Rôles des cadhérines dans le développement du système nerveux central, et en particulier celui des interneurones

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Formation de neuroblastes GABAergiques dans les zones prolifératives et le manteau

Une des approches pour étudier la naissance des neuroblastes GABAergiques dans la MGE a consisté en l’étude des cyclines, protéines participant au cycle cellulaire. Les cyclines tiennent leur nom de leur expression périodique au cours du cycle cellulaire. Cette expression à différentes étapes du cycle cellulaire, et leur action via des kinases, permet de coordonner la fin de la réplication de l’ADN ainsi que la division cellulaire. Dans le télencéphale, les cyclines de type D (cycline-D1, cycline-D2 et cycline-D3) ont été particulièrement étudiées. Exprimées en réponse à des facteurs de croissance, elles font le lien entre l’environnement cellulaire et la machinerie du cycle cellulaire, en activant les kinases dépendantes des cyclines, cdk4 et cdk6 (elles activent ces kinases en formant des complexes avec elles). Les cyclines de type D promeuvent la prolifération cellulaire par leur activité catalytique et contrôlent par ailleurs la transcription de gènes impliqués dans la migration cellulaire. Parmi ces gènes, ceux trouvent ceux codant pour les thrombospondines, les kinases associées aux petites rho GTPases dont font partie cdc42 et rhoA, qui sont impliquées dans la prolifération cellulaire dans la MGE et la survie des progéniteurs119, rac1, qui est impliquée dans la sortie du cycle cellulaire dans la MGE et la migration des neuroblastes GABAergiques qui en sont issus120,121, ou encore la filamine-A, qui est une protéine qui se lie à l’actine. Elles inhibent également l’apoptose opérée par la caspase-3, soit en inhibant l’action du récepteur transmembranaire FAS, soit en séquestrant la protéine pro-apoptotique BAX122,123.
Dans le télencéphale murin, la cycline-D1 est exprimée dans les cellules de la zone ventriculaire, alors que la cycline-D2 l’est dans la zone sous-ventriculaire124,125. Les mutants homozygotes déficients pour l’une ou l’autre de ces deux cyclines présentent des phénotypes différents : l’absence de la cycline-D1 entraîne une diminution de la taille du territoire exprimant Nkx2.1 et Ascl1 et n’induit pas de diminution de la densité en interneurones à parvalbumine et à somatostatine dans le cortex. Au contraire, l’absence de la cycline-D2 n’entraîne pas de diminution de surface du territoire exprimant Nkx2.1 et Ascl1 mais induit une diminution de la proportion d’interneurones à parvalbumine (de -30% des interneurones générés à E13,5 à -53% des interneurones générés à E14-E15), seulement. Pourquoi de telles différences ? En l’absence de la cycline-D1, la cycline-D2 s’exprime à sa place, et le nombre de progéniteurs n’est pas modifié, alors qu’en l’absence de la cycline-D2, le nombre de progéniteurs est fortement réduit dans la zone sous-ventriculaire et dans une moindre mesure dans la zone ventriculaire126, c’est-à-dire que le nombre de progéniteurs basaux est réduit tandis que le nombre de progéniteurs apicaux reste inchangé.
Ces études suggèrent que la cycline-D2 est nécessaire à l’établissement des progéniteurs intermédiaires de la zone sous-ventriculaire, ce qui a été confirmé dans le néocortex124,127. Elles ont conduit à émettre l’hypothèse selon laquelle les progéniteurs 15 apicaux de la zone ventriculaire produisent préférentiellement des interneurones à somatostatine et les progéniteurs intermédiaires de la zone sous-ventriculaire des interneurones à parvalbumine. Les progéniteurs apicaux ont ainsi été marqués grâce un gène rapporteur sous le contrôle du promoteur du gène de la tubuline-α1, et par conséquent tous les neurones qui en sont issus. Parmi ces neurones marqués, les interneurones à somatostatine sont deux fois plus représentés que les interneurones à parvalbumine alors que dans le néocortex, ce rapport est normalement inversé. Cela indique que les progéniteurs apicaux donnent préférentiellement des interneurones à somatostatine. En parallèle, le nombre de progéniteurs intermédiaires a été réduit en bloquant la voie de signalisation notch. Dans ce cas, les progéniteurs apicaux donnent davantage de neuroblastes que de progéniteurs basaux. Là encore, les interneurones à somatostatine sont deux fois plus représentés que ceux à parvalbumine128, renforçant à nouveau l’idée que les progéniteurs apicaux génèrent préférentiellement des interneurones à somatostatine.

