SAINT ANSELME ET LA PREUVE DE L’EXISTENCE DE DIEU

L’Influence de l’augustinisme

   Saint Augustin est né en 354 en Afrique du nord. Il étudia à Carthage ou il entre en contact avec les manichéens. Le manichéisme, fondé par le perse Mani, est une doctrine basée sur la distinction du monde en deux : le royaume de la lumière et le royaume de la terre. Ainsi pour eux, le Bien est associé au royaume de la lumière et le Mal au royaume des ténèbres. Pour les manichéens, « à l’origine, il y a deux principes antithétiques, deux « régions » séparées par une frontière : au nord la Région du Bien ou de la lumière, au sud la Région du Mal, des Ténèbres et de la Matière ».En désaccord avec cette distinction, saint Augustin quitte Carthage pour s’installer à Milan où il rencontre le Père Ambroise,  évêque de cette ville. De la découverte de la pensée platonicienne et des Écritures Saintes, il s’intéresse à la théologie et cela se manifeste par sa conversion et son baptême en 387. Conscient de sa vocation, saint Augustin quitte Milan pour Rome, puis revient s’installer en Afrique ou il devient prêtre et, en 396, évêque d’Hippone. Sa vie intellectuelle est marquée par une œuvre très riche. Dans cette œuvre, nous nous intéresserons particulièrement à des sujets tels que les rapports entre philosophie et théologie, les attributs divins, l’analyse de la trinité. En effet, la pensée de saint Augustin se rapporte souvent à la théologie et ceci est justifié par ses différents titres tels que : Confessions, De la trinité, La cité de Dieu. Soucieux de trouver la vérité, saint Augustin n’a pas manqué de se prononcer sur les rapports entre foi et raison. Selon lui, la raison est un moyen, un outil qui peut permettre à l’homme de saisir la vérité des choses. Toutefois celle-ci doit s’accompagner de la foi pour accéder à la vérité. De ce fait, il est important de situer la place qu’occupent ces deux entités dans la pensée augustinienne. Nourri de quelques connaissances philosophiques par la lecture d’un dialogue de Ciréron, l’Hortensius, des Catégories d’Aristote et de quelques écrits néo-platoniciens, Augustin acquiert une connaissance philosophique remarquable. Mais, ces connaissances philosophiques ne le satisferont pas dans sa quête de la vérité Unique, la connaissance de Dieu. Conscient de ce manque, Augustin va avec l’aide du Père Ambroise apprendre et comprendre la foi chrétienne. D’ailleurs, saint Augustin ne manque pas de mentionner cette implication d’Ambroise dans sa formation catholique. Il comprend avec ce dernier le sens de quelques thèses bibliques telles que « l’homme est l’image de Dieu » ou que pour comprendre le mal il faut comprendre le libre arbitre. Ainsi, on comprend que philosophie et théologie se retrouvent dans les différentes phases de la vie de saint Augustin. Dans les Confessions, les préoccupations principales de saint Augustin sont la connaissance de soi et la connaissance de Dieu. En réalité la connaissance de Dieu s’assimile à la recherche de la Vérité chez lui, car il n’y a pas de séparation entre Dieu et la vérité mais ils forment la même chose. Toutefois, cette connaissance a besoin de la raison car nous dit le père : nul ne doute que nous soyons poussés à l’acquisition de la connaissance par le double poids de l’autorité et de la raison ; or c’est pour moi une certitude que je ne dois en aucune manière m’écarter de l’autorité du Christ, car je n’en trouve pas de plus puissante ; quant à la vérité qui doit être cherchée à l’aide d’une raison très affinée mon intention est telle en effet que je désire atteindre le vrai non seulement par la foi, mais encore par l’intelligence (…). Il est donc certain que saint Augustin ne négligeait pas la raison dans la recherche de la vérité. Cela se reflète tant dans sa « formation philosophique », tant dans sa compréhension des Écritures Saintes. D’ailleurs le Révérend père Albert Solignac, dans son analyse de la connaissance philosophique d’Augustin, nous dit ceci : « la place que tient saint Augustin dans l’histoire de la philosophie est considérable. En particulier, il joue le rôle d’agent de transmission entre la