Saint-John Perse, Pékin 1917-1921 : naissance d’Anabase

Jacques Bacot (4 juillet 1877 – 25 juin 1965)

    « Le lent, le grand, le brun, le doux Jacques Bacot …» Victor Segalen, Thibet, XL Dans la notice nécrologique qu’il consacre à Jacques Bacot, George Cœdès80 évoque la « souriante autorité » avec laquelle l’homme présidait les séances de la Société asiatique : il avait en effet succédé, en 1946, à son ami Paul Pelliot à la présidence de la Société dont il avait été lui-même trésorier pendant une vingtaine d’années. On connaît Jacques Bacot comme un tibétologue et c’est d’ailleurs ainsi que le présente la Pléiade de Saint-John Perse, mais, comme le fait remarquer Marcelle Lalou81, il commence par être un « explorateur ». Pourquoi cet homme né dans un milieu d’industriels, à SaintGermain en Laye, le 4 juillet 1877, éprouve-t-il très tôt une attirance pour cette contrée lointaine ? C’est en effet la destination qu’il se fixe en 1906, après une première incursion en Asie centrale. Marcelle Lalou en cherche une origine et une explication qu’elle trouve dans la relation entre le jeune homme et son grand-père paternel, un voyageur précurseur pour son temps qui avait, dit-elle, « sans doute fait concevoir au petit-fils l’existence d’horizons inconnus ». Quant au choix plus précis du Tibet, il aurait été inspiré au jeune homme au cours d’une conférence à la Société de géographie au sujet de la HauteAsie dont les cartes figuraient le Tibet comme une « large tache blanche »… sur laquelle il restait à imprimer ses propres pas de chercheur. A vrai dire, aucune autobiographie ne permet de valider ce qui s’apparenterait à une véritable vocation. Peut-être faut-il davantage y voir un hasard bienheureux. C’est ce que propose Anne-Marie Blondeau, dans la préface d’un ouvrage initialement paru en 1912, disparu des librairies pendant près d’un siècle, et réédité en 1997, dont le titre est d’une actualité frappante pour peu qu’on s’intéresse un tant soit peu à la cause de cette région du monde, Le Tibet Révolté. Elle-même directrice d’études à l’Ecole pratique des Hautes Etudes, section des sciences religieuses, rapporte un souvenir que le Pr. Stein lui a transmis d’une conversation qu’il eut avec Jacques Bacot : « Jacques Bacot voulait effectivement être explorateur, mais dans le Pacifique. Ce projet échoua, et il entreprit en 1904 un tour de monde ; c’est ainsi qu’il aboutit en Indochine alors qu’on achevait la construction du chemin de fer du Yunnan ; il y rencontre aussi les pères des Missions étrangères qui avaient de fragiles implantations dans cette région frontière Yunnan – Tibet – Birmanie depuis le milieu du XIXème siècle (le célèbre dictionnaire tibétain-français familièrement cité comme « Desgodins » est le fruit d’un labeur collectif de ces missionnaires). Cette version paraît plus plausible ; elle pourrait expliquer pourquoi Jacques Bacot décida de pénétrer au Tibet par le Yunnan, et non par l’un des itinéraires classiques quand on vient de Chine : Sining, Tatsienlou ou Chendu. » C’est en effet en « touriste » que le jeune homme effectue son « Grand Tour ». Quant à son « échec », c’est peut-être un exemple de sérendipité85 dont le nom, ne l’oublions pas, emprunte à un conte persan. Suivant un itinéraire déjà connu et s’en excusant presque, Jacques Bacot affirme : « Ceci n’est pas de l’exploration, ce n’est que du tourisme ». Cependant, le contexte est tendu et les missionnaires ont mis en garde le jeune voyageur contre les dangers qu’il encourt en raison de la guerre sino tibétaine qui dévaste la région. Son premier périple dure un peu plus de six mois, entre mars et décembre 1907 : « il parcourt la région frontière comprise entre les trois grands fleuves, le Salouen, le Mékong et le Fleuve Bleu. Son personnel fixe se compose de deux interprètes, un pour le chinois, l’autre pour le tibétain, un cuisinier, deux boys. La nuit, il dort dans les temples, dans la chapelle privée sur le toit d’une maison ou sous la tente. Trompant la surveillance des mandarins chinois et de son escorte, il pénètre au Tibet interdit, « sans l’intention ni les moyens d’aller bien loin ». Au milieu d’innombrables pèlerins, il suit la route pieuse qui contourne le massif sacré de la « Neige Blanche » (Kha-ba dkar-po) ». A son retour, en 1908, il s’inscrit au cours de Sylvain Lévi à l’Ecole Pratique des Hautes Etudes : Paul Pelliot, qui a suivi les cours du même maître, s’apprête à atteindre Dunhuang et les échos de sa mission ont dû parvenir aux oreilles de celui qui deviendra son ami. C’est au cours de cette année d’étude que George Cœdès, son cadet de dix ans, fait la connaissance de Jacques Bacot auréolé du « prestige de l’explorateur ». En 1909, Jacques Bacot repart pour le Tibet. Cette fois, la voie qu’il désire explorer ne permet plus de parler de « tourisme ». Depuis Yunnanfou (Kunming), il monte vers le Nord, à travers la province du Sichuan90, bifurque vers l’ouest et redescend à travers le Kham, l’une des trois provinces du Tibet. Sans être témoin direct de combats, Jacques Bacot recueille les échos des affrontements entre Chinois aux visées impérialistes et Tibétains dont le territoire s’amenuise progressivement. Il en voit en revanche les conséquences : temples et monastères dévastés, exode des populations. Le conflit a également des répercussions terribles sur les missionnaires. Les deux expéditions de Jacques Bacot coïncident avec les déplacements du Dalaï-Lama : « c’eût été pour convaincre l’empereur mandchou de faire cesser les attaques que le Dalaï Lama se serait rendu à son invitation et serait parti pour Pékin au lieu de regagner Lhassa. A peu près au moment où Jacques Bacot quittait le Tibet par le sud à l’issue de son premier voyage, le Dalaï Lama atteignait Sian X’ian, l’ancienne capitale de la dynastie T’ang, Ch’ang-an. Et tandis que Jacques Bacot entreprenait le deuxième voyage qu’il relate dans le Tibet révolté (28 mai 1909–14 mars 1910), le Dalaï Lama revenu à Lhassa devait fuir à nouveau, cette fois devant la menace de troupes chinoises, et se réfugier en Inde sous la protection des Britanniques. On sait que c’est la révolution en Chine qui lui permit de rentrer au Tibet ; mais Jacques Bacot avait quitté le pays, où il ne devait jamais revenir. Comme les missionnaires, il avait pu pénétrer à deux reprises aux frontières du pays interdit sous la protection des mandarins, et avec une escorte chinoise. La chute de la Chine impériale entraîna une fermeture encore plus grande du Tibet, sous le contrôle des Britanniques. » Cependant, Jacques Bacot prend ses distances par rapport à ses protecteurs chinois. Ayant appris le tibétain avec son compagnon d’aventures Adjroup Gumbo qui le suit en France après sa première expédition, l’explorateur entreprend son deuxième voyage en tibétologue et « tibétophile » oserions-nous dire. « Les Tibétains, jusqu’à Bacot, avaient la plus vilaine réputation : laids, sales, fourbes – liste de vertus non limitative. Sales surtout : le mot revient comme un leitmotiv dans les récits des voyageurs du XIXème siècle. … Et voilà que Bacot, qui poussait en son intime la propreté jusqu’à la manie, va s’éprendre de ces pouilleux ; qu’il sera même le premier à célébrer leur noblesse native, leur courage, leur générosité – on a presque envie d’écrire : leur beauté ». Quant à l’objectif de son deuxième voyage, il est précisément dicté par des rumeurs voire des préjugés qui poussent l’explorateur vers une région méconnue : le Poyul, entre les bassins de l’Irrawady et du Brahmapoutre (partie ouest du Kham). Au cours de son périple qui n’atteint pas son but (nouvel échec), il croise des populations en route vers « Népémakö, la Terre promise des Tibétains », celle dont parlent les vieilles prophéties. Nouveau mystère qui oriente les pas de Jacques Bacot (nouvelle orientation). Deuxième échec, deuxième hasard bienheureux : Jacques Bacot découvre les sources de l’Irrawaddy jusqu’alors inconnues. « Il minimise sa découverte, avec une modestie qui semble l’un de ses traits les plus frappants, et qui a peut-être empêché que son apport à la tibétologie ne soit évalué à sa juste mesure. » De retour à Paris, il reprend ses études et obtient le diplôme de l’Ecole Pratique des Hautes Etudes, en 1914, grâce à son travail de