Télécharger le fichier pdf d’un mémoire de fin d’études
OBSOLESCENCE DES TEXTES FORESTIERS
La majeur partie des textes forestiers régissant la répression des infractions à la législation forestière datent des années 1930 et 1960. De nombreux textes forestiers sur les dispositions concernant la répression des infractions font renvoi à l’article 49 du décret de 25 janvier 1930 réorganisant le régime forestier à Madagascar et Dépendances, un texte vieux de 80 ans où les peines pécuniaires stipulées dans ce texte sont périmées (500 franc à 5 000 francs et une amende d’un mois à un an ou l’une de ces deux peines) et ne tiennent plus leur rôle de dissuasion.
Les trois ordonnances de 1960 (1-ordonnance 60-126 fixant le régime de la chasse, de la pêche et de la protection de la nature ; 2-ordonnance 60-127 fixant le régime des défrichements et des feux de végétation ; 3-ordonnance 60-128 fixant la procédure applicable à la répression des infractions à la législation forestière, de la chasse, de la pêche et de la protection de la nature) vieilles de 50 ans, édictent la grande majorité des normes applicables en matière de gestion et protection des ressources naturelles à Madagascar. Ces textes étaient conformes et adaptés aux contextes de l’époque et sont restés en l’état depuis des décennies. De ce fait, les peines énoncées ne jouent plus leur rôle de dissuasion face aux infractions commises actuellement, malgré les formules appliquées.
LACUNES RELEVEES AU NIVEAU DES TEXTES FORESTIERS
Les lacunes observées dans ces textes concernent les omissions qui sont à l’origine de l’instabilité de l’ensemble des textes forestiers. Ces omissions peuvent se trouver à différents niveaux, depuis de simples oublis (ou manque de précision) à l’intérieur d’un texte donné, jusqu’à l’absence d’un texte d’application tout entier. Par exemple .
‐ Concernant la fabrication de charbons de bois qui est source de délit forestier, le mode d’attribution des permis d’exploiter n’est pas énoncé dans le décret 82-312 du 19 juillet 1982, étant donné que l’exploitation des forêts de l’Etat et des Collectivités décentralisées est autorisée par la délivrance de permis d’exploiter. De plus, l’arrêté fixant la date de mise en vigueur de la carte professionnelle de charbonnier n’a jamais vu le jour jusqu’à aujourd’hui. Dans ce même décret, l’entité qui délivre les permis de fabriquer pour les lots dépassant les 05 hectares n’est pas mentionnée, sachant que les permis pour les lots inférieurs à 05 hectares sont délivrés par le Président du Comité Exécutif du Fivondronampokontany après avis du service compétent en matière forestière (article 16 du décret 82-312 du 19 juillet 1982).
‐ Des dispositions prises dans les textes deviennent compliquées pour les techniciens, car sont apparemment contradictoires. Par exemple, le décret 98-782 du 16 septembre 1998 relatif aux régimes de l’exploitation forestière stipule à son article 53 abroger les dispositions antérieures contraires à ce décret. Sont concernés par ce dernier le décret du 25 janvier 1930 réorganisant le régime forestier, l’arrêté du 17 novembre 1930 réglant l’application du décret forestier et le décret 87-110 du 31 mars 1987 fixant les modalités des exploitations forestières, des permis de coupe et des droits d’usage, mais aucune mention des dispositions ni des alinéas à abroger n’est stipulé dans ce décret 98-782. Ce qui entraîne inévitablement une confusion auprès des agents verbalisateurs .
‐ Concernant le commerce des produits forestiers ligneux et non ligneux, différents types d’acteurs se profilent dont les activités ne sont pas référencées dans les textes forestiers existants. Ce sont les acheteurs, les vendeurs et les collecteurs de produits forestiers ligneux et non ligneux. Ces personnes s’approvisionnent souvent en produits illicites, surtout en ce qui concerne les collecteurs. Cependant, la Région leur délivre une carte de collecteur après constitution de dossiers sans consulter les responsables de l’administration forestière compétente. Les textes forestiers n’ayant jamais édicté les conditions d’obtention des cartes de collecteur et vendeur de produits forestiers, l’incomprehension s’installe quand les agents forestiers apprehendent ces collecteurs / vendeurs et leurs produits illicites. Ils font de la resistance aux agents de contrôle forestier en brandissant leur carte de collecteur.
