Rôle fondamental de la famille dans le processus d’une éducation à la culture

Dans un travail précédent, intitulé : « L’éducation morale chez Kant », nous avions entrepris une recherche axée sur les fondements et les conditions de possibilité d’un acte moral chez un sujet, selon la perspective kantienne. Nous en avions conclu qu’un comportement moral s’acquiert en particulier par l’éducation. Il s’était agi dans le mémoire de montrer, au niveau de l’éducation, l’importance de la maxime en tant que principe subjectif d’action, et en tant qu’elle met en valeur l’autonomie de la volonté chez le sujet à éduquer. Cette maxime qui peut devenir universalisable, en se présentant comme impératif catégorique dans la conception occidentale de l’éducation, marque que la reconnaissance de la loi morale souligne la liberté du sujet au point de vue éthique.

Et en essayant de transposer le problème de cette éducation à la morale dans le domaine de l’éducation à la culture chez le Malgache, on peut se poser logiquement la question suivante : ne peut-on pas considérer que l’éducation traditionnelle, au sens le plus large, dans les familles malgaches s’appuie aussi sur ce passage de la maxime à la loi, par l’intermédiaire de l’initiation précoce à la connaissance des « hainteny » ou des « ohabolana » (ohapitenenana), ou même à celle des fady et des interdictions, pour transmettre un certain nombre de valeurs (soatoavina) typiquement malgaches ? Car c’est principalement par ces éléments de la culture orale que les parents malgaches éduquent surtout leurs enfants à prendre conscience de leur identité culturelle et de l’expérience acquise par la sagesse ancestrale.

Rôle fondamental de la famille dans le processus d’une éducation à la culture

Généralement, éduquer c’est développer les potentialités d’un sujet, afin de lui apporter plus de perfection, cultiver sa nature selon des valeurs choisies et acceptées. Il s’agit alors, pour ce faire, dans la société malgache, d’amener le sujet à prendre conscience de ce qu’il est, et à ce qu’il soit réellement malgache. Le processus éducatif amène la personne à savoir penser dans le cadre de sa culture traditionnelle, face aux valeurs modernes des occidentaux.

Les parents malgaches élèvent leurs enfants pour pouvoir conserver, par le biais de ce qu’ils considèrent comme une éducation et une culture typiquement malgaches, l’être malgache. Il s’agit alors de dégager la valeur de l’éducation en général, selon la vision propre des Malgaches. D’un autre côté, il serait raisonnable de considérer aussi les divers éléments qui contribuent au développement de l’enfant dans la société malgache à savoir le rôle des parents, de la société ainsi que des écoles. Mais ce qui pour nous est essentiel, c’est le fait de bien cerner comment une éducation à la culture oriente un sujet selon la pensée malgache. Le sujet de la thèse tentera de traiter : « De l’éducation à la culture chez les Malgaches».

Des missionnaires chrétiens ainsi que des agents promoteurs de la colonisation, tels que Henri Rusillon ou Gustave Mondain, ont tâché de décrire, ainsi que d’évaluer, la culture et l’attitude des Malgaches en décrivant seulement leur spécificité culturelle par rapport à leur culture, leur mentalité et leur comportement d’occidentaux. L’examen des faits culturels et sociaux s’orientait, de leur point de vue, de différentes manières : soit à partir d’une simple question de curiosité intellectuelle, soit en se conformant aux exigences et à la nécessité de leur propre mission d’évangélisateur ou de colon. La question principale avait été, dans leur cas, centrée sur la mise en relief des coutumes et des traits culturels typiquement malgaches, mais en soulignant ce que ces dernières avait d’exotique. En revanche, dans le cadre de cette thèse, il s’agira, lorsqu’on parlera de viser à une éducation à la culture, de chercher à développer les potentialités de l’enfant malgache à travers la connaissance de sa culture propre. La question fondamentale peut donc se formuler comme suit : « Comment réussir à véritablement éduquer un Malgache à sa culture, autrement dit, quelles sont les conditions de possibilité d’une éducation à la culture chez les Malgaches ? ».