traduction du Vessantara-jātaka, une épopée bouddhique qui relate comment le roi Vessantara, grâce à la perfection du don (entendu comme sacrifice), se rapproche de celle de l’Eveil du Bouddha96. La première Guerre Mondiale l’éloigne brutalement de ses travaux et, comme son ami Paul Pelliot, il est mobilisé. D’abord affecté au 70e régiment d’infanterie territoriale, il est nommé sergent puis sous lieutenant et lieutenant (en 1917). Il participe aux combats d’Argonne et de Verdun où il est blessé. « Nommé commandant du groupement chinois de travailleurs coloniaux à Alençon à compter du 3 décembre 1917, Bacot est mis, le 30 août 1918, à la disposition du général français commandant l’armée tchécoslovaque en Sibérie. Ayant rejoint Pékin au mois de novembre 1918, il apprend sur place la nouvelle de l’armistice qui ne signifie cependant pas encore la fin des opérations en Extrême-Orient. Il embarque dans le Transsibérien le 8 décembre en direction de l’ouest. » « Le récit qu’a fait Jacques Bacot à sa famille de sa première rencontre avec Paul Pelliot est sommaire. Quelque part en Sibérie orientale, le lieutenant Bacot se présente au capitaine Pelliot à bord du train transsibérien. Le temps de demander l’un à l’autre s’il est bien le Jacques Bacot du Tibet Révolté et le Pelliot des manuscrits de Dunhuang, et se noue rapidement une amitié intellectuelle très profonde et très vive qui durera jusqu’à la disparition de Pelliot. L’amitié de ces deux savants que rapprochaient l’âge – Jacques Bacot né le 4 juillet 1877 n’avait que quelques mois de plus que Paul Pelliot né le 28 mai 1878 -, l’analogie de leurs expériences sur les terrains les plus difficiles, et le même intérêt érudit pour une région du monde où leurs travaux respectifs étaient pionniers, le souvenir, enfin, de leur aventure sibérienne, eurent à bien des égards des conséquences sur leur activité scientifique. Au lendemain de la guerre, Jacques Bacot fut associé par Paul Pelliot à l’étude des textes de Dunhuang relatifs à l’histoire ancienne du Tibet et conduit à organiser ses recherches dans la perspective d’un enseignement nouveau au sein de la IV° section de l’Ecole pratique des Hautes Etudes ; quelques années plus tard, Pelliot n’abandonnera la présidence de la Société Asiatique qu’avec l’assurance que Bacot consentait à lui succéder. »

Une mémoire fragmentaire

Jean Augustin Bussière, médecin et sinologue (1872 – 1958) De même que le juge consulaire Gustave-Charles Toussaint est un sinologue accompli, de même le médecin de la Légation française, Jean Augustin Bussière, est un intellectuel dont la personnalité mérite à elle seule qu’on s’y intéresse. Quelle place occupe-t-il dans le cercle des sinologues fréquentés par Alexis Leger entre 1917 et 1921 ? Comment expliquer que le souvenir de ce dernier soit aussi parcellaire dans sa Pléiade ? Né dans la Creuse en 1872, Jean Augustin Bussière est le fils d’un instituteur rural261. A vingt ans, il quitte sa famille – il est le fils aîné de sept enfants – pour entrer à l’Ecole de la Santé Navale de Bordeaux où il est suivi de près par Victor Segalen (promotion 1896). « C’est probablement l’appel du large qui le pousse à choisir de devenir médecin militaire » . Ses affectations le conduisent au Sénégal, en Inde, où il épouse la fille d’une famille lyonnaise implantée là depuis le XVIIIème siècle. Il exerce la fonction de professeur à l’école de médecine de Pondichéry et publie une communication remarquée sur le « bouton d’Orient », maladie parasitaire transmise par un moustique. Serait-ce le souvenir de cette communication scientifique, dont le médecin a pu informer Alexis Leger, qui fait imaginer à ce dernier le récit plein de fantaisie de sa propre « amitié » avec un moustique – « le Dr Bussière n’en croit pas ses yeux » – curieusement prénommé « Ulysse » ? Le prénom semble nous mettre sur la voie d’un souvenir nostalgique. Sa remontée s’effectue par le détour narratif dont l’humour semble être le moteur. L’humour caractérise d’ailleurs certaines images d’Anabase, comme l’ont montré Colette Camelin et Joëlle Gardes-Tamine, en se fondant parfois sur la polysémie