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Le Paléoindien ou « Lithic Age» (4500 – 2500 BC)
Les premières traces d’occupations humaines dans les Antilles datent du Paléoindien et sont classées dans la série casimiroïde (fig. 1). Elles sont attestées autour de 4500 BC dans les Grandes Antilles à Cuba (fig. 2), en République Dominicaine et en Haïti (Cruxent, Rouse 1969, Moore 1991, Rouse 1992). Ces populations sont vraisemblablement issues d’Amérique Centrale, en empruntant peut-être le canal de Yucatán, car des gisements du Belize et du Honduras y ont fourni des vestiges comparables et antérieurs au peuplement de Cuba et d’Hispaniola (Mac Neish, Nelken- Turner 1983, Veloz Maggiolo 1991, Wilson et al. 1998). On ne peut exclure totalement la voie par le détroit de Floride au Nord, car la présence de groupes du Paléoindien y est également attestée (Mac Goun 1993, Anderson, Sassaman 1996). Mais les Amérindiens utilisant seulement la pagaie et ne connaissant vraisemblablement pas la voile pour mouvoir leurs embarcations, cette origine est peu probable car les courants marins y sont défavorables (Callaghan 2003, Keegan 2004). Cependant ils ne constituent pas un obstacle majeur (Callaghan 1995).
Les premières occupations des Grandes Antilles sont attribuées à la sous-série casimiran-casimiroïde datée entre 4500-2000 BC (Moore 1991, Rouse 1992). Trois groupes culturels sont distingués (fig. 1) d’après les sites de Seboruco à Cuba (Flebes Duenas 1980), de Cabaret à Haïti (Moore 1991) et de Casimira, Barrera et Mordan en République Dominicaine (Cruxent, Rouse 1969, Veloz Maggiolo 1972, Kozlowski 1980, Pantel 1988). Il s’agit pour l’essentiel d’ateliers de taille ayant produit de grandes lames de silex et comportant parfois des restes de faune vertébrée et de coquillages. Il est envisagé que les lames de silex aient pu servir à chasser le paresseux géant présent à cette période (Steadman et al. 2005). Ces vestiges ont été découverts dans la plupart des cas dans des abris sous roche. La séquence paléoindienne des Grandes Antilles a peu évolué depuis les dernières publications d’Irving B. Rouse.
Dans le sud de l’archipel à Trinidad, le seul indice d’une occupation paléoindienne réside dans la découverte isolée, au lieu- dit Biche, d’une armature non datée en chronologie en absolue (Boomert 2000). Il s’agit d’une pointe de projectile à pédoncule, taillée dans du silex, dont le type est affilié au complexe continental paléoindien de El Jobo au Venezuela (Boomert 2000).
Le Mésoindien ou « Archaic Age » (2500 – 400 BC)
Le Mésoindien se distingue du Paléoindien par l’apparition d’une nouvelle technologie, le polissage de la pierre, de la coquille et de l’os (Rouse 1992). Deux foyers culturels sont identifiés, à Trinidad, au sud de l’archipel, et dans les Grandes Antilles à Cuba et sur l’île de Haïti et de Saint-Domingue (fig. 2), où les populations du Paléoindien ont évolué sur place. La série ortoiroïde définie pour le foyer sud nous intéresse particulièrement ici car elle est très bien représentée à Saint-Martin. Dans les Grandes Antilles, à Cuba et sur l’île de Haïti et de Saint- Domingue, différents aspects différencient également les populations mésoindiennes de leurs prédécesseurs du Paléoindien : l’existence d’une proto-agriculture exploitant en particulier le maïs et des tubercules (Rodríguez Ramos, Pagán Jiménez 2007) et la production précoce de céramique dans un contexte mésoindien dénommé « Pre-Arawak Pottery Horizon », 1500 ans avant la migration des premières colonies du Néoindien ancien (Rodríguez Ramos 2007, Keegan, Rodríguez Ramos 2007).
Le foyer le plus ancien émerge sur l’île de Trinidad, située près des côtes du Venezuela, à l’extrémité sud de l’archipel des Petites Antilles (fig. 1). La série ortoiroïde, du nom du site éponyme d’Ortoire à Trinidad (Rouse 1970), serait à l’origine du peuplement des Petites Antilles, des Iles Vierges et de Porto Rico entre 2000 et 400 BC d’après Irving B. Rouse (Rouse 1992 :
62) et dès 2500 BC à Hispaniola d’après Marcio Veloz Maggiolo (Veloz Maggiolo 1991 : 71). C’est avec la découverte d’occupations mésoindiennes dès 2400 BC dans les Petites Antilles (Nodine 1990, Hénocq, Petit 1998a, Knippenberg 1999d) que la limite initiale d’Irving B. Rouse fixée à 2000 BC pour cette série a été reculée de 500 ans sur les dernières chartes chronologiques produites (Delpuech 2001 : 114-115, Petersen et al. 2004 : 32). Bien que le flux migratoire provienne du sud, c’est pourtant dans la moitié nord des Petites Antilles, d’Antigua jusqu’aux Iles Vierges et Porto Rico, que sont attestés la plupart des vestiges de l’Ortoiroïde. Son expansion s’arrête à Saint-Domingue devant la présence des groupes courian-casimiroïdes (Rouse 1992) dont l’émergence est détaillée plus loin (fig. 1).
La définition de la série ortoiroïde d’Irving B. Rouse (Rouse 1986, 1992) a été récemment révisée sur l’île de Trinidad et sa détermination culturelle a été modifiée (Boomert 2000). Elle est maintenant divisée en deux sous-séries, le Banwarian et l’Ortoiran, qui répondent plus précisément aux spécificités culturelles et chronologiques de Trinidad (fig. 1). La sous-série banwarian, du site éponyme de Banwari Trace, comprend trois complexes : le complexe de Banwari Trace est divisé en deux stades « Early Banwari Trace » (6000-5100 BC) et « Late Banwari Trace » (5100-4000 BC). Les deux autres complexes sont Poonah Road également à Trinidad et Milford à Tobago (Boomert 2000). La sous-série ortoiran est représentée par le complexe du site éponyme d’Ortoire. Il correspond à une adaptation spécifique à la zone côtière, différente du complexe Early Banwari Trace (Boomert 2000).
