Etude historique de Bakel
De nos enquêtes et recherches sur l’histoire du peuplement de Bakel se dégagent trois phases. La première phase est circonstanciée, déterminée par l’occupation de cette espace par des « peuplades appartenant à la race des Sérères » (Archives nationales 10 D5/004). Elles seraient les premières occupantes de la zone de Bakel. En effet, les Sérères représentent un groupe ethnique ancien « de la vallée du Sénégal » (Camara, A, 1996). Ils étaient repoussés, délogés de cette localité par la grande invasion des malinkés et l’établissement des toucouleurs faddoubés. L’implantation des malinkés et des toucouleurs faddoubés marque la seconde phase de l’histoire du peuplement de Bakel. La troisième phase se singularise par l’établissement des Sarakolés avec la famille Bathily au XIIIème siècle. Les Bathily seraient originaires de Sokolo, une localité située au nord à Bélédougou dans la vallée du Niger. Ils avaient un ancêtre du nom de « Laba » qui était le chef de la ville de Bélédougou. Il eut un petit fils du nom de Mangua- Moni qui a quitté le Sokolo avec sa famille et une nombreuse suite de guerriers pour se diriger vers le Gadiaga. Mangua-Moni avait eu deux fils qui portaient tout deux le nom de Tamba-Manga. Mangua-Moni annexa Dembarinié dans le Kaarta où il laissa son fils aîné au pouvoir. Puis, il longea la rive gauche du Sénégal et fonda Khieu-Lagarou qui se trouvait entre Kayes et Médine au Mali. Il établit son second fils au trône. Un petit-fils de Mangua-Moni du nom de Silman Kassam quitte à son tour Khieu-lagarou pour traverser la Falamé et descendre jusqu’à Bakel. A son arrivée dans cette zone, Silman-kassam fit une longue et épique guerre aux malinkés et aux toucouleurs faddoubés qui s’y trouvaient. Ces derniers, dit-on, habitaient sur les collines qui avoisinent la ville actuelle de Bakel. A l’issu de cette guerre, il sortit victorieux et fonda le village de Tuabou. Il réussit, au fil du temps, à placer progressivement tout ce territoire sous sa domination mais également à former la principauté de Gajaaga. Les faddoubés délogés se réfugient aux confins est de Bakel précisément à «Ferlo-Mbal et à ferlo Boundou », où se trouvent leurs actuels descendants à Saré Faddoubé dans la commune de Gabou à 28 km de la ville de Bakel. Quant aux Malinkés, sur l’autorisation du Tounka de Tuabou, continueront à s’établir à Bakel. Avec la permission du Tounka de Tuabou, les « Ndiayeganko », originaires du Djoloff s’établissent à Bakel. Ils formèrent au fil du temps le noyau central de Bakel qui a vu l’arrivée d’autres groupes ethniques tels que les Wolofs, les Bambara, les Maures etc. La zone de Bakel a également été successivement soumise à l’hégémonie impériale des différentes puissances régionales que sont le Ghana-Wagadu, le Mali et le Songhay. En plus d’être dominée par ces entités étatiques puissantes, cette aire passa entre les XVIIIème et XIXème siècles sous l’influence des royaumes de Boundou, du Tekrour et celle de l’empire Toucouleur d’ El Hadji Omar. Après la période de domination des royaumes et des empires, la zone de Bakel tomba dans les mains des colonisateurs. La configuration actuelle de la ville de Bakel découle de plusieurs mutations qui peuvent être réparties en trois parties : la période précoloniale, la période coloniale et celle de la postcoloniale. La période précoloniale de l’espace géographique de la ville actuelle de Bakel était caractérisée par l’existence de « trois agglomérations séparées entre elles par des barrières naturelles » (Tandian, 1972). Nous avons d’abord le « Modinkané » situé au nord de la ville actuelle. Il y’a ensuite, le «N’diayega» qui est au centre. Et enfin, nous avons le «Guidimpalé » qui se trouve au sud. Ces trois villages s’organisaient autour de leur noyau central qui était le « N’diayega », formé par la famille wolof des N’diaye. Ils ne présentaient aucune différence sur le plan architectural. Autrement dit, on ne pouvait pas les différencier, les distinguer sur le plan architectural. Nous avions partout « le même décor : des toits en paille, des ruelles tortueuses, la présence d’arbres qui abritaient les grandes réunions » (Diallo, A, 2012).
La convention pour la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel de 1972 de l’UNESCO
La convention pour la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel a été adoptée par l’UNESCO à la suite de nombreuses campagnes de sauvegarde des biens culturels menacés. Parmi celles-ci, nous avons la campagne lancée par l’UNESCO en 1959 à la suite de l’appel de secours des gouvernements Egyptien et Soudanien afin de leur aider à sauver les temples d’Abou Simbel, trésors de la civilisation de l’Egypte ancien, d’inondation. Après cette campagne, de nombreuses autres furent également menées comme celle menée en Indonésie pour restaurer l’ensemble de Brobudu, celle qui a permis de sauver les ruines archéologiques de Mohenjo Dâro au Pakistan. C’est à la suite de ces campagnes que l’UNESCO commença à rédiger un projet de convention sur la protection du patrimoine culturel qui aboutit à l’adoption de la convention de l’UNESCO de 1972 portant sur la protection du patrimoine culturel et celle du patrimoine naturel. C’est ainsi que la convention de l’UNESCO de 1972 a été adoptée le 16 novembre 1972 à Paris. Elle est ratifiée par le Sénégal le 13 février 1976. Elle conscrit et explicite les notions de « patrimoine culturel » et « patrimoine naturel » dans les articles 1 et 2. L’UNESCO, par le biais de cette convention démontre qu’il revient en premier lieu à chaque Etat partie la charge de protéger et de conserver le patrimoine situé sur son territoire. C’est dans ce contexte qu’il leur recommande à élaborer une véritable politique de sa protection par la création de « services de protection, de conservation et de mise en valeur du patrimoine culturel et naturel, dotés d’un personnel approprié et disposant des moyens lui permettant d’accomplir les tâches qui leur incombent » (UNESCO, 1972). Elle les incite, ensuite, à prendre les mesures juridiques, scientifiques, techniques et financières idoines pour assurer une meilleure protection, conservation et mise en valeur du patrimoine situé sur leur territoire. Puis, l’UNESCO, par le biais de cette convention conseille les Etats parties à assigner au patrimoine une fonction dans la vie quotidienne de leurs citoyens en l’intégrant, l’insérant dans les programmes de planification régionales et celles de leur développement. La convention encourage, en plus, ces pays à développer les études et les recherches scientifiques et techniques dans ce contexte. D’une manière générale, la convention de 1972 de l’UNESCO incite les pays signataires à prendre toutes les dispositions qui s’imposent afin de procurer au patrimoine culturel et naturel situé sur leur territoire une meilleure protection, conservation et mise en valeur à la limite de leurs moyens. Elle rappelle aussi que chaque pays signataire peut bénéficier du concours des autres conformément aux dispositions de la présente convention s’il le souhaite et du système d’assistance internationale visant à seconder les Etats parties à la convention dans les efforts qu’ils déploient pour identifier et préserver ce patrimoine. La convention édifie aussi l’organisation, les fonctions, les domaines de compétences et les activités du comité intergouvernemental du patrimoine mondial culturel et naturel, nommé « comité du patrimoine mondial ». Institué auprès de l’UNESCO, ce comité a une valeur universelle. Elle stipule l’obligation pour les Etats parties de rendre régulièrement compte au comité du patrimoine des rapports sur l’état de conservation de leurs biens inscrits sur la liste du patrimoine mondial. Il étudie les rapports fournis par les Etats parties sur leur patrimoine culturel et naturel. Ils lui permettent d’évaluer la situation des sites de ces Etats parties et de régler les problèmes récurrents et urgents. Le comité patrimoine mondial est le seul organe habilité à établir et à mettre à jour la liste du patrimoine mondial. Il définit, de surcroit, les critères d’éligibilité des sites sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO, c’est-à-dire les critères sur la base desquels un bien du patrimoine culturel et naturel peut être inscrit sur la liste du patrimoine mondial et sur celle du patrimoine en péril. La convention explique le mode d’utilisation et de gestion du Fonds du patrimoine mondial ainsi que les conditions et les modalités de l’assistance financière internationale. La convention de l’UNESCO de 1972 reste de nos jours le principal texte normatif universel en matière de protection et de valorisation du patrimoine mondial culturel et naturel. A cette dernière, s’ajoutent d’autres tel que la convention de 2003, celle de 2005 etc.