Modalités spatiales dans les zones prolifératives et lignages d’interneurones à parvalbumine et à somatostatine

La plupart des études qui ont porté sur les modalités temporelles impliquées dans l’établissement des lignages d’interneurones à parvalbumine et à somatostatine ont également porté sur l’existence de modalités spatiales. Dans les études mentionnées ci-dessus, les parties dorsale et ventrale de la MGE étaient dissociées avant transplantation. En plus du stade de développement, la sous-région d’origine des cellules transplantées au sein de la MGE était donc prise en considération. Les résultats ont montré qu’il existe un grandient dorso-ventral : les cellules marquées provenant de la MGE dorsale (dMGE) deviennent préférentiellement des interneurones à somatostatine (le rapport somatostatine/parvalbumine à partir de cellules à E13,5 est d’environ 1,5) et celles provenant de la MGE ventrale (vMGE) préférentiellement des interneurones à parvalbumine (le rapport parvalbumine/somatostatine à partir de cellules à E13,5 est entre 3 et 5)68,77,142. Afin de préciser les programmes génétiques qui pourraient être à l’origine de ce gradient dorso-ventral, une étude a cartographié l’expression de dix facteurs de transcription connus comme étant exprimés dans les éminences ganglionnaires entre E11,5 et E13,5. Cette carte reste constante entre E11,5 et E13,5 puis s’estompe. Nkx2.1, Dlx2 ainsi que Gsx2 (en faible quantité) sont exprimés dans toute la MGE (manteau inclus). L’observation de l’étendue de la zone exprimant Nkx2.1 a permis d’insérer dans la MGE une région qui avait été attribuée auparavant à la CGE (notée MGE3). On notera que nkx2.1 est un régulateur transcriptionnel majeur dans la MGE, en contrôlant par exemple l’expression de gènes impliqués dans la neurogenèse, de gènes codant pour des canaux ioniques liant des neurotransmetteurs, de gènes impliqués dans la différenciation neuronale, la migration cellulaire et la synaptogenèse, et l’adhérence cellulaire. Les gènes les plus exprimés sous le contrôle de nkx2.1 sont Lhx6, Lhx8, neuropeptide Y, Gsx2, Adamts5 codant pour une métalloprotéinase à motif thrombospondine, brevican codant pour une lectine, Gsx1, Gpr17 et Tgfb3 codant pour deux récepteurs. Les gènes les plus inhibés sous le contrôle de nkx2.1 sont retinaldehyde dehydrogenase 3, Dbx1 codant pour une protéine à boîte homéotique et Nkx2.9106. Le rôle de certains de ces gènes n’est pas encore connu dans la MGE.
L’étude cartographique de la MGE a permis d’identifier au moins cinq sous-régions (notées MGE1 à MGE5) : leurs limites sont définies par un gradient dorso-ventral décroissant de l’expression de Nkx6.2 de la MGE1 à la MGE2, un gradient dorso-ventral décroissant de Nr2f1 (Couptf1) de la MGE1 à la MGE4, l’expression de Lhx6 de la MGE2 à la MGE4, l’expression de Lhx7 de la MGE4 à la MGE5, et l’expression de Etv1 (Er81) dans la MGE5. Lesquelles de ces sous-régions donnent préférentiellement des interneurones à parvalbumine ou à somatostatine ? Pour répondre à cette question, des greffes in utero isochroniques à E13,5 ont été réalisées à partir de la MGE1 et la MGE4 marquées. Elles ont donné un rapport (nombre d’interneurones à somatostatine) / (nombre d’interneurones à parvalbumine) de 1,5 pour la MGE1 et de 0,33 pour la MGE4. En extrapolant ces résultats, la dMGE serait composée des MGE1 et MGE2 (territoire d’expression de Nkx6.2 et Nr2f1143, ainsi que Gli1, Hhip1, et Ptch1144), la vMGE serait composée des MGE4 et MGE5 (territoire d’expression de Lhx7 et Etv1). La MGE3 correspondrait à une MGE médiale145 (Figure 7).
Ces résultats ne permettent cependant pas de conclure si ces facteurs de transcription exprimés de manière différentielle dans la dMGE et la vMGE sont directement impliqués dans l’établissement des deux lignages somatostatine et parvalbumine (d’autant plus que deux lignages peuvent utiliser des amplificateurs – enhancers – différents pour des mêmes gènes exprimés, ce qui a été montré pour les gènes Dlx1 et Dlx2108,146). Deux de ces facteurs de transcription, nr2f1 et nkx6.2, semblent participer au biais spatial dans la MGE en faveur de la production d’interneurones à somatostatine dans la dMGE. En effet, la délétion conditionnelle de Nr2f1 sous le contrôle du promoteur de Dlx5 et Dlx6 (soit dans la zone sous-ventriculaire mais pas la zone ventriculaire, dès E12,5) n’entraîne pas de changement de la proportion d’interneurones à somatostatine dans le cortex somatosensoriel à P21 mais une augmentation de la proportion des interneurones à parvalbumine143. Ce résultat conforte l’idée que les interneurones à somatostatine sont surtout générés dans la zone ventriculaire de la dMGE, que les interneurones à parvalbumine sont en partie générés dans la zone sous-ventriculaire de la dMGE et que Nr2f1 y inhibe la production de ces derniers. Pour tester cette hypothèse, des expériences d’injection de BrdU et des comptages du nombre cellules en division ont révélé qu’il y a plus de cellules en division dans la zone sous-ventriculaire de la dMGE en l’absence d’expression de Nr2f1143. De même, une étude montre que les cellules exprimant Nkx6.2 donnent préférentiellement des interneurones à somatostatine (à E10,5 des interneurones à somatostatine seulement et à E12,5 des interneurones à somatostatine/calbindine-2) et que l’absence d’expression de Nkx6.2 entraîne une diminution du nombre d’interneurones à somatostatine/calbindine-278. Notons que ces résultats indiquent que la région dorsale de la dMGE (exprimant Nkx6.2) produit les interneurones à somatostatine et à calbindine-2.

