Rôle et place du CPE dans la médiation des apprentissages chez les élèves

La question de recherche

Approche socio-historique du métier

Le métier de Conseiller Principal d’Education (CPE) a évolué sur bien des plans au fil des décennies. La part du « suivi pédagogique » de l’élève est aujourd’hui explicite dans la circulaire de missions publiée par le Ministère de l’Education Nationale en 2015  mais demeure peu définie. Cette recherche tente d’approcher un aspect de ce rôle du CPE que nous qualifierons de « médiateur des apprentissages ». Nous nous proposons dans cette première approche de définir les contours de cette question et d’interroger les résistances institutionnelles qu’elle génère.

Les résistances et les malentendus liés au rôle pédagogique du CPE sont nombreux, celui-ci n’étant pas professeur, il est communément difficile de lui prêter un rôle pédagogique. Cette réticence a différentes origines dont une forte séparation des rôles dans le système éducatif français (Tardif, Levasseur, 2010). Notre question de recherche trouve son origine dans le repérage de certaines difficultés dans la mise en place d’actions convergentes ou conjointes de la part des enseignants et des CPE dans le suivi des élèves. Nous postulons que c’est notamment à la croisée des rôles que ce suivi permet à l’élève de donner du sens en laissant la possibilité aux enseignants d’intervenir par moment sur le champ éducatif, et pour les CPE sur celui de la pédagogie. Cette reprise du sens par la médiatisation des questions pédagogiques peut permettre à certains élèves de s’impliquer davantage, et/ou de « reprendre la main » sur leur présence à l’école et ce qu’elle implique comme investissement cognitif en dehors de l’école, dans le travail personnel notamment. Dans quelle mesure les CPE peuvent-ils être de tels médiateurs notamment lors des entretiens de suivi qu’ils peuvent mener avec les élèves, des lycéens en l’occurrence ? Ce sera le thème de cette recherche.

CPE : un métier difficile à appréhender

Après avoir replacé le métier de CPE dans une perspective historique et institutionnelle (analyse des textes officiels) à partir ces années 1970, date de création du corps, nous analyserons le tournant des années 1990-2000 qui instaure une nouvelle dimension, le « suivi des élèves ». Ce suivi est défini dans la loi d’orientation Jospin (1989) comme l’objet de la collaboration des CPE avec les enseignants, actant ainsi une forme de division du travail pédagogique. La littérature scientifique sur le métier de CPE s’accorde sur le fait que c’est un métier composite, ayant peu de références, dépendant du contexte d’exercice. Myriam HouziauxFavreau (2016, 3) dans sa thèse CPE : un métier en tensions décrit ce métier comme « une fonction plastique très liée à la personne qui exerce ce métier » et aussi « aux déterminants extérieurs à la fonction » tels que le type d’établissement, les relations avec la hiérarchie notamment.

Cette analyse est aussi présente dans l’étude du CEREQ (Cadet, Causse, Roche, Magne, 2007) : « les fonctions de ces professionnels sont difficiles à cerner ; leur identité peu stabilisée; leurs missions sans doute insuffisamment définies ; leurs conditions d’exercice du métier sensiblement différentes suivant le type d’établissement, voire le type de relation nouée avec les autres professionnels de la communauté éducative et tout particulièrement le chef d’établissement ; leurs pratiques confrontées à un constant renouvellement. » .

Myriam Houziaux-Favreau (2016, 4) pose « les pourtours historiques et le cadre prescriptif de cette fonction » et met « en exergue un métier polymorphe et dichotomique. » Dans son analyse socio-historique, elle distingue trois phases de structuration du métier. La première prend fin dans les années 1950, la seconde, « au paroxysme des effets de la massification » se termine dans les années 1980, la troisième se poursuit. Nous reprenons ici ce découpage et cernerons en quoi la part pédagogique du rôle du CPE s’est constituée tout en restant implicite dans les textes officiels jusqu’en 2015.

A l’origine, le surveillant général 

L’arrêté du 16 novembre 1847 crée le statut de Surveillant Général (SG), la fonction l’a précédé. Les SG étaient en charge des maîtres d’étude sur lesquels ils avaient autorité, ils s’occupaient de « la surveillance générale et du maintien de l’ordre, la relation aux élèves et aux familles et l’aide bienveillante apportée aux enseignants » (Houziaux-Favreau, 2016, 10). Le SG était luimême sous l’autorité du censeur. La laïcisation de l’enseignement, l’obligation scolaire et l’extension de l’âge de l’enseignement obligatoire, le mérite républicain fondent au XIXème siècle un nouveau système éducatif qui voit apparaître «la figure du SG ». Ce dernier est déjà peu mentionné dans les textes officiels, il « doit construire son champ d’action par défaut» (ibid., 11). « Affublé de ce clinquant trousseau (de clefs) il est le mythe d’une éducation militarisée et injonctive plus qu’éducative». (Focquenoy-Simonnet, 2014, 12).

