Rôle d’un service de documentation dans une organisation

Etude du système d’information de la Fondation Abbé Pierre

L’étude du système d’information d’une organisation passe par l’analyse de la fonction documentaire, de la circulation de l’information et de la documentation, et comprend l’examen de la veille documentaire et stratégique, ainsi que celui de la gestion de la mémoire (les archives). Un centre de documentation n’est qu’une partie du système d’information. Pour réaliser cette étude du système d’information, et plus particulièrement de la fonction documentaire, je me suis appuyée sur une observation extérieure des pratiques et sur les échanges formels (entretiens) et informels avec les différentes personnes de la Fondation Abbé Pierre.
Le fonds documentaire de la Fondation est protéiforme, tant au niveau du support (papier, photographies, diapositives, cassettes vidéo, cassettes audio, . . .) qu’au niveau du contenu (documentation « généraliste », sociologique, juridique, … ). En plus des nombreux abonnements presse {La Croix, Libération, Le Monde, Le Monde diplomatique, Le journal de l’Action sociale, Le Moniteur, Jeune Afrique, …), le fonds documentaire se compose de livres, rapports, études, dossiers documentaires personnels… Toute cette documentation est éclatée spatialement. Une partie est dans la salle de documentation : il s’agit essentiellement de documentation dite généraliste et de la documentation produite par la Fondation pour l’externe (notamment la revue Fondations et le journal Et les autres ? ). Une partie est conservée dans la salle des archives; le reste est dispersé selon son contenu dans chacun des secteurs.
Si la documentation propre au service fait l’objet d’un usage, si ce n’est quotidien, tout au moins régulier, la documentation des autres services – et encore plus celle située dans la salle de documentation (parfois considérée comme une salle de dépôt pour la documentation dont on ne sait que faire mais que l’on n’ose pas jeter) – est sous-exploitée, voire inexploitée : elle est soit méconnue (personne ne sait qui possède quoi), soit considérée comme inintéressante. Ce comportement est lié au fait que la plupart des personnes ignorent les ressources documentaires extérieures à leur propre service. Par ailleurs, un autre problème vient se greffer à cette méconnaissance de l’existant : en effet, bien que la documentation de chaque secteur soit en libre accès (pour les autres personnes de la Fondation), il est souvent difficile de (re)trouver un document de manière autonome (si le responsable est absent ou indisponible), chaque classement de la documentation étant personnel et non explicite. C’est pourquoi les pratiques informationnelles et documentaires sont individuelles (recherche dans sa propre documentation, recherche Internet) ou reposent sur un rapport de personne à personne (personne de la Fondation (de secteur à secteur) ou encore personnes ressources extérieures à la Fondation). Si le système présente l’avantage de favoriser les relations humaines, il se révèle inefficace, défaillant, dès que la structure de l’organisation est plus grande, que la documentation prolifère ou que les personnes qui détiennent un savoir informationnel sont indisponibles. Dès lors, une question se pose : les pratiques informationnelles et documentaires s’adaptent-elles ou découlent-elles du système existant ?
En effet, si chacun reconnaît que le système est désordonné et incohérent, peu nombreux sont ceux qui essaient de remédier au problème. Des tentatives passées (revue de presse, diffusion sélective d’articles de presse), soldées par l’échec, révèlent le manque de motivation des personnes, qui ne se sentent pas particulièrement concernées, ou plutôt motivées, par le problème. Si tous s’avouent insatisfaits par le système actuel et souhaitent être mieux informés des ressources documentaires existantes, des projets sur lesquels travaillent les autres personnes…, pour autant, tous ne s’investissent pas personnellement, ne s’inscrivent pas dans une démarche participative – la plupart se positionnant davantage du côté de la demande que de l’offre. La raison principale invoquée est le manque de temps : manque de temps pour lire (à noter que certains se plaignent d’être abreuvés d’informations, réalité qui les poussent à ne plus lire), manque de temps pour diffuser de manière pertinente. Mais il y a également la méconnaissance des thèmes sur lesquels travaillent les autres secteurs (malgré les nombreuses réunions d’informations ayant pour souci le partage de l’information). Seuls deux services participent de manière active et régulière au partage de l’information et du savoir : le secteur Communication et le secteur Habitat Logement. Ces deux secteurs constituent en effet le noyau du système d’information : ils diffusent auprès des autres secteurs l’information pertinente dont ils disposent (en fonction des destinataires) et constituent la « mémoire documentaire » de l’organisation. Bruno Six, chargé de mission Habitat Logement, a notamment constitué une documentation qui nourrit les autres secteurs.
Et les autres secteurs d’avouer qu’ils jettent sans scrupule leur documentation, sachant pertinemment que Bruno la garde et la classe. Quant à Michèle Santonastaso, assistante de la chargée de communication, elle seule connaît les ressources de la salle de documentation et plus particulièrement toute la documentation photographique. Ces deux personnes constituent des relais essentiels à la circulation de l’information et de la documentation au sein de l’organisation.
Le système d’information de la Fondation Abbé Pierre se révèle désordonné et défaillant : la recherche documentaire est inefficace, faute de pouvoir identifier et / ou localiser les ressources documentaires existantes ; la circulation de l’information et de la documentation est souvent soumise au hasard ou repose sur la bonne volonté de quelques-uns.
L’absence de service de documentation oblige chacun à pallier ce manque en organisant de manière personnelle une circulation de l’information (non formalisée) et en se constituant une documentation propre à son domaine d’activité. Le manque d’organisation et de partage de l’information, souligné lors de l’audit informatique, est toujours d’actualité.

