Rotomoulage : description du procédé
Le rotomoulage est une technique de mise en œuvre des polymères permettant la réalisation des pièces creuses avec des dimensions et des géométries très variées [1-3], ou encore des pièces en multicouches et des matériaux moussés [4-7] ainsi que des matériaux composites [8-11]. Les avantages de cette technique sont nombreux et en particulier :
➤ L’absence de contraintes résiduelles et l’absence de lignes de soudure, ce qui favorise la fabrication des pièces techniques,
➤ L’emploi de moules peu couteux ; car en absence des pressions il n’est pas nécessaire de les fabriquer à partir de matériaux de haute performance,
➤ Très faible perte de la matière,
➤ Obtention des pièces homogènes.
Les applications industrielles du rotomoulage sont variées et les pièces rotomoulées trouvent leurs applications dans la plupart des secteurs industriels [12]. Il existe deux variantes de ce procédé; le rotomoulage de poudres thermoplastiques et le rotomoulage des élastomères et thermodurcissables, qui se réalise par voie réactive.
Rotomoulage réactif
Vu les inconvénients que le rotomoulage conventionnel présente, le rotomoulage réactif, constituée une meilleure alternative au rotomoulage des poudres. Dans le cas de ce procédé, le temps de cycle est réduit d’une manière considérable et le spectre des matériaux est élargi. Dans ce type de procédé, la matière première se présente sous forme de précurseurs réactifs au lieu de poudre, généralement sous forme liquide, qui se polymérisent au même moment que la mise en œuvre de la pièce. En matière d’équipement, le rotomoulage réactif utilise le même appareillage que le rotomoulage des poudres. On introduit les réactifs dans le moule. Celui-ci est mis en rotation biaxiale et porté à la température de la réaction de polymérisation (selon le système réactif utilisé). La réaction chimique entraîne une élévation de la masse molaire accompagnée d’une augmentation substantielle de la viscosité. Lorsque la viscosité du système réactif atteint une certaine valeur, le polymère commence à adhérer à la surface interne du moule et il épouse ainsi sa forme.
La voie réactive du rotomoulage présente certains avantages à savoir :
♦ Réalisation des pièces de bonne tenue mécanique à partir de polymères thermodurcissables,
♦ Réduction des coûts énergétiques (chauffage, refroidissement moins importants),
♦ Réduction du temps de cycle,
♦ Absence totale de solvants dans le procédé ce qui constitue un avantage majeur puisqu’il permet d’épargner le coût des produits eux-mêmes et celui lié à leur stockage, purification, séparation et récupération.
Comme tout procédé industriel, à côté des avantages décrits ci-dessus, ce procédé présente également certains inconvénients. Le principal inconvénient du rotomoulage réactif réside dans la difficulté d’optimiser le procédé vu le nombre relativement élevé des paramètres influents. En effet, il est très difficile de maîtriser la mise en œuvre de la pièce et la synthèse du polymère surtout quand la réactivité entre les composants du mélange réactif est très élevés.
Choix des Système réactifs
Pour qu’une formulation soit adaptée au rotomoulage réactif, elle doit satisfaire les critères ci-après :
♦ La réaction de polymérisation doit être complète au cours du cycle du rotomoulage ou après cuisson,
♦ Pas de formation de produits secondaires,
♦ La viscosité initiale doit être suffisamment basse afin d’assurer une bonne mouillabilité de la surface interne du moule,
♦ La température de polymérisation (mise en œuvre) doit être beaucoup plus basse que la température de dégradation du polymère au cours de rotomoulage,
♦ La réactivité du système ne doit pas être trop élevée. Il faut que le mélange liquide soit bien réparti sur la paroi interne du moule avant la fin de polymérisation (point de gel pour les polymères thermodurcissables),
♦ Le milieu réactionnel ne doit pas contenir de solvants.
