un passé dans plusieurs organisations, à l’image de Tord Hagström, Sven Davidsson, Jerker Magnusson et Leif Zeilon (qui change de nom et devient Leif Ericsson par la suite) et Lars Ljungh qui avaient été membres de BSS , déclare au journaliste Mikael Ekman Jonny Berg, qui fût l’un des artisans de la création des Démocrates de Suède, siégeant à la direction du parti à ses débuts et en étant également le porte-parole. Le premier président du parti est Anders Klarström (1989-1995), qui avec d’autres membres du « Nordiska Rikspartiet » dont il était proche dans les années 1980 appelle et insulte l’écrivain et journaliste Hagge Geigert, en raison de ses opinions favorables à l’État d’Israël, le menaçant de « ne pas avoir tant de jours en plus à vivre » et de « brûler » ce « putain de porc juif », et participe à une autre occasion au saccage de locaux syndicalistes et d’une librairie-café à Göteborg . Des pratiques d’une violence inhérente à l’extrême-droite, dont Klarström s’éloigne néanmoins, et bien que des actes violents soient commis lors de son exercice comme présidentdes Démocrates de Suède, aucun n’atteindra un tel degré dans l’invective et la menace personnelle. On observe une mue politique sur plusieurs années au sujet de laquelle Christophe Bourseiller dit ceci : « Ce qui je crois est très intéressant, c’est lorsque des militants de l’extrême-droite radicale font le deuil de leurs illusions et deviennent finalement pragmatiques, se disent que plutôt que d’instaurer l’ordre nouveau donc ils rêvent, ils peuvent pas à pas changer la société présente. » Un propos approprié à l’exemple d’Anders Klarström, qui toutefois ne suffit pas à lui seul à faire évoluer les Démocrates de Suède.
Évolutions des Démocrates de Suède et transformations du champ socio-politique
Nous l’avons vu, les Démocrates de Suède sont le résultat de l’ambition politique de normaliser et de professionnaliser une forme d’extrême-droite. Aujourd’hui, si le parti porte encore dans son programme l’héritage de valeurs portées dès les débuts, xénophobes et nationalistes, il n’est pas aisé de le qualifier publiquement comme tel, les termes « nationaliste », « populiste » et « eurosceptique » étant fréquemment employés pour le décrire et pour décrire son leader Jimmie Åkesson. Un travail de fond a été effectué, visant à une large restructuration interne et à faire prendre des réorientations idéologiques et pratiques au parti et à ses membres. Avant de s’interroger sur la définition actuelle du parti, observons ce travail et la personne de Jimmie Åkesson, qui en est le principal artisan.
Évolutions dans l’idéologie et dans la méthode
Si l’on octroie à Jimmie Åkesson la majeure partie de la réussite électorale des Démocrates de Suède, alors que le parti talonne aujourd’hui les sociaux-démocrates en tête des sondages, le premier élan de volontarisme politique allant dans le sens d’une normalisation – dans les faits, et non plus seulement dans les intentions – remonte à 1995 lorsque Mikael Jansson en prend la tête. Dominique Reynié écrit que « […] les Démocrates de Suède sont issus de l’extrême-droite raciste et antisémite. Cette formation marginale a été réorientée à partir de 1995 par l’ex-centriste MikaelJansson […] » « formation marginale » pour décrire ces derniers, en 1995, dans la mesure où leurs scores et leur structure sont faibles. Jansson, en fonction de 1995 à 2004, redéfinit notamment les symboles dont l’emploi par les membres est autorisé, explique le journaliste spécialiste de l’extrême-droite en Suède David Baas qui cite le bulletin d’information des Démocrates de Suède de mai 1995, date à laquelle Jansson est tout juste élu président donc, affirmant dès son arrivée son souhait de réformer et de modifier les habitudes et modes d’expression. Un bulletin qui indiquait quels « symboles politiques et apolitiques » étaient acceptés, lesquels étaient le drapeau suédois et les « runes et symboles des anciens Scandinaves » indépendamment de leur signification ou de leur emploi par un autre mouvement. Dans le bulletin de mars 1996 étaient pointées les personnes qui s’habillaient avec des uniformes nazis par exemple, exhortées à « s’habiller comme les gens normaux » et à « rester chez eux » s’ils ne souhaitaient pas suivre ces règles. Mikael Ekman explique en outre que les manifestations des Démocrates de Suède doivent être strictement réglementées par Jansson, qui se voit dans l’obligation d’instaurer une interdiction de fumer et de boire . La question de la pratique militante a également évolué et été l’objet de nombreux conflits internes au parti. Les manifestations ont peu à peu été restreintes, sous Jansson, puis mises de côté, un point de rupture important lors de la scission de 2001. Un activisme de rue absent de la stratégie actuelle des Démocrates de Suède également, en raison des débordements fréquents et parce que cela n’apparaît plus être dans la culture du parti aujourd’hui, éloigné de ce fondement d’extrême-droite qu’est l’activisme de rue, au-delà de la distribution de tracts par des militants et militantes au profil largement différent de celui de celles et ceux qui y appartenaient dans ses premières années. David Baas écrit en 2015 que le parti Démocrates de Suède est « aujourd’hui plus policé et professionnel que ses prédécesseurs au sein de BSS ou les Démocrates de Suède d’avant. Le parti a désormais des ressources dont il ne pouvait que rêver auparavant […] » . Toutefois, l’intérêt de ce mémoire porte précisément sur l’évolution des Démocrates de Suède comme structure, et jamais il n’y a eu de rupture totale après une vacance à sa tête par exemple. Les changements ont pu être
accélérés de façon brutale, via des scissions notamment, mais jamais un putsch par exemple n’a
remplacé du jour en lendemain tout le personnel dirigeant et réorienté dans de larges pans le parti. Il convient en outre de s’intéresser au nom du parti. Plusieurs formations aux racines d’extrême droite en Europe ont changé de nom. différents niveaux. Dans un article du journal Le Monde qui traitait de ce changement d’appellation, un communiqué du premier président et père de la présidente Jean-Marie Le Pen repris par l’article parlait d’un « honteux effacement de son identité ».Déjà quelques années plus tôt, Marine Le Pen avait travaillé à se défaire partiellement de cette appellation encombrante qui impliquait à la fois le nom d’un parti historiquement d’extrême-droite et le nom d’un père adepte des provocations, repoussoirs pour nombre d’électeurs. Le « Rassemblement Bleu Marine », orienté par son nom autour du nom de la présidente du Front National et en apparence faisant œuvre d’ouverture à des « déçus » de la droite traditionnelle et à des souverainistes. Toutefois, comme l’explique Jean-Yves Camus, spécialiste de l’extrême-droite, cette ouverture n’est qu’une « façade », notamment parce que les personnes intégrées gravitaient autour et au sein de mouvements radicaux et/ou identitaires, et parce qu’il y avait trop de mouvements aux conceptions différentes lorsque cela touchait à « l’identité nationale, [à] la gestion des flux migratoires et [aux] institutions » . Toutefois, la structure en elle-même visait un objectif précis : permettre à Marine Le Pen d’obtenir un potentiel électoral plus large, se détacher du nom d’un parti lourd par son histoire, se détacher de son héritage familial et à terme se renforcer dans la conquête du pouvoir. Ainsi, le nom d’un parti ou d’un mouvement est, évidemment, un point stratégique important, ce que confirme ChristopheBourseiller.
Réflexions sur les Démocrates de Suède : des réussites parfois contrastées
Le parti Démocrates de Suède a évolué en de larges mesures, dans son fonctionnement interne mais aussi dans ce qui l’entoure. La sphère politique publique a changé, l’attitude des partis à son égard évoluant également. Aujourd’hui, les Démocrates de Suède se sont professionnalisés, et si la politique suédoise est prudente, qu’officiellement aucune perspective d’alliance ne se profile publiquement, des rapprochements sont effectués par différentes formations politiques avec le parti dirigé par Jimmie Åkesson. Toutefois, des polémiques continuent d’entourer le parti fondé en 1988, ne freinant pas sa progression électorale mais témoignant de dysfonctionnements internes pouvant constituer, sinon des freins, des éléments qui constituent un manque de professionnalisme.