‐ Une autre lacune a été constatée concernant la mise en application de l’ordonnance 2011-001 du 08 août 2011 portant répression des infractions relatives aux bois de rose et aux bois d’ébène. Jusqu’à aujourd’hui, deux décrets d’application sont sortis et concernent respectivement les dispositions transitoires sur la compétence de la juridiction chargée de la poursuite et du jugement des infractions relatives aux bois de rose et d’ébène (décret N° 2011-589 du 20 septembre 2011, fixant les dispositions transitoires sur la compétence de la juridiction chargée de la poursuite et du jugement des infractions relatives aux bois de rose et bois d’ébène.) et les modalités de transport de bois de rose et de bois d’ébène saisis et confisqués (décret N° 2011-590 du 20 septembre 2011 fixant les modalités de transport de bois de rose et de bois d’ébène saisis et confisqués.). Cependant, avant d’arriver au jugement des délinquants et à la saisie des produits, aucune mention n’a été faite concernant la procédure applicable à la répression des infractions relatives aux bois de rose et aux bois d’ébène. Par ailleurs, l’ordonnance 2011-001 énonce que « toutes dispositions contraires à la présente sont et demeurent abrogées » en son article 14. Cependant, lesdites dispositions contraires ne sont pas citées explicitement, de sorte que l’énoncé créera certainement des confusions lors de la constatation des délits par les agents de contrôle.
MEPRIS DE LA HIERARCHIE DES NORMES
Une note de service : 218-PM/SP.09 du 31 décembre 2009 et une note du 11 mai 2010 émanant de la Primature ainsi que trois arrêtés interministériels : arrêté interministériel 003-2009 du 28 janvier 2009, portant agrément d’exportation, à titre exceptionnel, de bois de rose et d’ébène à l’état brut dans la Région SAVA ; l’arrêté interministériel 38244/2009 du 21 septembre 2009, portant agrément d’exportation à titre exceptionnel des bois précieux à l’état brut ou semi-travaillé ; l’arrêté interministériel 38 409/2009 du 05 octobre 2009, autorisent l’exportation des bois de rose et des bois d’ébène, ce qui veut dire des dispositions tout à fait opposées au décret 98-782 relatif au régime de l’exploitation forestier et ses textes d’applications. Cependant, leur hiérarchie qui les situe en-dessous d’un décret manifeste leur incongruité au sein de l’ensemble des normes qui régissent l’exploitation forestière à Madagascar.
Si on ne considère que l’année 2009, la période de la sortie de ces nouveaux textes sur les bois précieux, la note de service 218-PM/SP.09 du 31 décembre 2009 émanant de la Primature, autorisant l’embarquement et l’envoi des conteneurs de bois de rose n’a pas le pouvoir de modifier l’arrêté interministériel 38 244/2009 et l’arrêté 38 409/2009, et illustre clairement ce non-respect de la hiérarchie des normes de la législation forestière.
ANALYSE DES AUTRES OUTILS JURIDIQUES
Deux autres outils utilisés par les organes de contrôle ont été également analysés dans la présente étude : la « Stratégie Nationale de Contrôle Forestier » et le « Guide pour la Poursuite et la Répression des Infractions en Matière Forestière ».
LA STRATEGIE NATIONALE DE CONTROLE FORESTIER
Un draft de la Stratégie Nationale de Contrôle Forestier a été élaboré en 2001 mais ce dernier n’a jamais été finalisé et validé. Il définit les cadres généraux du contrôle forestier. Une des grandes orientations énonce la mise en adéquation du cadre juridique du contrôle forestier avec le contexte actuel. Dans cette optique, trois mesures à mettre en œuvre ont été prescrites dans ce document :
‐ Révision de l’ordonnance 60-128 du 03 octobre 1960 fixant la procédure applicable à la répression des infractions à la législation forestière, de la chasse, de la pêche et de la protection de la nature .
‐ Redéfinition des rôles et attributions de tous les acteurs du contrôle forestier à tous les niveaux .
‐ Application des textes.
Mais bien que cette Stratégie Nationale n’ait jamais été validée, le Ministère a entrepris la réforme de l’administration, avec l’appui du Programme Environnemental III.
Une compilation des anciens textes régissant la répression des infractions à la législation forestière a été entreprise en 2008, avec l’appui du Projet JARIALA. La présente étude a effectué la comparaison des anciens textes avec ce projet de nouvelle Loi (cf. annexe 3).
La nouvelle Loi a comme principales caractéristiques :
‐ La codification de la répression des infractions en une seule loi.
‐ La définition de quatre types d’infractions, contre seulement trois dans les anciens textes.
‐ Des peines et pénalités plus dissuasives et conformes aux contextes actuels.
Parmi les mesures prescrites dans le draft figure également la redéfinition des rôles et attributions des acteurs du contrôle forestier. Dans cette perspective, la réforme de l’administration initiée en 2006 a abouti à la séparation des organes de conception et de suivi des activités du Ministère de l’organe de contrôle. C’est ainsi que l’Unité de Contrôle Mobile (UCM), actuellement la Direction du Contrôle et de l’Amélioration de l’Intégrité (DCAI) a vu le jour. Cette dernière est indépendante des deux directions, la Direction de la Valorisation des Ressources Naturelles (DVRN) et la Direction de la Conservation de la Biodiversité et du Système des Aires Protégées (DCBSAP) chargées de la gestion du DFN.
