Rosario Castellanos et l’altérité indienne dans la ”trilogie du Chiapas”

Alors que Rosario Castellanos est une icône du monde littéraire de la seconde moitié du XXème siècle au Mexique, elle reste encore de nos jours peu connue à l‟étranger, en dehors des cercles de spécialistes. Lors de la publication de son premier roman Balún Canán en 1957, Rosario Castellanos connaît déjà à 22 ans une solide trajectoire littéraire comme poétesse. Elle publie un recueil de nouvelles Ciudad Real en 1960 et un second roman Oficio de tinieblas en 1962. Ces trois œuvres narratives constituent, selon la critique, la « trilogie du Chiapas » ayant en commun l‟ancrage chiapanèque où l‟auteure a passé son enfance et son adolescence. Rosario Castellanos brosse le portrait de la société rurale de Comitán où elle est née et de la société provinciale de San Cristóbal de las Casas où elle a travaillé en tant que fonctionnaire de l‟Institut National Indigéniste dans les années cinquante, en axant toute sa thématique sur les relations conflictuelles entre Blancs et Indiens.

Ces œuvres ont remporté de nombreux prix littéraires mexicains qui ont fait la renommée de l‟auteure : le prix Chiapas pour Balún Canán en 1958, le prix Xavier Villaurrutia en 1961 pour Ciudad Real et le prix Sor Juana Inés de la Cruz en 1962 pour Oficio de tinieblas, ainsi que les prix Carlos Trouyet en 1967 et Elias Souraky en 1972. La reconnaissance nationale qui lui est portée va de pair avec la politique indigéniste gouvernementale de l‟époque. La production littéraire de Rosario Castellanos va dans le sens de l‟écriture de l‟histoire officielle du Mexique.

A sa mort en 1974, ses romans obtiennent également une certaine résonance internationale : Balún Canán connaît sa cinquième édition et des traductions en anglais, français, polonais et hébreu, tandis qu‟Oficio de tinieblas en est à sa seconde édition. Ces deux œuvres sont éditées en français dans la collection La Croix du Sud dirigée par Roger Caillois (NRF Gallimard). Balún Canán a été traduit par Jean-Francis Reille en 1962 sous le titre « Les étoiles d‟herbe » et Oficio de tinieblas par Annette et Jean-Claude Andro en 1970 pour « Le Christ des ténèbres ». L‟intérêt du public français pour ces œuvres est problématique puisque le premier roman, épuisé, n‟a pas été réédité, tandis que le second a de nouveau été publié en collection « Du monde entier » chez Gallimard en 1994. La quatrième de couverture met en évidence l‟importance de ce roman au moment de sa réédition : « (…) jamais cette double tragédie Ŕreligieuse et sociale-, qui est en même temps un grand roman, n‟a semblé plus cruellement d‟actualité qu‟aujourd‟hui ». Par ailleurs, l‟édition Cátedra en Espagne de Balún Canán de 2004 souligne également sa résonance par rapport à la lutte zapatiste du Chiapas mise en branle dix ans auparavant. L‟œuvre de Rosario Castellanos permettrait de mieux comprendre les enjeux de la lutte indigène contemporaine et d‟analyser les causes profondes qui maintiennent en vigueur l‟oppression anachronique des Indiens du Chiapas :

A travers une profonde connaissance de la réalité chiapanèque de la moitié du XXème siècle, Rosario Castellanos met en relief le drame existentiel Ŕ blanc et indigène Ŕ et révèle les causes antérieures qui ont donné naissance au soulèvement actuel des Indigènes au Chiapas.

Notre corpus d‟étude comporte Balún Canán, Ciudad Real et Oficio de tinieblas que la critique a rassemblés sous le nom générique de la « trilogie du Chiapas » . A plusieurs titres, les trois opus de la « trilogie du Chiapas » affichent une forte cohérence qui justifie le choix de notre corpus. La composition de la trilogie s‟échelonne sur peu de temps (Rosario Castellanos commence l‟écriture de Balún Canán en 1955, Ciudad Real est publié en 1960 et Oficio de tinieblas en 1962). Les trois volets présentent une forte unité thématique, le conflit ethnico-social qui oppose Ladinos et Indiens dans le Chiapas de la première moitié du XXème siècle. Certes, l‟écriture de chacun des volumes n‟est pas uniforme : la prose poétique dans le premier roman fait place à une prose plus traditionnelle ensuite ; l‟esthétique du roman et celle de la nouvelle montrent différentes contraintes de genres. Mais l‟œuvre narrative de Rosario Castellanos postérieure, comme le recueil Los convidados de agosto (1964), introduit une nouvelle dimension dans l‟interaction entre les cultures au cœur de la vie provinciale chiapanèque. La thématique de l‟Indien confronté aux injustices perpétrées par le Blanc fait place à une nouvelle thématique, axée sur la marginalisation et la discrimination de la femme victime de la société patriarcale.

Première pièce de la trilogie, Balún Canán (1957) illustre la décadence progressive d‟une famille d‟hacendados . L‟Indien, asservi par cinq siècles de domination, se retrouve à un moment-clé de l‟Histoire mexicaine. La vague de réformes éducative et agraire sous la Présidence de Lázaro Cárdenas (1934-1940) introduit un nouveau rapport de force entre le groupe des dominants, les Blancs, héritiers de la Conquête espagnole et le groupe des dominés, les Indiens dépossédés de leurs terres ancestrales. Le roman retrace l‟éveil des Indiens qui prennent peu à peu conscience de l‟injustice dans laquelle ils vivent. Le texte est construit comme un triptyque dont la première et troisième partie sont narrées par la petite fille Argüello de sept ans qui transmet ses impressions ingénues sur le monde qui l‟entoure. Culturellement, elle est divisée entre le monde patriarcal et hégémonique des Blancs parmi lesquels elle a été élevée, mais où elle vit constamment marginalisée, en tant que personne de sexe féminin et non comme son petit frère Mario, le préféré de la famille, qui est symboliquement le garant de la lignée des Argüellos. Elle est également en contact avec la culture indienne puisque sa nourrice lui transmet légendes et mythes du peuple maya. A l‟instar du mystérieux titre en langue tzeltale, (Balún Canán signifie littéralement « neuf étoiles ou gardiens »), les épigraphes empruntés à l‟intertextualité maya plongent d‟emblée le lecteur dans la cosmovision indienne. La partie centrale est une chronique écrite à la troisième personne où un narrateur adulte omniscient décrit le périple de la famille entre Comitán et l‟hacienda de Chactajal (épisodes que la fillette selon toute logique ne peut retranscrire dans leur totalité). Cette tension entre une perception irrationnelle du monde et un effort d‟analyse cognitif se concrétise par le défi de faire coexister deux types de narration opposés qui rompt avec le principe traditionnel d‟unité de composition.

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Table des matières

INTRODUCTION
PREMIÈRE PARTIE : ROSARIO CASTELLANOS : SA TERRE, SON TEMPS, SON OEUVRE :
I.1. Le Chiapas en marge de l‟Histoire
I.2. Une femme orchestre
I. 3. L‟indigénisme gouvernemental mexicain
I.4. Rosario Castellanos dans le sillage de l‟indigénisme littéraire ?
DEUXIÈME PARTIE : VISION DE L’INDIEN DANS LA « TRILOGIE DU CHIAPAS »
II.1. L‟Indien comme produit d‟un conflit ethnico-social
II.2. Une vision ethnocentrique de l‟Indien
II.3. L‟Indien, sujet de son Histoire ?
TROISIÈME PARTIE : STRATÉGIES NARRATIVES POUR ÉCRIRE « L’ALTÉRITÉ»
III.1 Une hybridité narrative au service d‟un contre-discours ?
III.2 De l‟intertexte au palimpseste : la quête d‟une légitimation
III.3 Les limites de l‟indigénisme littéraire et politique
CONCLUSION

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