REGULATION PHYSIOLOGIQUE DE LA GLYCEMIE
Rôle du foie dans le maintien de l’équilibre glycémique
En dehors de toute régulation nerveuse ou hormonale, il existe une action prépondérante par le biais de trois mécanismes :
La glycogénogenèse
Chaque jour en moyenne, un homme de 70 kg consomme environ 400 g d’hydrates de carbone. Après avoir franchi la barrière intestinale, ces sucres et en particulier le glucose se retrouvent dans la voie sanguine au niveau de la veine porte. Le glucose qui se rend alors au foie par la veine porte, est capté en grande partie (70 %) par la cellule hépatique. Celle-ci ne possède pas de barrière cellulaire à l’entrée du glucose. La pénétration transmembranaire de ce sucre se fait donc facilement. A l’inverse du muscle et du tissu graisseux, le contenu en sucres libres à l’intérieur du foie est au moins équivalent au taux présent dans le liquide extracellulaire. Dans les hépatocytes, le glucose se polymérise par formation de liaisons glucosides pour donner naissance au glycogène (glycogénogenèse). Cette synthèse est sous le contrôle de la glycogène synthétase.(6)
La néoglucogenèse
Le foie intervient également par le biais de la néoglucogenèse dans la régulation de la glycémie en dehors des repas et pendant la nuit. En effet, les hépatocytes produisent du glucose à partir d’autres substances qui circulent dans le sang notamment les acides aminés et lactate : on parle de néoglucogenèse.(7) La néoglucogenèse est la synthèse de novo du glucose à partir de substrats carbonnés non glucidiques : acides aminés, lactate, glycérol et pyruvate.
Les réactions de la néoglucogenèse sont les mêmes chez les animaux, les végétaux, les champignons et les micro-organismes. La néoglucogenèse utilise essenciellement des enzymes cytosoliques de la glycolyse.(7)
La glycogénolyse
A l’inverse de la formation du glycogène, du glucose peut être libéré par le foie à partir de son glycogène (glycogénolyse). Sous l’influence d’une phosphorylase active (phosphorylase b-kinase), le glycogène est dégradé en glucose-1 phosphate (G-1-P). Le G-1-P est transformé en glucose 6 phosphate qui peut-être hydrolysé rapidement en glucose libre sous l’action de la glucose 6 phosphatase. Le débit de production de glucose par le foie, chez un homme adulte est d’environ 10 g par heure.(6)
Utilisation cellulaire du glucose
Facteurs hormonaux de la régulation glycémique
Hormones sécrétées par le pancréas
La mise en jeu alternée ou simultanée d’hormones, les unes hyperglycémiantes et les autres hypoglycémiantes, permet donc un ajustage précis et relativement rapide du glucose sanguin. De nombreuses glandes participent à ce mécanisme. Le pancréas endocrine occupe de loin une place prépondérante parmi les glandes endocrines participant au phénomène de glycorégulation. En effet, le pancréas sécrète deux hormones importantes que sont l’insuline, considérée pour le moment comme la seule hormone réellement hypoglycémiante et le glucagon, une hormone hyperglycémiante.
– Le pancréas endocrine
Les cellules endocrines du pancréas, productrices d’hormones, sont groupées en multipes îlots, appelés les îlots de Langerhans. Il y aurait environ un milllion d’îlots dans le pancréas d’un Homme normal. Les techniques d’immunofluorescence indirecte ont permis de mettre en évidence dans chaque îlot trois types de cellules :
● Les cellules α qui contiennent du glucagon ;
● Les cellules β qui contiennent de l’insuline ;
● Les cellules δ qui contiennent de la somatostatine.