Le Néoindien ou « Ceramic Age » (500 BC – 1500 AD)
La troisième étape, le Néoindien ou Age céramique, correspond à la migration d’une nouvelle population issue du bassin de l’Orénoque (Rouse 1992). Elle colonise l’archipel des Petites Antilles vraisemblablement dès 500 BC d’après les datations les plus anciennes disponibles pour certains sites (Haviser 1991, Watters 1994). Ces communautés maîtrisent la technologie de la céramique et pratiquent l’agriculture, usages apportés avec eux du continent. Ces populations évolueront sur place en se dissociant en différentes entités culturelles dans tout l’archipel jusqu’en 1492. La présence d’installations néoindiennes est attestée sur pratiquement toutes les îles des Petites et des Grandes Antilles jusqu’aux Bahamas. L’arrivée des Européens interrompt l’évolution des sociétés précolombiennes dans tout l’archipel et conduit en près d’un siècle à leur disparition presque totale.
Le Néoindien ancien ou « Early Ceramic Age » (500 BC – 850 AD)
Ces communautés viennent du bassin de l’Orénoque où la série saladoïde a fourni des céramiques ornées de décors modelés, incisés et peints dès le début du premier millénaire avant notre ère (Cruxent, Rouse 1958, Rouse 1992, Boomert 2000), mais cette datation est le sujet d’une polémique (Vargas 1981, Bérard 2004). Le Saladoïde donnera naissance à la sous- série cedrosan-saladoïde sur le littoral du Venezuela et à une branche insulaire dans les Antilles, dénommée d’après les productions céramiques du site de Cedros à Trinidad (Rouse 1985, 1992, Boomert 2000, Faber Morse 2007).
Le Cedrosan-saladoïde va se développer depuis le littoral sud-américain vers l’archipel des Antilles jusqu’à la pointe orientale de la République Dominicaine et se maintenir jusque vers 850 AD (Rouse 1992). Cette longue période de plus de mille ans est homogène du point de vue culturel, même si l’on perçoit quelques variations géographiques et chronologiques dans les productions céramiques et dans les habitudes alimentaires. L’unité cedrosan-saladoïde traduit une certaine cohésion culturelle dans l’archipel des Petites Antilles que l’on ne retrouvera plus par la suite et qui suggère de nombreux contacts inter-îles.
Si la sous-série cedrosan-saladoïde est considérée comme la culture des premières populations néoindiennes de l’archipel (Rouse 1992), des productions parfois précoces reconnues sur plusieurs sites de Porto Rico et du nord des Petites Antilles dès 500 BC, posent problème (Rouse 1992, Bonnissent 1998b, Hofman 1999, Oliver 1999, Boomert 2000, Bonnissent et al. 2002b, Petersen et al. 2004, Curet et al. 2004). Une éventuelle sous-série « huecan-saladoïde » (Rouse 1992), nommée ainsi d’après les productions atypiques du site de « La Hueca » à Vieques près de Porto Rico (Chanlatte Baik 1980, 1981, 1983, 1984), a un statut qui n’est pas encore clairement déterminé (Rouse 1992, Bonnissent 1998b, Hofman 1999, Oliver 1999, Boomert 2000, Bonnissent et al. 2002b, Petersen et al. 2004, Curet et al. 2004). Certains auteurs rejettent sa filiation avec la série saladoïde ou la sous-série cedrosan-saladoïde et y voit une série Huecoïde indépendante, d’autres une phase précoce du Cedrosan-saladoïde ou encore un faciès marginal correspondant à des productions céramiques familiales ou cérémonielles (Chanlatte Baik, Narganes Storde 1980, 1983, 1990, Rouse 1992, Bonnissent 1998 b, Hofman 1999, Oliver 1999, Boomert 2000, Bonnissent et al. 2002b, Petersen et al. 2004, Curet et al. 2004, Waters, Petersen 1999). Cette problématique est développée plus loin à propos du site de Hope Estate à Saint-Martin qui a fourni des assemblages de ce type.
Irving B. Rouse délimite le Cedrosan-saladoïde dans le sud de l’archipel, de Grenade à Antigua, entre 250 BC et 250 AD (Rouse et al. 1995). Puis il distingue un Cedrosan-saladoïde à influences barrancoïdes entre 250 et 700 AD (Rouse et al. 1995). Au nord d’Antigua le Cedrosan-saladoïde est établi entre 250 BC et 750 AD sans distinction (Rouse et al. 1995). Récemment le Cedrosan-saladoïde a été subdivisé en trois stades différenciés d’après les productions céramiques et les datations absolues. Le premier stade « Early Cedrosan Saladoid » ou « Cedrosan-saladoïde ancien », est déterminé entre 400 BC et 300-400 AD (Petersen et al. 2004) ; il inclut les productions atypiques du complexe de la Hueca. Le second stade « Late Cedrosan Saladoid » ou « Cedrosan-saladoïde récent », est identifié entre 300-400 et 600-800 AD. (Petersen et al. 2004). Enfin un stade intermédiaire, le « Cedrosan-saladoïde à influences barrancoïdes », est distingué pour les îles sous-le-vent, au sud, entre 300 et 500 AD (Petersen et al. 2004). Ces influences résulteraient d’interactions avec la série barrancoïde des Terres Basses du Venezuela au travers d’échanges commerciaux (Rouse 1992 : 85) ou sociaux (Hofman 1993). L’unité de la sous-série cedrosan-saladoïde, lisible à travers l’homogénéité des pratiques culturelles, s’interrompt entre 850 et 950 AD dans tout l’archipel.
Les sociétés cedrosan-saladoïdes des Petites Antilles ont un mode de vie de type sédentaire, comme on peut le percevoir à travers leur organisation sociale en villages. Les céramiques ont fourni des assemblages aux formes et décors complexes. Une riche industrie sur coquille a produit des outils, essentiellement des lames et des ciseaux, ainsi qu’une grande variété d’éléments de parures. Une industrie sur pierre a fourni des haches, des ciseaux, de petits éclats tranchants, des meules ou polissoirs ainsi que des éléments à connotation symbolique, des zémis ou « pierres à trois pointes » et des parures. Ces populations cultivent le manioc, comme l’atteste la présence de platines, et la faune consommée est diversifiée, provenant à la fois des milieux marin et terrestre. Ils inhument leurs défunts au sein des villages.
