Sanction du non-respect des appels de fonds dans les sociétés civiles immobilières

Les sources de l’exclusion

La notion d’exclusion recouvre des réalités fort différentes. En effet on a des hypothèses où le législateur a expressément prévu cette faculté et d’autres où ce sont les associés qui conviennent librement que l’un d’eux serait exclu. Pour étudier les modalités de l’exclusion d’un associé en droit français, il conviendra de rechercher les différentes situations dans lesquelles elles interviennent.
Si aucun principe général d’exclusion n’a été prévu par le législateur, des mesures ponctuelles ont cependant, au gré des circonstances, été instaurées. Ces mesures n’ont cessé de se multiplier au fur et à mesure que le droit des sociétés se développe et se complexifie et que de nouvelles formes sociétales voient le jour.
Le premier chapitre de notre étude aura pour objet de recenser les cas d’exclusion légale.
En dehors des cas légaux, la question se pose de savoir s’il est possible de prévoir conventionnellement d’autres cas d’exclusion. La recherche de la solution à cette question nous amènera à envisager dans un deuxième chapitre l’exclusion conventionnelle.

L’exclusion légale

Les circonstances pour lesquelles le législateur a prévu l’exclusion sont très variées et ne présentent entre elles aucune cohérence, puisque c’est au cas par cas, en fonction des situations qu’elles ont été instituées. Il apparait cependant, à leur étude, que l’exclusion peut être, soit laissée à la libre appréciation des associés (Section 1), soit être indépendante de toute stipulation statutaire

L’exclusion laissée à la libre appréciation des associés

Dans certaines formes de sociétés le législateur est intervenu en prévoyant un texte qui laisse aux associés, dans des conditions que nous verrons ultérieurement, la possibilité de prévoir librement des hypothèses dans lesquelles un associé pourrait être exclu de la société ( §1). A cela il faut noter un cas particulier où le choix est laissé à une catégorie d’associés, en l’occurrence les associés majoritaires dans des conditions légales particulières de décider de l’exclusion d’un associé.

Société par action simplifiée (SAS)

La société par action simplifiée (SAS) est une société de capitaux introduite dans le paysage du droit des sociétés français par la loi du 3 janvier 199417. Les dispositions de la loi de 196618 relatives au droit des sociétés étaient jugées très contraignantes. Le droit des sociétés anonymes ne répondait plus aux besoins des praticiens. Pour pallier la rigueur des dispositions des société s anonymes le législateur a institué en 1994 une nouvelle société dénommée SAS.
La SAS est définie par l’article L227-1 du Code de commerce comme une société pouvant « être instituée par une ou plusieurs personnes qui ne supportent les pertes qu’à concurrence de leur apport ». A la différence des autres sociétés de capitaux dont les règles d’administration et de fonctionnement sont particulièrement contraignantes et complexes, la SAS jouit d’une grande liberté dans son organisation et son fonctionnement19. La SAS repose sur un affectio societatis fort fondé sur la confiance mutuelle entre les associés et leur communauté d’objectifs qui traduit le pacte social. C’est aussi une société qui repose sur un fort intuitu personae. C’est d’ailleurs ce qu i justifie que la loi valide des restrictions au droit de se maintenir dans le capital en autorisant expressément les statuts à prévoir une clause d’exclusion de l’associé.
L’article L. 227-16 du C. com. donne un fondement légal clair aux clauses d’exclusion d’un associé d’une SAS. Cet article dispose que : « Dans les conditions qu’ils déterminent, les statuts peuvent prévoir qu’un associé peut être tenu de céder ses actions ». On a également l’article L. 227-17 C. com. qui va dans le même sens en autorisant l’exclusion dans une hypothèse précise du changement de contrôle de l’associé. En effet, l’article L. 227-17, qui dispose : « Les statuts peuvent prévoir que la société associée dont le contrôle est modifié [….]dans les conditions fixées par les statuts, de suspendre l’exercice des droits non pécuniaires de cet associé et de l’exclure. Les dispositions de l’alinéa précédent peuvent s’appliquer, dans les mêmes conditions, à l’associé qui a acquis cette qualité à la suite d’une opération de fusion, de scission ou de dissolution ».
Le texte de l’article L. 227-17 se réfère expressément dans son alinéa premier au contrôle tel qu’il est défini par l’article L. 233-3 (qui peut donc être direct ou indirect). À s’en tenir à la lettre du texte, seul le changement de contrôle défini à cet article de la loi donnerait lieu à la procédure statutaire d’information, suivie d’une suspension puis d’une exclusion. Il ne faut cependant pas oublier que le cadre général de l’article L. 227-16 du C. com. permet de fonder une exclusion sur toute autre définition du changement de contrôle. L’alinéa second de l’article L. 227 -17 a voulu préciser, pour lever un possible doute sur la validité de certaines interprétations, que certaines opérations particulières pouvaient être prises en compte en vue d’une exclusion. « L’associé qui a acquis cette qualité à la suite d’une opération de fusion, de scission ou de dissolution » peut donc être exclu de la société, si les statuts l’ont prévu. Il s’agit de cas où l’associé ancien de la SAS a disparu.
La loi autorise ainsi des exclusions qui permettent d’une part aux associées de lutter efficacement de l’intérieur contre l’intrusion de personnes morales indésirables, et de l’autre de pouvoir définir et modeler comme ils le souhaitent les contours de la structure qu’ils ont choisie par la faculté qui leur est offerte par la loi de stipuler l’exclusion de l’un d’eux.
Dans les sociétés coopératives la même possibilité d’exclusion est offerte aux associés.

