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Le développement lymphocytaire T.
Le développement des Lymphocytes T s’effectue dans le thymus à partir d’un réservoir de cellules pluripotentes qui possèdent des propriétés d’auto-renouvellement permettant de reconstituer le stock de cellules immunitaires tout au long de notre vie. Elles proviennent de cellules souches hématopoïétiques (CSH) qui se trouvent dans des niches au niveau de la moelle osseuse à l’état de quiescence. En fonction des besoins en cellules hématopoïétiques ou en condition de stress, les CSH vont progressivement entamer leurs différenciations, ce qui va se traduire par une perte progressive de la capacité d’auto-renouvellement et une orientation vers le lignage hématopoïétique. Ce processus est hautement hiérarchisé : une fois la différenciation engagée, la CSH va dans un premier temps devenir une CSH à longue durée de vie (LT-HSC) et va entamer sa migration vers le thymus via la voie sanguine. Elle va ensuite effectuer une première division cellulaire pour donner naissance à deux cellules filles : une LT-HSC et une « ST-HSC » (Pour Short Term Hematopoietic Stem Cell) qui se différenciera plus tard en progéniteur multipotent (MPP). Ces deux dernières, peuvent se différencier en cellules du système immunitaire mais n’ont plus de capacités d’auto-renouvellement. La perte de pluripotence s’accompagne de modifications dans le profil d’expression de facteurs de transcription qui vont séquentiellement activer et réprimer des gènes clés pour la génération de lignages T grâce à la différenciation du MPP en LMPP (Lympoid Primed Multipotent Progenitor) et non-T.
De l’ETP aux précurseurs des lymphocytes T CD4 et CD8.
Le développement du lignage T s’effectue à partir d’une cellule ETP (Early T-cell-lineage Progenitor), qui provient de cellules LMPP émigrantes dans le thymus. Ces cellules sont caractérisées par l’expression de SCA-1, c-Kit et FLT3 et du récepteur aux chimiokines CCR9 qui lui permet de migrer dans le thymus au niveau de la jonction cortico-médullaire. Ces ETPs vont alors passer vers un stade « Double Négatif » (DN), stade où elles n’expriment pas les corécepteurs CD4/CD8. Le stade DN peut être subdivisé en quatre stades qui se déroulent dans le cortex thymique : le stade DN1 (CD44+ CD25-), DN2 (CD44+ CD25+), DN3 (CD44- CD25+), DN4 (CD44- CD25-) pour finalement arriver au stade Double Positif (DP) qui sera marqué par l’expression des deux corécepteurs du TCR, CD4 et CD8 (Figure3).
De façon importante, la perte de pluripotence n’apparaît réellement qu’après la transition DN2-DN3 puisqu’au stade DN2a et DN2b, les progéniteurs peuvent se différencier en monocytes, cellules dendritiques et mastocytes (stade ETP/DN2a) ou aux NK et LT gd (stade DN2b).
C’est durant la transition DN-DP que sont observés les changements majeurs dans l’expression des gènes caractéristiques du lignage T. Parmi les FT essentiels pour le choix du lignage T, la voie Notch est la plus décrite. En effet, beaucoup de gènes cibles des lymphocytes T sont activés par la voie Notch1 comme par exemple Ptcra et Cd25 qui codent respectivement pour la pré-chaîne alpha du TCR et la chaîne alpha du récepteur à l’IL-2 qui sont nécessaires pour le passage du stade DN2 à DN3 et au stade DP (Deftos and Bevan 2000). Même si la surexpression de Notch1 est capable d’induire le développement ectopique des lymphocytes T, cette voie n’agit pas seule (Robey, Chang et al. 1996, Pui, Allman et al. 1999). En effet, d’autres FT ont été découverts et coopèrent avec la voie Notch pour soutenir le programme de différenciation des lymphocytes T (Figure 4). Lors de la transition ETP-DN2, deux FT apparaissent indispensables : TCF1 et GFI1 (Yucel, Karsunky et al. 2003). TCF1 va se fixer au niveau de régions régulatrices de Cd3g et Cd3e et induire leur expression (Cd3g et Cd3e codent respectivement pour les chaînes g et e, qui en association avec la chaîne z et le récepteurs a/b du TCR, forment le complexe TCR-CD3), alors que GFI1 va quant à lui inhiber l’expression des protéines ID1 et ID2 permettant ainsi la transition ETP-DN2. Entre le stade DN2 et DN3, on assiste à une prolifération accrue de thymocytes grâce à la production d’IL-7 et de SCF par les cTECs. De plus, l’expression des enzymes RAG (RAG1 et RAG2) est initiée et ce, de façon Notch1-RBPJ dépendante.