Quelle professionnalisation politique ?
En 2010, les Démocrates de Suède obtiennent des sièges au Riksdag pour la première fois de leur histoire, puis entrent au Parlement Européen en 2014. Si le parti a su accroître ses scores à chaque élection depuis lors, on observe des difficultés dans son apprentissage de l’exercice de fonctions politiques. En outre, des polémiques l’ont entouré, témoignant d’une certaine opacité ainsi que de particularismes politiques. En 2015, la journaliste et auteure Anna-Lena Lodenius pointait . Un message eurosceptique à l’encontre des institutions européennes, revendiquant « être » le peuple. À l’inverse des autres partis, les Démocrates de Suède ont des candidats, des élus en rupture avec ceux qui dominent la représentation politique selon eux, dans une Bruxelles européenne souvent taxée de ne pas connaître la réalité du terrain, décrite comme n’étant qu’un amas de bureaucrates. Un constat que maintient le parti, en témoigne cette phrase dans leur programme actuel : « les Démocrates de Suède ne croient pas que les responsables politiques de l’Union Européenne peuvent administrer la société suédoise mieux que les suédois ne le peuvent eux-mêmes » . Or il ne semble pas que l’administration européenne, au-delà des critiques qui peuvent être formulées à son encontre, ait jamais affirmé cela.
Anna-Lena Lodenius rappelle par ailleurs que le slogan qui titre son livre (« Nous disons ce que tu penses ») était présent sur des t-shirts produits par les Démocrates de Suède, à l’origine employé par Jörg Haider en Autriche et son Parti de la liberté d’Autriche, le FPÖ.L’auteure pointe les limites d’une telle stratégie, et le fait que la distinction entre peuple et élite technocratique perd de sa consistance à l’épreuve des faits. Kristina Winberg, l’aide-soignante mentionnée auparavant, lui expliquait notamment n’avoir pas participé aux tractations en vue de choisir un groupe au Parlement Européen, laissant à d’autres dont il est sous-entendu qu’ils étaient plus expérimentés le soin de le faire . En outre, la députée européenne alors en fonction Soraya Post, pourtant membre du mouvement Feministiskt Initiativ (« Initiative Féministe »), à l’opposé des idées des Démocrates de Suède, reconnaissait que Winberg était « active, mais contrôlée », citant par exemple le fait qu’elle lisait des textes écrits par des personnes travaillant pour elle – probablement des assistants parlementaires, bien que le texte ne le mentionne pas clairement. Une stratégie d’envoyer des « gens normaux à Bruxelles » qui a ses limites, car la prise de responsabilité politique n’est pas pleinement assumée, et la critique de la technocratie perd de sa vigueur lorsque cette députée européenne des Démocrates de Suède emploie des personnes connaissant mieux les arcanes de la politique et des institutions afin de rédiger ses discours.
Métapolitique : un travail culturel à des fins politiques
La première partie de ce mémoire rend compte des évolutions de partis, de structures militantes, traite de leurs fondements idéologiques et de leur emprise grandissante dans le champ politique. Le travail culturel doit également être analysé pour comprendre comment s’étend le spectre néo-droitier dans nos sociétés contemporaines, et en quoi il constitue un espace particulier de formation intellectuelle. La métapolitique est difficile à définir tant elle peut prendre différentes formes. Elle constitue une expérience sensible, un questionnement de l’individu, une nouvelle approche de l’ensemble sociopolitique auquel il appartient, la mise en évidence d’un monde construit sur des valeurs et habitus reproduits et assénés qu’il apparaît possible de déconstruire si on confère à cet individu une méthode et un ensemble de concepts qui le lui permettent. Il s’agit de montrer la réalité de la coercition vécue par l’individu et ce qui s’ouvre à lui par la métapolitique : une nouvelle lecture de son monde environnant et à terme la possibilité d’un nouvel établissement politique, car la métapolitique vise à accomplir toute victoire qui puisse s’inscrire sur le long terme. Occuper le pouvoir via le jeu institutionnel ne suffit pas, l’espace culturel doit être occupé sur des thèmes touchant à l’identité et à la civilisation. Le GRECE (Groupement de Recherche et d’Études pour la Civilisation Européenne), fondé en 1969, vise à travers la « Nouvelle Droite » qu’elle incarne à se concentrer sur la métapolitique. Taguieff explique ce qu’est la métapolitique et en quoi elle est à l’origine de la raison même d’exister du GRECE :
Le principe en est simple : la conquête du pouvoir politique présuppose celle du pouvoir culturel. Or, celui-ci étant monopolisé par l’intelligentsia de gauche, il faut commencer par dénoncer le ‘terrorisme intellectuel’ de la gauche. L’idée d’une stratégie ‘métapolitique’ est introduite dès la première année d’existence officielle du GRECE, dont le premier séminaire national (Lyon, 11-12 novembre 1968) portait sur la question: ‘Qu’est-ce que la métapolitique?’. À partir de 1973- 1974, A. de Benoist a donné un contenu plus précis à la stratégie ‘métapolitique’ en la présentant comme un «gramscisme de droite».