Cas particulier du retrait obligatoire ou Squeeze out

Il arrive parfois que les intérêts des associés minoritaires et majoritaires ne convergent pas dans une société et que les premiers s’opposent systématiquement aux seconds. En effet, même titulaires de peu d’actions, ils peuvent mener des opérations de guérilla, voire exercer des chantages.
La société aimerait forcer le rachat de leurs droits, mais elle se heurterait à l’interdiction de principe d’exclure un associé. Le législateur est intervenu là aussi pour apporter une solution au profit des associés majoritaires. En effet, afin de compléter la règlementation française en matière d’offre publique, le législateur a mis en place une procédure d’exclusion des actionnaires minoritaires dans les sociétés cotées. La mesure avait été présentée comme nécessaire pour permettre le développement des groupes industriels en leur évitant des contraintes de gestion excessives et harmoniser la législation française avec celle de la plupart des pays de l’Europe occidentale qui disposent d’une procédure similaire.
La présence résiduelle de minoritaires trop peu nombreux pour alimenter un marché liquide, ainsi que les coûts et les contraintes résultant de la cotation, peuvent créer des situations inconfortables tant pour les sociétés concernées que pour les actionnaires28. Ainsi la loi du 31 décembre 199329 modifiant l’article 6 bis de la loi du 22 janvier 199830 a introduit dans le droit français le principe du retrait obligatoire des actionnaires minoritaires. C’est ainsi que l’on a pu parler de « Squeeze out à la française31 ». Et ce sont les articles L. 433-4 III du C. monét. fin. et 237-14 et suivants du règlement général de l’Autorité des Marchés Financiers qui prévoient cette mesure de retrait obligatoire qui conduit à la perte de la qualité d’actionnaire du minoritaire dans les sociétés cotées. Par ce dispositif, les minoritaires sont privés, contre indemnités, de leurs actions au profit de l’actionnaire majoritaire, au seul motif qu’ils ne réunissent que 5% du capital ou des droits de vote.
Dès son introduction en France, cette procédure du retrait obligatoire ne cessa d’être au centre de nombreuses controverses32. Le Conseil constitutionnel n’ayant pas été saisi de la compatibilité de cette loi avec les exigences constitutionnelles, son appréciation avait été laissée aux tribunaux qui n’avaient pas manqué d’avoir à connaître de sa conformité avec les dispositions de la Convention européenne des droits de l’homme de 1950 (Conv. EDH), et celles de l’article 1 er du Premier protocole additionnel contenant une disposition proche de celle de l’article 545 du Code civil. La Cour de cassation approuvant pleinement cette analyse confirmera que le retrait obligatoire des minoritaires correspondait au critère d’utilité publique tel qu’il avait été défini par le législateur et n’était donc pas contraire aux prescriptions de la Conv. EDH précitée.
Ainsi, au nom du bon fonctionnement du marché boursier promu au rang de préoccupation majeure d’intérêt général, la procédure de retrait obligatoire est validée. La particularité ici, c’est que le choix est laissé aux actionnaires majoritaires pour le déclenchement de la procédure de retrait des minoritaires. Toutefois, il convient de relativiser cette affirmation car ce retrait obligatoire est à rapprocher ou à combiner avec les offres publiques de retrait (OPR) liées également à la détention de 95 % des droits de vote35 qui peuvent intervenir, soit à l’initiative du groupe d’actionnaires majoritaires, soit à celle de l’actionnaire minoritaire37. Et dans ce dernier cas, ledit actionnaire doit saisir l’AMF d’une demande en ce sens et c’est seulement si elle est déclarée recevable par l’AMF que celle-ci enjoint à l’actionnaire majoritaire de déposer un projet d’OPR38. La demande des minoritaires peut ainsi engendrer une véritable obligation à la charge des majoritaires qui conduit à l’exclusion desdits minoritaires.