Figure 4 – Profil d’expression de différents gènes impliqués dans le développement et la sélection du lignage T en fonction des différents stades de différenciation. « Heatmap » représentant le niveau d’expression de récepteurs et FT impliqués dans le développement des LT dans le Thymus et comparaison du niveau d’expression de ces gènes durant les différents stades de différenciation des thymocytes. Les étoiles rouges représentent les gènes essentiels au développement des lymphocytes T, les étoiles orange les gènes qui ont des rôles partiellement redondants et l’étoile bleue, PU.1, un gène qui en fonction du stade auquel il est exprimé joue un rôle activateur ou répresseur du lignage T. L’expression des ARNm a été normalisé par rapport à l’expression du gène de la b-actin (Rothenberg et al., nri 2008)
L’expression de RAG va permettre le réarrangement des gènes codant pour les différents segments des chaînes b, g et d du TCR (Mombaerts, Iacomini et al. 1992, Shinkai, Rathbun et al. 1992). Une fois ce processus engagé, la cellule est définitivement engagée vers le lignage T. Le complexe RAG1-RAG2 va permettre, par des mécanismes de cassures et ligatures d’ADN, la recombinaison des fragments V, D et J de la chaîne b, g ou d du TCR. Cette étape va générer de façon aléatoire environ 1018 TCR grâce aux mécanismes de diversité combinatoire (assemblement aléatoire des segments V, D et J) et aux mécanismes de diversité jonctionnelle (ajout aléatoire de nucléotides par la TdT pour coller des différents segments) (Cabaniols, Fazilleau et al. 2001, Naito, Tanaka et al. 2011). Durant cette étape, la prolifération est fortement diminuée grâce aux FT E2A et HEB. Ces facteurs vont activer l’expression des gènes SOCS1 et SOCS3 qui vont agir négativement sur la signalisation médiée par l’IL-7/IL-7R. En parallèle ils vont activer des gènes impliqués dans l’arrêt du cycle cellulaire comme Cdk6 (Schwartz, Engel et al. 2006, Wojciechowski, Lai et al. 2007).
Une fois cette étape complétée, la chaîne b du TCR est adressée à la membrane et s’assemble avec la pré-chaîne invariante a du TCR (pTa) qui va permettre la b-sélection : c’est-à-dire conserver uniquement les thymocytes qui ont un TCR capable de signaliser, les LT non sélectionnés mourront par apoptose. Les cellules DN3 qui ont passé la sélection-b vont alors réprimer l’expression des enzymes RAG1/2 afin d’éviter que le deuxième allèle du TCRb se réarrange, puis la cellule va passer au stade DN4-iSP (pour Simple Positif immature) puis au stade DP. Durant cette étape, les cellules vont exprimer à leur surface le corécepteur CD8 mais pas CD4, puis vont passer au stade DP où ils vont exprimer à la fois les corécepteurs CD4 et CD8. L’expression des enzymes RAG1/2 va durant cette transition ré-augmenter afin d’initier le réarrangement des segments V et J de la chaîne a du TCR. Le processus de réarrangement de la chaîne a est le même que pour la chaîne b à l’exception du fait que les 2 allèles des gènes du TCRa peuvent subir un réarrangement de leurs segments V et J permettant ainsi d’augmenter les chances/probabilités que les thymocytes aient au moins un TCR a/b fonctionnel (Heath and Miller 1993, Padovan, Casorati et al. 1993). Ce phénomène de réarrangement de deux TCR fonctionnels survient à une fréquence supérieure à 50% dans les thymocytes et favoriserait le développement de maladies auto-immunes (Hardardottir, Baron et al. 1995, Alam and Gascoigne 1998). Une fois passés au stade DP, les thymocytes vont choisir le lignage CD4 ou CD8.