des mots employés ou leur étymologie : nous retrouvons l’amoureux du lexique dont le goût est partagé par son ami médecin avec qui il eut l’occasion d’échanger, entre 1917 et 1921. En effet, ce dernier arrive en Chine, avec sa femme et ses deux filles, en 1913, et y restera jusqu’en 1953. Membre de la Légation de France à partir de 1916, après avoir enseigné à l’école de médecine de Tientsin, il côtoie, comme Alexis Leger, les plus éminents orientalistes. Au cours du dîner à la Légation de France mentionné par Victor Segalen dans sa lettre du 30 juin 1917, le Dr Bussière est abordé par une dénommée Gaby dont le poète dresse un portrait caricatural. Celle-ci croit reconnaître un parent en Bussière dont le nom lui est familier. Tandis que celui-ci dénie toute possibilité de filiation généalogique, son voisin de table, Paul Pelliot, s’amuse de l’embarras du médecin accompagné de sa femme dont Victor Segalen souligne la modestie. L’anecdote permet d’établir un nouveau lien entre les membres du cercle de sinologues. Jusqu’à présent, nous avons souligné le rôle prépondérant du découvreur de Dunhuang sur qui la Pléiade de Saint-John Perse attire notre attention. Or celui qui reste établi à Pékin pendant quarante ans est certainement un maillon tout aussi important. Nommé médecin de la Légation de France en 1916, Jean Augustin Bussière est également médecinconseil des Hautes Autorités chinoises. A ce titre, il est le médecin des Présidents successifs de la République de Chine, Yuan Shikai, Li Yuan Hong, Sun Yat-sen et Chiang Kaï-shek. Il dispense aussi des cours à l’Université franco-chinoise de Pékin. S’il entretient des liens avec Alexis Leger, c’est d’abord sur un plan diplomatique dans le contexte de la France en Chine. A l’occasion de la célébration du deuxième anniversaire de l’Ecole Auguste Comte déjà mentionnée, le Dr Bussière prend la parole, à la suite d’Alexis Leger, en tant que porte-parole de l’alliance pour la propagation de la langue française. C’est donc surtout sur le plan culturel que s’inscrit son action et qu’il faut situer le contexte des relations entre les deux hommes. « Homme de sciences, mais aussi passionné de lettres, lorsqu’il n’est pas occupé à ses consultations médicales, le docteur Bussière tient chez lui un salon littéraire où se retrouvent les notables français et chinois de l’époque. » C’est là qu’il reçoit ceux dont les noms ont déjà été évoqués : Tsai Yuan-pei et Li Yu-ying qui jouent un rôle-clef dans les relations sino-françaises et dans le mouvement de réforme « du 4 Mai », comme nous l’avons vu. Dans sa résidence secondaire, au Nord-Ouest de Pékin – la région coïncide avec l’emplacement du fameux temple taoïste où fut composé Anabase, selon la Biographie de la Pléiade – il reçoit Alexis Leger et il faut imaginer les entretiens des deux lettrés sur l’histoire et la littérature chinoises. Les échanges se poursuivent à l’occasion de leur périple en Mongolie aux côtés de GustaveCharles Toussaint tout occupé de sa traduction du Padma Tanguig et riche de ses récits d’expéditions antérieures. Ainsi se tissent et se consolident les fils qui soudent le cercle de sinologues fréquentés par Alexis Leger. Lettré et humaniste, le Dr Bussière exerce sa profession avec dévouement et générosité : « Cette petite maison de campagne fait également office de dispensaire pour les habitants des villages aux alentours … Soins, traitements, et même interventions chirurgicales, le docteur prend tout à sa charge et ne refuse aucun patient. » Le Dr Bussière apparaît non seulement comme un intellectuel au centre du « microcosme » auquel appartient Alexis Leger, mais un médecin dévoué et généreux. Or la notice de la Pléiade ne fait émerger que sa fonction et souligne sa connaissance d’une région du monde qui fascine le poète sur le point de devenir « Perse ». Comme Gustave-Charles Toussaint, le Dr Bussière est un explorateur. Il connaît l’Iran – il y séjourne entre deux postes successivement occupés à Pondichéry, entre 1901 et 1902 -, le berceau des langues étudiées par Paul Pelliot. Le goût de l’exploration de contrées inconnues et des études linguistiques, tout