Le Néoindien récent ou « Late Ceramic Age » (850 – 1500 AD)
Ce grand changement culturel est perçu autour de 850 AD dans tout l’archipel et il est admis qu’il n’est pas le fait de nouvelles migrations mais qu’il résulte d’une évolution sur place des communautés cedrosan-saladoïdes (Rouse 1992). Par contraste avec l’unité antérieure, cette période est marquée par un morcellement culturel et géographique (fig. 1). On assiste alors à une régionalisation des cultures qui va se manifester par une multiplication des styles céramiques dans le temps et dans l’espace (Rouse 1992). Ce régionalisme culturel se développe à la fois dans les Grandes et les Petites Antilles suivant un schéma diachronique qui engendrera des différences de plus en plus marquées au cours des siècles entre le sud et le nord des Antilles. Il aboutira à la fin du XVe siècle au schéma ethnique découvert par Christophe Colomb, formant deux aires culturelles distinctes, « Caraïbe » dans les Petites Antilles et « Taïnos » dans les Grandes (Rouse 1992). Il s’agit, du point de vue du peuplement, de l’expansion démographique et géographique maximale jamais atteinte par les populations précolombiennes dans l’archipel qui colonisent les Petites, les Grandes Antilles et les Bahamas. Il faut remarquer ici que le peuplement de la Jamaïque est atypique car très tardif et attesté uniquement à partir du Néoindien récent (fig. 1). Dans les Petites Antilles, mises à part les îles de Trinidad et de Tobago héritières d’un schéma culturel continental (Boomert 2000), les chercheurs distinguent deux régions divisées arbitrairement d’après d’anciens termes de la marine à voile : les îles sous-le -vent au sud, à partir de la Martinique, et les îles au vent situées au nord, dont fait partie la Guadeloupe. Un schéma chrono-culturel distinct a été attribué à chacune de ces deux régions (Rouse 1992, Rouse et al. 1995, Rouse, Faber Morse 1998, 1999). Les îles du sud, de la Martinique à Grenade, comprennent deux stades chronologiques différenciés d’après les productions céramiques (fig. 1) . La sous-série troumassan-troumassoïde se développe entre 500-600 et 1000-1200 AD (Rouse et al. 1995, Petersen et al. 2004). Puis, un changement culturel est à nouveau distingué à partir de 1000-1200 AD et jusqu’à 1500 AD (Rouse et al. 1995, Petersen et al. 2004) ; il correspond à la sous-série suazan-troumassoïde (fig. 1).
Le schéma culturel du nord de l’archipel des Petites au Néoindien récent, de la Guadeloupe à Anguilla (fig. 3), était jusqu’en 1992 affilié à celui des Grandes Antilles avec une seule sous-série elenan-ostionoïde couvrant la période chronologique de 500 à 1500 AD (Rouse 1992). Les recherches progressant, il s’est avéré que cette unique sous-série ne correspondait pas avec les spécificités et les datations de certains assemblages céramiques, détaillés pour les îles de ce secteur et révélant plusieurs phases culturelles bien individualisées (Hofman 1993, Hofman, Hoogland 2004, Hénocq, Petit 1998b, Crock, Petersen 2004, Bonnissent 2005a, 2006a). La séquence du Néoindien récent du nord des Petites Antilles, dont fait partie Saint-Martin, établie à l’origine d’après les assemblages de l’île d’Antigua selon les styles Mill Reef, Mamora Bay et Freeman’s Bay, a donc été révisée (Rouse 1974, 1976, Rouse et al. 1995, Rouse, Faber Morse 1998, 1999). Une sous-série mamoran-troumassoïde est maintenant distinguée pour cette période de 850 à 1500 AD (Rouse et al. 1995, Rouse, Faber Morse 1998, 1999) et les trois styles définis d’après les réalisations en céramique ont été conservés : Mill Reef, Mamora Bay et Freeman’s Bay (Rouse 1974, 1976, Rouse et al. 1995, Rouse, Faber Morse 1998, 1999, Murphy 2004). Le style Mill Reef est caractérisé par Irving B. Rouse (1974, 1976) comme le déclin de la sous-série cedrosan-saladoïde. Il est perçu à travers un appauvrissement du répertoire morphologique et décoratif sur les assemblages céramiques entre 500-600 et 900 AD (Murphy 2004). Le style Mamora Bay se distingue par un répertoire morpho-décoratif ayant des spécificités propres (Rouse, Faber Morse 1998, 1999), il est daté entre 900 et 1200 AD (Nicholson 1993, Murphy 2004). Enfin, le style Freeman’s Bay est peu défini et son statut repose sur une faible quantité de mobilier, il est daté entre 984 et 1429 AD (Rouse et al. 1995, Murphy 2004). Enfin, on distingue dans les Iles du Nord, soit le secteur Anguilla, Saint-Martin, Saba, à la fin du Néoindien récent, une sous-série chican-ostionoïde dont l’origine se situe dans les Grandes Antilles (Hofman 1993, Hofman, Hoogland 1991, 1993, 2004, Hénocq, Petit 1998b, Rouse, Faber Morse 1998, 1999, Crock, Petersen 2004).
Géographie et paysages
L’île de Saint-Martin est située dans la partie nord de l’archipel des Petites Antilles (18°5’N / 63°5’W), à environ 250 km de la Guadeloupe, à la charnière des ascendances culturelles des Grandes et des Petites Antilles (fig. 2). Elle constitue avec ses voisines, Anguilla à une douzaine de kilomètres au nord et Saint-Barthélemy à environ 30 km au sud-est, un petit regroupement d’îles et d’îlets relativement proches et situés sur la plate-forme sous-marine d’Anguilla dont la profondeur n’excède pas 50 m (Westercamp, Tazieff 1980). Cet ensemble est isolé des Iles Vierges et des Grandes Antilles au nord par le canal d’Anegada d’environ 120 km de large. L’archipel se prolonge vers le sud avec les îles de Saba, Saint-Eustache et Saint-Kitts, visibles depuis Saint-Martin (fig. 3).
Le territoire que représente Saint-Martin peut paraître à première vue restreint, puisqu’il représente une superficie de seulement 85 km2, soit une quinzaine de kilomètres d’est en ouest et environ treize kilomètres du nord au sud. Mais, il faut considérer l’espace exploité par les populations précolombiennes comme beaucoup plus vaste si l’on prend en compte le secteur maritime et les proches îlets qui, comme nous le verrons, font partie intégrante du domaine exploité.
La partie centrale de l’île est marquée par un relief de mornes ou collines aux sommets arrondis, de faibles altitudes, mais dont les versants sont escarpés. Le sommet le plus haut, le Pic Paradis culmine à 424 mètres (fig. 4). La côte est découpée par une alternance de plages de sable corallien beige et de pointes rocheuses. Les côtes orientées vers la façade atlantique, soumises aux effets des vents d’est dominants et des courants marins, sont plus agitées que celles du littoral caraïbe. Il en résulte une certaine diversité des paysages et des milieux.
Certaines portions de la côte sont occupées par des cordons littoraux sableux en arrière desquels se développent des zones lagunaires colonisées par la mangrove. La plus importante correspond au Grand Etang de Simsonbaai qui occupe la partie ouest de l’île. Des lagunes plus petites, comme l’étang de Grand -Case au nord-est et Salt Pond au sud en arrière de Great Bay, ont été exploitées comme salines à l’époque coloniale (Association Archéologique Hope Estate, 1996). Ces cordons sableux du littoral se sont vraisemblablement constitués à la fin de la remontée de la mer au cours de l’Holocène vers 4000-5000 BP, d’après les données connues sur la formation de la lagune de Grand-Case (Bertran 2003, Bertran et al. 2004) et celles de la courbe de remontée de la mer (Mörner 1996, Angulo, Lessa 1997, Toscano, Macintyre 2003). Nous verrons plus loin l’importance de la connaissance de l’évolution de ces formations littorales pour l’étude des implantations humaines.
Les grands traits géologiques
Comme nous l’avons vu, Saint-Martin fait partie des îles anciennes de l’arc volcanique externe. On y distingue quatre principales formations (Westercamp, Tazieff 1980, Dagain et al. 1989). A la base, on rencontre les séries volcaniques et volcano-sédimentaires érodées de l’Eocène, regroupées sous le nom de formations de La Pointe Blanche. Les intrusions de roches magmatiques de l’Oligocène, dont les granodiorites qui forment les deux plutons de Grand-Case et de Philipsburg, ont transpercé le soubassement ancien. Les bancs de calcaires récifaux du Miocène sont situés dans la partie ouest de l’île et forment la péninsule des Terres Basses. Enfin, des dépôts plio-pléistocènes et actuels masquent partiellement les anciennes formations. Il s’agit des sables côtiers meubles ou indurés, des plages de galets ou de blocs de corail et des formations récifales côtières. On note également les dépôts sablo-argileux organiques et les tourbes des lagunes, les formations de versant (colluvions et coulées de boue) et les alluvions torrentielles. Ces spécificités géologiques ont produit une certaine diversité pétrographique — roches volcaniques, sédimentaires et volcano-sédimentaires — dont les qualités mécaniques ou esthétiques ont été exploitées par les populations durant toute la préhistoire de l’île (Haviser 1993, 1999, Chauvière 1995, 1997, 1998, De Wall 1999, Knippenberg 1999 a, b, Fouéré 2005, 2006, Fouéré, Chancerel 2006, Stouvenot, Randrianassolo 2006a, b). Certaines roches ont été exportées sur d’autres îles du nord des Petites Antilles (Van Tooren, Haviser 1998, Knippenberg 1998, 1999c, 2004, 2006, Stouvenot, Randrianassolo 2006 a, b).
Les spécificités climatiques
Du fait de sa situation géographique dans la zone intertropicale, Saint-Martin jouit d’un climat tropical humide à contraste saisonnier marqué, atténué par les influences océaniques et pondéré par les vents d’est dominants, les bienveillants alizés, dont le régime varie peu sur le cours de l’année. Ainsi, le climat y est agréable, malgré une hygrométrie élevée oscillant autour de 90 % d’humidité dans l’air. Pourtant, Saint-Martin fait partie des îles dites « sèches » car les précipitations y sont faibles et inégalement réparties selon la période de l’année et selon la topographie (Cabaussel 1982). Le régime pluviométrique de l’île est en moyenne sur une année de 1250 mm de précipitations sur les reliefs (Cabaussel 1982), et 690 mm sur la côte, ce qui, combiné à une très forte évaporation, y engendre un climat subaride (Imbert 2006). Ces conditions climatiques font que l’eau douce y est rare. Il n’y a pas de rivières à proprement parler mais seulement des ravines qui coulent par intermittence certaines années et uniquement durant les périodes pluvieuses et cycloniques. Quelques sources d’eau douce sont signalées sur la carte IGN 1/25 000 et localisées dans la partie montagneuse de l’île, d’autres sont recensées d’après les données connues localement (fig. 4). Ces sources ne sont pas permanentes et se tarissent en saison sèche. Les plus intéressantes pour l’occupation précolombienne sont celle de la ravine du Moho, située sur le flanc oriental du Pic Paradis à l’emplacement d’un pétroglyphe et celle de la ravine Caréta connue en amont du gisement néoindien ancien de Hope Estate.
Les températures sont en moyenne élevées et oscillent autour de 27,3°C d’après les enregistrements effectués de 1989 à 2001 à la station météorologique de Grand-Case à Saint-Martin (Données Météo France). Seulement deux saisons sont réellement marquées, la saison sèche de janvier à juin ou «carême » durant laquelle la température de l’eau et de l’air baisse de quelques degrés. La saison humide ou « hivernage » de juillet à décembre est caractérisée par une baisse de régime des alizés et une augmentation de la pluviométrie, de la température de l’air et de l’eau de quelques degrés, favorisant alors le développement des phénomènes cycloniques. L’île est en effet dans le couloir des ouragans qui se forment généralement sur l’Atlantique.
Si cet environnement insulaire et tropical est hospitalier, il est néanmoins soumis à des évènements naturels violents, comme les cyclones parfois dévastateurs en particulier sur les côtes et les phénomènes sismiques liés à la mobilité de la plaque Caraïbe, provoquant des tremblements de terre et des raz-de-marée. Les Amérindiens des Petites Antilles ont été confrontés dans le passé à cette vigueur de la nature (Delpuech 2004). Nous verrons plus loin que ces phénomènes jouent également un rôle dans la destruction des gisements archéologiques du littoral (Delpuech 1998).
Esquisse de la végétation
La couverture végétale actuelle de l’île, particulièrement dégradée sur le littoral où l’occupation humaine est dense (fig. 5), est constituée pour l’essentiel d’une végétation secondaire xérique. Le couvert forestier est en partie préservé sur les reliefs et relativement riche en espèces, en particulier dans le secteur du Pic Paradis (Imbert 2003, 2006). Une reconstitution du couvert végétal du nord de l’île à l’époque précolombienne (fig. 6), montre que celui-ci était formé pour l’essentiel de forêts sèches saisonnières, semi-déciduales en rapport avec le régime hydrologique (Imbert 2003, 2006). Des récits de l’époque coloniale y décrivent en particulier l’abondance du gaïac, Gaiacum officinale et/ou G. sanctum (Imbert 2006), arbre alors exploité pour la qualité de son bois, dur et imputrescible (Association Archéologique Hope Estate, 1996). L’utilisation du bois de gaïac est attestée à l’époque précolombienne par des études paléobotaniques conduites sur les macrorestes carbonisés provenant de plusieurs gisements de l’île (Newsom 1993, Newsom, Molengraaff 1999, Tardy 2000). Sur la côte, la mangrove se développe sur le pourtour des étangs et des lagunes, comme en témoignent les vestiges actuels (Imbert 2006). Les baies sableuses du littoral sont colonisées par une végétation psammophile, adaptée aux conditions édaphiques et climatiques de la côte (Wiewiura 2003). Un référentiel palynologique, basé sur l’étude de pollens fossiles extrait par carottages et sur un échantillonnage de la végétation actuelle, permet de suivre l’évolution de la végétation durant les quatre derniers millénaires (Galop, Imbert 2002, Galop 2003, López Sáez, Galop 2004). Globalement, il y a peu de modifications de la végétation pendant l’Holocène récent, hormis à l’époque coloniale, mais on note toutefois quelques variations. Corrélées avec des analyses sédimentaires et des datations absolues, les premiers résultats de cette étude montrent une alternance de phases sèches et humides détaillées grâce l’enregistrement des lagunes, plus sensibles aux fluctuations du bilan hydrologique (Bertran et al. 2004). Nous verrons plus loin que des correspondances peuvent être établies entre l’occupation humaine et l’évolution des paléomilieux (Bertran et al. 2004, Bonnissent 2007, Bonnissent et al. 2007). Ces récentes études ont été initiées dans le cadre d’un programme collectif de recherche sur les « Modifications des paléoenvironnements et occupations amérindiennes de l’île de Saint-Martin » (Bonnissent 2002, Bonnissent et al. 2002a, 2003, 2004, 2006a). Elles permettent de documenter les paléomilieux jusque-là peu connus.