philosophie de l’Antiquité et celle du moyen-âge : héritier de la première, il inspire et commande la seconde (…) ». Toutefois, l’analyse de ces rapports entre foi et raison ou de la place de ces deux entités dans la doctrine d’Augustin ont un but bien précis : connaitre Dieu. Et pour ce faire, la foi doit précéder la raison dans la recherche. Ceci se comprend mieux à travers les propos suivants : « dans les choses qui appartiennent à la doctrine du salut et que nous ne pouvons pas comprendre encore, mais que nous comprendrons un jour, il faut que la foi précède la raison : elle purifie ainsi le cœur et le rend capable de recevoir et de supporter la lumière de la grande raison ». On pourrait donc avancer sans risque que saint Augustin n’oppose pas la raison à la foi. Il pense plutôt que la raison et la foi ont le même objectif : accéder à la Vérité. Ainsi, la raison doit éclairer la foi pour que cette dernière accède à l’intelligibilité de Dieu. La raison est indispensable à la foi pour comprendre Dieu. La compréhension n’est donc faite que par une foi éclairer. C’est dans cette perspective qu’il faut comprendre la formule « fides quaerens intellectum », la foi cherchant l’intelligible ; formule qui sera reprise par Anselme. La finalité de ces rapports pour saint Augustin comme pour saint Anselme était de comprendre la nature de Dieu et par la même occasion démontrer son existence. Néanmoins, Augustin ne concevait pas une raison passive au service de la foi, mais une raison qui éclaire la foi pour comprendre son objet. Il était conscient que la foi avait besoin des concepts philosophiques pour expliquer et comprendre les Écritures Saintes. C’est précisément la thèse défendue par Clément d’Alexandrie à des siècles après saint Augustin. Pour clément d’Alexandrie : Il faut faire apparaitre la foi non pas inactive et seule, mais accompagnée de la recherche : voilà ce que nous affirmons. Loin de moi la pensée d’exclure toute recherche : « cherche, et tu trouveras », dit le seigneur. (…). Oui, ceux qui cherchent, d’une recherche véritable, en louant le Seigneur, seront rassasiés du don qui vient de Dieu, c’est-à-dire la connaissance, (…). Il était question pour Clément d’Alexandrie de montrer l’apport que peut avoir la philosophie dans la formation chrétienne. Il ne rejette pas à la manière de Tertullien les concepts grecs, mais en utilise ceux qui peuvent servir à expliquer la conduite morale chrétienne.

Pierre Damien et la toute-puissance divine

   Saint Pierre Damien est né en 1007 à Ravenne (Italie) et mort en 1072. Sous la protection de son frère Damien, il fait des études très avancées. Par reconnaissance à ce dernier, il finit par prendre son nom. D’où le nom de Pierre Damien. Moine, évêque, cardinal et docteur d’Église, Pierre Damien comme saint Anselme faisait partie de l’ordre de saint Benoit. Il était donc un prêtre bénédictin. Il devient très célèbre dans son époque par la lutte qu’il mène contre la simonie et le Nicolaïsme. La simonie est cette tentative de certains Pères à donner de l’argent pour obtenir des postes supérieures au sein de l’Église. C’est une pratique très présente au moyen Age et qui affectait le système des monastères. Pour Pierre Damien, c’est indigne de voir des prêtres qui représentaient la parole de Dieu d’adopter des conduites contraires à la morale. La simonie a ses sources dans les écrits bibliques. Elle est connotée au nom de Simon le magicien qui est un personnage des Actes des apôtres. Dans les Actes, on retrouve le récit suivant : Il y avait auparavant dans la ville un homme nommé Simon, qui, se donnant pour un personnage important, exerçait la magie et provoquait l’étonnement du peuple de la Samarie. Lorsque Simon vit que le Saint Esprit était donné par l’imposition des mains des apôtres, il leur offrit de l’argent, en disant : Accordez-moi aussi ce pouvoir, afin que celui à qui j’imposerai les mains reçoive le Saint Esprit. Mais Pierre lui dit : Que ton argent périsse avec toi, puisque tu as cru que le don de Dieu s’acquérait à prix d’argent. La simonie fut l’un des problèmes combattus au moyen Age et Pierre Damien exigeait une droiture aux hommes de l’habit. Autrement dit, il était inconcevable que l’Église qui exhortait les fidèles à la droiture et à la morale, puisse avoir des Pères qui ne respectaient pas ces normes. Le Nicolaïsme quant à lui était une doctrine qui permettait aux prêtres de se marier ou d’avoir des concubins. Dans les principes qui formaient cette doctrine, les prêtres pouvaient avoir des relations charnelles comme tout fidèle. Pierre Damien lui favorisait le célibat des hommes de Dieu. Car le cœur de l’homme d’Église ne doit pas être partagé, il doit appartenir entièrement au Christ. Mais cette réfutation n’est pas un débat du moyen Age seulement. Le célibat sacerdotal est appuyé par plusieurs églises notamment celle catholique romaine. L’église catholique romaine a érigé le célibat sacerdotal en une règle protégée par le code de droit canonique. Cette règle est formulée comme suit : « les clercs sont tenus par l’obligation de garder la continence parfaite perpétuelle à cause du Royaume des cieux, et sont donc astreints au célibat, don particulier de Dieu par lequel les ministres sacrés peuvent s’unir plus facilement au Christ avec un cœur sans partage et s’adonner plus librement au service de Dieu et des hommes ». Le nicolaïsme a été farouchement rejeté par Pierre Damien. Le représentant du Christ se doit de lui ressembler en pureté et en sainteté. Il s’ensuit que les hommes de Dieu doivent mener une vie solitaire afin de se vouer entièrement au Christ. C’est en ce sens que le vénéré Pape Paul VI expliquait qu’il était normal que l’Église souhaite appeler au service du Seigneur des hommes qui acceptent la condition de vie de Jésus qui est resté sa vie durant dans l’état de virginité pour signifier son dévouement total au service de Dieu et des hommes. Pierre Damien n’a pas donc été le seul à dénoncer des actes et conduites que l’on jugeait contraire aux normes de l’Église catholique. Il a dédié toute sa vie à la recherche et à la compréhension de la parole de Dieu. Néanmoins, dans le souci de respecter notre thème à savoir la toute-puissance divine, nous allons nous intéresser à sa lettre sur la toute-puissance divine rédigée en 1067. Cette lettre s’est faite suite à une discussion portant sur le passage d’une lettre de saint Jérôme soutenant que « Dieu ne peut rendre vierge une fille qui ne l’ai plus ». Pour Pierre Damien, cette thèse contient une contradiction. En effet, affirmé qu’une divinité n’a pas un pouvoir total contredit ce qu’est Dieu et en même temps remet en cause son omnipotence. Il va donc prendre en charge cette question en vérifiant la validité des deux réponses possibles. De fait, pour étayer sa pensée, il va substituer la question initiale avec la question théologique suivante : « Dieu peut-il faire que ce qui est arrivé ne soit pas arrivé » ? Si l’on répond par la négation, on enlève à la divinité un de ses attributs : l’omnipotence. Or, « la loi naturelle, présentée comme universelle, qui liée aux principes aristotéliciens de non contradiction et de bivalence pose l’impossibilité que ce qui est ne soit pas ». Par principe de non contradiction, on entend l’impossibilité d’admettre ou de nier en même temps et sous les mêmes rapports un attribut affecté à un sujet. D’ailleurs Aristote dans la Métaphysique le relate comme suit : « il est impossible que le même attribut appartienne et n’appartienne pas en même temps à la même chose et du même point de vue. Pour Pierre Damien, enlevé la toute-puissance de Dieu, c’est nier son existence. Car Il renferme en lui la toute-puissance. Affirmer donc qu’une divinité n’a pas la puissance entrainera une négation quant à son existence. Par principe de bivalence, on entend qu’une phrase ou assertion ne peut avoir qu’une seule valeur de vérité : vraie ou fausse. Par conséquent, on ne peut admettre l’existence de Dieu comme vraie et réfuter sa toute-puissance. Ainsi, dire que Dieu ne peut pas faire que ce qui est arrivé ne soit pas arrivé reviendrait à poser le principe de non contradiction et de bivalence. En d’autres termes, ce principe refuse la déclaration de deux thèses contraires par rapport à une seule vérité et en même temps. Or quand on enlève la toute-puissance à Dieu, on verse sur ce principe. Donc on ne peut que poser Dieu comme Être tout puissant. Toutefois, si pour Pierre Damien, c’est le principe de non contradiction et de bivalence qui empêche de poser Dieu sans la toute-puissance, telle n’est pas le cas chez Hans Jonas qui a analysé cette puissance des siècles après Pierre Damien. Hans Jonas part de faits historiques pour conclure à la thèse de l’impuissance de Dieu. En effet, il va partir des faits qui se sont passés à Auschwitz pour expliquer sa thèse. Pour lui, l’extermination des juifs en présence d’un Dieu silencieux a changé la conception traditionnelle de Dieu chez les juifs. Et il s’ensuit qu’ « il y a là manifestement le refus d’une toute puissance supranaturaliste qui vient résoudre d’en haut les difficultés humaines ». Autrement dit, selon l’auteur, ces faits ont changé l’image que les juifs avaient de Dieu et de sa toute-puissance. S’Il n’a pas fait intervenir sa puissance pour arrêter le mal que les juifs subissaient c’est qu’Il n’a pas toute cette puissance qu’on lui attribue. Il était en état d’impuissance car : « pendant toutes les années qu’a duré la furie d’Auschwitz, Dieu s’est tu. (…). S’il n’est pas intervenu, ce n’est point qu’il ne le voulait pas, mais parce qu’il ne le pouvait pas ». Face aux crimes commis à Auschwitz, Dieu était donc ce témoin silencieux car impuissant. Partant de ces faits, Hans Jonas en conclut que « nous en arrivons à ce qui constitue peut- être le point le plus critique dans notre entreprise bien risquée de théologie spéculative : ce Dieu Ŕlà n’est pas un Dieu tout-puissant ».

La preuve ontologique

   Après les différentes preuves proposées dans le Monologion, Anselme est aminé par le désir de trouver un argument capable à lui seul de prouver l’existence de Dieu. Un argument qui renferme l’essence et l’existence de Dieu. Une preuve qui permet de prouver l’existence de Dieu à partir de son l’idée. L’argument d’Anselme part donc de l’analyse de l’idée de Dieu pour en déduire son existence. Cette démarche héritera des siècles plus tard le nom de « preuve ontologique ». Dès lors se pose la question suivante : qu’est-ce que la preuve ontologique ? C’est une preuve qui part de la définition de Dieu pour poser son existence. Autrement dit, c’est une preuve qui part de l’essence de Dieu pour en tirer son existence. Cette preuve se distingue donc des autres preuves telles que la preuve cosmologique et la preuve physico-théologique qui partent de la nature et de l’expérience humaine pour démontrer l’existence de Dieu. La preuve ontologique à la différence de ces preuves, tente de prouver l’existence de Dieu à partir de la signification de son nom. C’est principalement grâce à cet aspect spéculatif et métaphysique sur lequel se base cette preuve qu’elle est devenue la plus célèbre des preuves. Son originalité se note aussi sur le fait qu’elle a été l’argument le plus contesté de l’histoire des preuves de l’existence de Dieu. Ainsi définie en haut, analysons maintenant l’histoire de cette preuve. En effet, la paternité de cette preuve est attribuée à saint Anselme de Cantorbéry. Ce dernier, posant dans le Proslogion une définition de Dieu, ouvre la porte à un débat portant sur la validité de toutes preuves qui prétendent démontrer l’existence de Dieu à partir de son concept. Dans le Proslogion, Anselme du Bec pose Dieu comme « quelque chose de tel que rien ne peut se penser de plus grand » pour en déduire son existence. Cette preuve se présente alors comme purement abstraite, spéculative qui s’appuie sur la définition d’un concept pour démontrer par le raisonnement son existence. C’est en ce sens que cette preuve est définit comme « celle qui consiste à prouver l’existence par la seule analyse de son essence, ou de sa définition ». La preuve ontologique ne part donc ni de la connaissance des choses de la nature, ni de l’existence de celles-ci, mais uniquement du seul concept de Dieu. Appliquer à la pensée anselmienne, elle consiste à démontrer que l’existence de Dieu est contenue dans son concept. Mais peut-on