Le besoin documentaire et les attentes des usagers

Après l’étude du système d’information et des pratiques informationnelles et documentaires, il m’a semblé important d’évoquer avec les usagers leur besoin documentaire, ainsi que leurs attentes, leurs inquiétudes et leurs interrogations quant à l’objet de ma mission.
La sous-exploitation des ressources documentaires pourrait être interprétée comme un non besoin d’information, mais il s’agirait plutôt d’un non usage ou d’un mauvais usage, découlant de la réalité du système d’information. En effet, le besoin informationnel et documentaire est réel : il apparaît clairement dans une brochure de la Fondation, consacrée notamment à un programme des actions prioritaires : la Fondation, fidèle au mot d’ordre de l’Abbé Pierre, continue à « vouloir savoir, faire savoir, agir ». Deux initiatives attirent l’attention : « mieux connaître les mécanismes de l’exclusion pour mieux les combattre », et « interpeller et mobiliser tous les acteurs du changement social ». S’informer pour agir, informer pour combattre. Les opérationnels de la Fondation ont besoin d’information : « Les études sociologiques ou économiques présentent pour [eux] beaucoup d’intérêt. Elles [les] renseignent précisément sur les situations d’exclusion, leurs causes, leurs mécanismes, le nombre de personnes mal-logées ou sans-abri, elles éclairent les choix opérationnels à faire,elles [leur] fournissent des arguments forts face aux pouvoirs publics. ». Une meilleure connaissance de la réalité permet à la Fondation de mieux adapter ses actions et d’être plus efficace. Par ailleurs, elle a également besoin d’une information précise et actualisée pour sensibiliser l’opinion publique et les responsables politiques aux problèmes de la pauvreté et du mal logement, afin de mener à bien sa mission qui est de combattre la misère et l’exclusion. Dès lors, le rôle stratégique de l’information est pleinement (officiellement) reconnu.
Au cours des entretiens, les besoins informationnels et documentaires se sont révélés plus ou moins précis. Outre le fait qu’il manque quelques livres de référence, c’est surtout la veille documentaire, particulièrement pour la presse spécialisée, et la diffusion sélective d’information qui semblent correspondre à leurs attentes. Par ailleurs, le personnel, dans son ensemble, semble intéressé par l’élaboration de dossiers documentaires sur des thèmes précis, sur demande ou par anticipation, bien que cela n’apparaisse pas comme une priorité. En effet, tous souhaitent surtout et avant tout être mieux informés de l’existant (identification et localisation), des projets et actions menés par les autres secteurs, ainsi que des sources informationnelles (les dernières acquisitions, les catalogues, les publications du CNRS et du milieu de la recherche notamment) et / ou des personnes ressources fiables (comme relais).
Une fois repéré le besoin documentaire et la défaillance du système, il reste à considérer le problème de la remédiation. La décision de mettre en place une base de données documentaire induit un changement dans l’organisation : ce choix est-il adapté ? comment les futurs usagers envisagent-ils cette évolution ? Tous se disent enthousiastes et favorables au projet. La mise en place de la base de données est perçue comme une très bonne initiative qui devrait favoriser un accès facile, rapide et efficace à l’information : l’identification et la localisation, par une recherche documentaire, de l’information pertinente répondant à une attente précise, à un besoin particulier, constitueraient un gain de temps considérable.
L’organisation rationnelle, cohérente et structurée de la documentation devrait permettre une véritable circulation de l’information, une traçabilité de la documentation. Certains rêvent déjà à la mise en réseau, ou encore à la numérisation d’une partie de la documentation. Par ailleurs, l’informatisation devrait permettre un espace documentaire spatialement éclaté (car toutes les ressources documentaires seraient rassemblées et accessibles sur écran) : chaque service pourrait conserver sa documentation spécifique, tandis que la documentation générale serait rassemblée dans la salle de documentation. Cette centralisation d’une partie de la documentation, outre le fait qu’elle permettrait notamment d’éviter des doublons inutiles, favoriserait une meilleure reconnaissance du service dans l’organisation. Cette étape d’aménagement de l’espace et de classement physique de la documentation doit passer par un tri et un inventaire exhaustif des ressources documentaires.
Au désir d’optimisation du système d’information se greffe un souci particulier de simplicité, afin que l’appropriation par les usagers de ce nouveau service ne soit pas trop complexe et que par là même, la mise en place d’une base de données documentaire se révèle utile. De fait, le documentaliste, pas plus que l’outil documentaire, ne doivent faire obstacle à cette appropriation. Une démarche de sensibilisation des personnes concernées apparaît essentielle. En effet, si tous les futurs usagers se disent enthousiastes, ils avouent également quelques inquiétudes : le projet, par ses ramifications futures (notamment la gestion documentaire), dont il est parfois difficile de mesurer les implications, soulève des interrogations, particulièrement en terme organisationnel, financier ou encore technique. En effet, certains sont conscients qu’il s’agit d’un travail énorme qui demande de l’énergie, du temps et de l’argent. Par ailleurs, d’autres ont peur que le projet ne soit abandonné à cause des difficultés rencontrées, ou à cause du manque de motivation ou d’investissement de certaines personnes concernées. En effet, changer ses pratiques et habitudes demande un effort particulier de chacun et nécessite un engagement personnel. C’est pourquoi la participation des usagers et leur implication dans le projet apparaissent fondamentales.