Les écosystèmes et les ressources naturelles
Les conditions climatiques et écologiques ont créé une relative abondance de ressources alimentaires sur l’île. En effet, si la partie montagneuse de Saint-Martin a été exploitée, c’est surtout le littoral (fig. 7) où peuvent coexister la pêche, la chasse, la collecte de mollusques marins et la cueillette de plantes sauvages qui apparaît comme le secteur privilégié. Ce potentiel, dont les populations ont su tirer parti pour leur subsistance, a certainement contribué à les fixer sur les îles des Petites Antilles et en particulier à Saint-Martin.
Les études archéozoologiques des restes de faune exhumés des gisements précolombiens permettent de tracer une image, certes encore partielle, des ressources alimentaires alors accessibles et exploitées (Weydert 1994, Wing 1995 a, b, Wing 1998, Grouard 1997, 1998, 2005, 2006, Brokke 1999 a, b, Jansen 1999, Nokkert 1999 a et b, Serrand 1997, 1998, 2001, 2002, 2005, 2006, Serrand, Bonnissent 2005, Newsom, Wing 2004).
Le domaine terrestre ne comporte pas de faune de grande taille mais des oiseaux, des rongeurs — dont le rat des rizières aujourd’hui disparu, et l’agouti — des amphibiens, des reptiles dont l’iguane et des invertébrés tels que les crabes de terre (Wing 1995 a, b). Il faut noter la présence du chien, domestiqué et importé d’Amérique du Sud comme l’agouti, lors des premières migrations des agriculteurs-potiers (Wing 1995 a, b). Sans rentrer dans la complexité des milieux marins, par ailleurs précisément détaillés dans le cadre d’études spécifiques sur la faune marine vertébrée et invertébrée (Grouard 2001, Serrand 2002), nous présentons ici les aspects les plus informatifs quant aux ressources alimentaires accessibles aux populations précolombiennes. Les plages présentent des fonds sableux peu profonds, en partie couverts d’herbiers de phanérogames marines. La faune vertébrée et invertébrée est abondante et on y rencontre en particulier un grand gastéropode, le lambi ou Strombus gigas, abondamment exploité pour sa chair et son épaisse coquille durant toute la période précolombienne. Sur le médio- littoral rocheux, par ailleurs riche en poissons de roches prisés par les populations amérindiennes, siègent de façon privilégiée plusieurs espèces d’invertébrés marins fréquemment retrouvés dans les gisements et donc abondamment consommés (Serrand 2002). Les principaux sont des gastéropodes : Cittarium pica, Nerita peloronta, N. versicolor et N. Tessellata associés souvent à des polyplacophores. Les fonds vaso-sableux fournissent en particulier le bivalve Codakia Orbicularis (Serrand 2001). Le bivalve Arca zebra, particulièrement consommé durant la période mésoindienne, se rencontre sur les substrats rocheux et coralliens ou sur des fonds sableux coquilliers (Serrand 2005). Les zones récifales et rocheuses sont colonisées par de nombreuses espèces de poissons et crustacés. Elles sont également peuplées par les tortues marines, animaux ubiquistes qui fréquentent la plupart des milieux marins. C’est dans le secteur nord nord-est de l’île de Saint-Martin (fig. 8), que les principales formations récifales bioconstruites sont implantées (Porcher et al. 2001). Constituées au cours de l’Holocène, nous verrons que ces formations, aisément accessibles aux populations précolombiennes, ont été exploitées que ce soit pour leur richesse en faune marine (Wing 1995 a, b, Grouard 1997, 1998) ou pour la collecte de coraux utilisés pour l’outillage (Bonnissent, Mazeas 2006 a, b). Les zones de mangroves sont également pourvoyeuses de poissons, coquillages, crustacés et de nombreuses espèces d’oiseaux. Enfin, les baies et les estuaires fournissent des poissons de plus grande taille, tels que les requins. De grands individus parfois pélagiques saisonniers ont également été capturés (Grouard 2005). Ainsi ces milieux forment des niches écologiques riches en faune spécifique. C’est donc dans ce contexte particulier, insulaire et tropical, que se sont développées les sociétés précolombiennes sur l’île.
L’OCCUPATION PRECOLOMBIENNE DE SAINT-MARTIN : ETAT DES CONNAISSANCES ET INTERROGATIONS
Historique des recherches archéologiques sur la période précolombienne
La découverte de l’île par les Européens
Bien que le journal de bord du deuxième voyage de Christophe Colomb ait disparu, le récit de la découverte des Petites Antilles a été relaté à la fois par Christophe Colomb dans des lettres adressées aux souverains d’Espagne (Lequenne et al. 1979), par le Dr. Chanca, médecin de l’expédition (Lequenne et al. 1979, Rumeu de Armas 1989), et par un noble espagnol dénommé Guillaume Coma (Chatillon 1979), tous deux embarqués dans ce voyage. La première île des Petites Antilles est découverte le dimanche 3 novembre 1493, il s’agit de la Dominique, puis sont aperçues Marie-Galante et la Guadeloupe (Lequenne et al. 1979). Après une escale de quelques jours, la flotte espagnole quitte la Guadeloupe le 13 novembre de la même année, afin de rallier rapidement les Grandes Antilles pour y rejoindre la colonie laissée sur Hispaniola lors du premier voyage (Chatillon 1979). Au cours des jours suivants, en remontant vers le nord, l’armada longe le côté ouest de l’archipel et c’est en fait à Nevis qu’aurait été donné le nom de Saint-Martin (Hartog 1981). En réalité, on ne connaît pas la date précise de la découverte de l’île. Saint-Martin apparaît dans la géographie européenne sous ce nom et à son emplacement géographique sur la carte de Reinel en 1516 (Hartog 1981). Beaucoup plus tard au XVIIe siècle, deux chroniqueurs, Jean de Laet et Maurile de Saint Michel la décrivent comme inhabitée entre 1636 et 1651 (Verrand 2001). Une occupation coloniale est datée de la première moitié du XVIIe siècle sur le site de Hope Estate (Bonnissent, Stouvenot 1997). L’île apparaît sous le nom de Oüalichi en 1666 dans le dictionnaire français-caraïbe du Révérend Père Breton (Breton 1666). Après une histoire politique complexe (Hartog 1981), l’île est partagée depuis 1648 par une frontière est-ouest (fig. 4). Elle délimite la partie française au nord, la collectivité d’Outre-mer de Saint-Martin. Au sud, Sint Maarten est un des territoires des Antilles Néerlandaises.