L’exclusion en raison de l’inexécution d’une obligation financière

Nous avons un premier cas avec les sociétés civiles immobilières de construction-vente et d’attribution (a), et une seconde hypothèse avec les sociétés de capitau x (b). Dans toutes ces situations il s’agit de sanctionner un associé défaillant dans l’exécution de son obligation financière.

Sanction du non-respect des appels de fonds dans les sociétés civiles immobilières

Cette exclusion est prévue pour les sociétés civiles de construction-vente et les sociétés civiles immobilières d’attribution. La société civile immobilière d’attribution est une forme particulière de société civile immobilière, instituée par la loi du 16 juillet 197155 qui a pour vocation « l’acquisition ou la construction d’un ensemble immobilier, en vue de sa division par fractions, destinées à être attribuées aux associés en propriété ou en jouissance ». Alors que la société civile immobilière de construction-vente est celle dont l’objet est de construire un ou plusieurs immeubles en vue de leur vente en totalité ou par fractions. Dans ces deux types de sociétés, en dehors des obligations de droit commun de l’associé d’une société civile vis-à-vis de la société, les associés sont tenus d’une obligation particulière de satisfaire aux appels de fonds nécessaires pour recouvrer les besoins de la sociétés. Les associés qui ne satisfont pas à cette obligation se voient appliquer une sanction rigoureuse qui conduit à leur exclusion de la société. En effet, les parts de l’associé qui n’a pas satisfait aux appels de fonds nécessaires à la réalisation de l’objet social peuvent être mises en vente.
Dans les sociétés immobilières de construction-vente aussi, par application des dispositions de l’article L. 211-3 alinéa du 2 Code de la construction et de l’habitation, lorsqu’un associé ne satisfait pas à ses obligations, ses titres peuvent être mis en vente publique avec l’autorisation de l’assemblée et cette mise en vente forcée aboutie à l’exclusion de l’associé défaillant. C’est la même sanction qui est prévue par l’article 212-4 du Code de la construction et de l’habitation s’agissant de l’associé de la société immobilière d’attribution ; le texte prévoit une mise en vente forcée des droits de l’associé. Cette procédure de vente forcée n’est cependant pas exclusive d’un recours à une exécution forcée de droit commun.
L’exclusion peut également être mise en œuvre comme sanction de l’inexécution d’une obligation en cas de non libération d’apport dans les sociétés de capitaux cette fois ci.

Exclusion pour inexécution d’une obligation relative aux actions souscrites

La définition de la société telle qu’elle est posée par l’article 1832 du code civil suppose l’affectation par les associés, à une entreprise commune, de biens ou de leur industrie. Cette mise en commun d’apports58 est l’une des conditions essentielles du contrat de société59, que la société soit dotée ou non de la personnalité morale60. Dans ces sociétés anonymes, le code de commerce dans ses articles L. 225-3 et L. 225-144, exige que soit versée, lors de la souscription, la moitié au moins du montant nominal des actions de numéraire à la constitution de la société et le quart en cas d’augmentation de capital. La libération du surplus intervient en une ou plusieurs fois sur décision des dirigeants dans un délai qui ne peut excéder cinq ans à compter de l’immatriculation de la société au registre du commerce et des sociétés, ou du jour où l’augmentation de capital est devenue définitive.
Tirant la conséquence du caractère limité du risque dans ces sociétés anonymes où le capital social constitue le gage exclusif des créanciers, le législateur intervient pour empêcher que l’absence de libération intégrale des apports ne rende illusoire la garantie de paiement que la souscription intégrale du capital devrait apporter aux tiers. Il a donc prévu que l’inobservation de ses obligations de libération par un actionnaire l’expose à une exclusion par v ente forcée de ses titres. En effet, si la fraction d’apport en numéraire non libérée à l’origine n’est pas versée dans les délais prévus, l’actionnaire s’expose à une procédure connue en pratique sous le nom d’exécution en bourse régie par les articles L. 228-27, R. 228-24 et R. 228-25 du C. com. La société peut faire procéder à la vente des actions de l’apporteur défaillant qui aboutit à son exclusion.

