Rôle du Couplage Local en Atlantique Tropical et Influence du Pacifique 

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La Variabilité Interannuelle Couplée en Atlantique Tropical

Bien que moins marquée que celle de l’océan Pacifique, l’océan Atlantique Tropical est aussi le siège d’une forte variabilité climatique aux échelles de temps inter-annuelles à dé-cennales. En effet, surimposée au cycle annuel dominant, on observe une variabilité basse fréquence importante, dont la période s’étend de quelques mois à plusieurs années. Par exemple, la température de surface en Atlantique Équatorial connaît des fluctuations im-portantes d’une année sur l’autre. Sur la figure 1.5, la variabilité de la SST dans le Golfe de Guinée (dans la région ATL3, définie par Zebiak [1993]), à laquelle nous avons retiré le cycle annuel, fait apparaître plusieurs échelles de variabilité. On observe par exemple qu’une par-tie significative de l’énergie se projette dans la bande de fréquence allant de 1 à 5 ans, et que la SST en Atlantique Équatorial contient aussi une composante décennale importante (périodes de 9 à 14 ans). Néanmoins, l’amplitude de ces fluctuations climatiques est significativement inférieure à celle observée dans le Pacifique Équatorial Est (région NINO3) dominée par la signature du phénomène El Niño. Par exemple, la variabilité de l’indice ATL3 calculée sur la période 1950-2003 (0.47˚C) est deux fois plus faible que celle de l’indice NINO3 (0.89˚C).
FIG. 1.5: Séries temporelles des anomalies de SST (˚C) [Reynolds et Smith., 1994] moyen-nées dans le Golfe de Guinée (ATL3 : 20˚W-0˚E/3˚S-3˚N) et dans l’Est du Pacifique Tropical (NINO3 : 150˚W-90˚W/5˚S-5˚N). Nous avons retiré la tendance linéaire. A droite : les spectres en puissance cumulés dans le temps (obtenus à partir d’une décomposition en ondelettes [Torrence et Compo, 1998]). Les spectres sont norma-lisés par rapport à la variance de chacune des séries temporelles.

La Variabilité Interannuelle Couplée en Atlantique Tropical

A l’échelle régionale aussi, on observe d’une année sur l’autre des conditions climatiques fortement perturbées. Par exemple, la variabilité interannuelle du régime de précipitation au Nord-Est du Brésil (Nordeste) est une illustration marquante de ces fluctuations climatiques. Entre le milieu des années 1970 et le milieu des années 1980, le Nordeste a connu des ano-malies pluviométriques relativement importantes, alors que vers la fin des années 1980, des années de sécheresses prolongées ont été observées. Plus récemment, la région du Nordeste a connu des événements climatiques majeurs : l’été boréal 2001 y fut anormalement sec, tandis que des inondations ont gravement touché la région courant Janvier 2004 (Fig. 1.6). De nom-breuses études ont mis en évidence des corrélations entre les anomalies de SST en Atlantique Tropical et les anomalies de précipitation dans le Nord-Est du Brésil et au Sahel, ainsi que sur l’activité cyclonique qui touche les Caraïbes et la Floride [Landsea., 1993].

Deux modes de variabilité dominants

Alors que la variabilité climatique inter-annuelle dans le Pacifique a pour moteur le phé-nomène El Niño, celle de l’Atlantique Tropical se manifeste selon deux modes distincts : le premier, le mode équatorial, similaire à El Niño, se caractérise par une modification du ré-gime de vents dans l’Ouest du bassin et des changements de la température de la surface de la mer dans le Golfe de Guinée ; le second, le mode inter-hémisphérique se traduit par des variations de la SST dans les parties Nord et Sud du bassin Atlantique Tropical, de part et d’autre de l’ITCZ.