démontrer l’existence d’une chose à partir de son unique concept ? Autrement dit, le seul concept d’une chose peut-il nous donner une connaissance exacte de son existence ? Anselme nous dit qu’en ce qui concerne principalement l’existence de Dieu, c’est une chose possible. Car l’existence est un des attributs principaux de Dieu. En effet, pour Anselme la non existence est en contradiction avec ce qu’est Dieu, c’est-à-dire un « être tel que rien ne peut se penser de plus grand ». Le concept de Dieu n’est donc pas un concept vide de sens. Toutefois, cette définition anselmienne de Dieu n’est-elle pas subjective en ce sens que cette définition est posée à partir de la foi : « nous croyons en effet que tu es quelque chose dont rien de plus grand ne puisse être pensé ». À la lumière de cette définition, nous pouvons dire que la démarche anselmienne a donc des fondements religieux. En d’autres termes, la démarche part de ce qu’est Dieu pour le croyant. Bernard Sève nous dit qu’il faut comprendre que dans « la définition anselmienne : (…), Dieu y est saisi non pas en lui-même, mais par rapport à moi, à ma pensée (…) ». L’existence de Dieu est donc prouvée chez Anselme par rapport à l’idée de celui-ci dans la pensée humaine. Cette manière par laquelle Anselme pose l’existence de Dieu a pris le nom de preuve ontologique ou de preuve ontologique classique. Voici comment il pose cet argument : « nous croyons en effet que Tu es quelque chose dont rien de plus grand ne puisse être pensé. (…). Mais certainement cela dont plus grand ne peut être pensé ne peut pas être dans la seule intelligence. (…). Quelque chose dont plus grand ne peut être existe donc, sans le moindre doute, et dans l’intelligence et dans la réalité ». En posant cet argument dans le Proslogion II, Anselme passe de l’idée de Dieu comme être dont la non-existence est inconcevable dans l’intellect à son existence qui est une conséquence logique et nécessaire de ce qu’est l’être de Dieu. Dans cet argument, on comprend qu’Anselme part de la signification du nom de Dieu comme un être souverain, qui est au-dessus de tout puisque même la pensée ne peut le penser pleinement, pour conclure de son existence nécessaire. Ainsi, cet argument ontologique « prétend apporter la contradiction chez ceux qui, tout en acceptant une définition adéquate de Dieu, un être souverainement parfait ou un être tel que rien ne peut être conçu, nient ensuite son existence ». C’est pour attirer notre attention sur cette contradiction que certains exégètes d’Anselme soulignent l’existence d’un second argument ontologique dans le Proslogion III. C’est le cas de Hartshorne. Pour ce dernier, cet argument montre la contradiction qu’il y a à poser la non-existence de Dieu. Autrement dit, dans le Proslogion III, Anselme met en avant l’idée selon laquelle la chose dont la non-existence est impossible est supérieure à la chose dont la non-existence est possible. Dans cette seconde preuve ontologique, Anselme veut montrer que « l’impossibilité de la non existence est une perfection ». Cet argument par le raisonnement que Kant a baptisé sous le nom de preuve ontologique part de la définition de l’être de Dieu, de sa signification de son nom pour prouver son existence. La preuve ontologique ne part d’aucun élément empirique pour conclure de l’existence de Dieu. Mais elle tire de l’idée juste de Dieu son existence. En effet, cette preuve doit aussi sa célébrité à cette autonomie donnée à la seule raison de pouvoir dire de Dieu. C’est principalement ce rationalisme qui fera la fortune de l’argument ontologique. D’où la nécessité de nous intéresser au XVII siècle qui est une époque dominée par ce rationalisme. Une époque où « tout a dû justifier sa propre existence devant le tribunal de la raison ou renoncer à l’existence ». Précisément dans cette époque, Descartes va reprendre cette preuve ontologique. Ainsi, de la preuve ontologique classique d’Anselme nous passons à la preuve ontologique moderne de Descartes. Dans les Méditations Métaphysiques, le cartésien élabore une nouvelle version de ladite preuve. Ce qui évolue de la preuve proposée par Anselme