Facteurs responsables du choix du lignage lymphocytaire T CD4 ou CD8 dans le thymus
L’interaction dans le cortex thymique entre les thymocytes DP et les cTECs va induire la sélection positive des cellules DP ainsi que le choix du lignage CD4 ou CD8. La sélection positive permet de sélectionner tout thymocyte ayant correctement réarrangé son TCR c’est-à-dire, capable d’induire une signalisation lorsqu’il interagit avec un complexe CMH-peptide exprimé à la surface des cTECs. Ce processus est néanmoins finement régulé car le TCR doit avoir une avidité suffisante mais pas trop importante pour le complexe CMH-peptide. En effet, si l’interaction est inexistante ou trop faible, les thymocytes mourront par négligence au bout de quelques jours, et si le signal induit est trop fort, les thymocytes seront éliminés par AICD (Activation-Induced Cell Death) lors de la sélection négative qui sera discutée plus tard. Les thymocytes sélectionnés positivement vont ensuite subir un choix de lignage pour aboutir à la formation de deux populations : les lymphocytes T CD4 (LT CD4) et les lymphocytes T CD8 (LT CD8). Plusieurs modèles ont été proposés quant à l’aboutissement du choix de lignage. Le premier est que l’engagement du TCR avec un des deux corécepteurs va instruire les thymocytes et le choix du lignage (modèle instructif) : l’interaction du TCR/CD4 avec un complexe CMH-II-peptide donnera des LT CD4 tandis qu’une interaction TCR/CD8 avec un complexe CMH-I-peptide donnera des LT CD8 (Borgulya, Kishi et al. 1991, Robey, Fowlkes et al. 1991). Le second modèle proposé est le modèle sélectif, qui lui, propose que le choix du lignage soit indépendant des signaux induits lors de l’interaction du TCR avec le complexe CMH-peptide (Baron, Hafen et al. 1994, Itano, Kioussis et al. 1994). Ces deux modèles, bien qu’intéressants, restent assez difficiles à démontrer, et récemment, un nouveau modèle a été proposé : c’est la force du signal du TCR qui va déterminer le choix du lignage.
Sélection positive : importance du contrôle de l’expression des gènes CD4 et CD8.
L’expression des corécepteurs CD4 et CD8 est finement régulée par des éléments cis-régulateurs et/ou répresseurs situés à proximité de leurs gènes respectifs. Ces gènes sont activés dans les thymocytes au stade DP et leur expression doit être soit maintenue soit réprimée en fonction du choix de lignage. Afin de mieux comprendre les mécanismes moléculaires régulant l’expression de ces corécepteurs, les zones de régulations du gène Cd4 et du locus Cd8 (comprenant les gènes CD8B et CD8A) ont été mutées (Ellmeier, Sunshine et al. 1997, Ellmeier, Sunshine et al. 1998). Ces mutations ont permis l’identification de plusieurs zones « enhancer » et d’une zone « silencer » au niveau du gène Cd4 et d’au moins cinq zones « enhancer » au niveau du locus Cd8 (Sawada and Littman 1991, Siu, Wurster et al. 1994, Kioussis and Ellmeier 2002). La zone « silencing » de Cd4 a été la plus étudiée car elle joue un rôle crucial dans le confinement de l’expression de CD4 par les lymphocytes T CD4, alors que les « enhancer » de Cd4 sont actifs à la fois dans les LT CD4 et les LT CD8 (Sawada and Littman 1991). Cette zone répressive est activement réprimée dans les CD8 et les thymocytes DN par plusieurs FT : le complexe MYB/HES1, SAF (Kim and Siu 1999) et surtout les protéines de type RUNX (Taniuchi, Osato et al. 2002) (Figure 5). En effet, RUNX1 et RUNX3 ont des rôles redondants mais spécifiques pour chaque type cellulaire dans la répression de Cd4. En effet, la délétion de RUNX3, mais pas de RUNX1 dans les DP induit l’expression de CD4 par les LT CD8 sortant du thymus alors que la délétion de RUNX1 mais pas de RUNX3 induit l’expression de CD4 dans les thymocytes DN (Taniuchi, Osato et al. 2002). En plus de leurs rôles répresseurs dans les CD4 SP, les protéines RUNX pourraient également être impliquées dans la différenciation des thymocytes vers le lignage CD8 et ce via une voie de signalisation dépendante de l’IL-7, une cytokine essentielle pour la survie des LT CD8 (Woolf, Xiao et al. 2003, Yu, Erman et al. 2003). Dans les LT CD8 périphériques, RUNX3 se fixe sur un enhancer de Cd8 pour promouvoir son expression (Sato, Ohno et al. 2005).
