Rôles et attitudes de l’éducatrice lors de comportements agressifs
Agressivité
Selon la Revue petite enfance de Praplan Chastonay (2004), l’agressivité est la pulsion vitale présente et nécessaire dans tout organisme vivant qui demande à être socialisée (p.6).
D’après les auteurs Cloutier, Gosselin et Tap, l’agressivité est définie comme des « conduites antisociales qui consistent à agresser les autres physiquement et verbalement » (Bourcier,2008, p.13).
« Le vocabulaire de la psychanalyse définit l’agressivité comme une tendance à des conduites réelles ou fantasmées, ayant pour objectif d’attaquer ou de nuire à un être vivant ou à tout objet faisant obstacle à une satisfaction immédiate. » (Léonard – Mallaval, 2013, p.33).
Comportements agressifs
Marie Léonard – Mallaval (2013) indique que les comportements agressifs sont constamment le résultat d’une rencontre entre deux personnes dans une situation.
Ce sont des actes tels que mordre, griffer, pousser, pincer et taper qui portent atteinte à l’intégrité physique et morale des autres enfants mais aussi des adultes. Les comportements agressifs perturbent l’organisation collective et peuvent mettre en danger les autres enfants (Praplan Chastonay, 2004, p.68).
Développement de l’enfant de 18 mois à 3 ans
« La notion de développement suppose des transformations qui se traduisent par l’acquisition de nouvelles habilités et de nouveaux comportements, de la naissance jusqu’à l’âge adulte. » (Lauzon, 2010, p.17).
D’après Caroline Bouchard (2009), le développement de l’enfant est séparé en différentes dimensions : neurologique, psychomotrice, socioaffective et cognitive.
Pour décrire le développement de l’enfant de 18 mois à 3 ans dans tous les aspects, je vais me référer à mes cours de psychologie du développement 0-6 ans enseigné par Madame Brigitte Martinal Bessero.
Je tiens à souligner que pour mon travail je vais séparer les différents développements pour faciliter la compréhension. Chaque acquisition s’effectue en même temps. Les différents développements sont en interaction constante et s’influencent mutuellement.
Le développement neurologique :
Il est à la base de tout développement, car sans la croissance du système nerveux, il n’y aurait aucun progrès après la naissance. Le système nerveux est composé de deux grandes parties : le système nerveux central et le système nerveux périphérique.
La maturation du cerveau d’un humain est un processus ordonné et complexe qui commence à 3 semaines de l’embryon jusqu’à 15 ans. A la naissance, le cerveau du bébé est quatre fois plus petit que celui d’un adulte. L’augmentation est rapide de la naissance à 2 ans puis, la croissance est plus graduelle jusqu’à 12 ans.
Le cerveau est malléable et sensible aux expériences. La construction du cerveau de l’enfant dépend de facteurs génétiques et également de son environnement.
Le développement psychomoteur :
L’activité motrice est essentielle pour conquérir l’univers. Elle est rattachée à la vie psychique de l’enfant. L’enfant évolue rapidement dans son développement psychomoteur et réalise de nombreux progrès entre 18 mois et 3 ans. En effet, il commence à avoir une marche assurée.
Il peut monter et descendre les escaliers. Il est capable de marcher à reculons, de sauter et de courir. Il est plus autonome au moment des repas et de l’habillage. Sa motricité fine s’affine et il a une plus grande souplesse du poignet. Il passe du gribouillage à des dessins plus complexes où il réalise des bonhommes. Grâce au développement moteur, l’enfant devient plus autonome.
Le développement socioaffectif :
Le début du développement affectif est caractérisé par l’évolution d’une indifférenciation entre l’enfant et le monde vers l’individuation de l’enfant (0-2/3 ans). Je vais vous parler des faits les plus marquants du stade 15 mois-3 ans.
Rôle de l’éducatrice de l’enfance
Afin de déterminer les rôles d’une éducatrice de l’enfance, je me suis référée au PEC (plan d’étude cadre) qui décrit le champ professionnel ainsi que les compétences à atteindre afin d’avoir le titre d’éducatrice de l’enfance. Ces compétences sont classées en dix processus (Ortra-spas, 2007).
L’éducatrice de l’enfance ES (EDE) est une spécialiste de l’accompagnement, du suivi et de l’éducation des enfants, insérée dans la dynamique actuelle du champ socio-éducatif et pédagogique. Elle est chargée, dans un lieu d’accueil collectif extra-familial, de l’encadrement socio-éducatif d’enfants confiés généralement par leurs parents. Elle travaille dans des institutions tels que les nurseries, les crèches, les jardins d’enfants, les institutions spécialisées et également dans l’ensemble des structures accueillant des enfants durant les temps de loisirs et les vacances. L’éducatrice de l’enfance développe un accueil personnalisé dans une situation de groupe.
Processus 1 : Accueillir l’enfant dans une structure collective extra-familiale « L’EDE est responsable de l’organisation de l’accueil d’enfants dans des groupes qui se recomposent fréquemment durant la journée ou durant la semaine, tant de manière spontanée qu’organisée, composés d’enfants du même âge ou d’enfants d’âges différents. »
Processus 2 : Soutenir le développement de l’enfant dans sa globalité « L’EDE favorise le bon développement de l’enfant accueilli. Elle est garante des soins, du soutien et de la protection de l’enfant dans tous les moments de la vie quotidienne en structures d’accueil extra-familiales. »
Processus 3 : Observer et documenter l’évolution et les apprentissages de l’enfant « L’EDE observe le comportement des enfants dans toutes les situations de l’accueil socioéducatif et de la vie institutionnelle. Elle élabore un support documentaire à l’intention de l’enfant sur les étapes de son développement. »
Les facteurs qui peuvent favoriser de l’agressivité
Les professionnelles interrogées m’ont expliqué quels facteurs favoriseraient l’agressivité et le recours à des gestes agressifs. J’ai utilisé des références théoriques afin de confronter ou/et de valider leurs points de vue.
La période de développement
Toutes les professionnelles y compris la psychologue pensent que ces comportements sont un passage normal du développement et que tous les enfants passent par cette phase dite « agressive ».
Si je fais référence aux concepts théoriques, d’une part, l’enfant est un être égocentrique à cet âge, il est donc difficile pour lui d’attendre son tour ou de partager ses jouets. D’autre part, dans la phase d’opposition, il s’affirme et s’oppose aux autres.
Des gestes agressifs peuvent apparaître comme stratégies de résolution. L’enfant n’est pas encore capable de canaliser ses émotions, en raison de son développement.
Les frustrations
Trois personnes interviewées « E2, E3 et E4 » sont d’avis que les frustrations sont un des facteurs qui engendrent des comportements agressifs.
Selon Brigitte Praplan Chastonay (2004), l’enfant réagit aux multiples frustrations quotidiennes par des manifestations agressives. Il est, par exemple, frustré lorsqu’il n’arrive pas à réaliser des choses par lui-même ou quand il est en désaccord avec un adulte ou un enfant.
La possession d’un jeu
Les éducatrices observent dans leur pratique que les enfants ont recours à ces gestes pour obtenir ou garder un jeu. La psychologue « E2 » évoque également que les enfants arrachent les jeux des mains des autres enfants.
« Les conflits de possession sont au cœur de la majorité des altercations des enfants de cet âge. On observe des actes agressifs comme tirer, arracher, pincer ou mordre pour obtenir ou reprendre un jouet. » (Bourcier, 2008, p.29).
Un manque de capacité de langage ou de verbalisation des émotions
La psychologue « E2 » et deux éducatrices « E1 et E4 » s’accordent à dire que le manque de langage favorise les comportements agressifs. L’éducatrice de l’entretien explique que les enfants qui ont recours à des gestes agressifs sont surtout ceux qui ne maîtrisent pas encore la parole ou alors qui ne parlent pas le français.
Un mal-être de l’enfant
Toutes les personnes interviewées sont d’avis que l’enfant a recours à des gestes agressifs pour exprimer un malaise. Dans l’entretien de groupe « E3 et E4 », les éducatrices pensent que l’agressivité est plus présente lorsque l’enfant est fatigué, qu’il a faim ou qu’il s’ennuie. La psychologue « E2 » et l’EDE « E1 » expliquent que parfois l’enfant utilise l’agressivité pour nous exprimer son mal-être.
La dynamique de groupe, un nombre élevé d’enfants dans le groupe
Toutes les professionnelles ont évoqué ce facteur. Dans l’entretien de groupe « E3 et E4 », les EDE expliquent que lorsqu’un enfant pleure, la dynamique du groupe change et cela peut engendrer de l’agressivité. Elles expliquent également que s’il n’y a pas de variété de jeux proposés durant la journée, les enfants sont plus agressifs.
D’après Marie Léonard – Mallaval (2013), l’émergence de l’agressivité est occasionnée par un confinement dans l’espace vital et le surnombre qui perturbe les distances de sécurité. De plus, l’excitation peut conduire à des comportements agressifs.
Dans ma pratique, j’ai pu observer que lorsque la dynamique de groupe est élevée, les comportements agressifs augmentent.
Avant les comportements agressifs : Prévention
La prévention est un rôle important pour une éducatrice de l’enfance car ceci permet d’anticiper des moments délicats et donc de préserver la sécurité des enfants. « Anticipe et garantit une prévisibilité suffisante des situations de groupe. » (PEC, Compétence 1.2.4).
Lors de mes recherches, plusieurs moyens ressortent afin de prévenir les gestes agressifs au quotidien :
Observation
L’observation est une compétence fondamentale des éducatrices de l’enfance qui fait partie du processus 3 du PEC : Observer et documenter l’évolution et les apprentissages de l’enfant.
L’EDE a un rôle important qui est l’observation des enfants durant la journée et particulièrement lors des moments délicats qui permet de les aménager au mieux pour diminuer les comportements agressifs. L’EDE vérifie qu’il y ait un nombre suffisant de jouets identiques et un nombre suffisant d’adultes attentionnés (Léonard – Mallaval, 2013, p.103).