Préparation d’une mission de contrôle
Une mission de contrôle est initiée à partir du moment où les informations sur une éventuelle infraction forestière parviennent aux organes de contrôle. Un terme de référence (TDR) de la mission est alors dressé, prenant en compte les informations obtenues : la nature et l’envergure de l’infraction, le lieu, la distance à parcourir, l’effectif des OPJ à mobiliser pour la mission, le matériel nécessaire (véhicules, formulaires d’enquête, mandats de perquisition, etc.), le budget. Ce TDR est rédigé par le responsable du contrôle (Chef du SCIF ou SRC) et soumis à l’approbation du DGF et/ou SG.
Exécution de la mission de contrôle
L’exécution d’une mission de contrôle commence par la rédaction de l’ordre de mission (OM). Arrivés sur les lieux de l’infraction forestière, les OPJ procèdent, éventuellement à la perquisition des bâtiments, à la constatation du/des délits et à l’enquête des présumés délinquants durant lesquels ils dressent les procès-verbaux de constatation de délit (cf. annexe 4), de saisie (cf. annexe 5), et de mise en séquestre (cf. annexe 6) s’il y a lieu.
Poursuite des délinquants
Après l’enquête et clôture des procès-verbaux, le responsable des poursuites judiciaires doit ainsi introduire l’affaire au Tribunal et avec les conclusions comme appui. Les délinquants peuvent demander une transaction avant ou après jugement. Dans le cas d’une transaction avant jugement, les délinquants adressent à l’administration forestière concernée une demande manuscrite, mentionnant leur aveu et leur engagement de ne pas récidiver. Si la demande est acceptée, la poursuite judiciaire est suspendue momentanément.. En cas de non respect des clauses, la poursuite judiciaire reprend. Les présumés délinquants sont assignés sur procès-verbal à comparaître à l’audience du Tribunal de Première Instance et en tant que besoin à toute les audiences suivantes jusqu’à jugement définitif. C’est le SLFC, le SRC, le Chef CIREF ou le Responsable des poursuites judiciaires qui représente l’Etat auprès de la justice.
MADAGASCAR NATIONAL PARKS (ex-ANGAP)
Etant donné que Madagascar National Parks est reconnu comme étant une association d’utilité publique, selon le décret N° 91 – 592 du 04 décembre 1992, les activités de contrôle environnemental et forestier (sous forme de patrouille à l’intérieur des Aires Protégées et dans les zones périphériques) est supervisée en amont par la Direction des Opérations (au niveau de la Direction Générale du MNP) et le Service d’Appui Technique (au niveau de la Direction Inter-Régionale du MNP), et assurée en aval par les agents du Parc/ Réserve.
MNP est une association de droit privé, sous tutelle du Ministère de l’Environnement et des Forêts, par conséquent, le contrôle forestier est en grande partie assuré par des agents non assermentés. Aussi, les agents de MNP ne peuvent dresser les procès-verbaux de constatation de délit ni se prononcer sur les sanctions et peines à infliger aux délinquants, mais peut se constituer en tant que partie civile et demander des dommages et intérêts proportionnels aux dégâts commis. MNP peut cependant recourir l’aide des OPJ forestiers ou des OPJ de droit commun (Gendarmes et Policiers). Les agents du MEF peuvent ainsi rédiger les procès-verbaux de constatation de délit, ce sont également les seuls habilités à rédiger les conclusions à fournir au Tribunal dans lesquelles ils peuvent spécifier les peines et sanctions à infliger aux délinquants, en tant que représentants du Ministère Publique. En bref, la MNP joue un rôle de veille en ce qui concerne l’application de la législation en vigueur, et particulièrement le Code des Aires Protégées (COAP). Mais récemment, ne serait-ce que durant ces trois dernières années, les infractions à la législation forestière au sein de ces Aires Protégées ont fortement augmenté, entraînant la dépréciation de la valeur biologique et de la valeur économique de ces superficies forestières. En tant que gestionnaire des Aires Protégées, la MNP doit assurer l’intégrité écologique et économique de l’Aire Protégée. Mais dans l’exercice de ses fonctions, elle se retrouve également confrontée au problème d’insuffisance des agents et à celui de l’insécurité.