Les premières découvertes archéologiques (1920-1980)
L’historique des recherches anciennes a été très soigneusement détaillé par J. Hartog (Hartog 1981) puis par M. P. Sypkens-Smit (Sypkens-Smit, Versteeg 1988) et Jay B. Haviser (Haviser 1988, 1995). Nous en présentons ici les grandes lignes ; les précisions sur les découvertes et la chronologie des investigations sont développées plus loin à travers l’analyse des gisements étudiés.
L’île est restée longtemps vierge de toutes recherches archéologiques et ce n’est qu’en 1923 qu’une première expédition s’intéressa à son passé précolombien (Josselin de Jong 1947). Dans les années cinquante, un amateur, Hyacinth Conner, repéra des traces d’occupation à Pic Paradis, Billy Folly, Cole Bay et Mount William (Hartog 1981), qui n’ont par ailleurs jamais été localisées (Sypkens-Smit, Versteeg 1988, Haviser 1995). En 1957-58 les époux Keur, scientifiques nord-américains, découvrent le site de « Red Pond » (Hartog 1981 : 10) qui correspond probablement au gisement de Baie Rouge (fig. 9). Ce n’est qu’en 1961 que les premières recherches archéologiques sont réalisées par Ripley B. et Adelaide K. Bullen sur trois sites des Terres Basses (Bullen, Bullen, 1966). Ils documentent les gisements de Long Bay et de Red Pond (fig. 9), puis réalisent des sondages de reconnaissance à Cupecoy Bay (Bullen, Bullen 1974).
En 1967, les grottes de Maho, situées à Maho Bay sur la péninsule des Terres Basses (fig. 9), sont découvertes fortuitement à l’emplacement d’un hôtel en cours de construction (Richardson 1986). L’existence de vestiges précolombiens est hypothétique car les témoignages relatant la découverte des cavités sont contradictoires. On y aurait vu des peintures rupestres, des gravures et des statuettes en pierre. Bien que les quelques sculptures sur pierre qui en proviendraient aient une origine douteuse (Sypkens-Smit, Versteeg 1988 : 283) certaines rappellent néanmoins les représentations des « behiques » ou hommes -médecin de la période chican-ostionoïde dans les Grandes Antilles (Garcia Arévalo 2001). Les récits décrivent un important réseau karstique formé de diverticules et de salles dont le fond contenait une nappe d’eau douce. Albert Fleming, ancien maire de Saint-Martin, affirme n’y avoir vu ni poterie, ni statue ou figurine mais en revanche de nombreuses gravures sur les parois (Richardson 1986). Récemment interrogé sur cette question, il nie finalement l’existence de gravures… Des cavités présentant les mêmes caractéristiques, Fountain Cavern (Gurnee 1989, Watters 1991, Petersen, Watters 1991) et Big Spring (Petersen et al. 2005) sont cependant connues sur l’île voisine d’Anguilla. L’existence des Grottes de Maho est certaine, en revanche la présence de vestiges précolombiens reste hypothétique. Les grottes auraient été condamnées rapidement après leur découverte.
Les premières recherches (1980-1994)
Les campagnes de prospection, conduites à partir des années quatre-vingt, permettent d’augmenter considérablement le nombre d’indices de sites et de confirmer l’existence de différentes cultures précolombiennes sur l’île. M. P. Sypkens- Smit effectua deux campagnes de prospection en 1979 et 1981 puis en 1987, il réalisa des sondages sur les sites de Baie Rouge aux Terres Basses, de Great Bay à Philipsburgh et de Ravine Caréta (fig. 9), en contrebas du gisement de Hope Estate alors inconnu (Sypkens-Smit, Versteeg 1988). En 1986, Jay B. Haviser effectue une intervention de sauvetage sur le site de Cupecoy Bay (Haviser 1987), puis conduit en 1987 une nouvelle campagne de prospection de l’île (Haviser 1988, 1995). Durant ces années sont découverts le pétroglyphe de Moho (fig. 9) par Roland Richardson en 1983 (Sypkens-Smit, Versteeg 1988, Dubelaar 1995, Haviser 1995), puis en 1987 le gisement de Hope Estate par le fils du propriétaire le Dr. Michel Petit. La même année, Jay B. Haviser y réalise un premier sondage (Haviser 1991), puis l’année suivante, en collaboration avec le CERA Martinique, une campagne de sondages de reconnaissance est effectuée sur le site (Barret, Leton 1989). Le pétroglyphe de Hope Estate est découvert par Roland Richardson et Henri Petitjean Roget en 1988 (communication personnelle, Christophe Hénocq).
C’est à partir de 1988 sous l’impulsion de Christophe Hénocq et du Dr. François Petit, qu’est créée l’Association Archéologique Hope Estate (AAHE) dont les objectifs sont multiples : recherche, protection, conservation, éducation avec comme aboutissement la création d’un musée. L’AAHE édite un bulletin de 1992 à 2001 qui présente les résultats de ses multiples activités (Bulletin de l’AAHE, 1992, 1993, 1994, 1995, 1996, 1997, 1998, 1999, 2001). En 1996, l’association édite également un recueil d’archives historiques concernant les îles de St Martin et de St Barthélemy (Association Archéologique Hope Estate 1996).