Pour la mise en place d’une base de données documentaire

La mise en place d’une base de données documentaire est une opération lourde et coûteuse qui entraîne des bouleversements dans l’organisation. Pour mener à bien un tel projet, reflet d’une volonté politique, il est essentiel de réfléchir aux contraintes organisationnelles et de prendre en compte les enjeux socioculturels.

Hiérarchisation des objectifs et choix méthodologiques

Suite à l’analyse du système d’information de la Fondation et à l’étude des besoins des usagers, il m’a fallu redéfinir les objectifs de ma mission. En effet, le terrain n’étant pas préparé à la mise en place effective et immédiate d’une base de données documentaire, j’ai donc réalisé une étude préalable à l’informatisation. Mon travail au sein de la Fondation a été dirigé par le souci de faire quelque chose de simple, tout en étant efficace, qui soit adapté aux besoins et aux attentes des futurs utilisateurs.
Des entretiens ciblés (et dirigés) avec les différentes personnes particulièrement concernées par la documentation m’ont permis de mieux cerner le système d’information de l’organisation6 : j’ai ainsi pu faire un état des lieux du fonds documentaire existant (ressources documentaires exploitées / ressources documentaires inutilisées / ressources documentaires manquantes), comprendre la circulation de la documentation et de l’information (collecte, gestion, diffusion, conservation), appréhender les pratiques et habitudes documentaires (partage des savoirs), mieux saisir les avantages et dysfonctionnements du «système» existant, et enfin cerner le besoin documentaire des usagers ainsi que leurs attentes et interrogations quant à mon intervention.
En vue de la mise en place effective d’une base de données documentaire, j’ai réalisé une ébauche de thésaurus, spécifique au domaine d’activité de la Fondation Abbé Pierre. Un thésaurus est une clé d’accès aux documents dont il synthétise le contenu. Il sert à l’indexation et à l’interrogation. Cette étape est essentielle car l’efficacité d’un système est notamment déterminée par la précision et la cohérence de l’indexation. Pour réaliser ce thésaurus (comprenant une carte conceptuelle générale, une liste systématique, une liste permutée et une liste alphabétique), je me suis appuyée sur les rapports d’activité de chaque  secteur de la Fondation ainsi que certains articles généralistes de Y Encyclopédie Universalis.
Ce thésaurus a pour mot vedette habitat et comprend trois branches : une branche logement, une branche amenagement du territoire, une branche fondation abbe pierre. Par la suite, j’ai donné à chaque personne particulièrement concernée par la documentation l’ébauche de ce thésaurus (uniquement la carte générale et la liste systématique), accompagnée d’une introduction précisant notamment les modalités d’utilisation de cet outil, dans l’objectif de recueillir des propositions d’aménagement, d’ajustement, ainsi que les possibles questions. Par la suite, j’ai procédé à une analyse des logiciels documentaires existants9. Le choix du logiciel documentaire implique une réflexion sur l’adéquation entre le produit (ses caractéristiques, ses potentialités) et les besoins spécifiques identifiés. Le choix du logiciel doit être guidé non pas par le désir de posséder un outil très performant (et parfois très complexe), mais par le souci d’offrir aux futurs usagers des fonctionnalités répondant à leurs attentes. Pour réaliser cette étude, j’ai tenu compte de plusieurs impératifs : d’une part, il fallait un système fonctionnant sur Mac ; d’autre part, trois points me semblaient essentiels : pouvoir intégrer un thésaurus, procéder à un autopostage et enfin, la possibilité de gérer la photothèque. Pour réaliser cette étude, je me suis notamment appuyée sur deux numéros <XArchimag consacrés aux systèmes d’information documentaire et aux logiciels de gestion électronique de l’information et des documents. Après une première sélection (selon les contraintes évoquées ci-dessus), j’ai prolongé mon analyse par l’étude des brochures des éditeurs de logiciels et d’une enquête sur les logiciels de recherche documentaire et de gestion de bibliothèque réalisée en 1998 par Danièle Lénart, consultante en ingénierie documentaire.
Deux logiciels ont particulièrement retenu mon attention : Alexandrie, de GB Concept et JLB Doc, de JLB Informatique. J’ai remis l’étude comparative réalisée à ma responsable de stage, Danièle Léoty, ainsi qu’aux décideurs, en l’occurrence, Michel Carvou. A la suite de cette étude, j’ai rencontré les personnes responsables de la cellule « informatique », afin de discuter avec elles de l’adéquation entre les logiciels et les possibilités techniques de la Fondation.