– L’insuline
L’insuline est produite dans les cellules β qui constituent 75 % des îlots de Langerhans du pancréas. Les cellules α sécrètent le glucagon, les cellules δ la somotostatine. L’insuline est synthétisée sous forme d’une chaîne polypeptidique unique : la prépro-insuline qui se transforme en pro-insuline qui elle-même, sous l’influence de protéases appelées furines, donne l’insuline et le peptide C (C pour connecting, car reliant les deux chaines A et B) lié à deux atomes de zinc. L’insuline est stockée dans les granules sous forme d’un polymère, probablement un hexamère. Sur un fond de sécrétion continue d’environ 40 µg à jeun, il y’a également des augmentations de sécrétion liées aux repas. A ces variations, se superposent des pointes de sécrétion de type pulsatile. Le but du traitement substitutif par l’insuline exogène est de se rapprocher de la courbe de sécrétion physiologique. Le principal stimulant de la sécrétion d’insuline est le glucose, il provoque une libération biphasique, un effet immédiat de courte durée et un effet prolongé. Les canaux jonctionnels, en permettant le passage d’ions, de métabolites, de messagers secondaires d’une cellule à l’autre, jouent un rôle important pour synchroniser sa sécrétion.
La stimulation de la sécrétion d’insuline par le glucose nécessite plusieurs étapes :
● Pénétration dans la cellule β pancréatique.
● Phosphorylation par une glucokinase présente dans les cellules β suivie d’une métabolisation avec synthèse d’ATP dont la concentration intracellulaire augmente. Cette augmentation d’ATP entraine la fermeture des canaux potassiques dépendant de l’ATP et donc l’arrêt de la sortie de patassium. Le résultat est une dépolarisation à l’origine de l’ouverture des canaux calcium voltage-dépendants. L’entrée de calcium favorise la formation du couple calcium-calmoduline nécessaire à l’exocytose des granules de stockage de l’insuline.(8)
– Le glucagon
La régulation de la glycémie, compte tenu de l’apport alimentaire discontinu et des besoins variables de l’organisme, nécessite des mécanismes de régulation complexes. Le glucagon y participe en ayant des effets opposés à ceux de l’insuline. Le glucagon est une hormone polypeptidique hyperglycémiante, secrétée par les cellules α du pancréas et des cellules intestinales, qui a été découverte peu de temps après l’insuline. Le glucagon est formé d’une seule chaîne de 29 acides aminés. Sa sécrétion est inhibée par le glucose et la somatostatine et stimulée par les acides aminés. Sa demie vie plasmatique est de quelques minutes car il est hydrolysé dans de nombreux tissus y compris le foie. Une sécrétion excessive de glucagon est observée chez certains diabétiques. Le glucagon stimule les récepteurs spécifiques liés aux proteines Gs à l’adényl cyclase qui est activée, ce qui entraine une augmentation du taux de l’AMPcyclique, responsable de ses effets physiologiques.
Le glucagon a un effet hyperglycémiant parce qu’il augmente la transformation du glycogène en glucose et inhibe paraléllement la synthèse du glycogène à partir du glucose. Il peut être utilisé dans le traitement d’urgence des comas hypoglycémiques en attendant l’administration du glucose. Le glucagon est indiqué essentiellement dans le traitement des hypoglycémies dues à l’insuline. Il s’administre par voie intraveineuse, intramusculaire ou sous cutanée. Son effet est rapide et de courte durée, moins d’une demi-heure, d’où la nécessité de compléter son administration par celle du glucose.(8)
– La somatostatine
Hormone initialement extraite de l’hypothalamus, la somatostatine a été retrouvée dans les cellules δ tout au long du tractus digestif, surtout dans l’antre et le fundus gastrique, et dans le pancréas. Ce tétra décapeptide inhiberait entre autres, toutes les sécrétions hormonales digestives, notamment la sécrétion de gastrine, d’insuline et de glucagon, par l’intermédiaire d’une interaction avec l’AMPcyclique. Il diminue le débit splanchnique et participerait à la modulation de la prise alimentaire. Son action est locale. Quelques cas de somatostatine, associant un diabète et des diarrhées ont été rapportés. La somatostatine est une hormone qui est utilisée en gastroentérologie. Sa composition chimique est celle d’un peptide, une suite de 14 acides aminés. On appelle code génétique, la règle qui permet de traduire en peptide un gène situé dans l’ADN d’une cellule. Sur l’ADN, chaque ensemble de 3 nucléotides, appelé codon, code pour un et un seul acide aminé. En revanche plusieurs codons différents peuvent coder pour le même acide aminé.