Le mode équatorial

Le premier système de variabilité climatique – appelé mode équatorial – se manifeste tous les deux à quatre ans en moyenne. Il se caractérise par un épisode chaud ou froid. Pendant un épisode chaud, on observe une relaxation des Alizés dans la partie Ouest du bassin équato-rial. Conformément à la théorie linéaire de propagation des ondes longues équatoriales [Cane et Sarachik, 1976, 1977, 1979, 1981 ; Philander, 1978], une telle perturbation des vents zonaux peut provoquer la propagation vers l’Est, le long de l’équateur, d’un train d’ondes océaniques de Kelvin, situées entre la surface et cent mètres de profondeur environ. Ces ondes, dites de downwelling, ont tendance à approfondir la thermocline au cours de leur propagation. Ra-pidement, en arrivant le long des côtes africaines (de l’ordre de un mois), ces ondes sont capables de stopper les remontées d’eaux froides. De ce fait, des anomalies de la température des eaux de surface dans le Golfe de Guinée peuvent apparaître, comme ce fut le cas durant l’été boréal de 1996 (Fig. 1.7). Lors d’un épisode froid, le phénomène s’inverserait.
La signature de ce mode de variabilité en SST est principalement confinée dans l’Est de l’Atlantique Équatorial : les anomalies chaudes sont généralement maximales dans la région de la Cold Tongue entre 6˚S et 2˚N, de 20˚W à 5˚E. Certaines années, les anomalies chaudes se propagent plus au Sud le long des côtes d’Afrique du Sud. On assiste alors à des anomalies de température dans le système d’upwelling du Bengale : ce sont des Benguela Niños [Florenchie et al. 2003 ; Rouault, Illig et al., 2004].
FIG. 1.7: Anomalies de SST en Juin 1996 à partir des données de SST de Reynolds et Smith. [1994]. Anomalies de vent à partir des données satellites ERS1/2. Les anomalies sont calculées par rapport au cycle saisonnier sur la période 1992-2000.
Ce mode de variabilité climatique est similaire, bien que de moindre ampleur, à celui que l’on observe dans le Pacifique (El Niño dans sa phase chaude, La Niña pour sa phase froide). Du fait de l’étroitesse du bassin, on n’assiste pas aux oscillations spectaculaires du Pacifique. La période d’occurrence des événements chauds est d’approximativement 30 mois, avec 14 événements qui se sont déroulés durant les 40 dernières années (1963, 1966, 1968, 1973, 1974, 1981, 1984, 1987, 1988, 1993, 1996, 1997, 1999, cf. Fig. 1.5). L’été 2003 en est l’exemple le plus récent. Ce mode de variabilité entraîne des variations de la température de sub-surface dans l’Est du bassin de l’ordre de 1˚C en moyenne mensuelle, atteignant parfois 3 à 4˚C dans le fond du Golfe de Guinée, comme ce fut par exemple le cas lors de l’épisode chaud de 1984 ou celui plus récent de 1997-1998. Certains de ces épisodes peuvent avoir indirectement été induits par la variabilité du Pacifique Tropical associée aux événements El Niño, comme cela fut le cas en 1984 [Delecluse et al., 1994] et probablement en 1997. Il arrive parfois cependant que des anomalies chaudes qui surviennent dans l’Atlantique soient sans apparente liaison avec un quelconque phénomène El Niño, comme pour l’événement chaud de l’été 1996 [Han-doh et Bigg, 2000].
Le premier événement bien documenté fut celui de 1963 car il a coïncidé avec le pro-gramme d’observation EQUALANT [Merle, 1980]. Durant l’été boréal de 1963, les anomalies de température de surface ont excédé 1,5˚C dans la zone ATL3. En raison de la synchronisa-tion d’anomalies thermiques chaudes dans l’Est du bassin, de la relaxation des Alizés et du déplacement vers le Sud de la zone de convection en été boréal 1963, Merle [1980] et Hisard [1980] ont baptisé ce phénomène de Niño Atlantique. Les analyses de Servain et al. [1982] sur des observations ont permis de mettre en évidence les connexions entre le forçage atmosphé-rique dans l’Ouest du bassin et le réchauffement observé dans le Golfe de Guinée (sans pour autant étudier la dynamique d’onde associée).
L’événement de 1984 s’est produit lors d’un autre programme d’observations appelé SE-QUAL/FOCAL [Weisberg, 1984] et juste après l’intense événement El Niño de 1982-1983. Les observations de sub-surface ont révélé un approfondissement de la thermocline équatoriale dans l’Est du bassin [Philander, 1986], qui résultait d’un déplacement vers l’Est d’anomalies chaudes le long du guide d’onde équatorial [Carton et Huang, 1994]. Delecluse et al. [1994] ont montré un lien entre cet événement inter-annuel en Atlantique Équatorial et l’événement El Niño dans le Pacifique Tropical (cf. § 1.3.2).
Handoh et Bigg [2000] ont analysé l’événement de 1996/1997 (Fig. 1.7) à partir de données océaniques et atmosphériques issues d’observations satellites et ont suggéré un scénario basé sur les propagations/réflexions d’ondes équatoriales pour expliquer la phase chaude de 1996 suivie de la phase froide en 1997.
Associées à ces anomalies thermiques chaudes, des modifications atmosphériques sont observées. Tout d’abord les Alizés soufflent moins fort à l’Ouest de 20˚W, pendant que les vents méridiens associés à la mousson d’Afrique du Nord sont affaiblis [Horel et al., 1986 ; Ze-biak, 1993]. La figure 1.8 de Ruiz-Barradas et al. [2000] présente les structures spatiales d’ano-malies associées aux événements Niño Atlantique, à partir d’une analyse conjointe de données océaniques et atmosphériques [Ruiz-Barradas et al., 2000]. On observe tout d’abord la signa-ture en anomalies de SST, caractéristique du mode équatorial, bien que plus confinée dans l’Est du bassin et plus étendue en latitude que dans l’analyse de Zebiak [1993]. Ce réchauffement de la SST dans le Golfe de Guinée s’accompagne d’un déplacement vers l’Est des eaux chaudes au dessus de la thermocline (Fig. 1.9), ainsi que d’un déplacement vers le Sud de la cellule de convection tropicale [Warner et da Silva, 1994]. Les anomalies de vent sont observées jusqu’à une hauteur de 700 mb et sont associées à une convergence accrue des vents en des-sous de ce niveau. Les vents à 200 mb font apparaître des circulations anticycloniques dans les deux hémisphères (Fig. 1.9). La convection est accrue au Sud de la position moyenne de l’ITCZ et légèrement diminuée plus au Nord. En particulier, les pluies ont tendance à croître sur les pays limitrophes du Golfe de Guinée [Hisard, 1980 ; Wagner et da Silva, 1994 ; Carton et Huang, 1994]. Une augmentation du réchauffement diabatique se produit dans la troposphère en phase avec le réchauffement des eaux de surface.
Ce mode de variabilité équatorial a une composante principale qui varie à des échelles temporelles inter-annuelles, ainsi que décennales. Néanmoins, la périodicité des événements Niño Atlantique semble varier considérablement. La décennie commençant en 1974 a connu relativement peu d’événements chauds, comparée aux années 60 et 80. Les raisons de ce changement ne sont actuellement pas bien comprises. Des paramètres clés comme le contenu thermique de la thermocline équatoriale ne sont mesurés de manière régulière que depuis peu, tandis que des analyses théoriques semblent se concentrer sur les changements des taux de subduction à l’intérieur de la thermocline tropicale.
Comme illustré dans la figure 1.8, ce mode de variabilité climatique est similaire à l’Oscil-lation Australe que l’on observe dans le Pacifique. Néanmoins, la signature du mode équa-torial atlantique est plus resserrée autour de l’équateur, comparée à la variabilité d’ENSO dans le Pacifique, et est proportionnellement située plus à l’Ouest dans le bassin. Sur la base de ces observations, Zebiak [1993] réalise les premières simulations couplées de l’Atlantique Tropical, en utilisant les outils développés précédemment pour les études d’ENSO dans le Pacifique. Ainsi, il adapte le modèle de Zebiak et Cane [1987] aux spécificités du bassin At-lantique (le Brésil et l’Afrique sont modélisés par une « marche ») et impose les climatologies adaptées. Ce modèle couplé, avec une gamme de paramètres réalistes, produit une variabi-lité équatoriale s’apparentant à celle du mode équatorial, avec des périodes privilégiées de 4 ans. Cependant, le résultat des simulations montre que le mode de variabilité simulé n’est pas auto-entretenu. Le couplage serait suffisamment fort pour imposer sa signature dans les observations, mais serait néanmoins trop faible pour dicter entièrement la variabilité équato-riale.
Comme ceci est le cas dans le Pacifique, les anomalies thermiques observées lors de ces événements inter-annuels ont d’importantes conséquences climatiques et socio-économiques. En effet, nous avons vu que la région Est de l’Atlantique Équatorial est une région où la cir-culation atmosphérique des couches inférieures en contact avec l’océan est essentiellement issue de l’anticyclone de Saint-Hélène, et par conséquent elle est orientée vers le Nord du continent africain. Le Golfe de Guinée est donc la principale source de la vapeur d’eau qui va être advectée par cette circulation atmosphérique, et qui peut donc potentiellement pro-duire une grande partie des précipitations sur l’Ouest du continent africain. La température de la surface de la mer dans le Golfe de Guinée va donc conditionner le sens des échanges de chaleur sensible entre l’océan et l’atmosphère, et donc l’intensité de l’évaporation. De ce fait les anomalies thermiques dans le Golfe de Guinée associées au mode de variabilité équa-torial sont un des facteurs, avec les conditions de surface continentale (albédo, végétation et état hydrique), qui conditionne l’intensité de la mousson d’Afrique de l’Ouest [Fontaine et al. 1999]. De plus, l’affaiblissement des remontées d’eau froide observé dans les zones d’up-welling équatorial et côtier [Brundrit, 1995], vont fortement perturber les activités de pêche [Crawford et al. 1990 ; Boyd et al., 1992]. Par exemple, durant les années Benguela Niño, la durée de la saison de l’upwelling côtier au Sud de la Namibie peut être réduite d’un facteur deux [Hagen et al., 2001]. Durant les années Niño Atlantique, on observe une fluctuation des pêches de certaines espèces à proximité des côtes Ouest-africaines, ainsi que de la capture de thon dans l’ensemble du bassin.