Extension de l’exclusion aux associés majoritaires

Dans la loi Macron on ne vise plus les dirigeants mais les associés ou actionnaires majoritaires d’une entreprise en redressement judiciaires dont l’assemblée des associés s’oppose à une modification du capital. C’est l’art L. 631-19-2 du C. com. qui vient offrir une alternative au tribunal pour les débiteurs les plus importants. Ainsi, lorsque la cessation d’activité d’une entreprise d’au moins cent cinquante salariés ou constituant une entreprise dominante66 d’une ou de plusieurs entreprises dont l’effectif total est d’au moins cent cinquante salariés est de nature à causer un trouble grave à l’économie nationale ou régionale et au bassin d’emploi et si la modification du capital apparait comme la seule solution sérieuse permettant d’éviter ce trouble et de permettre la poursuite de l’activité, après examen des possibilités de cession totale ou partielle de l’entreprise le tribunal peut, soit décider de désigner un mandataire chargé de convoquer l’assemblée compétente et de voter l’augmentation de capital en lieu et place des associés ou actionnaires ayant refusé la modification du capital à hauteur du montant prévu par le plan, soit ordonner, au profit des personnes qui se sont engagées à exécuter le projet de plan, la cession de tout ou partie de la participation détenue dans le capital par les associés ou actionnaires ayant refusé la modification de capital et qui détiennent, directement ou indirectement, une fraction du capital leur conférant une majorité des droits de vote ou une minorité de blocage.
Le législateur pose ici un nouveau cas d’exclusion légale d’un associé. Cette décision d’exclusion du tribunal ne peut être prise qu’à la demande de l’administrateur judiciaire ou du ministère public et à l’issue d’un délai de trois mois après le jugement d’ouverture. Ce nouveau dispositif d’exclusion nécessite, comme mentionné ci-dessous, plusieurs exigences pour sa mise en œuvre auxquelles nous ne reviendrons pas. Autres situations où le juge intervient c’est en cas de demande de dissolution de la société par l’un des associés.

L’exclusion du demandeur en dissolution

Deux textes du C. civ. ont servi de base juridique au juge pour prononcer l’exclusion de l’associé. Il s’agit des articles 1844-7-5° et 1844-12 du C. civ. On a eu dans la jurisprudence plusieurs décisions d’exclusion légale découlant parfois d’une interprétation extensive de la loi par le juge saisi, il s’agit notamment du cas de l’article 1844 -7-5° (1). Le second texte d’exclusion l’article 1844-12 quant à lui n’a besoin d’aucune interprétation extensive (2). Il a été mis fin à cette interprétation extensive de la loi conduisant à créer un cas d’exclusion légale, cependant il est important d’évoquer les deux textes et les jurisprudences qui en découlent sans rentrer dans les controverses doctrinales que cela avait suscité.

Le cas de l’article 1844-7-5°du Code civil

Cet article mentionne les cas de dissolution des sociétés et prévoit en son 5° que la société peut prendre fin « par la dissolution anticipée prononcée par le tribunal à la demande d’un associé pour justes motifs, notamment en cas d’inexécution de ses obligations par un associé, ou de mésentente entre associés paralysant le fonctionnement de la société ». A priori le texte ne prévoit pas l’exclusion d’un associé. Cependant, afin de contrer certaines dérives, certains jugent du fond ont, pendant un moment, chercher à sauvegarder la société en préférant à plusieurs reprises prononcer l’exclusion de l’associé plutôt que de dissoudre la société. Une exclusion d’associé fondée sur ce texte a ainsi nourri un grand débat au sein de la doctrine67 et a produit une jurisprudence contradictoire des juges du fond. Si la plupart d’entre eux refusaient de prononcer l’exclusion d’un associé proposée pour répondre à une demande de dissolution de la société 68, certains ont plutôt cherché à assurer l’intérêt social en y voyant un fondement d’exclusion de l’associé demandeur en dissolution dans cet article 1844-7 5° du C. civ.
La première décision recensée est un arrêt de la Cour d’appel de Caen en date du 11 avril 1927 où les juges estimaient que « s’il existe de justes causes de manquement aux engagements pris en exécution d’accords sociaux, il appartient aux tribunaux de las apprécier et ceux-ci ont le droit de prononcer, selon les circonstances, soit l’exclusion de l’associé, soit la dissolution de la société ». Puis ont suivi d’autres arrêts allant dans le même sens. C’est notamment le cas des décisions du Tribunal de commerce de Versailles qui imposait comme préalable à toute action en dissolution d’essayer de vendre les parts sociales. Aussi le tribunal de commerce de Poitiers venait en 1975 affirmer que l’intérêt de la société l’emportait sur celui de l’associé.