La sécrétion de somatostatine est :
– Activée au niveau pancréatique par le glucagon, une déficience en insuline, la sécrétine, la gastrine, la bombésine, le VIP (vasoactive intestinal peptide) et la cholécystokinine. L’élevation du taux de glucose sanguin ou d’acides aminés stimule également la libération de somatostatine par les cellules δ, l’activation du récepteur β adrénergique. Au niveau du système nerveux central, la somatostatine est régulée par des neurotransmetteurs et des changements ioniques de la membrane cellulaire. Une dépolarisation stimule sa sécrétion par une réaction dépendante des échanges transmembranaires de sodium et de calcium.
– Inhibée par l’acétylcholine, les endorphines, la substance P, la glutamine, le VIP, la dopamine et la noradrénaline. Au niveau stomacal et intestinal, l’acide gamma amino-butirique (GABA), libéré par les terminaisons nerveuses intrinsèques, diminue également la synthèse de somatostatine. Au niveau hypothalamique, le neuropeptide Y (NPY) synthétisé par les interneurones des noyaux arqués, est capable de moduler la synthèse de cette hormone mais aussi du GNRH (Gonadotrophine Releasing Hormon), qui est également synthétisé au niveau intestinal.(9)
Autres hormones hyperglycémiantes
– Corticoides :
Le cortisol est une hormone glucocorticoïde de la famille des corticostéroïdes, synthétisée à partir du cholestérol, et sécrétée par les glandes corticosurrénales. Le cortisol a des propriétés hyperglycémiantes et lipolytiques, et stimule le catabolisme protéique. Il a aussi une action anti-inflammatoire, en inhibant la production et les effets des cytokines pro-inflammatoires (TNF, et interleukines 1 et 6), en diminuant la production de facteurs chimiques inflammatoires, et en favorisant la production et la circulation sanguine d’acteurs anti-inflammatoires. Le stress provoqué par une hypoglycémie va déclencher la sécrétion de cortisol via l’excitation de l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien (voie corticolibérine CRH, puis corticotrophine ACTH). Contrairement à l’adrénaline, la sécrétion de cortisol se fait à retardement et de façon étalée durant les heures qui suivent le stress engendré. A noter que la sécrétion de cortisol démarre en dessous de 0,60 g/L de glucose, contre 0,65 g/L pour la sécrétion de glucagon, d’hormones de croissance, et de catécholamines.(10) Une fois dans le sang, le cortisol va être transporté par des protéines transporteuses CBG et l’albumine dans une moindre mesure. Seul le cortisol sous forme libre peut entrer en action, et étant un stéroïde donc liposoluble, il va directement pénétrer dans les cellules pour aller se fixer au complexe « glucocorticoïde recepteur (GR)+ protéine HSP + protéine immunophiline », situé dans le cytoplasme. Une HSP est une protéine protégeant la cellule des agressions et du stress, comme les radicaux libres. Cette fixation détache de ce complexe, les protéines chaperonnes immunophilines et HSP, activant ainsi le GR. L’ensemble cortisol+ GR migre dans le noyau cellulaire, où il se lie à des HRE (Élément de Réponse à l’Hormone) de l’ADN, modulant alors la transcription génétique, ce qui aura ultérieurement une incidence sur un grand nombre de processus physiologiques intracellulaires. La présence de cortisol dans une cellule implique également l’activation de la cortisone. Cette dernière est également sécrétée par les corticosurrénales, à des quantités 7 fois inférieures au cortisol, puis sera stockée dans les cellules. L’arrivée de cortisol active l’enzyme 11 bêta-hydroxystéroïde déshydrogénase de type 1 qui est responsable de l’activation de la cortisone en cortisol, ce qui accroît davantage la concentration intracellulaire de glucocorticoïdes actifs.