Le mode inter-hémisphérique

Les premières études sur les relations entre les précipitations dans les tropiques et les anomalies de température de la surface de la mer ont été motivées par les importantes fluc-tuations du régime de précipitation dans le Nord-Est du Brésil [Markham et McLain, 1977 ; Hastenrath et Heller, 1977 ; Moura et Shukla, 1981]. Le Nordeste est une région du Brésil dont l’économie est très dépendante de ses rendements agricoles [Rapport FAO, Juin 2004]. La ma-jeure partie des précipitations s’y produit de Mars à Mai, lorsque l’ITCZ est à sa position la plus au Sud. Cependant des anomalies pluviométriques considérables sont observées, et elles ont des conséquences dramatiques pour les populations locales (Fig. 1.6). Par exemple, la grande sécheresse de 1958 a contraint 10 millions de personnes à émigrer du Nordeste [Na-mias, 1972].
L’analyse des structures spatiales des anomalies inter-annuelles de température de sur-face associées aux années anormalement sèches ou humides du Nordeste a montré que les sécheresses sont associées à des déplacements inhabituels en latitude de l’ITCZ. Des anoma-lies climatiques apparaissent tous les trois à dix ans quand l’ITCZ se déplace de manière insis-tante au delà des positions saisonnières habituelles. Lorsque l’ITCZ se déplace anormalement vers le Nord, la température des eaux de surface augmente au Nord, tandis qu’elle dimi-nue au Sud : c’est le mode de variabilité inter-hémisphérique. Ce gradient trans-équatorial de température de surface (CESG14) en « phase positive » (Fig. 1.10) déclenche une période de sécheresse dans le Nordeste et de fortes pluies au Sahel. Une situation contraire apparaît lorsque l’ITCZ se décale anormalement au delà de sa position extrême Sud : la température des eaux de surface diminue au Nord tandis qu’elle croît au Sud, favorisant souvent d’im-portantes précipitations dans le Nordeste et la sécheresse au Sahel.

La dépendance saisonnière de la variabilité interannuelle

Nous avons vu précédemment que le cycle annuel est le signal dominant de la varia-bilité basse fréquence de l’océan Atlantique Tropical. Les déviations par rapport à ce cycle saisonnier sont sujets à une influence importante de ce dernier. En effet, dans le cas du mode équatorial, les anomalies de température de surface maximales se produisent en été boréal, lorsque les eaux chaudes et légères entraînées vers l’Ouest par les courants sont remplacées, dans le Golfe de Guinée, par une résurgence d’eaux de la thermocline (∼ 23˚C) [Latif et Grotz-ner, 2000 ; Ruiz-Barradas et al. 2000]. Ainsi, la phase positive de ce mode de variabilité est as-sociée à une absence de Cold Tongue en été boréal. Dans le cas du mode inter-hémisphérique, les anomalies de gradient méridien de SST atteignent des valeurs maximales à l’équateur et au Nord durant le printemps boréal [Nobre et Shukla, 1996 ; Ruiz-Barradas et al. 2000].

Les interactions avec les Extra-Tropiques

Récemment, plusieurs auteurs ont étudié la variabilité tropicale en connexion avec les latitudes moyennes en Atlantique. Certaines [Rajagopalan et al., 1998 ; Robertson et al., 2000 ; Tourre et al., 1999] suggèrent que la variabilité en Atlantique Tropical peut perturber la va-riabilité de l’Atlantique Nord. Réciproquement, Xie et Tanimoto [1998] proposent, sur la base d’étude de simulations de modèles, que le CESG en Atlantique Tropical peut être excité par l’Oscillation Nord Atlantique (NAO15). Nous présenterons ici les influences des régions extra-tropicales sur la variabilité de l’Atlantique Tropical.