Gramsci est lu comme un ‘théoricien du pouvoir culturel’ […] et le retournement antigauche de sa stratégie ainsi théorisé : ‘Le GRECE a entrepris une action métapolitique sur la société. Une action consistant à répondre au « pouvoir culturel » sur son propre terrain: par un contre-pouvoir culturel […]’.
Metapedia à ses débuts et visées du site
Arnstad raconte l’originale histoire de la création du site, un pied de nez fait à l’État qui constituer une fierté pour l’extrême-droite suédoise. En 2004 est créée l’Alliance Nordique , liée à La Maison d’édition Nordique , fondée en 2002 par Anders Lagerström. Il sera à l’origine de la création de Metapedia, une invention suédoise donc, opérant un changement dans la forme que prend son engagement. D’un militant néo-nazi revendiqué il devient un entrepreneur à succès, récoltant de l’argent pour lui ainsi que pour sa cause. Arnstad parle d’un « succès économique » rencontré par la maison d’édition, financée grâce à des subsides de l’État car Lagerström, qui était au chômage, utilise alors ses allocations dans le lancement de son entreprise. De 2005 à 2008, via
L’Alliance Nordique, des festivals annuels sont organisés dont le premier reçoit la visite de David Duke, ancien leader du Ku Klux Klan . Arnstad explique que si l’Alliance Nordique met fin à son activité en 2010, sa principale réussite aura été Metapedia, qui se maintient comme un lieu de renseignement important dans ces milieux. Néanmoins, bien que le site soit suédois, il apparaît qu’il trouve une meilleure audience à l’étranger qui ne dépend pour autant pas du nombre d’habitants, car par exemple la Hongrie en 2014 comprenait le plus haut taux de contributions que contenait le site, 146,470 contre 55,859 pour l’Allemagne et 10,271 pour la Suède. C’est là que la théorie de Henrik Arnstad sur « l’internationalisation du fascisme générique suédois » prend son sens. Comme nous le verrons pour un autre site par la suite, du nom de Motpol, les identitaires, nationalistes, extrémistes de droite et autres membres de ces milieux puisent dans les motifs nationaux, les mythes et les histoires propres à leur culture, et observent le reste de l’Europe et du monde, développant une activité qui s’étend au-delà de leurs frontières. Des évènements internationaux sont organisés et on parle parfois de combats à mener à grande échelle, à l’image de « Identitär Idé » (« Idée Identitaire »), un séminaire annuel co-organisé par Motpol, la maison d’édition Arktos et Metapedia. Il semble que ce rendez-vous annuel ait cessé, néanmoins il constituait un lieu de contact et d’information à échelle internationale important. On y a vu intervenir Philippe Vardon, ancien président de Génération Identitaire en France, ainsi que le partisan russe de l’EurasismeAlexandre Douguine ou encore Paul Gottfried, qui travaille aujourd’hui pour l’ISSEP, l’école de Marion Maréchal située à Lyon. Arnstad pointe cependant l’impact « minuscule » en Suède de Metapedia face à d’autres sites comme Flashback ou Avpixlat, plus consultés par des individus d’extrême-droite . On peut rétorquer au journaliste que ces sites n’ont pas les mêmes objectifs de fréquentation, n’ayant pas la même utilité. Si Avpixlat(aujourd’hui Samhällsnytt) se présente comme un organe d’information, dont l’un des principaux instigateurs était Kent Ekeroth, impliqué dans le Järnrörsskandal précédemment évoqué, et Flashback comme un forum de discussion et d’information rencontrant une certaine popularité en Suède et ailleurs, pas uniquement de la part d’extrémistes , Metapedia n’est pas un site visant une forte activité quotidienne. Avpixlattraite de l’information au quotidien,se basant