Du fait de la variété de leurs indications, les corticoïdes sont fréquemment prescrits, en médecine générale comme en milieu hospitalier. Certaines études laissent supposer que 0,5 % de la population générale en bénéficie un jour ou l’autre. Pourtant, à côté des effets bénéfiques anti-inflammatoires puissants, leurs effets indésirables sont nombreux, en particulier sur le métabolisme glucidique. Comme le soulignent les recommandations de la Haute Autorité de la santé en France concernant le diabete de type 2, « les corticoides ont un effet hyperglycémiant dépendant de la dose, réversible et transitoire, qu’ils soient administrés par voie orale, intraveineuse, intramusculaire ou interarticulaire ». Les Services d’Urgence et de Diabétologie accueillent d’ailleurs fréquemment des patients présentant une hyperglycémie majeure voire un coma hyperosmolaire alors qu’ils sont traités depuis peu par des corticoïdes pour une pathologie aiguë. Tous les effets des glucocorticoïdes sur le métabolisme du glucose concourent en effet à une hyperglycémie. Ils augmentent la production hépatique de glucose, notamment en augmentant la disponibilité des précurseurs de la néoglucogenèse et en stimulant la sécrétion de glucagon. Ils sont aussi à l’origine d’une insulinorésistance musculaire en diminuant l’utilisation périphérique du glucose et son oxydation. Enfin, ils ont un effet toxique direct sur la cellules β.(11)
– Hormones thyroïdiennes :
L’hyperthyroïdie peut-être associée à une élevation modérée de la glycémie et les anciennes études montrent qu’il existe une augmentation de la production hépatique de glucose après administration de la T3.(12) Les travaux récents effectués par une équipe hollandaise montrent une régulation hypothalamique de la prodution hépatique du glucose (PHG). La réalisation de sympathectomie et de parasympathectomie chez des rats euthyroïdiens et hyperthyroïdiens démontre que seule la sympathectomie réduit l’augmentation de la PHG liée à l’hyperthyroïdie.
Le lien avec une action hypothalamique a été évoqué puisqu’il a été objectivé la présence de récepteurs TR α au niveau du noyau paraventriculaire hypothalamique (NPV). L’injection de la T3 dans le NPV entraîne une PHG mais celle-ci est limitée en cas de sympathectomie. Ainsi, il semble exister encore une fois, une action hypothalamique via le système nerveux sympathique.(13)
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE
I. REGULATION PHYSIOLOGIQUE DE LA GLYCEMIE
I.1. Rôle du foie dans le maintien de l’équilibre glycémique
I.1.1. La glycogénogenèse
I.1.2. La néoglucogenèse
I.1.3. La glycogénolyse
I.2. Utilisation cellulaire du glucose
I.2.1. Facteurs hormonaux de la régulation glycémique
I.2.1.1. Hormones sécrétées par le pancréas
I.2.1.2. Autres hormones hyperglycémiantes
I.2.2. Facteurs nerveux de la régulation glycémique
I.2.2.1. Le système nerveux orthosympathique
I.2.2.2. Le système nerveux parasympathique
II. MODELES D’ETUDES DU DIABETE DE TYPE 2
II.1. Modèle d’insulinorésistance
II.2. Diabète induit
II.2.1. Diabète de type 2 induit à l’alloxane et à la streptozocine
II.2.2. Modèle d’un régime hypercalorique
II.2.3. Modèle d’une alimentation riche en fructose
DEUXIEME PARTIE
I. MATERIELS ET METHODES
I.1. Matériels
I.1.1. Ligands pharmacologiques
I.1.2. Matériels et réactifs de laboratoire
I.1.3. Matériel animal
I.2. Méthodes
I.2.1. Essais pharmacologiques
I.2.1.1. Principe
I.2.1.2. Protocole expérimental
II. RESULTATS
II.1. Rats normoglycémique
II.1.1. Contrôle physiologique
II.1.1.1. Administration des dérivés stilbéniques et naphtaléniques
II.1.2. Rats en situation d’hyperglycémie temporaire
II.1.2.1. Contrôle physiologique
II.1.2.2. Prévention de l’hyperglycémie temporaire par des dérivés stilbéniques et naphtaléniques
DISCUSSION
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE