L’hormone thyroïdienne T3 et ses récepteurs
Synthèse de l’hormone T3
La glande thyroïde produit une hormone, la thyroxine ou 3,5,3’,5’ tétraiodothyronine ou T4. La thyroïde est une glande endocrine bilobée, située dans la partie antérieure du cou, sur la face ventrale du larynx. Les deux lobes sont reliés par un isthme. La thyroïde est constituée de deux types de cellules, les cellules à calcitonine et les cellules folliculaires ou thyrocytes, qui sécrètent l’hormone thyroïdienne T4. Les thyrocytes sont en charge de l’accumulation active d’iode provenant de l’alimentation pour produire la T4 (et une faible quantité de T3) (Laurberg, 1984).
Le contrôle de la synthèse des hormones thyroïdiennes se fait par l’axe hypothalamohypophysaire (Figure 1). La synthèse de T4 dans la thyroïde est activée par l’hormone hypophysaire la TSH (Thyroid Stimulating Hormone) (Shupnik et al., 1985). La synthèse de la TSH est sous contrôle hypothalamique, via la stimulation par la TRH (Thyrotropin Releasing Hormone) (Koller et al., 1987). Le niveau sanguin d’hormone thyroïdienne est finement régulé. La T4 et la T3 exercent un rétrocontrôle négatif hyophysaire en réprimant l’expression des gènes codant pour les deux sous unités de la TSH (TSHα et TSHβ) ainsi que sur le gène codant pour la TRH. (Vagenakis, 1988; Guissouma et al., 2000 and 2005). La T4 est transportée par le sang via des protéines plasmatiques (Thyroxyne Binding Globuline, Transthyretine, Albumine) jusqu’aux tissus périphériques, où elle est déiodinée par les T4 5’- déiodases de types 1 ou 2. La perte de l’atome d’iode conduit à la formation de l’hormone triiodothyronine T3 (Figure 2). La forme active de l’hormone est la T3. Elle se lie préférentiellement à des récepteurs nucléaires contrôlant la transcription du génome (St Germain and Galton, 1997). Les principaux organes capables de transformer la T4 en T3 sont le foie et les reins via les Déiodases D1, responsables des deux tiers de la production de T3 par le corps, ainsi que le cerveau et le tissu adipeux brun via les Déiodases D2 (Brent et al., 1994). Dans les tissus, la T3 et la T4 sont dégradées par les Déiodases D3.
Les récepteurs aux hormones thyroïdiennes (TRs)
La famille des récepteurs nucléaires
Les récepteurs aux hormones thyroïdiennes font partie de la famille des récepteurs nucléaires, tout comme les récepteurs aux stéroïdes, à l’acide rétinoïque ou encore aux vitamines A et D (Kumar et al., 1999). Certains récepteurs sont dits orphelins car leurs ligands ne sont pas connus. Les récepteurs nucléaires sont composés de différents domaines homologues permettant la fixation du ligand, la dimérisation et la fixation à l’ADN (Kumar et al., 1999). Les différents récepteurs nucléaires ont évolué à partir d’un gène ancestral par duplication (Laudet et al., 1992).
Les gènes codant pour les TRs
Les récepteurs aux hormones thyroïdiennes sont codés par deux gènes : THRA et THRB. Chacun de ces deux gènes peut générer grâce à l’utilisation de promoteurs internes et par épissage alternatif différentes isoformes protéiques.
Chez la souris, ces deux gènes codent pour neuf isoformes.
Le gène THRA code pour 7 isoformes (Figure 3). Parmi elles, on trouve deux formes longues TRα1 et TRα2, qui sont issues d’un épissage alternatif d’un transcrit primaire (Koenig et al., 1989). Il y a aussi trois formes tronquées TR∆α1, TR∆α2 (issues de l’épissage alternatif d’un transcrit secondaire débutant à partir d’un promoteur interne situé dans l’intron 7 (Chassande et al., 1997)) et TR∆α6. Seules les formes TRα1 et TR∆α6 sont capables de lier le ligand. Mais contrairement au TRα1, la forme TR∆α6 ne peut pas lier l’ADN, elle aurait un rôle antagoniste (Casas et al., 2006). Le gène THRA code aussi pour deux récepteurs à localisation mitochondriale : p43 et p28, issus du transcrit TRα1. p43 possède un site de liaison à l’ADN et est impliquée dans la régulation du génome mitochondrial (Casas et al., 1999).
La fonction exacte de la p28 est inconnue mais, elle pourrait jouer le rôle de récepteur impliqué dans les actions de la T3 sur les mitochondries vu sa colocalisation avec des enzymes de la chaîne respiratoire telles que les UCPs, translocases et ATP synthases (La thyroïde, des concepts à la pratique clinique, Elsevier, 2ème édition, Leclère et al., 2001). Les formes TRα2, TR∆α1 et TR∆α2 sont des antagonistes de TRα1 car elles piègent le ligand sans activer la transcription des gènes cibles (Chassande et al., 1997).