La charte sur la conservation et la restauration des monuments et des sites de Venise 1964 de l’ICOMOS
La charte de Venise 1964 porte sur la conservation et la restauration des monuments et des sites. Elle définit d’une manière précise les opérations de conservation et de restauration d’une part et décline, d’autre part, les principes généraux qui doivent présider ces opérations. La conservation et la restauration constituent deux opérations qui visent à sauvegarder les sites et les monuments historiques qui sont des témoins historiques. Le principe fondamental de la conservation de ces œuvres historiques consiste à les entretenir d’une manière permanente. En plus de ce principe, la charte recommande aux Etats parties de définir « le cadre à leur échelle » (convention, 2005). C’est-à-dire à conserver rigoureusement le cadre traditionnel dans lequel les sites et les monuments se trouvent et d’éviter les activités telles que de nouvelles constructions, des destructions et des aménagements qui peuvent modifié voire altérer ce contexte. Car, un site, un monument est inséparable de l’histoire dont il est le témoin et du milieu où il se situe, de son contexte et de son cadre. La restauration est une opération, une action qui consiste à révéler, à exposer les valeurs esthétiques et historiques des sites et monuments tout en respectant, en s’inspirant des aspects anciens et les documents authentiques. Elle doit être obligatoirement précédée et accompagnée d’études archéologiques et historiques. En plus d’étaler les principes fondamentaux de la conservation et de la restauration des monuments historiques, la charte recommande aux pays signataires de réglementer les fouilles exécutées sur leur territoire. Elle les oblige à légiférer les fouilles conformément « aux principes internationaux à appliquer en matière de fouilles archéologiques, adoptés par l’UNESCO en 1956 » (charte ICOMOS, 1964). En 1987, ICOMOS adopta une autre nommée charte de Washington.
Quelles sont les mesures à prendre afin de renforcer la protection et de mieux valoriser ce patrimoine ?
La protection et la valorisation du patrimoine de toute communauté doivent suivre l’évolution sociétale. Autrement dit, pour que les mesures de conservation et de valorisation d’un patrimoine soient efficaces, elles doivent impérativement être actualisées et renouvelées en fonction de l’évolution de la communauté à laquelle il se rapporte. C’est en ce sens que les mutations sociales qui s’opèrent, s’effectuent doivent conduire à prendre en considération des paramètres et des dimensions nouvelles applicables au patrimoine en vue de rendre sa protection et sa mise en valeur plus efficace. Une meilleure préservation du patrimoine culturel du Sénégal de manière générale et celui de Bakel en particulier implique nécessairement deux étapes de décisions. La première étape consiste à renforcer la capacité des institutions publiques en charge de cette mission (Ministère en charge de la culture et les collectivités locales) particulièrement les mairies, les préfectures, communes…. Il nous semble important que l’Etat par le biais du Ministère de la culture accorde plus de liberté aux différentes collectivités dans la prise de décision en matière de la gestion du patrimoine situé sur leur territoire mais aussi leur accorde des moyens financiers et techniques conséquents à la hauteur des charges qui les incombent. C’est-à-dire que l’Etat alloue aux élus régionaux et locaux les moyens suffisants qui leur permettent d’agir et d’assurer leur responsabilité de protection, de valorisation et de transmission des biens culturels. C’est dans ce sillage que les auteurs du texte l’ICCROM, 2009 soutiennent qu’une protection efficace du patrimoine et sa bonne valorisation « exigent que les autorités locales et coutumières soient associées et responsabilisées » (ICCROM, 2009). La seconde étape de décision consiste à associer la population surtout la jeunesse dans la politique de protection et de valorisation de leur patrimoine. Car la sauvegarde du patrimoine de Bakel est une tâche qui interpelle toute la société bakéloise voire sénégalaise. Sa conservation relève de l’intérêt général. Un accent doit être mis sur ce point dans les programmes de gestion du paysage patrimonial de Bakel. En fait, nous avons constaté, lors de nos recherches dans cette zone, un manque d’implication de la population dans la politique de la gestion du patrimoine culturel. Alors que la participation effective de celle-ci est déterminante voire nécessaire pour l’efficacité de cette politique. Il est indispensable qu’une place de choix soit attribuée à la population dans les programmes conçus aussi bien au niveau national que local qui visent la protection, la sauvegarde et la valorisation du paysage patrimonial de Bakel. L’apport des jeunes aux politiques culturelles est souligné à juste titre par la charte culturelle africaine qui enjoint les Etas parties à « créer les conditions d’une participation active et éclairée des jeunes à la vie culturelle africaine » (charte culturelle africaine ).Une plus grande responsabilisation de la population et des autorités locales dans son ensemble favoriserait une prise de conscience collective de la valeur du patrimoine culturel et rendra efficace les mesures de protection. L’implication de la population à la politique de protection passe impérativement par une bonne sensibilisation de l’enjeu social du patrimoine. Donc il est nécessaires de développer des méthodes de protection et de valorisation du patrimoine, qui associent une pluralité d’acteurs, renforcent les institutions publiques (Ministère de la culture et les collectivités locales) et accordent une importance à la participation du grand public. Il est aussi urgent de restaurer certains sites comme le pavillon René Caillé, les tours militaires et de protéger d’autres tels que le cimetière des circoncis. A côté de ces deux étapes de décision, existent aussi plusieurs stratégies de promotion du patrimoine culturel de Bakel
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Table des matières
Introduction générale
Première partie : étude du cadre géographique et historique de Bakel
Chapitre I : Cadre géographique
Chapitre II : Etude historique
Deuxième partie : Les textes réglementaires internationaux et nationaux en matière de la protection et valorisation du patrimoine
Chapitre I : Les législations internationales
1- Les conventions de l’UNESCO
1-1 La convention de l’UNESCO pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé de 1954
1-2. La convention de l’UNESCO pour la protection du patrimoine mondial culturel et naturel de 1972
1-3. La convention de l’UNESCO pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel de 2003
1-4. La convention de l’UNESCO pour la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles de 2005
2-Les chartes de l’ICOMOS
2-1. La charte de l’ICOMOS pour la conservation et la restauration des monuments et des sites de Venise 1964
2-2. La charte internationale de l’ICOMOS pour la sauvegarde des villes historiques de Washington 1987
2-3. La charte internationale de l’ICOMOS pour la gestion du patrimoine archéologique de Lausanne 1990
2-4. La charte internationale de l’ICOMOS sur le tourisme culturel de Mexique 1999
2-5. La charte de l’ICOMOS sur les principes pour l’analyse, la conservation et la restauration des structures du patrimoine architectural de Zimbabwe 2003
3-La charte culturelle africaine
Chapitre II : Les textes juridiques sénégalais
1- La loi 71-12 du 25 janvier 1971
2- La loi 96-07 du 22 mars 1996
3- Le décret 73-746 du 08 aout 1973
4-Le décret N°96-1133 du 27 décembre 1996
5-Le décret N°96-1135 du 27 décembre 1996
6-L’arrête N°05-2006*002711/MCP/DPC
Troisième partie : Le patrimoine historique de Bakel et les questions relatives à sa sauvegarde et valorisation
Chapitre I : Le patrimoine historique de Bakel
1- Le patrimoine architectural colonial
1- 1- Le fort de Bakel
1-2- Le pavillon René Caillé
1-3- Les tours militaires
1-4- Le cimetière des colons à Bakel
1-5- L’école Ibrahima Diaman BATHILY
2- Le patrimoine autochtone de la ville de Bakel
2-1- Le cimetière des circoncis
2-2- Le quartier de Ndiayega
2-3- Le quartier de Modinkané
2-4- Le quartier de Guidimpalé
Chapitre II : Les questions relatives à la Sauvegarde et Valorisation du patrimoine historique de Bakel
1- Pourquoi sauvegarder et mettre en valeur le patrimoine historique de la ville de Bakel ?
2- Quelles sont les mesures à prendre pour renforcer la protection et mieux valoriser ce patrimoine ?
3- Quelles sont les stratégies de promotion de ce patrimoine ?
Conclusion générale
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