principalement sur des thèmes tel que l’immigration ou la criminalité, tandis queFlashback est un forum de discussion permettant de partager ses opinions à tout moment avec d’autres personnes. En outre, il faut voir une réussite de Metapedia dans cette expansion au-delà des frontières suédoises. Sur Alexa, son nombre de consultations en Suède est indisponible, de même qu’aux États-Unis, mais 45,1 % des consultations effectuées sur les 30 jours précédant le 13 février 2020 ont eu lieu en Allemagne . « Metapedia is truly international » écrit Arnstad, renforçant à l’aide des statistiques sur lesquelles il s’appuie son propos autour de l’internationalisation de ce qui pourrait être nommé un outil politique à portée internationale, en plus d’être porteur d’un savoir jugé utile aux membres de la mouvance identitaire. Un propos toujours d’actualité cinq années plustard, au vu des chiffres qui ressortent de la consultation de ces sites au 13 février 2020.
Visées de Motpol
Motpol se présente comme un espace de liberté et de pluralité d’opinions, avec toutefois des visées politiques précises et certains fondements caractéristiques de ses différents contributeurs. Il est écrit sur la page de présentation que ceux-ci « proviennent de différents contextes et écrivent avec différentes perspectives », cependant certains points de vue doivent converger. Le fait que les « principes idéologiques » actuels qui régissent l’ordre socio-politique des pays d’Europe de l’Ouest sont « insuffisants » voire « incorrects » par exemple . Cela s’inscrit dans l’idée de la décadence inhérente aux mouvements néo-droitiers. En outre, la déclaration d’intention de Motpol indique que les solutions aux problèmes rencontrés par nos sociétés contemporaines doivent être trouvées à la fois dans la tradition, européenne et nordique, mais aussi par la philosophie et le savoir contemporain. Ainsi, le conservatisme voire le traditionalisme qui caractérise Motpol ne consiste pas en un rejet de tout ce qui touche à l’époque actuelle, mais à un environnement décadent ne se situant pas au niveau de la civilisation européenne telle que les contributeurs du site la conçoivent.
Une stratégie de décrédibilisation de ce monde environnant, alors qu’eux proposeraient plus de sérieux et de rigueur, mettant également en avant un fait à leur avantage : ils veulent construire, pour et sur ce qui se fait de meilleur dans la civilisation européenne, d’un point d’ancrage nordique. Il importe de combiner un héritage traditionnel et viable, en opposition à une société qui pense mal et se construit mal, aux « ressources […] techniques et intellectuelles » novatrices qui sont l’héritage du travail d’ancêtres que l’on se doit d’honorer et d’employer. Il y a chez Motpol une certaine conception des contours de l’ordre social idéal, exploitant au mieux l’héritage et etproposant une conception performative de l’individu et de l’évolution de cet ordre social.
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Table des matières
Introduction
I. Évolutions des Démocrates de Suède de 1988 à aujourd’hui
1. Aux origines des Démocrates de Suède : l’intention de s’établir politiquement
2. Évolutions des Démocrates de Suède et transformations du champ socio-politique
3. Réflexions sur les Démocrates de Suède : des réussites majeures parfois contrastées
4. Scissions connues par les Démocrates de Suède et état actuel de l’extrême-droite en Suède
II. Métapolitique : un travail culturel à des fins politiques
1. S’approprier l’héritage culturel et le faire vivre
2. Metapedia : le renouvellement de l’activité métapolitique
3. Médias : Motpol et l’héritage de la Nouvelle Droite
Conclusion