Admission prétorienne de la clause statutaire d’exclusion

Bien que le droit de rester dans la société ait été qualifié de principe impératif, des clauses statutaires d’exclusion ou de rachat forcé sont parfois insérées par les associés. Elles sont un aménagement important du fonctionnement de la société, et leur validité a fait l’objet de vives discussions doctrinales, car elles seraient contraires au droit absolu de l’associé à rester dans la société. C’est ainsi que le doyen RODIÈRE a pu écrire que ces clauses constituaient une « monstruosité juridique » quand elles n’étaient pas expressément prévues par la loi.
Cependant, les clauses d’exclusion ont été validées à plusieurs reprises par la jurisprudence indépendamment de toute prescription légale. Elles furent acceptées une première fois dans un arrêt de la cour d’appel de Paris du 18 novembre 189382, confirmée au début du XXe siècle par un arrêt de la Cour d’appel de Rennes de 191283, puis par la Cour d’appel de Caen en 1927, puis par la Cour de cassation en 1943, puis, et, postérieurement à la loi du 24 juillet 196686, codifiée dans le Code de commerce, de nombreux arrêts de cours d’appel ont également admis la validité de ces clauses d’exclusion et a contrario par la Cour de cassation en 1982.

Clause d’exclusion extra-statutaire

Le pacte extrastatutaire a connu un développement important en raison certainement de ses avantages par rapport au pacte statutaire. En effet, deux principaux avantages plaident en sa faveur.
D’une part, la flexibilité et, d’autre part, la confidentialité qui le caractérisent. Flexibilité, parce qu’il échappe à la prohibition de certaines clauses statutaires, et que son élaboration et sa modification ne sont pas soumises aux formalités imposées pour les statuts. Confidentialité car, à la différence des statuts, son existence comme son contenu peuvent rester secrets.
Il convient de distinguer dans cette hypothèse, les pactes extra -statutaires faisant intervenir l’ensemble des associés (§1) des conventions extra-statutaires entre deux ou plusieurs associés  et de s’interroger sur leur validité respective.

La clause d’exclusion extra-statutaire engageant l’ensemble des associés

Sur la validité des accords extra-statutaires d’exclusion, G. Durand-Lepine estimait que l’absence de dispositions législatives explicites et la reconnaissance jurisprudentielle de l’exclusion sociale, paraissent a priori valider le recours à une convention extra statutaire . Dès lors, en principe rien ne semble interdire que tous les associés d’une société prévoient les motifs et modalités d’une exclusion de l’un d’eux dans une convention séparée de la charte sociale.
Mais la question est plus délicate qu’il n’y parait, en effet, si les principes de liberté contractuelle et d’autonomie de la volonté devraient en principe permettre de prévoir l’exclusion d’un associé dans un pacte extra-statutaire, il est évident que le pacte extra-statutaire ne doit pas contredire, non seulement la loi, mais il ne doit pas non plus contredire les statuts, qui prévalent à son égard. Or, « la qualité d’associé est née, pour chaque associé signataire, du contrat de société : en conséquence, il est exclu qu’un pacte d’actionnaires, distinct du contrat de société, puisse avoir pour objet de retirer cette qualité à l’un de ses signataires».