Prise en compte des contraintes organisationnelles, financières et techniques

Afin que le projet de mise en place d’une base de données documentaire soit une réussite, il faut que les décideurs et les futurs usagers désirent cette informatisation, la considèrent comme nécessaire. Elle doit correspondre au désir d’améliorer le fonctionnement interne par une réorganisation partielle du système d’information et au souci de mieux répondre aux besoins du personnel, par une mise à disposition rapide et efficace de documents pertinents (recherche de la qualité). L’informatisation doit être voulue et acceptée, car elle représente un coût financier et demande un travail d’adaptation du personnel de l’organisation, qui va en effet être obligé de modifier son comportement et ses habitudes.
D’un point de vue financier, la mise en place d’une base de données est une opération lourde : outre l’achat du logiciel documentaire, voire le coût de sa mise en réseau, il faut également tenir compte des contraintes financières liées à certaines contraintes organisationnelles. En effet, pour mettre en place ce nouveau service et le gérer par la suite, il faudrait envisager de recruter quelqu’un. Ce constat soulève de nombreuses interrogations. Cette personne devra-t-elle être une professionnelle de la documentation ? Devra-t-elle occuper un mi-temps ou un temps plein ? Il est important de définir précisément les objectifs du projet (notamment, anticiper les différentes étapes) ainsi que d’évaluer le budget à consacrer à sa réalisation et à sa poursuite. Par ailleurs, le souci de rendement et d’utilité ne doit pas faire oublier que la réorganisation du système d’information demande du temps : du temps pour installer, du temps pour former, du temps pour changer ses pratiques et ses habitudes.
D’un point de vue technique, le choix du logiciel documentaire doit répondre à un besoin particulier, pour un usage particulier. Il faut examiner les caractéristiques, les potentialités, les fonctions de l’outil technique : la promesse technique doit correspondre à des attentes identifiées.
Cependant, il ne faut pas céder à la fascination de la technique. L’informatique, pas plus que l’organisation rationnelle de la documentation, ne sont des outils miracles : s’ils participent à une meilleure circulation de l’information, ils ne permettent pas seuls cette circulation. La médiation reste fondamentale. Il me semble essentiel de repréciser ce point, car, lors des entretiens, j’ai perçu à travers les propos de certains une certaine fascination pour l’ordre et la transparence, ou au contraire, une certaine réticence à l’égard d’un outil étranger, peu familier, ou à l’égard d’une organisation arbitraire : ces attitudes d’adhésion aveugle ou de refus obstiné, correspondant aux discours surestimant ou sous estimant la promesse technique, sont récurrentes. Elles peuvent être mieux appréhendées grâce à deux grands principes de psychologie sociale.