Les Influences Extérieures : les Télé-connexions

L’Oscillation Nord Atlantique est le principal mode de variabilité climatique autour du bassin Nord Atlantique. L’indice de la NAO est calculé chaque année à partir de l’anomalie de la différence de pression entre Lisbonne (Portugal) et Reykjavik (Islande) (Fig. 1.13). Issue de l’interaction entre océan et atmosphère, l’activité de la NAO est plus marquée en hiver. Elle est liée à la zone de hautes pressions des Açores, qui est soit renforcée (index NAO positif) soit diminuée (index NAO négatif) par rapport à la moyenne. Un renforcement des hautes pressions (index positif) défléchit le flux atmosphérique d’Ouest vers le Nord de l’Europe, donnant des hivers humides dans le Nord de l’Europe et secs dans le Sud.
La NAO est associée à un tripole de SST dans la partie Nord de l’Atlantique en hiver et au printemps boréal, dont le lobe inférieur est centré sur l’Atlantique Tropical Nord (10-20˚N). L’analyse composite de Xie et Tanimoto [1998], basée sur un index caractéristique du CESG (différence entre la SST moyennée entre 10-20˚N et celle moyennée entre 15-5˚S) révèle une structure spatiale qui s’étend du Sud de l’Atlantique jusqu’au Groenland (Fig. 1.14). Cette structure Pan-Atlantique est associée préférentiellement à des échelles de temps décennales [Chu, 1984 ; Metha, 1998 ; Enfield et al., 1999 ; Tourre et al., 1999].
Cette relation statistique suggère une interaction entre la NAO et le CESG. Le centre d’ac-tion sub-tropical de la NAO, à 40˚N, entraîne des modifications dans l’amplitude des Alizés de Nord-Est, et ainsi affecte la température dans le Nord de l’Atlantique Tropical (NTA16) [Xie et Tanimoto, 1998 ; Chang et al., 2000]. Czaja et al. [2002] effectuent une régression retardée de la SST, du flux net et des tensions de vent (moyennés dans la bande 40˚W-20˚W) sur l’in-dice NAO (négatif). Cette analyse montre que les événements NAO négatifs sont associés à des anomalies de vents d’Ouest (Fig. 1.15), qui créent un réchauffement dans la région NTA par le biais d’anomalies de flux latent (∼ 8 − 10W/m2 en Janvier-Février). Une fois les anomalies de vent disparues (à la fin de l’hiver), les anomalies de flux de chaleur changent de signe au moment de la phase mature du réchauffement (∼ 0.5˚C) pour dissiper ce dernier. Czaja et al. [2002] quantifient à deux tiers le nombre d’événements NAO (positifs ou négatifs) associés à des anomalies de SST dans la région NTA. Nous avons vu dans la section précédente, que celle-ci déclenche des modifications de la position de l’ITCZ et par conséquence du CESG. No-tons cependant l’absence de corrélation entre la NAO et la variabilité équatoriale dans l’étude de Czaja et al. [2002].
Les latitudes moyennes influencent aussi la variabilité dans l’Atlantique Équatorial à tra-vers la circulation océanique [Schott et al., 2004], via les cellules de circulation subtropicales. Cette circulation méridienne transporte l’eau subductée dans les sub-tropiques durant l’hi-ver dans les zones d’upwelling équatorial. Dans l’Atlantique, ces cellules sont fortement asy-métriques par rapport à l’équateur, en raison de la géométrie du bassin et du NECC qui empêche les échanges méridiens et sont sensibles aux anomalies de vent de surface. La va-riabilité des cellules tropicales de re-circulation est elle-même influencée par le taux de sub-duction aux latitudes moyennes [Lazar et al, 2001 ; Lazar et al, 2002]. Des modifications dans la formation d’eaux profondes dans les hautes latitudes peuvent créer des modifications dans le transport trans-équatorial de SST, ce qui entraîne la formation, en Atlantique Tropical, d’un dipôle en SST [Yang, 1999]. Une analyse de paléo-proxi montre en effet une forte corrélation entre la position de l’ITCZ et les conditions climatiques au Groenland [Peterson et al., 2000].

Les influences d’El Niño Southern Oscillation (ENSO)