Le pacte extra-statutaire d’exclusion n’impliquant pas l’ensemble des associés

Il est possible d’organiser conventionnellement, en dehors des statuts, au moyen de l’engagement pris par un associé envers un ou plusieurs autres de céder ses actions sous certaines conditions, la sortie forcée de l’associé débiteur. Une telle convention revient alors à organiser une forme d’exclusion de ce dernier. Dans la plus part des cas la clause extra -statutaire d’exclusion entre certains associés s’appuie sur la technique de la promesse de vente. Ainsi le recours au droit des obligations va valider ce type de clause. Cela permet de contourner l’obstacle de la théorie du domaine réservé des statuts puisqu’il est certain que la convention n’intervenant qu’entre deux ou plusieurs associés, ne tend pas à se substituer aux statuts et doit s’analyser comme une convention à laquelle chaque associé est libre de conclure. Cette convention d’exclusion extra statutaire entre certains associés peut prendre plusieurs formes.
Au rang des techniques admises sans conteste, sous réserve du respect de certaines conditions par la doctrine et la jurisprudence, figurent les promesses de ventes de droits sociaux. Le droit étant affaire de subtilité, il n’est en effet pas interdit de « détourner » habilement certaines techniques en les sortant de leur cadre habituel pour en utiliser les conséquences pour d’autres finalités.
Parmi ces promesses figurent ainsi la promesse unilatérale de vente (A), les promesses croisées (B) et les clauses d’offres alternatives (C). Il convient d’examiner successivement ces trois techniques.

Promesse unilatérale de vente

Forgée par la pratique, la promesse unilatérale de vente figure désormais dans le C. civ. à l’article 1124 qui dispose que : « La promesse unilatérale est le contrat par lequel une partie, le promettant, accorde à l’autre, le bénéficiaire, le droit d’opter pour la conclusion d’un contrat dont les éléments essentiels sont déterminés, et pour la formation duquel ne manque que le consentement du bénéficiaire.
La révocation de la promesse pendant le temps laissé au bénéficiaire pour opter n’empêche pas la formation du contrat promis.
Le contrat conclu en violation de la promesse unilatérale avec un tiers qui en connaissait l’existence est nul ». Cette promesse unilatérale peut se présenter sous différente formes, les plus utilisées, s’agissant de la recherche implicite d’une faculté d’exclusion au profit du bénéficiaire, sont les promesses pures et simples (1) et les promesses sous condition suspensive.

Les promesses pures et simples

Cette promesse de vente, rappelons-le, est une convention par laquelle une personne s’engage envers une autre, si cette dernière en manifeste par la suite la volonté, à conclure un contrat de vente dans des conditions dès à présent déterminées. Le contrat ne se formera que par la déclaration de volonté du bénéficiaire de la promesse qui dispose d’un droit d’option.
En pratique, l’un des associés par exemple minoritaire va s’engager d’ores et déjà à vendre ses parts à un autre associé majoritaire, lorsque ce dernier en manifestera la volonté. Il est certain que le bénéficiaire de la promesse acquiert alors un droit d’option, celui d’acquérir les parts sociales de son coassocié, s’il le désire dans un certain délai. Cette la levée de l’option est ainsi une arme redoutable dans les mains d’un associé, majoritaire de surcroît. Ayant pour objet la réalisation future d’une cession, la promesse de vente doit remplir toutes les conditions légales pour qu’il y ait vente.
Lorsque l’associé a accepté de conclure une promesse pure et simple de vente de ses titres, celui-ci se place volontairement dans une situation précaire et confère tous les pouvoirs au bénéficiaire de l’option, ce dernier pouvant à tout moment lever l’option qui entrainera l’exclusion corrélative de l’associé promettant.

La promesse de vente sous condition suspensive

Dans la promesse de vente sous condition suspensive les parties subordonnent la formation de leur rapport de droit à la réalisation d’un événement futur et incertain. Si l’évènement se réalise la vente produira ses effets. Le contrat doit être alors qualifié de conditionnel. La vente devient définitive au jour de la réalisation de la condition et rétroagit en principe au jour de la formation du contrat.
Par le jeu de ce type de promesse, un associé de la société promet de vendre ses actions lors de la survenance d’une condition déterminée au préalable entre les parties. Le contenu de la condition peut être semblable aux motifs nécessaires à l’exclusion statutaire. Le plus souvent, c’est la modification de son capital social pour un associé personne morale, la perte de sa qualité de salarié pour un associé personne physique, la cessation de ses fonctions d’un dirigeant érigées en condition, qui obligeront le promettant à la cession si celle-ci est exigée par le bénéficiaire de l’option.
De telles clauses sont qualifiées par la doctrine de « promesse de vente » sous « condition suspensive »129 . Cette qualification découle de leur nature130. La réalisation de la condition entrainer a la perte de la qualité de l’associé promettant. L’arrêt de la chambre commerciale de 2012 est une illustration parfaite de la perte de la qualité d’associé par le biais de la promesse de cession sous la condition suspensive de la fin du contrat de travail dont était titulaire l’associé promettant.
L’idée se retrouve dans la technique dite « good/bad leaver », où l’associé exclu verra également le prix de cession de ses titres affecté d’une prime (good leaver) ou d’une décote (bad leaver), selon que le cédant aura rempli ou non une ou plusieurs conditions. On a un autre type de promesse unilatérale pouvant conduire à l’exclusion de l’associé.