Les mécanismes d’attirance et de répulsion qui se révèlent alors dépendent du degré de proximité de chacun avec le domaine en question. Le personnel de la Fondation ne constitue pas un tout homogène : chacun, en fonction de ses expériences passées, de son intérêt et de ses affinités avec la « gestion documentaire », possède ses propres représentations sociales qui influencent son positionnement, son attitude quant au projet. Le documentaliste doit tenir compte de la manière dont chacun appréhende « l’univers de la documentation » : j’ai donc accordé une attention particulière à la perception de chacun des futurs usagers quant au projet de mise en place d’une base de données documentaire et tenté de favoriser le dépassement de ces deux attitudes récurrentes d’utopie communicationnelle (confiance naïve en l’outil technique, fascination pour la transparence) ou de répulsion pour l’aspect lisse et «aseptisé» du technique (peur et rejet de l’inconnu, de l’étranger) en relativisant la promesse technique, de manière à concevoir les capacités techniques de l’outil le plus objectivement possible, et de favoriser ainsi une appropriation de l’outil par l’ensemble des usagers.

Prise de conscience des enjeux socioculturels

La mise en place d’une base de données documentaire, première étape vers la création d’un service de documentation, implique une réflexion sur les enjeux socioculturels : en effet, l’informatisation et la création d’un nouveau service bouleversent le fonctionnement de l’organisation. Le comportement des usagers va devoir changer. Deux points sont considérer : d’une part, le partage de l’information ; d’autre part, une démarche d’apprentissage de l’organisation dans son ensemble.
Le partage de l’information ne va pas de soi14. Mais un « service de documentation est un lieu transversal, c’est-à-dire qu’il a vocation à s’adresser sans distinction à tous les utilisateurs potentiels d’un même organisme. C’est un des seuls lieux où les utilisateurs d’une même entreprise peuvent être mis en relation, sans distinction de grade ou de hiérarchie ».
Ainsi, même si les ressources documentaires de la Fondation Abbé Pierre sont éclatées dans différents lieux, il est essentiel de considérer la documentation comme un bien collectif et de dépasser le cloisonnement symbolique des savoirs. Je tiens à préciser, concernant la dispersion de la documentation au sein de l’organisation, que ce choix trouve sa justification dans le souci de tenir compte des usages antérieurs à mon intervention (organisation reflétant
une adéquation entre l’éclatement des ressources documentaires et l’usage) et de ne pas heurter les usagers en leur imposant un système pré-établi. Cependant, cette dispersion physique des ressources informationnelles ne doit pas empêcher un décloisonnement des savoirs, un partage de l’information, une connaissance distribuée, une ouverture de la documentation à tous les services. Cette acceptation, voire cette adhésion à ce principe, se traduit par des comportements nouveaux.
Par ailleurs, le projet de mise en place d’une base de données nécessite l’adhésion participante de l’ensemble des usagers. En effet, l’informatisation implique un changement dans l’organisation du travail, des comportements nouveaux, l’appropriation de nouveaux outils, l’élaboration de nouvelles méthodes de travail (concernant les pratiques informationnelles et documentaires). Pour que le projet soit une réussite, outre l’attention accordée par le documentaliste aux besoins, aux attentes et aux représentations des usagers, il faut également que chaque usager soit dans une démarche active et volontaire d’apprentissage et de remise en question de ses pratiques (pour une harmonisation).