Parmi les professionnelles interrogées, seules les éducatrices « E3 et E4 » rappellent l’importance de l’observation qui permet d’intervenir avant que l’acte agressif ne se produise.
Veiller à l’environnement de l’enfant
Afin de prévenir les comportements agressifs, j’ai lu dans la littérature qu’il faut tenir compte de l’environnement de l’enfant.
Brigitte Praplan Chastonay (2004) souligne que le cadre matériel doit permettre à l’enfant une grande liberté d’action. Un cadre matériel bien conçu permet d’avoir peu de règles. Un espace suffisant mis à disposition et un nombre restreint d’enfants partageant le même lieu sont conseillés afin de diminuer les conflits .
Dans les entretiens 1 et 3, les éducatrices expliquent que lorsque les enfants sont en grand groupe, les comportements agressifs augmentent. Pour cette raison, l’EDE « E3 » propose de séparer le groupe en sous-groupe.
Pendant l’acte agressif
« L’agressivité est une réalité mais, si nous reconnaissons qu’il faut l’accepter, nous avons la responsabilité de la canaliser et de l’interpréter animés par la confiance et la bienveillance que nous devons au jeune enfant. » (Léonard – Mallaval, 2013, p.135).
Selon Marie Léonard – Mallaval (2013), l’éducatrice de l’enfance sépare les enfants en cessant l’action. Elle met des mots sur les actes. Elle console, soigne et calme l’agressé. Puis, elle rappelle la règle à l’agresseur. Le message passe par la fermeté de l’adulte. On dira à l’auteur de l’acte qu’il a droit à ses émotions comme la colère ou la tristesse, mais qu’il est interdit de les exprimer de cette manière.
L’éducatrice doit exprimer fermement sa réprobation : « Je ne suis pas d’accord. Il est interdit de taper ! ». Elle rappelle la règle et applique une sanction immédiatement après l’acte afin que l’enfant fasse le lien avec son comportement. La sanction est nécessaire, mais c’est l’acte qu’on sanctionne et non l’enfant (Druart et Waelput, 2015, p.38).
Les conséquences des comportements agressifs
J’ai pu établir une liste de conséquences des gestes agressifs en structure d’accueil grâce à mes recherches littéraires, à l’analyse de mes interviews et ma pratique professionnelle.
Pour l’enfant lui-même :
Isolement
Diminution de l’estime de soi
Etiquette
L’enfant « agressif » peut être isolé du groupe puisque les autres enfants n’ont plus envie de jouer avec lui, c’est un frein à la socialisation. Il est sanctionné pour ses actes par les adultes.
Il peut avoir une diminution de son estime de soi et penser qu’il est « méchant ». Il peut être étiqueté par les autres enfants ou les adultes : c’est le « mordeur », celui qui tape les autres…
Il peut également s’enfermer dans ce rôle « de méchant » et réagir avec davantage de comportements problématiques.
Pour les autres enfants
Peur
Insécurité
Imitation
Les autres enfants peuvent avoir peur de cet enfant qui a recours à des gestes agressifs et donc éviter les contacts avec lui. Il est possible qu’ils ne veuillent plus venir à la crèche, car ils ne se sentent pas en sécurité affectivement et physiquement. Ils peuvent aussi imiter ce type de comportement pour se défendre ou pour chercher l’attention de l’adulte.
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Table des matières
1 Introduction
1.1 Cadre de recherche
1.1.1 Illustration
1.1.2 Thématique traitée
1.1.3 Intérêt présenté par la recherche
1.2 Problématique
1.2.1 Question de départ
1.2.2 Précisions, limites posées à la recherche
1.2.3 Objectifs de la recherche
1.3 Cadre théorique et/ou contexte professionnel
1.3.1 Attitude
1.3.2 Agressivité
1.3.3 Comportements agressifs
1.3.4 Développement de l’enfant de 18 mois à 3 ans
1.3.5 Rôle de l’éducatrice de l’enfance
1.4 Cadre d’analyse
1.4.1 Terrain de recherche et échantillon retenu
1.4.2 Méthode de recherche
1.4.3 Méthodes de recueil des données et résultats de l’enquête
2 Développement
2.1 Introduction au traitement des données
2.2 Présentation des données
2.2.1 L’agressivité et la violence
2.2.2 Les facteurs qui peuvent favoriser de l’agressivité
2.2.3 Rôles et attitudes de l’éducatrice lors de comportements agressifs
2.2.3.1 Avant les comportements agressifs : Prévention
2.2.3.2 Pendant l’acte agressif
2.2.3.3 Après l’acte agressif
2.2.4 Les conséquences des comportements agressifs
3 Conclusion
3.1 Résumé et synthèse des données traitées
3.2 Analyse et discussion des résultats obtenus
3.3 Limites du travail
3.4 Perspectives et pistes d’action professionnelle
3.5 Remarques finales
4 Bibliographie
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