Régis Rémy (2017, 15) montre un « basculement » au moment de la seconde guerre mondiale et rejoint en cela l’analyse de M. Houziaux-Favreau. La massification scolaire est un marqueur de l’évolution du métier. Cette massification a d’abord touché le primaire « dans un système scolaire très compartimenté », puis atteint le secondaire du fait d’une demande sociale liée à la prospérité des Trente Glorieuses et de la place des jeunes dans la société qui se modifie (ils n’ont plus besoin de travailler) (Houziaux-Favreau, 2016, 12). Régis Rémy insiste quant à lui sur l’importance du mouvement de l’Education Nouvelle qui se diffuse malgré « un silence institutionnel parfois synonyme d’indifférence ». Le rôle socialisateur de l’école est mis en exergue avec la transmission des valeurs de la modernité comme moteur de progrès social. « L’élan novateur qui souffle sur l’école, sensibilise alors les SG de l’enseignement professionnel aux idées de l’éducation populaire » (Rémy, 2017, 16).

Du « surgé au conseiller » 

Ces deux auteurs (Rémy et Houziaux-Favreau) se rejoignent dans cette mise en périodicité du métier sur de nombreux aspects. Houziaux-Favreau (2016, 13-14) situe l’évolution du métier par la transformation du « Surgé » en acteur pédagogique et éducatif :

« Entre la circulaire du 09 octobre 1956 (annexe 2) et celle du 17 novembre 1965 l’action pédagogique et éducative va donc s’ajouter au rôle de maintien de l’ordre. ».

Régis Rémy (2017, 21) citant M. Soussan met en parallèle cette évolution avec celle du temps scolaire et l’apparition de la notion de vie scolaire : « Ainsi toutes les dimensions du temps de l’école, scolaires ou non sont prises en compte » Mais la rénovation pédagogique se heurte à une forme de conservatisme qui continue « à opposer enseignement et éducation » (Rémy, 2017,23). Des tensions perdurent entre une conception de la jeunesse, de l’adolescence, son autonomie, son potentiel, et une institution qui résiste par certains aspects. Les textes officiels ne sont pas les instigateurs de cette évolution éducative, ils apparaissent en retrait, et postérieurs aux changements en œuvre comme le montre Régis Rémy (2017).

Houziaux-Favreau (2016, 14) situe elle aussi cette émergence du rôle éducatif avec le développement des loisirs, suite aux congés payés (1936), et « l’apogée des mouvements de jeunesses populaires et des centres de vacances ». L’animation socio-culturelle s’appuie sur des principes démocratiques tels que l’autonomie et l’apprentissage de la citoyenneté par les adolescents, de plus en plus inscrits dans une société de loisirs. L’unification progressive du système scolaire décrite par Prost (2013, cité par M. Houziaux Favreau) lors de la Vème République, fonde le système actuel avec la nécessité d’élever le niveau de formation et d’allonger la durée de la scolarité. La division du travail entre instruction et éducation s’ancre. La circulaire n°65-419 du 17 novembre 1965 (Annexe 3) redéfinit les missions des SG en donnant une autre place au problématiques éducatives, les notions d’ordre et de discipline sont bouleversées, le magistère et son autorité intellectuelle sont aussi en crise à cette période (Houziaux-Favreau, 2016, 16). «La crise de 1968 » est souvent décrite comme un marqueur important de la transformation du corps des surveillants généraux en CPE (Houziaux-Favreau, 2016, 16). Régis Rémy (2017, 60) quant à lui, fait l’hypothèse que cette transformation trouve son origine en amont, faisant suite au plan Langevin Wallon qui fixe à l’école des objectifs d’émancipation et de formation d’un citoyen éclairé. C’est le décret du 12 août 1970 (annexe 4) qui institue la nouvelle appellation et les deux corps, celui de Conseiller d’Éducation exerçant en collège et celui de Conseiller Principal d’Éducation exerçant en lycée. « Il n’y a plus de surveillant général, mais un général des surveillants » (Caré, 1994). Le texte reste très statutaire et définit à peine les missions dévolues à ces deux nouveaux corps. La crise économique des années 1970 remet l’école au cœur des débats, la question des inégalités scolaires émerge fortement (Bourdieu, 1966).