Des misions conjointes de contrôle forestier, intégrant les éléments de la gendarmerie, les agents forestiers et les agents de conservation du MNP, ont été parfois menées, mais de façon contextuelles et sporadiques.
|
Table des matières
PREMIERE PARTIE : METHODOLOGIE
I – CADRE OPERATOIRE
II ‐ METHODES
1. COMPILATION DES DONNEES
1.1. LES TEXTES RELATIFS A LA REPRESSION DES INFRACTIONS FORESTIERES
1.2. LES DOSSIERS DE CONTENTIEUX FORESTIER
1.3. LES DONNEES SOCIOPOLITIQUES
2. TRAITEMENT DES DONNEES
2.1. ANALYSE DE L’OUTIL JURIDIQUE DU CONTROLE FORESTIER
2.1.1. LA HIERARCHIE DES NORMES
2.1.2. PROCEDE LORS DE L’ANALYSE DES TEXTES
2.2. ANALYSE DU CADRE INSTITUTIONNEL DU CONTROLE FORESTIER
2.3. ANALYSE DES FAITS SOCIOPOLITIQUES
DEUXIEME PARTIE : RESULTATS ET DISCUSSIONS
CHAPITRE I – CADRE JURIDIQUE DU CONTROLE FORESTIER
1. TEXTES INVENTORIES RELATIFS A LA REPRESSION DES INFRACTIONS A LA LEGISLATION FORESTIERE
2. ANALYSE DES TEXTES
2.1. CONTRADICTIONS EXISTANTES AU SEIN DES TEXTES FORESTIERS :
2.2. OBSOLESCENCE DES TEXTES FORESTIERS
2.3. LACUNES RELEVEES AU NIVEAU DES TEXTES FORESTIERS
2.4. MEPRIS DE LA HIERARCHIE DES NORMES
3. ANALYSE DES AUTRES OUTILS JURIDIQUES
3.1. LA STRATEGIE NATIONALE DE CONTROLE FORESTIER
3.2. LE GUIDE POUR LA POURSUITE ET LA REPRESSION DES INFRACTIONS EN MATIERE FORESTIERE
4. PREMIERE RECOMMANDATION : REVISER LES TEXTES FORESTIERS
5. DEUXIEME RECOMMANDATION : RESPECTER LE PARALLELISME DES FORMES DES TEXTES A SORTIR
6. TROISIEME RECOMMANDATION : VULGARISER LES TEXTES FORESTIERS ET LEUR APPLICATION
7. QUATRIEME RECOMMANDATION : PLAIDER POUR LA MISE EN PLACE D’UN TRIBUNAL SPECIAL POUR LES
DELITS FORESTIERS
8. CONCLUSION PARTIELLE SUR LE CADRE JURIDIQUE DU CONTROLE FORESTIER
CHAPITRE II – CADRE INSTITUTIONNEL DU CONTROLE FORESTIER
1. LA PROCEDURE DE CONTROLE FORESTIER
1.1. SCHEMA GENERAL DE LA PROCEDURE DE CONTROLE FORESTIER
1.2. LES PROCEDURES ADMINISTRATIVES DU CONTROLE FORESTIER
2. LES RESSOURCES ALLOUEES AU CONTROLE FORESTIER
2.1. LES RESSOURCES HUMAINES
2.2. LES RESSOURCES FINANCIERES
2.3. LES RESSOURCES MATERIELLES
3. LES COMPETENCES DES AGENTS DE CONTROLE
4. LES DELEGATAIRES DE GESTION
4.1. MADAGASCAR NATIONAL PARKS (ex‐ANGAP)
4.2. COMMUNAUTES DE BASE
5. PREMIERE RECOMMANDATION : ASSURER L’AUTONOMIE DU CONTROLE FORESTIER
5.1. ASSURER L’AUTONOMIE FINANCIERE
5.2. AUGMENTER ET OPTIMISER LES MOYENS MATERIELS ET HUMAINS
6. DEUXIEME RECOMMANDATION : AMELIORER L’ASPECT ORGANISATIONNEL DU CONTROLE FORESTIER
6.1. AMELIORER LE SYSTEME DE CONTROLE AU NIVEAU DES AIRES PROTEGEES
6.2. ENCADRER LES COMMUNAUTES DE BASE EN MATIERE DE CONTROLE FORESTIER
7. TROISIEME RECOMMANDATION : ETABLIR LE PLAN DE FORMATION ET DE RECYCLAGE DES AGENTS DE CONTROLE
8. CONCLUSION PARTIELLE SUR LE CADRE ADMINISTRATIF DU CONTROLE FORESTIER
CHAPITRE III – FACTEURS SOCIOPOLITIQUES
1. LES PISTES DE CORRUPTION DANS LE SECTEUR FORESTIER
2. LES FAITS SOCIOPOLITIQUES QUI ENTRAVENT LE CONTROLE FORESTIER
3. L’AUTORITE DE L’ADMINISTRATION FORESTIERE
4. LE PRISME INSTITUTIONNEL
5. LA LUTTE CONTRE LA CORRUPTION
6. CONCLUSION PARTIELLE SUR L’INFLUENCE DES FAITS SOCIOPOLITIQUES SUR LE CONTROLE FORESTIER
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
Télécharger le rapport complet