semble toujours y ramener le lecteur de Saint John Perse. Pourquoi ne pas avoir accordé plus de place à Jean Augustin Bussière parmi les intellectuels fréquentés entre 1917 et 1921 ? Peut-être est-ce parce qu’il n’est l’auteur ni le traducteur d’aucun ouvrage contrairement à ceux dont la bibliothèque de Saint-John Perse conserve les travaux, ni le donateur d’un fonds muséal comme Paul Pelliot, Gustave-Charles Toussaint et Jacques Bacot ? Peut-être les archives le concernant, comme celles du baron Alexandre von Staël-Holstein, se sont-elles éparpillées ? Peut-être l’altruisme du généreux médecin n’est-il pas du goût du jeune Alexis Leger qui « n’avait pas la fibre sociale »  ? Peut- être enfin est-ce parce que, de tous les érudits fréquentés par Alexis Leger entre 1917 et 1921, il est un de ceux, comme André d’Hormon, qui est resté en Chine. En effet, Jean Augustin Bussière est contraint de rentrer en France, malgré lui, au moment où le pouvoir communiste chasse les étrangers hors de Chine. En 1954, il débarque à Marseille avec sa seconde jeune épouse, chinoise de confession catholique. Il se retire à Châteauneuf-les-Bains (Puy deDôme) où il meurt quatre ans plus tard. Comme lui, André d’Hormon est resté en Chine, après le passage des diplomates, Alexis Leger et son ami Henri Hoppenot, notamment. Il est de ceux non pas qui restent du voyage, mais qui sont restés dans le lieu et dans le temps du voyage.
André d’Hormon, un « honnête homme » (1881 – 1965). André d’Hormon – André Yacinthe Rocquette – est manifestement un intermédiaire privilégié entre le jeune diplomate Alexis Leger et les milieux non seulement autochtones, mais sinologues. Il est luimême « un Français fasciné de la culture chinoise », selon les termes de son portrait dans le catalogue d’exposition consultable à la fondation Saint-John Perse, Rencontre, Exposition des sites historiques témoins des échanges culturels entre la Chine et la France au Mont de l’Ouest de Beijing. Voici ce qu’on y apprend : André d’Hormon est né en 1881. Il arrive en Chine en 1906 pour enseigner le français et les sciences politiques à l’Université de Pékin. André d’Hormon a été le témoin de la fin de la dynastie des Qing, du passage de la République de Chine – 1912 – à la République populaire de Chine, en 1949. Il y fait la connaissance l’ancien étudiant Li Yu-ying. En 1911, il prend position du côté des « révolutionnaires ». Les réformateurs ainsi désignés sont les lettrés dont nous avons déjà évoqué le rôle au cours du « Mouvement du 4 mai ». En 1912, André d’Hormon est à leurs côtés au moment de la création de la Société d’éducation rationnelle. À l’École préparatoire pour les études en France, créée grâce au soutien de Tsai Yuan-pei, alors Ministre de l’Education, André d’Hormon assure l’enseignement du français. Il participera également à la création de l’Université sino-française (Centre franco-chinois d’études sinologiques de Pékin) en 1936. Le dr Bussière et André d’Hormon sont de grands collaborateurs de Li Yu-ying et Tsai Yuan-pei pour promouvoir l’éducation de jeunes Chinois en France. Le catalogue rappelle qu’au milieu du XIIIème siècle, le roi saint Louis avait envoyé deux fois des émissaires en Chine, ouvrant ainsi l’échange entre la Chine et la France. « En 1954, sept cents ans après, Royaumont où avait habité saint Louis a accueilli André d’Hormon, un vieillard aux cheveux argentés bien érudit. » C’est en effet à l’abbaye de Royaumont (Val d’Oise) que se retire André d’Hormon, forcé, comme son ami le Dr Bussière, de quitter, en 1954, son pays d’élection. La lecture des numéros de La Politique de Pékin conservés dans la bibliothèque personnelle du poète, permet de comprendre en quelles occasions les deux hommes se sont côtoyés. En juin 1918, comme nous l’avons déjà mentionné, une réception en l’honneur du Ministre de France, Auguste Boppe, est donnée à l’Université de Pékin. Le Ministre salue la présence d’éminents professeurs dont André d’Hormon. L’article est illustré par une photographie sur laquelle figurent Alexis Leger, le Dr Bussière et André d’Hormon273. Dans le même numéro, un article relate