Structures anatomiques rencontrées pendant la migration tangentielle

De manière générale, les neuroblastes migrent sur des neurones, la glie radiaire, des axones ou de la matrice extracellulaire171. Une des premières structures à avoir été considérée comme substrat de migration des neuroblastes GABAergiques ont étés les axones des neurones corticaux à destination sous-corticale en étudiant le rôle d’une protéine d’adhérence neuronale qu’ils expriment, la contactine-2 (cntn2 ou TAG1). Cntn2 appartient à la superfamille des immunoglobulines. Les axones des neurones corticaux à destination sous-corticale commencent à se développer vers E13,5, restent stationnaires à la frontière entre le pallium et le subpallium entre E13,5 et E14,5, puis entrent dans le subpallium jusqu’à E17,5 où ils sont observés dans la capsule interne (La capsule interne regroupe les fibres qui se projettent sur ou qui proviennent du cortex et qui sont dirigées ou proviennent du thalamus et du tronc cérébral)191. L’expression de cntn2 commence dans le pré-plateau à E12,5, puis devient intense vers E14,5 dans les régions néocorticales basolatérales (dans leur zone marginale, plaque corticale et zone intermédiaire) ainsi que dans la capsule interne. A E17,5, ce sont les régions néocorticales dorsomédiales qui présentent ce profil expression. Cntn2 n’est plus exprimée à la naissance. Des cristaux de DiI ont été placés dans le néocortex afin de marquer les axones des neurones corticaux à destination sous-corticale. Cntn2 colocalise avec le DiI, confirmant que les axones corticaux à destination sous-corticale synthétisent cntn2. De plus, des neuroblastes GABAergiques colocalisent avec cntn2192, suggérant une interaction entre ces neuroblastes et les axones des neurones corticaux à destination sous-corticale. Des tranches néocorticales ont été incubées avec des anticorps dirigés contre cntn2 pour empêcher toute interaction avec cette protéine. La conséquence était une diminution du nombre de neuroblastes GABAergiques en migration. Ce résultat n’a pas été obtenu en faisant de même contre la molécule d’adhérence l1cam, appartenant elle aussi à la superfamille des immunoglobulines, et exprimée dans les axones des neurones thalamo-corticaux et de certains neurones corticaux à destination sous-corticale193-196. Quelques années plus tard, le même groupe a étudié les embryons mutants homozygotes pour Cntn2. Chez ces embryons, les axones des neurones corticaux à destination sous-corticale sont en place, et l’immuno-marquage pour l1cam est semblable à celui des embryons sauvages. Contrairement au résultats du travail décrit ci-dessus, les neuroblastes GABAergiques ne présentent pas de défaut de migration tangentielle197. Des cultures in vitro de cellules issues de la MGE d’embryons sauvages sur des axones néocorticaux (obtenus après dissociation de tranches néocorticales) révèlent cependant que les neuroblastes GABAergiques contactent les axones néocorticaux, à des fréquences faibles192. De plus, si ces cellules proviennent de la MGE d’embryons sauvages à E12,5, elles migrent préférentiellement sur des axones exprimant cntn2 que sur des axones exprimant le neurofilament de type P, également présent dans les axones. Les cellules provenant de la MGE à E15,5 présentent des résultats inverses192. Ainsi, si rien ne permet de conclure quant au rôle des axones des neurones corticaux à destination sous-corticale dans la migration tangentielle des neuroblastes GABAergiques, il semblerait que cntn2 participe à la migration de ceux nés précocément dans la MGE (donc sans doute de futurs interneurones à somatostatine).