En 1992, Christophe Hénocq organise une fouille de sauvetage sur le site néoindien récent de Baie Orientale (Hénocq 1992, 1994a) puis en 1993, des fouilles programmées sur les gisements de Hope Estate, Anse des Pères et Norman Estate (fig. 9). Ces interventions sont effectuées en collaboration avec Corinne L. Hofman et Menno L. P. Hoogland de l’Université de Leyde (Pays-Bas) et de Jay B. Haviser de l’Archaeological-Anthropological Institute of the Netherlands Antilles (AAINA). Ces recherches sont suivies de rapports et de publications (Hénocq 1993, 1994b, c, d, 2002, Hénocq, Petit 1998a, Hofman, Hoogland 1999, Knippenberg 1999a, b, d, e). En 1994, une nouvelle intervention de sauvetage permet de documenter le site de Baie Rouge (Hénocq 1994 e, f, Hénocq, Petit 1998b).
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Table des matières
1 PRESENTATION DE L’ETUDE
1.1 LA CHRONOLOGIE DE LA PREHISTOIRE DES PETITES ANTILLES : SYNTHESE DE L’ETAT DES CONNAISSANCES
1.1.1 La charte spatio-temporelle d’Irving B. Rouse
1.1.2 Le Paléoindien ou « Lithic Age» (4500 – 2500 BC)
1.1.3 Le Mésoindien ou « Archaic Age » (2500 – 400 BC)
1.1.4 Le Néoindien ou « Ceramic Age » (500 BC – 1500 AD)
1.1.4.1 Le Néoindien ancien ou « Early Ceramic Age » (500 BC – 850 AD)
1.1.4.2 Le Néoindien récent ou « Late Ceramic Age » (850 – 1500 AD)
1.2 SAINT-MARTIN DANS SON CONTEXTE DES PETITES ANTILLES
1.2.1 L’Archipel des Antilles
1.2.1.1 L’arc insulaire des Antilles
1.2.1.2 Le volcanisme des Petites Antilles
1.2.2 L’île de Saint-Martin
1.2.2.1 Géographie et paysages
1.2.2.2 Les grands traits géologiques
1.2.2.3 Les spécificités climatiques
1.2.2.4 Esquisse de la végétation
1.2.2.5 Les écosystèmes et les ressources naturelles
1.3 L’OCCUPATION PRECOLOMBIENNE DE SAINT-MARTIN : ETAT DES CONNAISSANCES ET INTERROGATIONS
1.3.1 Historique des recherches archéologiques sur la période précolombienne
1.3.1.1 La découverte de l’île par les Européens
1.3.1.2 Les premières découvertes archéologiques (1920-1980)
1.3.1.3 Les premières recherches (1980-1994)
1.3.2 Le constat des connaissances
1.3.2.1 L’indigence des données sur l’occupation mésoindienne
1.3.2.2 Les occupations du Néoindien ancien
1.3.2.3 Le Néoindien récent
1.4 METHODE DE TRAVAIL
1.4.1 La chronologie de Saint-Martin : problématiques culturelles et enjeux
1.4.1.1 Le Mésoindien : une période méconnue à documenter
1.4.1.2 Le Néoindien ancien et ses difficultés chronologiques
1.4.1.3 Le Néoindien récent et les problèmes de référentiel
1.4.2 L’acquisition des données et leur interprétation
1.4.2.1 La sélection des gisements
1.4.2.2 Délimitation du cadre géographique des aires culturelles
1.4.2.3 Les choix terminologiques
1.4.2.4 Les datations absolues
1.4.2.5 Les différents degrés d’étude des gisements
1.4.3 Les méthodes d’acquisition des données
1.4.3.1 Les méthodes d’investigations
1.4.3.2 Méthode d’étude des assemblages céramiques
1.4.3.3 Les divers mobiliers
2 LA SEQUENCE DES GISEMENTS SAINT-MARTINOIS
2.1 LE MESOINDIEN
2.1.1 Etang Rouge
2.1.1.1 Présentation du site
2.1.1.2 Formation du gisement
2.1.1.3 Les occupations mésoindiennes
2.1.1.4 Les mobiliers et les schémas opératoires
2.1.1.5 Les moyens de subsistance
2.1.1.6 L’interprétation des occupations et leur datation
2.1.2 Pont de Sandy Ground 1 et 2
2.1.2.1 Les indices d’une occupation mésoindienne
2.1.2.2 Historique des recherches
2.1.2.3 Un contexte stratigraphique méconnu
2.1.2.4 Le contexte géomorphologique
2.1.2.5 Les éléments de datation
2.1.2.6 Un mobilier caractéristique des dépôts mésoindiens
2.1.2.7 Interprétation des vestiges mésoindiens du Pont de Sandy Ground 1 et 2
2.1.3 Norman Estate
2.1.3.1 Un site mésoindien dans la plaine de Grand-Case
2.1.3.2 Historique des recherches
2.1.3.3 La campagne de 1993 : Norman Estate 1, 2 et 3
2.1.3.4 L’intervention de 2006 : Norman Estate 2
2.1.3.5 Interprétation du contexte géomorphologique
2.1.3.6 Interprétation chronologique des occupations
2.1.4 Salines d’Orient
2.1.4.1 Contexte géographique et géomorphologique
2.1.4.2 Historique des recherches
2.1.4.3 Mode d’intervention et contexte stratigraphique
2.1.4.4 Analyse des moyens de subsistance
2.1.4.5 L’outillage
2.1.4.6 Datation de l’occupation
2.1.4.7 Interprétation de l’occupation dans le contexte mésoindien
2.1.5 Trou David 1 et 2
2.1.5.1 L’occupation mésoindienne de Trou David 1
2.1.5.2 Trou David 2 : un ossement humain isolé
2.1.6 Pointe du Bluff
2.1.6.1 Emplacement du site
2.1.6.2 Caractéristiques et datation de l’occupation
2.1.6.3 Interprétation du site
2.1.7 Baie Longue 2
2.1.7.1 Un site mésoindien sur le cordon littoral de Baie Longue
2.1.7.2 Historique des recherches
2.1.7.3 Méthode d’étude
2.1.7.4 Géométrie des dépôts
2.1.7.5 Le contexte stratigraphique
2.1.7.6 Datation des occupations
2.1.7.7 Les mobiliers
2.1.7.8 Interprétation des données
2.1.8 Baie Orientale 1
2.1.8.1 Caractéristiques du gisement et méthode d’étude
2.1.8.2 Les stations d’occupation mésoindienne
2.1.8.3 Les apports du site à la connaissance du stade 3 du Mésoindien
2.2 LE NEOINDIEN ANCIEN
2.2.1 Hope Estate
2.2.1.1 Historique des recherches conduites à Hope Estate
2.2.1.2 Rappel des problématiques générales
2.2.1.3 Résultat des recherches 1997-2000
2.2.1.4 La céramique
2.2.1.5 L’industrie sur coquille
2.2.1.6 L’industrie lithique
2.2.1.7 L’industrie sur corail