Le Pacifique Tropical est sujet à une variabilité inter-annuelle exceptionnelle : l’Oscillation Australe. Tous les 2 à 7 ans, le cycle saisonnier couplé océan-atmosphère est bouleversé, et on observe un réchauffement anormal de plusieurs degrés des eaux de surface du Pacifique Équatorial, dans l’Est du bassin et le long des côtes de l’Équateur et du Pérou (Fig. 1.5).
En conditions moyennes, il existe une vaste zone de basses pressions sur le Pacifique Sud-Ouest tandis que la partie Est du Pacifique est sous l’influence d’une zone de hautes pres-sions. C’est ce gradient de pression qui guide les Alizés de l’Est vers l’Ouest du Pacifique, le long de l’équateur (Fig. 1.11). Le phénomène ENSO, caractérisé par l’indice SOI17, est l’un des facteurs à l’origine des variations inter-annuelles de la circulation atmosphérique mondiale [Rasmussen, 1991 ; Sodem, 2000]. Il se traduit par un renversement de ce gradient de pression entre l’Est et l’Ouest du Pacifique, et donc par un renversement des vents tous les 3 ou 4 ans en moyenne. L’affaiblissement ou l’arrêt des Alizés (voire leur renversement avec des coups de vent d’Ouest), sont des signes précurseurs d’El Niño. L’eau chaude de l’Ouest du Pacifique se déplace alors vers les côtes du Pérou. Ce reflux se manifeste dans la couche superficielle de l’océan et met environ deux mois pour atteindre la côte Sud-Américaine. Les anomalies de température de surface dans le Pacifique Est peuvent atteindre 5˚C, comme ce fut fut le cas durant l’événement de 1997 (Fig. 1.5). La convection atmosphérique devient alors très active au-dessus des eaux réchauffées du Pacifique central et oriental (Fig. 1.16). Ceci explique la sécheresse en Indonésie et en Australie et les pluies diluviennes qui s’abattent sur les îles du Pacifique central lors d’un événement El Niño. ENSO affecte l’Amérique du Sud et le bassin Atlantique selon deux types de télé-connexions atmosphériques :
(i) Les anomalies de SST du Pacifique tropical entraînent une modification de la cellule de Walker. Un événement El Niño crée un décalage vers l’Ouest de la zone de convection habituellement centrée sur l’Amazonie, et d’une convergence des vents d’Est et d’Ouest du continent [Wyrtki, 1982]. Les Alizés atlantiques sont renforcés par cette zone de convergence et activent ainsi la « modeste » cellule atmosphérique du bassin atlantique. Les zones d’ascen-dance de la cellule de Hadley sur la région Amérique-Atlantique, situées principalement sur le Brésil, sont déplacées vers le Sud.
(ii) Cette configuration est accentuée par un blocage des fronts polaires et de son puissant jetstream subtropical dans la région allant du Sud du Pérou au Sud du Brésil [Kousky, 1984].
Les conséquences de cette situation sont une pluviométrie anormalement élevée dans la zone de blocage et une sécheresse dans les régions situées plus au Nord, dans le Nordeste (Fig. 1.6) et le plateau guyanais. Dans l’année qui suit un événement El Niño important, l’At-lantique Tropical Nord est généralement caractérisé par une température des eaux de surface anormalement élevée, tandis que l’Atlantique Tropical Sud est parfois (et non systématique-ment) dans une situation opposée [Enfield et Mayer, 1997]. Au cours des événements La Niña, la partie descendante de la cellule atmosphérique équatoriale tend à s’affaiblir et se décaler. Cela réduit d’autant les Alizés de l’Atlantique Équatorial, déplace l’ITCZ vers le Sud et accroît la pluviométrie des marges continentales voisines.
La réponse de l’Atlantique Tropical à la variabilité du Pacifique Tropical associée à ENSO a été mise en évidence par le calcul de corrélations entre les anomalies de SST dans le Pacifique et l’Atlantique. Lanzante [1996] et Enfield et Mayer [1997] trouvent un niveau de corrélation de l’ordre de 50% avec un décalage d’environ 4 à 5 mois. Ainsi, un réchauffement en At-lantique Tropical est observé quelques mois après la phase mature d’un événement El Niño en Décembre-Janvier-Février, s’accompagnant d’une diminution des précipitations sur l’At-lantique Équatorial. Les télé-connexions entre les deux bassins tropicaux semblent être très dépendantes du cycle saisonnier. Durant un événement El Niño, la convection atmosphérique s’intensifie dans le centre et l’Est du Pacifique Équatorial et réchauffe la troposphère du Pacifique, avec un décalage d’une à deux saisons de retard [Su et al., 2004]. Ces anomalies positives de la température de la troposphère se répandent rapidement à toute la ceinture équatoriale, via l’ajustement atmosphérique (ondes équatoriales) [Yulaeva et Wallace, 1994 ; Chiang et Sobel, 2002]. Hors du Pacifique Tropical, ce réchauffement de la troposphère tropicale est associé aux anomalies de mouvement descendant liées aux anomalies de la circulation de Walker durant un événe-ment El Niño (Fig. 1.16). Cette subsidence anormale, avec une augmentation de la stabilité statique associée au réchauffement troposphérique, supprime la convection atmosphérique et par conséquent réduit les précipitations sur l’Atlantique Équatorial. Durant les mois de Mars à Mai, l’ITCZ atlantique tend à se déplacer anormalement vers le Nord [Czaja et al., 2002], créant une structure spatiale dipolaire des anomalies de précipitation. Ce dipôle de précipitation ne se limite pas à l’océan, mais s’étend largement sur le continent Sud Améri-cain. Des anomalies pluviométriques importantes dans la région du Nordeste sont alors ob-servées, donnant lieu à des sécheresses désastreuses pour les rendements agricoles (Fig. 1.6). Su et al. [2004] montrent que la réponse atmosphérique consécutive à un événement El Niño est dépendante de la réponse couplée dans les autres bassins tropicaux. Par exemple, cette étude montre une dépendance importante du délai du réchauffement troposphérique à la profondeur de la couche de mélange océanique, et à la période d’ENSO.