Actuellement, les polyuréthanes [1, 16, 17] et les polyamides [18-23] sont les deux familles principales adaptées pour le rotomoulage réactif. La réalisation de pièces à base de polyamide permet un gain du temps et un gain d’énergie considérables. En effet, la polymérisation se déroule à une plage de température de 140-190°C contrairement au rotomoulage des poudres où il y a lieu de chauffer le moule à une température atteignant 240°C, et la solidification du matériau est assurée par polymérisation, donc il n’y a plus besoin de phase de refroidissement. Quant aux pièces obtenues par les systèmes réactifs de type polyuréthane, la polymérisation est réalisée généralement par des formulations de thermodurcissable où la gélification assure la solidification de la pièce. D’autres travaux ont été menés pour élargir la gamme des matériaux à mettre en œuvre par rotomoulage réactif comme les polyépoxy [24-27]. En parallèle, l’Ecole de Mines de Douai a de son côté développé des nouvelles formulations de polyuréthanes thermoplastiques biosourcés adaptées au rotomoulage et rotomoussage réactif [28-29].
Mise en œuvre d’un modèle du rotomoulage réactif
En dépit des avantages que le rotomoulage réactif présente en comparaison au rotomoulage conventionnel, l’optimisation de ce type de procédé afin d’obtenir des pièces de haute qualité avec moindre coût est un challenge vu les phénomènes physico-chimiques mises en jeu qui dépendent les uns des autres d’une part et d’autre part de leurs natures plus au moins complexes (Figure 3).La simulation numérique établie sur la base d’un modèle physique est alors l’une des méthodes moins coûteuses pour les industrielles permettent ainsi l’optimisation de la fabrication des pièces. Pour pouvoir établir un modèle du rotomoulage réactif, quatre composantes sont nécessaire à étudier à savoir :
➤ un modèle d’écoulement, permettant de calculer les paramètres de l’écoulement du polymère tout au long du cycle,
➤ un modèle cinétique, permettant de calculer l’avancement de la réaction en fonction du temps et de la température,
➤ un modèle pour le transfert thermique, permettant de décrire les voies de transmission de la chaleur ; par convection entre le four et le moule et par conduction entre moule et système réactif,
➤ éventuellement, un modèle rhéologique, permettant de décrire l’évolution du comportement rhéologique en fonction de l’avancement de la réaction et en fonction des paramètres liés au procédé comme les déformations de cisaillement.
Les formulations utilisées dans le domaine du rotomoulage se caractérisent par une influence importante de la réaction de polymérisation entraînant une élévation de la viscosité et de la masse moléculaire modifiant ainsi le comportement rhéologique. Par conséquent, l’étude de l’écoulement se complexifie et le temps de séjour est estimé à l’aide des lois rhéocinétiques. Le modèle est donc fortement lié à l’écoulement, la réaction chimique et la modification correspondante de la viscosité ainsi que les transferts thermiques mis en jeu.
Avant de décrire la méthodologie permettant la modélisation et la simulation du procédé du rotomoulage par voie réactive, il est important de lister tous les paramètres qui doivent être pris en compte dans la réalisation des pièces. Ces paramètres sont propres au matériau et au procédé, à savoir :
♦ Les propriétés physico-chimiques du système réactif (densité, conductivité, capacité calorifique et viscosité),
♦ L’exothermicité de la réaction,
♦ La nature et la géométrie du moule,
♦ Les vitesses de rotation des axes majeurs et mineurs, et leur rapport,
♦ La température du four et la vitesse de chauffe appliquée,
♦ Le temps de cycle.
Les trois premiers paramètres sont intrinsèques à la matière choisie et au moule utilisé, et les autres sont liés aux conditions de mise en œuvre du procédé. Celles-ci vont avoir une influence sur les propriétés mécaniques des pièces finales. Les travaux concernant la modélisation du rotomoulage réactif sont rares dans la littérature et abordent particulièrement l’écoulement du fluide, le transfert thermique et leur modélisation. La géométrie utilisée dans ces études est simple, le moule est représenté par un cylindre en rotation monoaxiale. Throne et Gianchandani [31] ont été les premiers en 1980, à étudier le rotomoulage réactif et notamment l’écoulement du fluide lors du procédé, ces travaux ont été repris par Johnson [32].
Pour une vitesse de rotation constante, quatre phases sont distinguées et sont présentées sur la Figure 4 [31].
– Flaque : Au début de la réaction de la polymérisation, la viscosité du système réactif est trop faible pour que la matière puisse adhérer au moule. Le fluide reste au fond du moule et forme une flaque. La matière brasse la surface interne du moule et forme ainsi une couche mince.
– Cascades : Au fur et à mesure que la réaction avance dans le temps, la viscosité augmente et le moule peut entraîner une quantité importante du fluide mais sous l’effet de la gravité, des cascades peuvent se former. Ce régime est susceptible de générer de nombreux défauts comme des bulles d’air dans la matière.
– Ecoulement rotationnel: Lorsque la viscosité est plus élevée, on observe la formation d’une couche de matière plus ou moins épaisse mais un phénomène de vagues apparaît, c’est l’écoulement rotationnel.
– Rotation solide : La viscosité est tellement élevée que le liquide ne flue plus et tourne donc à la même vitesse que la paroi.
Il est clair que ces régimes d’écoulement dépendent étroitement de la viscosité. Ceci montre l’importance de connaître avec exactitude l’évolution de la viscosité du système réactif. Pour un mélange réactionnel thermodurcissable, la réalisation de la pièce doit intervenir avant la gélification où la viscosité tend vers l’infini. Des chercheurs de l’université de Queen’s University de Belfast, ont focalisé leurs études sur le suivi de polymérisation et la visualisation des écoulements de plusieurs formulations réactives dans un cylindre en rotation autour de son axe principal, par des mesures ultrasonores [33-34]. Jusqu’à maintenant, le rotomoulage est toujours considéré comme une méthode de mise en œuvre empirique. Pour franchir ce cap et aller à l’automatisation de ce procédé, il est nécessaire de passer à la simulation afin de prédire le comportement de système réactif tout au long de la fabrication de la pièce. Cet outil de modélisation doit tenir compte de tous les paramètres physiques liés au matériau et paramètres liés au procédé lui-même, afin qu’elle soit le mieux que possible proche des conditions réelles. Or, ces paramètres sont interdépendants et les phénomènes engendrés nécessitent une étude approfondie pour pouvoir les modéliser et enfin de simuler le procédé.
Modélisation des procédés de plasturgie
Avec l’utilisation de plus en plus massive de pièces en plastique dans presque tous les secteurs d’activité, et la pression accrue pour réduire les coûts de fabrication et pour accélérer la commercialisation des produits, la demande d’outils de simulation permettant de comprendre parfaitement les procédés de transformation des matières plastiques n’a jamais été aussi grande. Mais cela n’a de sens que dans la mesure que ces simulations sont basées sur une analyse physique pertinente des phénomènes physico-chimiques rencontrés dans une machine ou un outillage de mise en œuvre. Les premiers travaux effectués dans le domaine de la modélisation de la mise en forme des plastiques ont porté sur les procédés des transformations des thermoplastiques. La première simulation dans ce domaine remonte à 1950 où l’écoulement dans les canaux a été décrit par une loi de puissance [35]. Ensuite, l’avènement des ordinateurs a permis la résolution numérique de problèmes compliqués pour la réalisation des pièces ayant des géométries simples, principalement avec la méthode des différences finies (FDM), méthode utilisée en raison de sa simplicité. Dans les années 1970, le progrès croissant des matériels