un banquet de la presse franco-chinoise à l’occasion duquel Alexis Leger et André d’Hormon, tour à tour, ont pris la parole. Voici comment le journal rapporte leurs allocutions respectives : « […] dans une brève improvisation de la plus belle tenue, M. Leger, Secrétaire de la Légation de France, exprimant le vœu que de pareilles réunions puissent se renouveler, se réjouit avec les organisateurs de cette soirée de voir se nouer un lien vivant entre les Représentants de la Presse chinoise, les Représentants de la Presse française, et ceux de leurs amis communs qui, sans pouvoir invoquer de liens personnels avec la Presse, en comprennent toute l’importance et tout le rôle au cours des heures tragiques que nous traversons : rôle d’avant-garde et de combat, rôle vigilant et militant entre tous, aux côtés des gouvernements et au service des causes les plus chères aux nations. La tâche qui incombe à la Presse prend sa plus haute signification dans les pays d’inspiration démocratique, comme la Chine et la France, qui trouvent dans la forme républicaine les plus sûres garanties d’expression nationale. Rappelant brièvement le rôle joué par la Presse au début de la guerre, M. Leger cherche dans l’évocation de quelques souvenirs personnels le plus sincère témoignage d’admiration. À des réunions de Représentants de la Presse française et étrangère, auxquelles il eut à assister pendant les trois premières années de la guerre, à Paris, comme membre d’un Service officiel de relations avec la Presse, il eut souvent l’occasion de rencontrer deux hommes politiques français, qu’il a toujours entendus revendiquer très hautement leur titre de membres de la Presse : l’un deux est aujourd’hui le chef du gouvernement français, M. Clemenceau, l’autre est le ministre des Affaires Etrangères, M. Pichon. » En effet, Alexis Leger a travaillé au côté d’Henri Hoppenot au Bureau de Presse créé à l’instigation de Philippe Berthelot, en 1914. C’est d’ailleurs là que naît l’amitié entre les deux amoureux des belles lettres. Le Bureau devient « Maison de la Presse » : Alexis Leger et Henri Hoppenot travaillent dans la section de l’information diplomatique. Son travail d’écriture protocolaire se caractérise par une « hauteur de ton », celle que l’article salue en soulignant le talent d’improvisation du diplomate. Le résumé de son discours traduit la volonté d’établir un parallèle entre les gouvernements chinois et français, de saluer le rôle de la presse, qu’il a lui-même la charge de dépouiller pour son Ministre, et, au passage, de parler un peu de lui.

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Table des matières

Introduction
I. Un cercle de sinologues disparus
I.1. Portraits de sinologues disparus
I.1.1. L’homme de Dunhuang
Paul Pelliot, le conquérant (28 mai 1878 – 26 octobre 1945)
I.1.2. Les « tibétisants »
I.1.3. Le sacré et le profane
I.2. Un « microcosme intellectuel »
I.2.1. Alexis Leger et les « quatre ou cinq plus grands orientalistes du monde »
I.2.2. Alexis Leger, acteur d’une diplomatie par la culture
II. « La Chine n’est que poussière »
II.1. Une mémoire fragmentaire
II.1.1. Jean Augustin Bussière, médecin et sinologue (1872 – 1958)
II.1.2. André d’Hormon, un « honnête homme » (1881 – 1965)
II.1.3. La Fondation au risque de la Pléiade ?
II.2. La sinologie et les fondations d’Anabase
II.2.1. Histoire, géographie et archéologie : le Tibet et la Mongolie
II.2.2. Philologie et écriture
III. Anabase, une expédition vers l’intérieur et vers l’antérieur
III.1. Vers l’intérieur
III.2. Vers l’antérieur
Conclusion
Bibliographie
1. ECRITS de SAINT-JOHN PERSE
2. OUVRAGES et ARTICLES CONSACRÉS À SAINT-JOHN PERSE
3. OUVRAGES et ARTICLES CONSACRÉS PARTIELLEMENT À SAINT-JOHN PERSE et/ou aux SINOLOGUES
4. OUVRAGES CONSACRÉS aux SINOLOGUES
4.1. JACQUES BACOT
4.2. JEAN-AUGUSTIN BUSSIERE
4.3. MARCEL GRANET
4.4. PAUL PELLIOT
4.5. ALEXANDRE VON STAËL-HOLSTEIN
4.6. GUSTAVE-CHARLES TOUSSAINT
5. OUVAGES et ARTICLES sur LES RELATIONS SINO-FRANÇAISES
6. CATALOGUES d’EXPOSITIONS
7. BIBLIOTHEQUE EXTRÊME-ORIENTALE de SAINT-JOHN PERSE ou FONDS
ASIE.

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