Les promesses unilatérales croisées de vente et d’achat de droits sociaux

Les promesses croisées de vente de titres sociaux peuvent être utilisées isolement ou dans différents montages pour aboutir à la finalité recherchée par les parties qui est de pouvoir contraindre un associé à céder irrévocablement ses titres. En dépit du risque de requalification de ces promesses unilatérales de vente et d’achat en promesse synallagmatique de vente 132 et de la controverse entre auteurs et prétoires, de telles promesses nous semblent pouvoir être utilisées pour évincer un associé. Si les promesses unilatérales de vente et d’achat valent engagement synallagmatique, l’analyse du professeur J. MOURY, à laquelle nous adhérons totalement, démontre « qu’elles ne forment pas pour autant une promesse synallagmatique de vente valant vente définitive, et ce n’est qu’au prix d’une contorsion difficilement acceptable sous l’angle du droit des obligations que la jurisprudence glisse, notamment pour la mise en œuvre de la règle fiscale, puis peut-être alors par contagion, de l’un à l’autre ». Les promesses croisées doivent donc s’analyser en un simple projet ou avant-contrat permettant d’organiser implicitement une faculté d’exclusion en mettant certains associés en position de cédant.
Nous pouvons donc conclure à l’utilisation possible de la technique de la vente au service de l’exclusion, que celle-ci revête la forme d’une promesse unilatérale pure et simple, subordonnée à la réalisation d’une condition suspensive ou de promesses unilatérales croisées.
Il est aussi important d’évoquer une clause utilisée par les associés qui pourrait conduire à l’exclusion d’un associé dans certains cas et qu’une partie de la doctrine et la jurisprudence rattachent aux promesses unilatérales croisées de vente et d’achat mais qui, selon nous , est à distinguer de ces dernières.

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Table des matières
INTRODUCTION 
Titre 1 : Les sources de l’exclusion
Chapitre 1 : L’exclusion légale
Section 1 : L’exclusion laissée à la libre appréciation des associés
§1 : Libre stipulation d’une clause statutaire
§2 : Cas particulier du retrait obligatoire ou Squeeze out
Section 2 : L’exclusion imposée aux associés
§1 : La sanction de la situation personnelle ou du comportement de l’associé
§2 : L’exclusion judiciaire
Chapitre 2 : L’exclusion conventionnelle
Section 1 : Exclusion statutaire §1 : Admission prétorienne de la clause statutaire d’exclusion
§2 : Distinction d’avec la clause d’éviction nouvellement consacrée
Section 2 : Clause d’exclusion extra-statutaire
§1 : La clause d’exclusion extra-statutaire engageant l’ensemble des associés
§2 : Le pacte extra-statutaire d’exclusion n’impliquant pas l’ensemble des associés
Titre 2 : Le régime de l’exclusion 
Chapitre 1 : Les conditions
Section 1 : Les conditions préalables à la décision d’exclusion
§1 : Clause prévue dans les statuts d’origine
§2 : Clause introduite en cours de vie sociale
Section 2 : Les conditions relatives à la rédaction de la clause
§1 : Désignation des motifs d’exclusion
§2 : Désignation de l’organe compétent
Chapitre 2 : La mise en œuvre de l’exclusion
Section 1 : Le prononcé de l’exclusion
§1 : Le formalisme de la procédure d’exclusion
§2 : Le respect des droits de l’associé exclu
Section 2 : Obligation d’indemnisation
§1 : Etendue de l’indemnisation
§2 : Modalités de l’indemnisation

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