PHYSIOPATHOLOGIE
Personne ne conteste l’intérêt primordial que présente la connaissance des mécanismes physiologiques et physiopathologiques dans la prise en charge correcte et adéquate d’une maladie déterminée. La physiopathologie de l’asthme est complexe et s’articule autour de trois phénomènes intriqués que sont : l’obstruction bronchique, l’hyperréactivité bronchique et l’inflammation bronchique, le tout contrôlé par le Système Nerveux Autonome (SNA), le système non adrénergique, non cholinergique (NANC), et de nombreux médiateurs circulants libérés par les cellules. Il existe des interactions complexes entre les cellules de la paroi bronchique, les cellules immunocompétentes, les cellules de l’infiltrat inflammatoire et le SNA. Ces interactions sont sous la dépendance logique de cytokines et de médiateurs [8].
Rôle du système nerveux autonome dans l’asthme
L’innervation des voies aériennes est relativement complexe ; elle fait intervenir des mécanismes cholinergiques et adrénergiques mais aussi un contrôle non cholinergique non adrénergique a été mis en évidence chez l’homme [9].
Le système adrénergique
Ce système a un effet bronchodilatateur par fixation de la noradrénaline sur des récepteurs de type ß2 entrainant ainsi une relaxation du muscle lisse des voies aériennes. La possibilité d’une anomalie du système adrénergique dans l’asthme est étayée par l’existence d’une diminution de son activité. Les substances antagonistes des ß-récepteurs entrainent une bronchoconstriction chez l’asthmatique. Les catécholamines, en particulier l’adrénaline, sont capables de moduler la contraction du muscle lisse bronchique. L’adrénaline agit comme une hormone circulante et pourrait jouer un rôle protecteur contre les agents Bronchoconstricteurs.
Le système cholinergique
C’est un système bronchoconstricteur qui agit sur le muscle lisse par l’intermédiaire de l’acétylcholine qui se fixe sur des récepteurs muscariniques entrainant ainsi une contraction du muscle lisse respiratoire. Il joue un rôle prédominant dans la régulation du tonus bronchique chez l’homme normal. Chez l’asthmatique, on note une accentuation du tonus vagal surtout en période nocturne. La stimulation du nerf vague entraine une bronchoconstriction potentialisée par les inhibiteurs de la cholinestérase et inhibée par l’atropine. La bronchoconstriction reflexe est obtenue à la suite de stimuli divers ou de médiateurs comme l’histamine, les prostaglandines ou la bradykinine Il existe également une sensibilité accrue du muscle lisse bronchique aux substances cholinergiques (acétylcholine, métacholine, carbachol) suggérant une modification de l’affinité et ou de la densité des récepteurs muscariniques chez l’asthmatique.
Le système non adrénergique non cholinergique (NANC)
Ce système complexe, est capable par l’intermédiaire de neuropeptides, d’induire soit une bronchoconstriction, soit une bronchodilatation, une vasoconstriction ou une vasodilatation, ainsi qu’une modification de la production de mucus. Le système NANC inhibiteur (du muscle lisse) entraine une bronchodilatation par l’intermédiaire d’un neurotransmetteur : le vasoactive intestinal peptide (VIP) et des peptides apparentés (Peptide Histidine Isoleucine PHI, peptide Histidine Méthionine PHM, PHV 42 dérivé du PHI) qui peuvent être détruits par les enzymes libérées par les cellules de l’inflammation dans l’asthme, et cette dégradation favoriserait l’action des nerfs cholinergiques dans le sens d’une réponse bronchospastique exagérée. L’absence de terminaisons nerveuses VIP-ergiques a été rapportée chez certains asthmatiques. Le dosage plasmatique du VIP est possible et au cours d’une attaque d’asthme, le dosage plasmatique du VIP est significativement inférieur à celui mesuré chez des sujets sains. La survenue du bronchospasme chez l’asthmatique est due à la dégradation rapide du VIP par la Tryptase, qui est un médiateur présent dans le granulé mastocytaire. Le système NANC possède également une composante bronchoconstrictive faisant intervenir des tachykinines représentées par la substance P, les neurokinines A et B qui agissent respectivement sur les récepteurs NK1 et NK2 et la calcitonin gene related peptide (CGRP). Ceux-ci sont libérés par les terminaisons nerveuses sensitives des fibres C bronchiques.