En Décembre et Janvier, durant la phase mature des événements El Niño dans le Paci-fique Tropical, la pression de surface diminue dans l’Atlantique Tropical Nord, tandis qu’elle augmente en Atlantique Équatorial [Covey et Hastenrath, 1978 ; Aceituno, 1988 ; Giannini et al. 2000 ; Mestas-Nunes et Enfield, 2001 ; Alexander et Scott, 2002]. Le gradient de pression résultant donne lieu à un déplacement vers le Nord de la zone inter-tropicale de convergence. Les ano-malies de vent sont particulièrement importantes dans la partie Ouest du bassin, avec une relaxation significative les Alizés de Nord-Est qui entraîne une diminution (pour l’océan) du flux latent (et, de manière moins significative, du flux sensible). Il en résulte un réchauffe-ment retardé de la couche de mélange océanique, maximal de Mars à Mai dans une bande de latitude s’étendant entre 20˚N et la position climatologique de l’ITCZ (Fig. 1.15). Les ré-gressions de Czaja et al. [2002] sur l’indice NINO3 montrent que les événements El Niño sont associés à des anomalies de vent d’Ouest de Janvier à Mars, qui créent des anomalies de flux latent (∼ 10W/m2 de Janvier à Avril). Ces anomalies de flux net changent de signe en Avril pour dissiper le réchauffement ainsi créé dans la région NTA. Czaja et al. [2002] identifient que trois quarts des événements ENSO (positifs ou négatifs) sont associés à des anomalies de SST dans la région NTA. La diminution de l’évaporation de surface précédant le réchauffe-ment en Atlantique Tropical Nord est aussi suggérée par Klein et al. [1999], étude effectuée à partir d’analyses d’observations in situ (bateaux). De plus, cette étude rapporte une réduction modeste de la couverture nuageuse au Sud de 20˚N, qui contribue aussi au réchauffement ob-servé. Ces résultats sont aussi confirmés par l’analyse d’Enfield et Mayer [1997], basée sur des corrélations retardées entre un équivalent de l’indice NINO3 et les anomalies de vent et de SST en Atlantique Tropical. Notons néanmoins que l’étude d’Enfield et Mayer [1997] suggère que l’intensification observée des Alizés le long de l’équateur (Fig. 1.15) ne semble pas don-ner lieu à des corrélations significatives entre la SST dans le Golfe de Guinée et la variabilité dans le Pacifique Tropical (contrairement à ce qui serait attendu par la dynamique équato-riale).
Les études de Saravanan et Chang [2000] et de Chikamoto et Tanimoto [2004], basées respec-tivement sur des analyses de sorties de Modèles Atmosphériques de Circulation Générale (AGCM) et des analyses de données in situ historiques (bateaux), suggèrent qu’en plus des anomalies d’évaporation induites par le relâchement de la circulation atmosphérique, des changements dans les différences de température et d’humidité à l’interface air-mer jouent également un rôle dans le réchauffement de l’Atlantique Tropical Nord au printemps bo-réal, consécutif à un événement El Niño. La différence de température entre l’atmosphère et l’océan affectent les flux de chaleur turbulents. En effet, dans des conditions moyennes, les anomalies de SST sont légèrement supérieures à celles de la température des basses couches de l’atmosphère. Mais, durant l’hiver et le printemps boréal, consécutifs à un événement El Niño, les anomalies de la température de l’air sont plus importantes que celles de l’océan, ce qui inhibe les pertes de chaleur de l’océan au profit de l’atmosphère.
Ce réchauffement observé en Atlantique Tropical Nord, qui atteint des valeurs de 0.5 à 1˚C [Czaja et al., 2002] est associé à des interactions air-mer dans tout le bassin Atlantique Tropical. Au mois d’Avril et de Juin, lorsque le réchauffement est maximal, des anomalies significatives de vent de Sud-Est se développent entre 10-15˚S et la latitude de l’ITCZ, en ré-ponse à la diminution de la pression de surface en Atlantique Tropical Nord (Fig. 1.15). Ces anomalies de vent, dans la direction des vents moyens, induisent des anomalies négatives de SST au Sud de l’équateur, à travers la dépendance de l’évaporation à la vitesse du vent. Ce refroidissement augmente le gradient trans-équatorial de SST en été boréal [Enfield et Mayer, 1997 ; Chiang et al. 2002]. Néanmoins, les corrélations entre les anomalies de SST dans le Paci-fique Est et celles en Atlantique Tropical sont généralement plus importantes au Nord (∼ 0.5) qu’au Sud (∼ 0.25).
En comparant différentes simulations atmosphériques qui diffèrent par les régions de forçage inter-annuel, Saravanan et Chang [2000] montrent que la réduction des pluies sur l’At-lantique Équatorial est une réponse directe à la variabilité d’ENSO, alors que le déplacement vers le Nord de l’ITCZ est une conséquence indirecte, liée aux anomalies de SST en Atlantique Tropical. Cette hypothèse est confirmée par Chiang et al. [2002] sur la base d’étude d’observa-tions.
Ainsi les interactions air-mer locales jouent un rôle important dans la réponse de l’At-lantique à la variabilité du Pacifique associée à ENSO. Néanmoins, cette rétroaction n’est pas assez forte pour entretenir le gradient trans-équatorial de SST jusqu’à la fin de l’été boréal. Contrairement à l’influence importante qu’exerce ENSO sur le gradient méridien de SST, la corrélation entre le Niño Atlantique et ENSO n’est généralement pas significative [Zebiak, 1993 ; Enfield et Mayer, 1997], malgré les anomalies négatives de vent observées le long de l’équateur (Fig. 1.15). En outre, Nobre et al., [2004], en complétant l’étude de Zebiak [1993], montrent que les perturbations en Atlantique Tropical, engendrées par la variabilité du Pacifique, sont ca-pables d’entretenir la variabilité équatoriale, avec une amplitude en accord avec les observa-tions. Cependant, d’après la théorie linéaire des ondes longues équatoriales, l’intensification des Alizés de Sud-Est de Mars à Juin le long de l’équateur, consécutive à un événement El Niño (Fig. 1.15), aurait tendance à augmenter l’upwelling équatorial, induisant une élévation de la thermocline équatoriale dans l’Est du bassin et par conséquent aurait tendance à créer un événement froid en Atlantique Équatorial. De Janvier à Mars, entre l’intensification des Alizés de Sud-Est et le relâchement des Ali-zés de Nord-Est, des anomalies négatives de rotationnel de vent forcent des ondes de Rossby de downwelling. Les effets opposés de ces ondes de Rossby et de ceux des vents équatoriaux peuvent être responsables du manque de corrélation entre les océans équatoriaux Pacifique et Atlantique. De plus, la combinaison des ondes longues équatoriales, leur vitesse (rapide) et leur réflexion sur des côtes non-linéaires, complexifient la réponse de l’Atlantique Tropi-cal à une perturbation atmosphérique (provoquée par la réponse à un événement ENSO, ou propre au bassin Atlantique Équatorial).