Pour un espace documentaire centré autour de l’usager (perspectives)

La Fondation Abbé Pierre souhaite optimiser son système d’information afin de favoriser une meilleure circulation de l’information et un meilleur partage des savoir. La mise en place d’une base de données documentaire peut représenter une première étape. Cependant, pour que le projet ne soit pas abandonné à sa phase réflexive, il me semble important de sensibiliser les décideurs et les usagers à l’enjeu informationnel : c’est pourquoi cette dernière partie, avant de développer les perspectives futures d’un tel projet, précise le rôle d’un service de documentation en entreprise, ainsi que celui du documentaliste.

Rôle d’un service de documentation dans une organisation

Pourquoi un service de documentation dans une organisation ? Sous quelle forme ? Pour quelles fonctions ? En a-t-on réellement besoin ? Est-ce rentable (étant donné le coût) ? Ces questions, sous-jacentes dans les interrogations des décideurs de la Fondation Abbé Pierre, révèlent une connaissance imparfaite et insuffisante de ce qu’est un service documentaire dans une organisation et de ce qu’il peut apporter. C’est pourquoi il est essentiel de développer ici l’organisation de la fonction documentaire ou de centre de ressources en information, afin d’éclairer leurs réflexions futures.
La fonction d’information dans l’entreprise est assez récente (dans les années 1960).
Pendant longtemps, la tendance a été de rattacher les services de documentation à un service spécifique (Direction Générale, service de production, service technique…). Cette attitude correspond à une privatisation de la ressource informationnelle, alors appropriée à une branche de l’entreprise : on ne raisonne pas en terme de documentation globale mais uniquement pour un service. Ce système paraît aujourd’hui désuet, à l’heure d’Intranet et de la promotion de l’offre transffontale de l’information. Actuellement, l’organisation du service de documentation dépend du domaine d’activité de l’entreprise, de l’organisation de l’entreprise, des usages et des usagers (analystes ou chargés d’études). Le centre de documentation est souvent localisé à proximité de la cellule communication (par analogie). Un centre de documentation en entreprise a différentes fonctions : au minimum, la gestion des documents externes (abonnements, interrogation BDD, revues, presse, rapports…); la conservation et l’organisation des documents pour pouvoir répondre par anticipation ou sur demande ; l’acquisition de nouvelles ressources documentaires selon les besoins formulés ou anticipés) ; l’élaboration et la diffusion de produits documentaires (revue de presse, bulletin de sommaire, bulletin signalétique (extraction des articles susceptibles d’êtres intéressants), bibliographies…); diffusion sélective des produits documentaires vers les utilisateurs concernés (définition de profils). En général, il ne s’occupe pas de la gestion des archives (à noter qu’il y a peu d’archives dans le sens « mémoire des activités de l’entreprise » : cela commence tout
juste à se développer par le biais du Knowledge management ou capitalisation de l’expérience, démarche qui permet la formalisation de la mémoire volatile) ; de la veille ou d’études prospectives (distinction entre documentation généraliste et veille technologique ciblée) ; de la circulation globale de l’information ni de la communication interne de l’entreprise (tâche incombant à la cellule communication). La partie technique des dispositifs informationnels est de la responsabilité du service informatique (le documentaliste s’occupe des usages). Les activités au quotidien s’organisent autour du cycle de vie du document : acquisition ponctuelle (ouvrages sélectionnés) ou régulière (abonnements) ; traitement documentaire (indexation, catalogage, résumé, etc.. ) et conservation du document; recherches documentaires ponctuelles (à la demande spécifique d’un usager).

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Table des matières

Introduction
1. Etude du contexte 
1.1. Le projet « documentation » de la Fondation Abbé Pierre
1.2. Etude du système d’information de la Fondation Abbé Pierre
1.3. Le besoin documentaire et les attentes des usagers
2. Pour la mise en place d’une base de données documentaire
2.1. Hiérarchisation des objectifs et choix méthodologiques
2.2. Prise en compte des contraintes organisationnelles, financières et techniques
2.3. Prise de conscience des enjeux socioculturels
3. Perspectives futures : pour la création d’un service documentaire
3.1. Rôle d’un service de documentation dans une organisation
3.2. Légitimité du documentaliste : reconnaissance du rôle de médiateur et de formateur
3.3. La poursuite du projet
Conclusion
Bibliographie
Annexes

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