En 1972, la première circulaire de missions est publiée (circulaire n°72-222 du 31 mai 1972, annexe 5). L’action éducative y occupe une bonne place : « Par leurs fonctions même, les conseillers d’éducation et les conseillers principaux d’éducation se trouvent associés de la façon la plus étroite à cette action globale (action éducative), en vue de laquelle ils ont à jouer un rôle d’une importance exceptionnelle ». Alors qu’ils sont déjà perçus comme des médiateurs, la communication s’impose comme leur principal levier. Ils sont placés « en étroite liaison avec le personnel enseignant » pour contribuer à la réussite des élèves. Par leur connaissance des élèves car « ils se tiennent en rapports constants et confiants avec ces derniers, [ils] peuvent apporter des informations lors des bilans au cours des conseils de classe ou encore accompagner les élèves et les informer en vue de l’orientation. La notion de conseil pointe timidement son nez, mais en tout cas ils mettent un second pied, plus léger, dans la sphère pédagogique. » Houziaux-Favreau (2016, 19) .

CPE et massification, le tournant pédagogique

L’allongement du tronc commun avec le collège unique, l’accueil des nouveaux publics au lycée et la place donnée à l’adolescence (en crise ou épanouie), la demande sociale d’école sont autant de facteurs qui transforment profondément le métier. Celui-ci voit ses contours se préciser comme en témoigne la circulaire de 1982. Ce texte a été ensuite jusqu’en 2015 la référence quant au rôle des CPE et aux conditions d’exercice de leurs fonctions (circulaire n° 82-482 du 28 octobre 1982, annexe 6). Le cadre de la vie scolaire y est défini, il a pour objectif de « placer les adolescents dans les meilleures conditions de vie individuelle et collective et d’épanouissement personnel ». La prescription est de prendre en compte l’élève dans sa globalité et de travailler avec les autres professionnels excluant « tout travail individualiste ». « La collaboration avec le personnel enseignant» est un des trois domaines de responsabilités des CPE.

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Table des matières

Introduction
1. Question de recherche et problématique
1.1 La question de recherche
1.1.1 Approche socio-historique du métier
1.1.1.1 CPE : un métier difficile à appréhender
1.1.1.2 A l’ origine, le surveillant général (SG)
1.1.1.3 Du « surgé au conseiller »
1.1.1.4 CPE et massification, le tournant pédagogique
1.1.1.5 Reconfiguration du métier
1.1.1.6 CPE et pédagogie, une rencontre du « 3ème type »
1.1.1.7 Le suivi des élèves
1.1.2 Le cas des entretiens de suivi : rôle et place du CPE, en quoi peut-il être « un médiateur des transformations » pour l’élève ?
1.2 Les hypothèses
1.2.1 Le sens de l’expérience scolaire : l’autonomie et l’appropriation
1.2.1.1 La notion de médiation
1.2.1.2 Les entretiens
1.2.1.3 Le sens de l’expérience scolaire
1.2.2 Le malentendu comme obstacle
1.2.3 La dévolution comme moteur de la médiation
2. Méthodologie de recherche
2.1 Le cadre de l’étude
2.1.1 .La légitimité pédagogique du CPE dans l’entretien de suivi
2.1.2 L’activité scolaire mise en mots
2.1.2.1 Caractéristiques de l’entretien de suivi
2.1.2.2 L’analyse conversationnelle
2.1.3 La notion d’expérience scolaire et les changements de registre
2.1.4 Des marques de dévolution
2.2 Méthodologie de collecte des données
2.2.1 Une situation forcée
2.2.2 L’entretien préparatoire
2.2.3 Le recueil des données et le corpus
2.2.4 Le débriefing et l’auto confrontation du praticien
2.3 La recherche d’indicateurs
2.3.1 Du côté du CPE
2.3.2 Du côté de l’élève
2.3.3 Analyse des entretiens
3. Domaine de validité des hypothèses
3.1. La médiation comme facteur de transformation de l’élève
3.1.1 Faire des liens, un des ressorts de la médiation
3.1.2. Transitions et ruptures, deuxième ressort de la médiation
3.2. Entre activité et subjectivité, une mise en tension transformatrice
3.2.1 Mobiles et buts mis en tension
3.2.2. Efficacité et efficience mis en lien
3.2.3 Le versant subjectif de l’activité scolaire
3.3 Pour conclure : l’hypothèse de la dévolution
3.3.1 Les changements de registres
3.3.2 Le transfert VS la prescription
3.4 Conclusion
4. Retour rétrospectif
4.1 Facteurs favorisant la transformation de l’élève dans sa posture d’apprenant
4.2 Dévolution, institutionnalisation : des concepts didactiques dans des situations sans apprentissage
4.3 Les aléas
4.3.1 Les biais organisationnels
4.3.2 L’analyse des données
4.4 Des concepts nomades
4.5 Le débriefing avec le praticien
5. Conclusion générale
Bibliographie

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