Les Simulations Couplées

Comme nous l’avons vu précédemment, les mécanismes qui régissent les interactions entre les différents bassins océaniques ne sont pas parfaitement compris. L’analyse des télé-connexions entre les océans tropicaux Atlantique et Pacifique nécessite des jeux de données océaniques et atmosphériques complets et suffisamment longs pour pouvoir faire des sta-tistiques fiables. Si les observations sont nombreuses dans le Pacifique, l’Atlantique Tropical quant à lui, a été moins échantillonné. Ainsi, le recours à la modélisation s’avère indispen-sable.
Une des premières études qui s’est intéressée aux influences de la variabilité du Pacifique Tropical sur celle de l’Atlantique Tropical est celle de Delecluse et al. [1994]. En effet, elle ana-lyse les connexions entre l’événement chaud observé en Atlantique Équatorial durant l’été 1984 et l’événement El Niño de 1982/1983, à partir de simulations forcées de Modèles At-mosphériques de Circulation Générale (AGCM18) et de Modèles Océaniques de Circulation Générale (OGCM19). Plus spécifiquement, deux simulations d’AGCM sont utilisées. Elles dif-fèrent par la zone de forçage inter-annuel. La première est une simulation de contrôle, dans laquelle la SST observée est prescrite dans le monde entier. Dans la seconde expérience la zone de forçage inter-annuel est limitée au Pacifique Tropical. Les sorties de ces deux simu-lations (tension de vent, flux de chaleur et d’eau douce) sont sauvées et sont ensuite utilisées pour forcer l’OGCM. Les analyses de ces simulations montrent que les conditions dans le Pacifique durant les années 1982-1983 créaient des conditions favorables au développement d’événements inter-annuels en Atlantique, en particulier pour le déclenchement de l’événe-ment chaud de 1984 observé en Atlantique Équatorial. En effet, bien que le signal atmosphé-rique observé soit de faible amplitude, il est à même de générer, dans l’OGCM, un signal en sub-surface (propagation d’ondes de Kelvin) à l’origine d’un aplatissement de la thermocline en Atlantique Équatorial. Néanmoins, ces expériences forcées ne peuvent pas expliquer l’am-plitude et la phase des anomalies observée en sub-surface : les interactions océan-atmosphère locales ne sont pas prises en compte dans cette approche. Ainsi, cette étude appelle à l’utili-sation de modèles couplés.

La Simulation CLIPPER ATL6

Les données in situ disponibles dans la bande tropicale n’étant pas suffisantes pour l’étude approfondie des mécanismes de propagation des ondes longues équatoriales, nous avons uti-lisé pour cette étude une simulation d’un Modèle de Circulation Générale Océanique, réalisée dans le cadre du programme CLIPPER.
Le projet CLIPPER est un projet de modélisation numérique à haute résolution de la circu-lation océanique dans le bassin Atlantique. C’est une des contributions françaises au projet WOCE1. Il a été élaboré en 1996 sous la forme d’un programme communautaire de recherche et de développement, défini sur 4 ans (1997-2000). Son objectif principal était la réalisation, la validation et l’exploitation scientifique d’une expérience de modélisation numérique à haute résolution de la circulation océanique dans le bassin Atlantique, en mode forcé. Le modèle numérique utilisé est basé sur le code OPA2-8.1 développé au LODYC 3 [Madec et al., 1998]. La résolution numérique se fait sur un schéma aux différences finies d’ordre deux, avec un toit rigide et en coordonnées-z sur la verticale. La grille horizontale est une grille Mercator isotrope, avec une bathymétrie et des lignes de côte réalistes [Smith et Sandwell, 1997]. Le domaine de résolution couvre la quasi totalité de l’océan Atlantique, du passage de Drake (∼98.5˚W) à 30˚E et de l’Antarctique (75˚S) à 70˚N. Il comporte 4 frontières ouvertes [Tréguier et al., 2001]. La grille verticale comporte 42 niveaux, dont 14 échantillonnent les 300 premiers mètres de l’océan. Le modèle est initialisé à partir de la climatologie de Reynaud et al. [1998].
Le modèle a été testé et validé avec une grille à basse (1˚), moyenne (1/3˚) et haute (1/6˚) résolution. Nous avons utilisé la configuration haute résolution : CLIPPER-ATL6-V6, dans la-quelle la résolution horizontale est au 1/6 de degré et la résolution méridienne varie de 4,8 km aux latitudes les plus hautes à 18,5 km au niveau de l’équateur. Plus précisément, nous avons travaillé avec les moyennes mensuelles de cette simulation, moyennées sur une grille horizontale au 1/3˚, dans la région Atlantique Tropical (30˚S-30˚N). Les paramètres atmo-sphériques qui constituent les forçages sont : les composantes zonale et méridienne de la tension du vent, le flux net de chaleur, le bilan évaporation moins précipitation et l’apport des fleuves (runoff). Parmi les jeux de données de flux atmosphériques de surface suscep-tibles de convenir, le choix s’est porté sur les produits journaliers du Centre Européen de Prévision Météorologique à Moyen Terme (ECMWF), car ils constituent un jeu de données homogène et cohérent. Dans notre expérience, les flux utilisés sont ceux de la ré-analyse ERA-15 (1979-1993) et ceux de l’analyse (1994-2000). De plus la formulation du modèle inclut une relaxation à la température de surface observée [Reynolds and Smith, 1994], ainsi qu’à la salinité de surface climatologique de Reynaud et al. [1998]. Après un spin-up de 8 ans, forcé par les flux climatologiques, le modèle a été intégré de Janvier 1979 à Décembre 2000. Nous avons exploité les sorties de cette simulation de Janvier 1981 à Décembre 2000.
Dans un premier temps, nous avons quantifié la cohérence entre les données issues de la simulation CLIPPER et différents jeux d’observations. Nous avons focalisé cette étude préa-lable sur les champs du modèle qui contrôlent les caractéristiques des ondes équatoriales. Ainsi, nous avons tout d’abord analysé la structure moyenne le long du guide d’onde équa-torial (qui contrôle la structure verticale des modes baroclines), puis nous avons validé les caractéristiques de la variabilité inter-annuelle des courants zonaux de surface et du niveau de la mer (qui déterminent la contribution des modes baroclines). Toutes ces comparaisons sont présentées dans Illig et al. [2004] (cf. § 2.5).
La structure moyenne dans la simulation CLIPPER est relativement bien représentée. Des comparaisons avec les données de température de la base TAOSTA [Vauclair et duPenhoat, 2001] montrent que la position moyenne de l’isotherme 20˚C est assez bien simulée, bien que légèrement trop profonde (environ +18m). De plus la thermocline équatoriale apparaît trop diffuse comparée aux observations. Des analyses du champ de salinité et des courants zonaux sont aussi présentées dans Illig et al. [2004]. Pour la validation de la variabilité inter-annuelle de la simulation, nous nous sommes focalisés sur une comparaison des anomalies du niveau de la mer (SLA4) et des courants zonaux (ZCA5) aux données altimétriques. Les résultats montrent que CLIPPER reproduit de manière réaliste les principales composantes de la variabilité inter-annuelle observée. En particulier la simulation et les observations satellites présentent une séquence cohérente d’événements chauds (1996, 1998) et froids (1994, 1997).
En dépit des biais observés dans la simulation CLIPPER, nous avons conclu que CLIPPER reproduisait les principales composantes de la structure moyenne et simulait la variabilité inter-annuelle de manière réaliste. Ainsi CLIPPER s’est révélé être un jeu de données adapté à notre étude.
Notons que cette simulation est le prototype du modèle utilisé dans le cadre du projet MERCATOR (résolution au 1/3˚), dédié à la prévision océanique en mode opérationnel. Ce projet englobe une grande composante d’assimilation de données, en particulier de données satellites (SLA). Au cours de cette thèse, nous avons participé à l’analyse des simulations MERCATOR qui utilisent un schéma d’assimilation d’interpolation optimale. Nous avons dé-veloppé un diagnostic permettant de caractériser l’impact de cette assimilation d’observa-tions dans la bande équatoriale [Présentations orale au GMMC, Octobre 2003 et 2004]. Notre diagnostic de décomposition en modes baroclines a permis de quantifier l’impact de l’assi-milation sur la physique des processus associés aux ondes longues. Néanmoins, étant donné l’impact négatif de l’assimilation (cf. §2.6.2), nous avons continué à travailler avec la simula-tion CLIPPER, à plus haute résolution.

La Décomposition en Modes Baroclines

Dans les océans tropicaux, les échelles des mouvements horizontaux sont plus grandes que celles relatives aux mouvements verticaux. On peut donc faire un certain nombre de simplifications qui conduisent à utiliser la méthode de séparation des variables selon les directions horizontales et verticale. On écrit alors la solution des équations du mouvement sous la forme de modes verticaux : les modes baroclines.
Dans un premier temps, nous présentons les équations de la dynamique et la démarche suivie pour décomposer la solution en modes baroclines. Nous exposons ensuite les princi-paux résultats obtenus dans la décomposition des sorties de la simulation CLIPPER en modes baroclines et les implications sur la variabilité inter-annuelle en Atlantique Tropical.

Quelques rappels sur la théorie

Considérons un fluide continûment stratifié dont les mouvements sont solutions des équations de Navier Stokes.
Équation du mouvement ρ ∂~u + (~u.r~)~u + 2Ω~ ∧ ~u = −r~p + ρ~g + ρF~ ∂t
Équation de la conservation de la masse ∂ρ ~ ∂t + r.(ρ~u) = Q (2.1a) (2.1b)
Q étant le flux de masse reçu ou perdu par mélange de la goutte d’eau que l’on considère. Nous supposons que les mouvements horizontaux sont plus importants que les mou-vements verticaux. On se place dans l’approximation de Boussinesq en posant ρ = ρ¯(z) + ρ (x, y, z, t), ρ¯(z) étant le profil moyen associé à la fréquence de Brunt-Vaïsälä N2 = −g ∂ρ¯0.

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Table des matières

1 Introduction 
1.1 L’Atlantique Tropical, Présentation et Enjeux Scientifiques
1.2 La Variabilité Interannuelle Couplée en Atlantique Tropical
1.2.1 Deux modes de variabilité dominants
a) Le mode équatorial
b) Le mode inter-hémisphérique
1.2.2 La dépendance saisonnière de la variabilité interannuelle
1.2.3 Discussion
1.3 Les Influences Extérieures : les Télé-connexions
1.3.1 Les interactions avec les Extra-Tropiques
1.3.2 Les influences d’El Niño Southern Oscillation (ENSO)
1.4 Les Simulations Couplées
1.4.1 Les modèles de circulation générale couplés
1.4.2 Les modèles hybrides
1.4.3 Les modèles simples
1.5 Objectifs et Méthodologie
1.5.1 Les objectifs
1.5.2 La méthodologie
2 Variabilité Inter-annuelle et Ondes Longues Équatoriales 
2.1 La Simulation CLIPPER ATL6
2.2 La Décomposition en Modes Baroclines
2.2.1 Quelques rappels sur la théorie
2.2.2 La structure verticale en Atlantique Tropical
2.2.3 La contribution des modes aux courants zonaux et à la pression
2.3 Propagation d’Ondes Longues Équatoriales
2.3.1 Quelques rappels sur la théorie linéaire
2.3.2 Les spécificités du bassin Atlantique Tropical
2.3.3 Propagation des ondes de Kelvin et de Rossby
2.4 Configuration d’un Modèle Linéaire
2.4.1 Un peu de théorie
2.4.2 Comparaison aux observations
2.4.3 Décomposition en EOF étendues
2.5 Article Paru dans Journal of Geophysical Research
2.6 Résumé et Discussion
2.6.1 Décomposition des signaux altimétriques en ondes équatoriales
2.6.2 Études des simulations MERCATOR
2.6.3 Propagation verticale d’énergie
2.6.4 Étude des Benguela Niños, collaboration avec l’Université de Cape Town
3 Rôle du Couplage Local en Atlantique Tropical et Influence du Pacifique 
3.1 Quelques Considérations Préliminaires
3.1.1 Quelques statistiques simples
3.1.2 Echelles temporelles de variabilité du couplage local
3.2 Le Modèle Couplé : TIMACS
3.2.1 La composante océanique
3.2.2 Le modèle atmosphérique
L’approche QTCM
Équations de base
La fermeture convective
Les capacité de QTCM en mode forcé
3.2.3 La stratégie de couplage
3.3 Article Accepté dans Journal of Climate
3.4 Analyse de l’Événement Chaud de 1996
3.4.1 Dans les Observations
3.4.2 Notre approche : 61 simulations d’ensemble
3.4.3 Article Paru dans Geophysical Research Letter
4 Conclusion 

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