informatiques a permis de résoudre des problèmes réalistes avec des géométries complexes en utilisant des méthodes numériques plus développées comme les méthodes des éléments finis (FEM) [36-37]. Tanner et al. ont été les premiers à étudier l’écoulement d’un fluide en 2D rencontré dans le procédé de plasturgie [38]. Dans les années 80, les travaux de modélisation ont été focalisés sur l’étude et la simulation du comportement viscoélastiques des polymères [38-42]. Grâce à ces avancées, des logiciels commerciaux ont vu le jour dans les années 1990 comme Polyflow®, Polycad®, Moldflow®. Ces logiciels utilisent des méthodes de maillage et des solveurs sophistiqués et robustes permettant la résolution des équations de conservation de base ainsi que le traitement des conditions aux limites. En ce qui concerne le rotomoulage conventionnel, un logiciel ROTOSIM® a été développé par Crawford et Nugent [43-44] pour simuler le procédé. Ce logiciel permet de déterminer les vitesses de rotation des axes, de prédire la distribution de la matière dans le moule et la répartition des épaisseurs. Cependant, il y a des hypothèses trop simplificatrices qui font que les résultats ne sont valables que lorsque la géométrie du moule est simple. Toutefois, ces études traitent particulièrement de la mise en œuvre des thermoplastiques et rares sont les études de simulation des procédés réactifs et notamment le rotomoulage réactif.
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Table des matières
Introduction générale
CHAPITRE I:Etude bibliographique
I.1.Rotomoulage : description du procédé
I.1.1.Rotomoulage conventionnel
I.1.2.Rotomoulage réactif
I.2.Mise en œuvre d’un modèle du rotomoulage réactif
I.3.Modélisation des procédés de plasturgie
I.3.1.Modèle physique
I.3.2.Travaux antérieurs
I.4.Etude et modélisation du système réactif Polyols Isocyanates
I.4.1.Polyuréthanes
I.4.1.1.Isocyanates
I.4.1.2.Polyols
I.4.1.3.Allongeurs de chaînes
I.4.1.4.Catalyseurs
I.4.2.Modèles cinétiques dédiés aux polyuréthanes thermodurcissables
I.4.3.Méthodes expérimentales du suivi cinétique
I.5.Phénomènes physico-chimiques des polymères
I.5.1.Gélification
I.5.2.Vitrification
I.5.2.Diagramme Temps-Température-Transformation isotherme (TTT)
I.5.3.Diagramme Temps-Température-Transformation anisotherme (CHT)
I.5.4.Modélisation rhéocinétique
I.5.4.1.Modèles mécanistiques
I.5.4.2.Modèles empiriques
CHAPITRE II:Matériaux et méthodes
II.1.Matériaux
II.2.Méthodes d’analyse
II.2.1.Analyse enthalpique différentielle
II.2.2.Analyses rhéologiques
II.2.3.Rotomoulage
CHAPITRE III:Résultats expérimentaux et discussion
III.1.Suivi cinétique de la réticulation par DSC
III.2.Analyses rhéologiques
III.2.1.Modèle rhéocinétique adopté
III.2.1.Effet du taux de cisaillement sur la viscosité
III.3.Profil thermique
III.4.Synthèse de l’étude expérimentale
CHAPITRE IV:Simulation numérique du procédé du rotomoulage réactif
IV.2.Principe de la méthode SPH
IV.2.1.Choix du noyau
IV.2.2.Approximation discrète du schéma d’interpolation
IV.3.Discrétisation du système d’équations par SPH
IV.3.1.Equation de conservation de masse
IV.3.2.Equation de conservation de quantité de mouvement
IV.3.3.Equation de conservation d’énergie
IV.3.3.Equation d’état
IV.4.Recherche des particules voisines
IV.5.Conditions aux limites
IV.6.Déplacement des particules
IV.7.Avance en temps
IV.8.Modèle rhéocinétique
IV.9.Organistion du solveur SPH
IV.9.1.Construction du domaine d’étude
IV.9.2.Organigramme du code SPH
IV.9.3.Traitement des résultats
Conclusion générale
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