à celle de Descartes, c’est la prémisse de départ. Autrement dit, d’une signification subjective du nom Dieu : « nous croyons en effet que Tu es quelque chose de tel que rien ne peut se penser plus grand », nous passons à la définition de Dieu comme être souverainement parfait. C’est fort de ce constat que Sève nous dit que : « la preuve cartésienne n’est pas une reprise de l’argument d’Anselme, c’est une autre preuve, malgré l’indiscutable « air de famille » qui les rapproche ». Par « air de famille », Sève entend ce qu’elles ont de commun. C’est-à-dire le fait que toutes les deux procèdent par raisonnement pour conclure de l’existence de Dieu. L’une part d’une foi qui veut connaitre son objet, l’autre par de l’idée de parfait pour prouver l’existence de Dieu. Pour revenir à la preuve cartésienne, celle-ci pose Dieu comme un être doté de toutes les perfections. Or pour Descartes l’existence est une perfection. Donc Dieu existe. Pour le cartésien, nous avons tous l’idée de perfection en nous, or nous sommes des êtres imparfaits, alors cette idée de perfection doit trouver son origine dans un être plus parfait que nous et cet être ne peut être que Dieu. À suivre l’argument cartésien, on peut dire que l’idée de Dieu est une idée qui est l’œuvre d’un être souverainement plus parfait. Et c’est dans cette lancée qu’il faut comprendre ces propos de Descartes : « l’idée que j’ai d’un être plus parfait que le mien doit nécessairement avoir été mise en moi par un être qui soit en effet plus parfait ». Dieu est donc la cause de son idée dans la pensée humaine. De fait, chez Descartes, il y a une subordination de l’imperfection humaine à la perfection divine. Et c’est par l’imperfection humaine d’ailleurs qu’il démontre l’existence de Dieu comme l’être le plus parfait. On peut donc affirmer sans risque de nous tromper que Descartes ne fait pas de distinction entre les concepts Dieu et existence. Car pour lui, « il n’y a pas moins de répugnance de concevoir un Dieu (c’est-à-dire un être souverainement parfait) auquel manque existence (c’est-à-dire auquel manque quelque perfection), que de concevoir une montagne qui n’ait point de vallée ». Ainsi dans les Méditations Métaphysiques, Descartes montre qu’il est nécessaire à Dieu d’exister. En d’autres termes, un être souverainement parfait ne peut qu’exister. L’expérimentation de l’idée de cet être souverainement parfait permet à Descartes de poser Dieu comme « une substance infinie, éternelle, immuable, indépendante, toute connaissante, toute puissante et par laquelle moi-même, et toutes les autres choses qui sont (s’il est vrai qu’il y en ait qui existent) ont été créées et produites ». Si Dieu est cause de tout ce qui existe, Il devient ce Dieu dont l’existence est démontrée a postériori par saint Thomas. D’ailleurs, toutes les voies de Thomas concluent à l’existence d’une première cause et premier principe et que tout le monde appelle Dieu. Face à cette ressemblance entre la preuve a priori de Descartes et la preuve a postériori de Thomas, Emmanuela Scribano fait la remarque suivante : « il semblerait donc que la notion de causa sui, auparavant explicitement employée pour construire une véritable preuve a priori donne précisément lieu à l’argument le plus faible pour prouver a priori l’existence de Dieu ».

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Table des matières

INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE / LES FONDEMENTS DE L’ARGUMENT ANSELMIEN
CHAPITRE I : DE L’HERITAGE DE QUELQUES PERES DE L’ÉGLISE
1. L’Influence de l’augustinisme
2. Pierre Damien et la toute-puissance divine
CHAPITRE II : LES POSSIBILITES DE CONNAISSANCE DE DIEU SELON ANSELME
1. Les preuves du Monologion
2. La preuve ontologique
DEUXIEME PARTIE : ORIGINALITE ET CRITIQUE DE L’ARGUMENT DU PROSLOGION
CHAPITRE III : LE PROSLOGION : FIDES QUAERENS INTELLECTUM
1. La preuve du Proslogion II
2. La preuve du Proslogion III
CHAPITRE IV : CRITIQUE DE L’ARGUMENT ANSELMIEN
1. Gaunilon et Saint Thomas
2. La critique kantienne
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE

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