L’obstruction bronchique
La nature de l’obstruction bronchique
Le muscle lisse bronchique est comme un filet, il entoure l’ensemble des bronches jusqu’aux bronchioles terminales. Il peut se contracter ou se relâcher sous l’influence de divers facteurs afin de modifier la circulation de l’air dans les voies aériennes. Sa contraction pathologique est responsable d’un trouble ventilatoire obstructif diffus, d’intensité variable selon le degré de réponse du muscle au stimulus. Dans l’asthme, ce trouble obstructif est réversible soit spontanément soit sous l’effet de drogues telles les ß2-mimétiques (les plus efficaces), les vagolytiques ou la théophylline (et ses dérivés) ainsi que les antileucotriènes (antagonistes des récepteurs D4 ou inhibiteurs de synthèse).
A côté d’une anomalie « intrinsèque » du muscle lisse, il faut rappeler que sa contraction et sa relaxation sont sous la dépendance du SNA et du système NANC. Cependant, les médiateurs de l’inflammation sont également en cause dans la bronchoconstriction [9].
Site de L’obstruction bronchique
Les études autopsiques indiquent que, lorsque le malade est décédé d’asthme, l’obstruction siège sur toutes les voies aériennes alors que chez les asthmatiques décédés d’une autre maladie les anomalies siègent de préférence sur les bronches de petit calibre.
L’hyperréactivité bronchique (HRB)
L’hyperréactivité bronchique non spécifique que certains appellent hyperexcitabilité bronchique non spécifique, se définit comme une réaction bronchique exagérée, de type bronchoconstriction de certains individus lors de l’exposition à des stimuli naturels tels le froid et l’exercice ou à des agents agonistes tels l’acétylcholine, la méthacholine ou l’histamine. Les méthodes habituelles de mesure de l’HRB consistent en l’inhalation d’agents agonistes tels que l’acétylcholine, le carbachol, la méthacholine et l’histamine. Ensuite on passe à une mesure du VEMS qui est une mesure simple, sensible et reproductible. Le test est arrêté lorsque l’on atteint un certain niveau d’obstruction bronchique (chute de 20% du VEMS). Cependant, de nombreux facteurs peuvent influencer la réponse aux tests de provocation ; ces facteurs doivent être recherchés avec soin avant la réalisation de ces tests. Ce sont essentiellement les infections virales respiratoires, éventuellement bactériennes, l’inhalation de polluants comme l’ozone, le tabac, le soufre ou les agents sensibilisants au poste de travail, l’exposition saisonnière à des pneumallergènes (exemples: pollens de graminées). Certains médicaments antiasthmatiques peuvent également influencer la mesure de l’HRB il faut donc veiller à respecter le délai entre la prise de médicament et la réalisation du test. Il s’agit des corticoïdes oraux et inhalés, les cromones et les ß2-agonistes. D’autres médicaments tels les ß bloquants, les barbituriques, les Benzodiazépines (BZD) seront interrompus 48heures avant la réalisation du test car ils peuvent entrainer une intolérance à l’agent pharmacologique. Enfin les contre-indications sont l’insuffisance rénale, l’insuffisance cardiaque grave et l’hyperthyroïdie.
La mesure de l’HRB est indispensable au diagnostic de l’asthme en présence d’une histoire clinique d’asthme et d’une spirométrie normale. Bien que caractéristique de l’asthmatique, l’HRB est retrouvée dans des situations cliniques telles les rhinites allergiques, les troubles ventilatoires obstructifs de type bronchite chronique, les atteintes pulmonaires interstitielles et après transplantation pulmonaire [9].
L’inflammation bronchique
L’inflammation bronchique est quasi constante chez l’asthmatique. Elle est présente dans les formes récentes et légères, c’est-à-dire évoluant depuis quelques crises intermittentes et n’amputant pas de façon durable le VEMS comme le prouve de manière indirecte l’efficacité des corticoïdes dans ces formes d’asthme [11]. L’inflammation dans l’asthme correspond à une infiltration de cellules sous la dépendance d’une réponse Th2. Cette réponse est souvent induite par des allergènes conduisant à une prolifération des lymphocytes Th2. Ces cellules synthétisent les cytokines impliquées dans l’infiltration et l’activation d’autres cellules, notamment les polynucléaires basophiles, les mastocytes et les polynucléaires éosinophiles. L’infiltration cellulaire ainsi initiée est pérennisée grâce à un important recrutement de cellules inflammatoires en provenance de la moelle osseuse et du sang circulant. Cette infiltration cellulaire aboutit à un œdème de la muqueuse bronchique. Ce phénomène augmente l’épaisseur de la paroi, rétrécissant ainsi la lumière bronchique. Cette réduction de calibre est aggravée par une sécrétion muqueuse anormale en quantité et en qualité à l’origine des bouchons muqueux. Cet œdème contribue également aux mécanismes d’obstruction bronchique dans l’asthme. L’inflammation persistante entraine à la longue un remodelage des parois bronchiques.
Remodelage bronchique
Il se traduit à des degrés divers par des lésions épithéliales. Elles sont à type de desquamation, de pseudo épaississement de la membrane basale, de modification de la matrice extracellulaire, d’hypertrophie des cellules à mucus et d’hyperplasie des cellules musculaires lisses [12]. Les remaniements de la paroi bronchique, connus sous le nom de « remodelage des voies aériennes », touchent une partie des sujets asthmatiques [13]. Différentes études cliniques ont établi que, malgré un traitement par les corticoïdes bien conduit, entre 5 et 10% (selon les pays) de patients asthmatiques présentent un déclin progressif et irréversible de leur fonction respiratoire [14]. La survenue de ces altérations fonctionnelles respiratoires serait la conséquence d’un épaississement progressif de la paroi bronchique dû à un processus de remodelage tissulaire [15].
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Table des matières
INTRODUCTION
I. DEFINITION
II. EPIDEMIOLOGIE
III. PHYSIOPATHOLOGIE
III.1. Rôle du système nerveux autonome dans l’asthme
III.2. L’obstruction bronchique
III.2.1. La nature de l’obstruction bronchique
III.2.2. Site de L’obstruction bronchique
III.3. L’hyperréactivité bronchique (HRB)
III.4. L’inflammation bronchique
III.5. Remodelage bronchique
IV. FACTEURS CONTRIBUANT A L’ASTHME
IV.1. L’Allergie
IV.2. Les hormones
IV.3. La génétique
IV.4. Les facteurs infectieux
IV.5. Les autres facteurs de risque
IV.5.1.Le tabagisme
IV.5.2. L’exposition professionnelle à des produits chimiques et biologiques
IV.5.3.L’exercice physique
IV.5.4.L’air froid
IV.5.5.Les médicaments
IV.5.6.Le régime alimentaire
IV.5.7. Le Reflux gastro-œsophagien (RGO)
IV.5.8.L’urbanisation
V. ASPECTS CLINIQUES DES DIFFERENTES FORMES D’ASTHME
V.1. La crise d’asthme typique de l’adulte ou crise d’asthme simple ou asthme intermittent à dyspnée paroxystique
V.1.1.Début
V.1.2.Période d’état
V.1.3.Evolution
V.2. Formes cliniques
V.2.1. Formes selon le terrain
V.2.2. Formes symptomatiques
V.2.3. Formes selon la sévérité
V.2.4. Autres formes cliniques
VI. CLASSIFICATION SELON LA GRAVITE
VII. TRAITEMENT DE L’ASTHME
VII.1. Principe du traitement
VII.2. But du traitement
VII.3. Moyens du traitement
VII.3.1. Médicaments de l’asthme
VII.3.2. Prise en charge des facteurs aggravants et contrôle de l’environnement
VII.3.3. Traitement non médicamenteux
VII.3.4. Contrôle de l’asthme
VIII. PREVENTION DE L’ASTHME
VIII.1. Prévention primaire
VIII.2. Prévention secondaire
CONCLUSION