TRα2, coexprimé avec TRα1, aurait une action dominante négative (Burgos-Trinidad and Koenig, 1999 ; Lazar et al., 1989). TRα1 et TRα2 sont exprimés dans tous les organes (avec des niveaux d’expression différents selon les organes ; notamment une forte expression dans le cerveau et le cœur) alors que les formes courtes TR∆α1 et TR∆α2 ne sont exprimées que dans l’épithélium intestinal, les poumons et le cerveau (Flamant and Samarut, 2003).
Le gène THRB code pour deux isoformes (Figure 4), TRβ1 et TRβ2. Elles sont issues de différents sites d’initiation de la transcription (Flamant and Samarut, 2003). Les récepteurs TRβs sont impliqués dans la régulation des niveaux de T4 et T3 circulantes via inhibition de l’expression des gènes codant pour les deux sous unités de la TSH, TSHα et TSHβ (Forrest et al., 1996). TRβ est exprimé de manière ubiquitaire et principalement dans le foie. TRβ2 est retrouvé dans l’hypophyse, l’hypothalamus, la rétine et l’oreille interne au cours de son développement. Chez le rat, le gène THRB code en plus pour deux autres isoformes, TRβ3 et TR∆β3 (Williams, 2000). TRβ3 est présent dans le foie, les reins et les poumons et TR∆β3 dans les muscles squelettiques, le cœur, la rate et le cerveau (Flamant and Samarut 2003).
Les différents domaines des TRs et leur fonction
En tant que récepteurs nucléaires, les récepteurs aux hormones thyroïdiennes présentent des domaines caractéristiques :
– Un domaine de liaison à l’ADN : le DBD (DNA Binding Domaine)
– Un domaine de liaison au ligand : le LBD (Ligand Binding Domaine).
On retrouve une grande conservation entre espèces de ces domaines (Mangelsdorf et al., 1995). Le DBD contient deux domaines à doigts de zinc (Brent, 1994 ; Yen, 2001). Le LBD permet la fixation de l’hormone ainsi que l’interaction des co régulateurs (Mangelsdorf et al., 1995). Il y a également présence de domaines responsables de la transactivation, il s’agit des domaines AF (Activating Function). Il y en a deux, AF-1 et AF-2 qui sont respectivement responsables de la transactivation indépendante ou dépendante de l’hormone (GonzalezSancho et al., 2003). Ces domaines sont localisés en parties amino (N) et carboxy (C)- terminales.
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Table des matières
Introduction
I. L’hormone thyroïdienne T3 et ses récepteurs
A. Synthèse de l’hormone T3
B. Les récepteurs aux hormones thyroïdiennes (TRs)
1) La famille des récepteurs nucléaires
2) Les gènes codant pour les TRs
3) Les différents domaines des TRs et leur fonction
4) Mode d’action des TRs
C. Rôles de la T3 et des TRs
1) Principaux rôles de la T3
2) TRs et développement chez la souris
D. Hormones thyroïdiennes et effets non nucléaires
1) Actions cytoplasmiques de la T3
2) Actions mitochondriales de la T3
II. Le testicule
A. Morphologie du testicule
B. Physiologie et fonctions du testicule
1) Compartiment interstitiel et fonction endocrine
2) Compartiment tubulaire et spermatogenèse
3) Les cellules de Sertoli
C. Ontogenèse et mise en place des cellules de Sertoli
1) Prémices au développement de la gonade mâle
2) Développement des cellules de Sertoli
III. Régulation de la balance prolifération/différenciation des cellules de Sertoli
A. Action de la FSH et autres facteurs
B. Régulation via l’hormone thyroïdienne T3
1) Les déiodases testiculaires
2) Rôle de la T3 dans la prolifération des cellules de Sertoli
3) Les TRs impliqués
4) La T3 et les mécanismes supposés impliqués dans la prolifération des cellules de
Sertoli
5) T3 et marqueurs de maturation des cellules de Sertoli
6) Effets de la T3 sur le métabolisme du glucose des cellules de Sertoli
Objectifs
Résultats
I. Impact phénotypique de l’inactivation du récepteur TRα1 dans les cellules de Sertoli et cellules de Leydig, par inactivation ciblée
A. Conséquences de l’expression du dominant négatif TRα AMI dans les cellules de Sertoli sur la fonction du testicule
1) Contexte
2) Résultats et discussion
3) Perspectives
B. Rôles du récepteur TRα1 dans les cellules de Leydig adultes: lignée TRα
AMI-Aro
1) Contexte
2) Matériel et méthodes
3) Résultats
4) Discussion/perspectives
II. Impact de l’invalidation du récepteur mitochondrial p43 sur la prolifération des cellules de Sertoli
A. Introduction
B. Matériels et méthodes
C. Résultats
1) Analyse du phénotype testiculaire des souris p43KO
2) Comparaison des phénotypes testiculaires entre les lignées p43KO, TRα0 et
TRα AMI-SC
D. Discussion
Conclusion générale
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