2.2.1.8 L’industrie osseuse
2.2.1.9 Les moyens de subsistance
2.2.1.10 Formation, extension et chronologie du site de Hope Estate
2.2.2 Ilet Pinel Ouest
2.2.2.1 Historique des recherches
2.2.2.2 Contexte environnemental
2.2.2.3 Méthodes d’investigations
2.2.2.4 Résultats des recherches
2.2.2.5 Les productions matérielles
2.2.2.6 L’exploitation des ressources alimentaires carnées
2.2.2.7 Organisation spatiale du site et datation
2.2.3 Cul-de-Sac
2.2.3.1 Contexte environnemental
2.2.3.2 Historique des recherches
2.2.3.3 Géométrie, stratigraphie des dépôts et datation
2.2.3.4 Un site de décoquillage de strombes
2.2.4 Anse des Pères
2.2.4.1 Contexte environnemental
2.2.4.2 Historique et résultats des recherches de 1993
2.2.4.3 Anse des Pères et Hope Estate : comparaisons des productions céramiques
2.2.4.4 Conclusion
2.3 LE NEOINDIEN RECENT
2.3.1 Pointe du Canonnier
2.3.1.1 Présentation du site
2.3.1.2 Résultats des recherches
2.3.1.3 Les datations radiométriques
2.3.1.4 Analyse des mobiliers
2.3.1.5 Un village du stade 1 du Néoindien récent
2.3.2 Baie Orientale 2
2.3.2.1 Présentation du gisement
2.3.2.2 Résultats des recherches conduites en 2000
2.3.2.3 Les productions matérielles
2.3.2.4 Les moyens de subsistance
2.3.2.5 De l’analyse des rebuts aux activités anthropiques
2.3.2.6 Un site satellite du stade 1 du Néoindien récent
2.3.3 Petite Plage 1 et 2
2.3.3.1 Contexte environnemental
2.3.3.2 Historique des recherches
2.3.3.3 Mode d’intervention et résultats
2.3.3.4 Un site satellite de décoquillage
2.3.4 Baie aux Prunes
2.3.4.1 Présentation du site
2.3.4.2 Résultats des recherches
2.3.4.3 Les productions matérielles
2.3.4.4 Les moyens de subsistance
2.3.4.5 Interprétation des datations radiométriques
2.3.4.6 Un village du stade 2 du Néoindien récent
2.3.5 Baie Rouge
2.3.5.1 Contexte environnemental
2.3.5.2 Historique des recherches
2.3.5.3 Synthèse des recherches
2.3.5.4 Les mobiliers
2.3.5.5 Un village chican-ostionoïde du stade 3 du Néoindien récent
3 L’APPORT DES GISEMENTS SAINT-MARTINOIS A LA PREHISTOIRE DES PETITES ANTILLES
3.1 REPARTITION SPATIALE ET CHRONOLOGIQUE DES GISEMENTS PRECOLOMBIENS CONNUS SUR L’ILE
3.1.1 Le recensement des gisements
3.1.2 Une répartition différentielle entre le nord et le sud de l’île
3.1.3 Fréquence des gisements par périodes
3.2 UNE NOUVELLE VISION DU MESOINDIEN
3.2.1 L’occupation du territoire : aspects environnementaux et chronologiques
3.2.1.1 Contexte géographique et géomorphologique des implantations mésoindiennes
3.2.1.2 L’influence de l’environnement sur les dépôts anthropiques : les implications chronologiques
3.2.1.3 L’impact anthropique des communautés mésoindiennes sur le milieu naturel
3.2.2 Les spécificités mésoindiennes à Saint-Martin : étude diachronique et comparaisons régionales.
3.2.2.1 Les économies de production mésoindiennes
3.2.2.2 Les moyens de subsistance
3.2.2.3 Des nomades des mers : les pratiques des communautés mésoindiennes
3.2.3 La dynamique du peuplement : origine des communautés mésoindiennes de Saint Martin……….189
3.2.4 La transition du Mésoindien au Néoindien ancien et le devenir des communautés ortoiroïdes : intégration ou disparition ?
3.3 LE NEOINDIEN ANCIEN : UN SCHEMA CULTUREL COMPLEXE
3.3.1 Les facteurs à l’origine de la migration des premières colonies d’agriculteurs-potiers
3.3.2 Les spécificités du Néoindien ancien à Saint-Martin : étude diachronique
3.3.2.1 Evolution des productions céramiques et adaptation au contexte fonctionnel des gisements
3.3.2.2 L’outillage lithique
3.3.2.3 L’industrie sur coquille
3.3.2.4 Les moyens de subsistance
3.3.2.5 Le statut des gisements et les modalités de l’occupation du territoire
3.3.3 Le Néoindien ancien : comparaisons régionales et implications culturelles
3.3.3.1 Le Huecan : aire de diffusion, spécificités chronologiques et culturelles
3.3.3.2 Homogénéité et uniformité du Cedrosan-saladoïde dans le nord des Petites Antilles
3.3.3.3 L’extinction des sociétés cedrosan-saladoïdes : le facteur climatique
3.3.3.4 Le « Melting Pot » du Néoindien ancien
3.4 LE NEOINDIEN RECENT : LES IMPLICATIONS CULTURELLES DES TROIS STADES SAINT-MARTINOIS
3.4.1 Rupture culturelle et changement climatique
3.4.2 Le Néoindien récent à Saint-Martin : étude diachronique
3.4.2.1 Les référentiels céramiques saint-martinois : évolution des productions
3.4.2.2 Les productions lithiques
3.4.2.3 L’industrie sur coquille
3.4.2.4 L’exploitation du corail
3.4.2.5 Les ressources alimentaires carnées
3.4.2.6 L’occupation du territoire : relations fonctionnelles entre villages et sites satellites spécialisés
3.4.2.7 Modes de vie au Néoindien récent : ruptures et continuité
3.4.3 Le Néoindien récent dans le contexte régional
3.4.3.1 Les traits communs avec les assemblages céramiques régionaux
3.4.3.2 La transition du Néoindien ancien au Néoindien récent
3.4.3.3 Les problèmes d’affiliation géoculturelle dans les Iles du Nord
3.4.3.4 Occupation du territoire et structure des communautés
3.4.3.5 Le statut de Saint-Martin dans les Iles du Nord au Néoindien récent
3.4.3.6 La frontière géographique entre l’Ostionoïde et le Troumassoïde : une limite mouvante durant le Néoindien récent
MUTATION DES SOCIETES PRECOLOMBIENNES DE SAINT-MARTIN : SYNTHESE ET PERSPECTIVES
Références bibliographiques
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