Aspects subcellulaires de la migration tangentielle

Chaque neuroblaste GABAergique dispose de plusieurs processus dynamiques, dont le processus conducteur dans le sens de sa migration. Chaque processus se termine par un lamellipode, particulièrement élaboré à l’extrémité du processus conducteur. D’une certaine manière, le processus conducteur se comporte comme un axone en croissance. En effet, les processus conducteurs présentent un comportement exploratoire. Les lamellipodes détectent les molécules de l’environnement local et conduisent à l’élongation ou à la rétraction de leur processus. Seul le processus conducteur, répondant aux molécules attractives, s’allonge avec un lamellipode bien développé. Les autres branchements se rétractent et ont un lamellipode peu développé ou qui se rétracte lui aussi (en anglais, collapse). Pour changer de direction, les neuroblastes GABAergiques peuvent inverser leur polarité (migration en sens inverse). Plus généralement, si le neuroblaste change de direction, un nouveau processus (branchement) s’allonge et devient processus conducteur au détriment de l’ancien processus conducteur qui se rétracte. L’existence de ces branchements est une des particularités des neuroblastes GABAergiques (qu’ils partagent avec les neurones du pont, dans le myélencéphale, et ceux de la voie rostrale de migration). Ces branchements permettent aux neuroblastes GABAergiques de détecter les signaux de l’environnement provenant de plusieurs directions et d’y répondre rapidement en changeant de direction de migration (un seul processus, sans branchements, ne permet de détecter ces signaux que dans un seul axe)171,174,176,178,180,268 (Figure 11).
Après s’être allongé, le processus conducteur se stabilise. A ce moment-là, les organelles que sont le cil primaire, le centrosome, l’appareil de Golgi et les mitochondries, situées initialement autour du noyau, se déplacent de 15-30 µm à l’avant du noyau, dans le processus conducteur lui-même pour former une zone de gonflement (en anglais, swelling). Une dizaine de minutes après la formation de cette zone de gonflement, le noyau se déplace à son tour pour rejoindre les organelles. Ce mouvement du noyau est suivi d’une rétraction du processus arrière. Le noyau et les organelles effectuent ainsi un mouvement (en anglais, nucleokinesis) dit saltatoire269 (Figure 11).
En plus du lamellipode, le cil primaire (une organelle composée de microtubules issus du centriole maternel chez les neuroblastes GABAergiques270) détecte lui aussi les signaux de l’environnement. Chez les neuroblastes GABAergiques, le cil primaire est riche en récepteurs trkB, GFRα1, cxcr4 et ackr3, erbb4, robo1 et robo2. Le cil primaire des neuroblastes GABAergiques est plus motile (il s’allonge, se raccourcit voire entre en rotation) au cours des phases stationnaires et de migration. L’absence de l’arf GTPase arl13b, localisée dans le cil primaire, entraîne une disparition de cette organelle et l’incapacité des cellules à transduire les signaux de l’environnement, comme celui de ssh271. En l’absence d’arl13b dans les neuroblastes GABAergiques, et donc de leur cil primaire, le nombre de neuroblastes GABAergiques qui entrent dans le néocortex est réduit de 50%. Les neuroblastes GABAergiques s’accumulent dans ce cas à la frontière entre le pallium et le subpallium et présentent une augmentation du nombre de processus. En l’absence d’arl13b mais sans disparition du cil primaire, les marquages ciliaires pour les récepteurs qui y sont situés sont diminués en intensité, suggérant une diminution de la réponse des neuroblastes aux signaux de l’environnement272.
L’élongation du processus conducteur, l’effondrement du lamellipode, le mouvement saltatoire du noyau et des organelles font appel aux cytosquelettes de tubuline et d’actine273. Les microtubules forment une cage autour du noyau (cage périnuclaire), impliquée dans l’avancée des organelles, et exercent une force de poussée au sein du processus conducteur. Le cytosquelette de tubuline est sensible aux signaux de l’environnement, comme celui des sémaphorines. Ces dernières activent dans ce processus l’enzyme kinase sérine/thréonine GSK3β, ce qui déstabilise les microtubules. A l’inverse, les molécules attractives favorisent l’élongation des processus le long de leurs gradients et entraînent une stabilisation du cytosquelette de ces processus55,274,275.