Tout développement harmonieux des facultés humaines à partir de ses potentialités chez un sujet reste, à plus forte raison, affaire d’une bonne et d’une véritable éducation à sa propre culture. Il paraît difficile d’envisager une authentique amélioration chez ce même sujet, si on a manqué de partir de l’exploration de ce qu’il considère comme sa propre identité ou de ce qu’il reconnaît comme étant ses valeurs culturelles. Autrement dit, toute véritable évolution demande, et l’identification de repères culturels précis, et le refus conscient d’une imitation servile de mœurs ou de valeurs étrangères. Car la méconnaissance de ses propres valeurs culturelles, de même que l’appropriation sans distinction de valeurs étrangères à sa propre culture aboutissent souvent à la déculturation ou à l’oubli de son identité culturelle. On sait aussi qu’historiquement, les missionnaires chrétiens, tout comme les colons, qui voulaient introduire la notion de progrès et de meilleure civilisation au sein de la culture malgache sont souvent allés jusqu’à essayer de faire oublier l’existence d’une personnalité malgache, en faisant passer les individus dans leur propre moule. Par ailleurs, le vrai problème ne repose pas tant directement sur l’imitation des mœurs étrangères que sur celui de l’absence de reconnaissance d’autrui par le « colon », cet autrui ayant une identité culturelle différente. Car bon nombre d’étrangers ont parfois une certaine tendance à minimiser les particularités des cultures dites exotiques ou folkloriques, dans le but d’imposer ainsi leur propre vision de la civilisation.

Les obstacles externes à une éducation à la culture

La visée dernière d’une éducation à la culture, et en particulier pour la jeunesse malgache est, dans le cadre des recherches pour cette future thèse, d’aboutir à constater qu’il faut un effort de perfectionnement permanent de la part de ces jeunes et des parents dans la connaissance de leur propre culture. Il faut souligner que pour les parents Malgaches, le contact direct avec la vie quotidienne est d’abord le moyen permettant aux enfants de s’initier à leurs coutumes et à leur culture traditionnelle. Les parents malgaches ont comme principal rôle celui d’initier, par le biais des rites des passages, les valeurs culturelles traditionnelles typiquement malgaches à leurs enfants. Ces valeurs traditionnelles ou ces « soatoavina » se transmettent donc en premier lieu par le biais des rites des passages. En termes simples, les parents jouent un rôle de premier plan dans l’apprentissage aux valeurs culturelles malgaches, et ils sont les premiers moteurs d’une éducation à la culture. Ils représentent eux-mêmes et transmettent ces valeurs traditionnelles aux jeunes. Il leur appartient donc d’amener les enfants à prendre conscience de ce qu’ils sont, et à ce qu’ils se sentent réellement malgaches, car le processus bien compris d’une éducation à la culture aide la personne qu’on veut éduquer à penser dans le cadre de sa culture traditionnelle.

Or, si le concept de progrès s’exprime souvent actuellement, chez ces jeunes, par un refus de leur propre identité culturelle, on est forcé de constater qu’une telle tendance à s’abandonner sans réfléchir au modernisme constitue un obstacle de taille pour une éducation véritable à la culture : elle force les jeunes Malgaches à penser qu’il lui faut imiter bêtement l’exemple des étrangers et à abandonner ensuite les « bons exemples » que leur fournit traditionnellement leur ancienne société. Traduit en malgache par l’expression « fandrosoana », cette vision du progrès moderniste se comprend autant comme une pure singerie qu’une imitation servile des mœurs des étrangers. Elle fait pourtant oublier que tout développement commence d’abord par soi-même et que tout concept de développement imposé n’aboutit jamais, au final, qu’à une aliénation personnelle et culturelle. Faut-ilvraiment être obligé de toujours abandonner sa propre identité culturelle, pour envisager de se moderniser et pour entrer dans le progrès économique et social qui nous apparaît comme être le lot des pays développés ? Répondre à cette question cruciale est l’objet de cette future thèse. On s’aperçoit ainsi que, face à l’hégémonie de la culture euroaméricaine et aussi à cette tendance générale à imiter servilement les mœurs et les coutumes venues d’ailleurs, les mœurs et coutumes que sous-tendent les valeurs culturelles malgaches risquent de disparaître.

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Table des matières

Introduction
I / Présentation du thème et Motivations à l’endroit du sujet de recherche
a- Rôle fondamental de la famille dans le processus d’une éducation à la culture
b- Les obstacles externes à une éducation à la culture
c- Les obstacles internes à une éducation à la culture
II / Méthodologie
a- Spécifications en profondeur
b- Spécifications verticales
c- Définition des concepts philosophiques utilisés
III / Table des matières provisoire
IV / Bibliographie en partie commentée
Conclusion
ANNEXE

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