Fin de la migration et intégration des interneurones immatures dans des réseaux neuronaux

A la fin de la première semaine postnatale, les neuroblastes GABAergiques ont quitté définitivement les couches autres que la plaque corticale, couches qui elles-mêmes se résorbent, pour occuper leur position finale dans les six couches néocorticales. A P5, ils occupent leur couche finale141. Les interneurones nés à E12,5 occupent déjà tous la plaque corticale vers P0-P1141. Nous avons vu qu’à la fin de cette première semaine postnatale, ils ne sont plus motiles.
Des greffes hétérochroniques et isochroniques d’interneurones révèlent une motilité similaire des neuroblastes GABAergiques en migration à un temps donné après la greffe. Cela suggère l’existence d’une « horloge interne » des neuroblastes GABAergiques qui deviendraient sensibles aux signaux d’entrée en migration radiaire55,58,235,256,323. Il a été proposé que slc12a5, peu exprimé pendant la migration tangentielle, est fortement exprimé par les neuroblastes GABAergiques une semaine après leur entrée dans le cortex et au moins une semaine avant les neurones pyramidaux141. Slc12a5 induit la sortie en dehors des cellules des ions chlorures. Il s’ensuit une modification du potentiel électrochimique des ions chlorures entraînant une inversion de l’effet du GABA. Le GABA n’est plus excitateur (dépolarisant) mais devient inhibiteur (hyperpolarisant)324. Or, une hyperpolarisation (ce qui est le cas lors de l’administration de GABA en présence de slc12a5) diminue la motilité des neuroblastes GABAergiques. Il est donc possible que le GABA stoppe la migration des neuroblastes GABAergiques en induisant leur hyperpolarisation grâce à l’expression de slc12a5.
Nous avons vu que les interneurones nés aux stades précoces occupent les couches néocorticales profondes alors que ceux nés aux stades plus tardifs occupent les couches néocorticales superficielles. Il semblerait que cette répartition soit liée à celle des neurones pyramidaux. En effet, chez les mutants reeler, qui ne synthétisent pas la reeline, la distribution des neurones pyramidaux est incorrecte tout comme celle des interneurones. Il n’est donc pas impossible que les neurones pyramidaux produisent des facteurs attractants permettant aux interneurones de bien se positionner143,316,318,323. Ces facteurs pourraient dépendre de l’activité neuronale locale, c’est-à-dire de la libération du glutamate et du GABA dès la mise en place des premiers réseaux neuronaux256,325. Le glutamate et le GABA dans l’environnement local réguleraient l’expression de slc12a5 et ainsi la fin de la migration316,326. Dans ce dernier cas, les interneurones ne se distingueraient pas par des protéines d’adhérence, mais seulement par leur date de naissance qui les rendrait réceptifs à ces facteurs à un moment donné.
La maturation des interneurones se pousuit par une augmentation de l’expression de deux décarboxylases de l’acide glutamique (GAD) qui permettent la synthèse du GABA : GAD1 (GAD67) qui est surtout exprimée dans le corps cellulaire, et GAD2 (GAD65) qui est surtout exprimée au niveau des connexions synaptiques. L’expression de ces deux enzymes augmente jusqu’à la puberté (soit environ un mois après la naissance), suggérant une maturation des interneurones jusqu’au moins ce stade. En parallèle, l’expression des transporteurs du GABA (GAT) slc6a1 (GAT1) et slc6a13 (GAT3) augmente, permettant l’entrée du GABA dans les vésicules synaptiques56 (Figure 13).
Qu’en est-il des synapses GABAergiques, signe de l’intégration des interneurones immatures dans le réseau neuronal néocortical ? Les premières connexions synaptiques sont visibles dès E16,5 et les premières réponses synaptiques vers E18,5. A ce stade, environ 65% des interneurones immatures induisent des courants postsynaptiques inhibiteurs. La fréquence des réponses postsynaptiques GABAergiques spontanées augmente pendant le premier mois postnatal, reflétant l’augmentation de l’expression des GAD et des GAT. Dans le même temps, les interneurones immatures complètent leur maturation en développant leurs neurites (dendrites, axones) ainsi que leurs propriétés électrophysiologiques56. Par ailleurs, il a été montré que les interneurones forment des synapses électriques entre eux, ce qui permet la synchronisation de leur activité La maturation de l’inhibition corticale dépend non seulement de la maturation des interneurones mais aussi de la réponse des neurones glutamatergiques au GABA. Par exemple, à la naissance, ces derniers expriment peu slc12a5 par rapport à slc12a2 : il y a une accumulation d’ions chlorures au sein des cellules, ce qui rend le GABA excitateur. L’expression de slc12a5 augmente à la fin de la première semaine postnatale, rendant le GABA inhibiteur. Pendant le premier mois postnatal, les rapports d’expression des sous-unités des récepteurs GABAA et GABAB changent, de même que les rapports d’expression des sous-unités des récepteurs au glutamate changent dans les interneurones immatures56.
Réciproquement, la maturation des interneurones dépend des synapses que font les neurones glutamatergiques avec eux. Au cours de la première semaine postnatale (à partir d’environ P5), les interneurones de la couche IV du cortex auditif commencent à recevoir des synapses glutamatergiques avec des neurones glutamatergiques locaux. Des neurones glutamatergiques des autres couches néocorticales commencent à faire des synapses avec les interneurones au cours de la seconde semaine postnatale330.
J’aborderai le rôle fonctionnel des interneurones en prenant l’exemple du cortex auditif dans la discussion (Discussion Partie IIB).

Programme apoptotique et maturation des neuroblastes GABAergiques en interneurones

Il est connu qu’au cours du développement un nombre excédentaire de neurones est produit et qu’une période d’apoptose permet d’éliminer ces neurones excédentaires331. Une étude s’est intéressée à l’expression de la forme activée de la caspase-3 (casp3), opérant une des voies apoptotiques, dans les interneurones immatures (exprimant la protéine fluorescente verte GFP). Le résultat était le suivant. Le nombre d’interneurones immatures exprimant casp3 augmente au cours de la première semaine postnatale atteignant un nombre maximum à P7, puis décline pour devenir nul autour de P15. La plupart d’entre eux (75%) sont détectés entre P7 et P11 (Figure 13). La proportion d’interneurones immatures qui entrent en apoptose est d’environ 40%. Les mêmes auteurs se sont demandé si l’entrée en apoptose dépendait d’un programme intrinsèque aux interneurones. Ils sont partis du principe que les interneurones entrent en apoptose entre P11 et P18 in vivo. Ils ont placé des neuroblastes issus de MGE à E13,5 sur des tranches corticales issues d’animaux à P0-P2. Si l’entrée en apoptose était dépendante de facteurs de l’environnement local, une entrée en apoptose aurait débuté après 7 à 11 jours de culture. Or 66% d’entre eux sont entrés en apoptose après 11 à 15 jours de cultures in vitro, soit avec la même temporalité qu’in vivo. Des résultats qui vont dans le même sens sont obtenus si la transplantation a lieu à P3 et les auteurs ont pu montrer que l’expression par les interneurones immatures du récepteur au BDNF, trkb, n’est pas nécessaire à leur entrée en apoptose. Ces résultats sont donc en faveur de l’existence d’un programme intrinsèque aux interneurones conduisant à l’élimination de 40% d’entre eux. En revanche, la nature des interneurones éliminés et les mécanismes conduisant à leur entrée en apoptose restent à être élucidés332. Une hypothèse séduisante serait que comme les interneurones immatures sont en pleine synaptogenèse pendant les premières semaines postnatales, les interneurones éliminés seraient ceux qui ne parviennent pas à former de connexions synaptiques316. On pourrait imaginer deux raisons à leur absence d’intégration : soit une compétition entre les interneurones immatures (considérés comme équivalents) et un nombre limite de connexions synaptiques possibles, soit seuls certains interneurones immatures possèdent les protéines d’adhérence nécessaires à leur intégration dans certaines aires corticales.

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Table des matières

Problématique
I. La MGE, principal lieu de naissance des lignages d’interneurones à parvalbumine et à somatostatine chez la souris
A. Formation de neuroblastes GABAergiques dans les zones prolifératives et le manteau
B. Modalités temporelles dans les couches prolifératives et lignages d’interneurones à parvalbumine et à somatostatine
C. Modalités spatiales dans les zones prolifératives et lignages d’interneurones à parvalbumine et à somatostatine
D. Etudes clonales et lignages d’interneurones spécifiques de régions néocorticales
II. Migration tangentielle des neuroblastes GABAergiques issus de la MGE chez la souris 
A. Migration tangentielle au sein de deux principaux flux
B. Structures anatomiques rencontrées pendant la migration tangentielle
C. Molécules diffusibles impliquées dans la migration tangentielle
D. Aspects subcellulaires de la migration tangentielle
III. Migration radiaire et intégration des interneurones provenant de la MGE chez la souris
A. Entrée en migration radiaire
B. Fin de la migration et intégration des interneurones immatures dans des réseaux neuronaux
C. Programme apoptotique et maturation des neuroblastes GABAergiques en interneurones
IV. Développement des interneurones chez les primates
V. Protéines d’adhérence et développement des interneurones
A. Rôles des cadhérines dans le développement du système nerveux central, et en particulier celui des interneurones
B. Rôles des aGPCRs dans le développement du système nerveux central, et en particulier celui des interneurones
C. Cdhr23 et cdhr15 : deux protéines apparentées aux cadhérines opérant la transduction mécano-électrique dans les cellules ciliées
D. Adgrv1 : un aGPCR impliqué dans le développement de la touffe ciliaire des cellules ciliées
Résultats
I. Des neuroblastes GABAergiques, du manteau de la MGE au cortex auditif présomptif, synthétisent cdhr23 et cdhr15 durant leurs migrations tangentielle et radiaire, chez la souris
II. Cdhr23 et cdhr15 sont nécessaires à l’entrée dans le cortex embryonnaire des neuroblastes GABAergiques qui les expriment, chez la souris
III. Les souris mutantes pour Cdhr23 et Cdhr15 ont moins d’interneurones à parvalbumine dans leur cortex auditif et sont prédisposées aux crises audiogènes
IV. L’invalidation conditionnelle de Cdhr23 et Cdhr15 dans la MGE ou de Cdhr15 dans le cortex auditif est suffisante pour entraîner une diminution du nombre d’interneurones à parvalbumine dans le cortex auditif et une prédisposition aux crises audiogènes
V. Adgrv1 est impliqué dans le développement des neuroblastes synthétisant cdhr23 et cdhr15
VI. Cdhr23, cdhr15 et adgrv1 présentent des profils d’expression similaires dans le télencéphale embryonnaire de macaque
Discussion et perspectives
I. Cdhr23, cdhr15 et adgrv1 participent au développement des interneurones du cortex auditif : un exemple de « bricolage évolutif »
A. Apparition de la migration tangentielle dans le télencéphale et de l’expression de cdhr23 et cdhr15 au cours de l’évolution
B. Rôles de cdhr23, cdhr15 et adgrv1 dans le développement des interneurones chez la souris
C. Perspectives
II. Défauts intrinsèques dans le cortex auditif en l’absence d’expression de protéines considérées comme étant spécifiques des cellules sensorielles auditives
A. Absence d’interneurones à parvalbumine corticaux et disposition aux crises audiogènes chez la souris
B. Rôles des interneurones à parvalbumine et à somatostatine dans le cortex auditif
C. Troubles neurologiques, interneurones et modèles murins
D. Perspectives
III. Proposition : il existe des populations de neuroblastes GABAergiques adressés à des régions télencéphaliques précises selon un « code d’adhérence cellulaire » Matériel et méthodes
Animaux.
Tests auditifs.
Stimulations sonores.
Injection de vecteur lentiviral.
Anesthésie des souriceaux
Préparation des tissus.
Immuno-marquages.
Quantification des marquages sur tranches histologiques.
Cultures d’explants de MGE et quantification de la migration.
Analyses statistiques
Post-propos
Article de thèse
Références

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