Si les protéines de type RUNX sont les actrices majeures de l’inhibition de la différenciation CD4, ThPOK et GATA-3, quant à elles, jouent le rôle inverse. En effet, GATA-3 est un FT appartenant à la famille des FT à doigts de zinc qui joue elle-même un rôle important lors du développement des thymocytes. Son expression augmente progressivement au cours de la maturation des thymocytes : il est très peu exprimé dans les DN et son expression augmente dans les CD4 SP et les thymocytes qui viennent de s’orienter dans le lignage T CD4 (CD4+CD8low) (Hernandez-Hoyos, Anderson et al. 2003). De plus, la surexpression de GATA-3 module positivement la proportion de CD4 SP dans le thymus tandis que sa répression inhibe la différenciation des LT CD4 suggérant ainsi que GATA-3 est un FT clé dans la différenciation CD4 (Pai, Truitt et al. 2003). En plus de GATA-3, ThPOK, un autre FT à doigts de zinc est lui aussi nécessaire pour l’orientation des thymocytes vers le lignage CD4. L’implication de ce FT a été découverte dans une souche de souris présentant une mutation spontanée donnant lieu à une absence de LT CD4 périphériques. Cette mutation dans l’un des domaines à doigt de zinc de la protéine empêche l’interaction de ThPOK avec sa séquence cible 5’-CCCTCCC-3’ et donc le développement des LT CD4 (Dave, Allman et al. 1998, He, He et al. 2005). L’expression de ThPOK dans le thymus est également très contrôlée : ThPOK est fortement exprimé dans les CD4 SP mais est absent au stade DN, DP et CD8 SP, suggérant alors que ce FT est exprimé suite à l’engagement CMH-II-peptide. De façon intéressante, il a été montré que les thymocytes GATA-3KO n’expriment plus Th-POK et que, GATA-3 se fixe au niveau de régions régulatrices à proximité du locus de Thpok pour induire son expression (Wang, Wildt et al. 2008). Néanmoins, ThPOK lui-même n’est pas capable d’induire l’expression des gènes spécifiques du lignage LT CD4 mais permet plutôt d’inhiber le lignage CD8. En effet, ThPOK à lui seul n’est pas suffisant pour induire l’expression adéquate de CD4, cependant il inhibe l’expression de CD8 ainsi que l’action de RUNX3 qui lui, est directement responsable de la répression de CD4. Enfin, deux autres FT participent également au développement du lignage T CD4, il s’agit de TOX et de Myb, qui sont impliqués dans la régulation de l’expression de GATA-3 dans les thymocytes (Wang and Bosselut 2009). L’ensemble des voies régulant le lignage CD4-CD8 est représenté ci-dessous (Figure 6).
Dès lors, une question reste toujours en suspens : si les FT énoncés précédemment n’initient pas le choix du lignage mais au contraire inhibent la différenciation du lignage opposé, quel est l’élément déclencheur du choix de lignage ? De nombreux éléments pointent vers la force du signal TCR comme élément déclancheur du choix CD4 SP vs CD8 SP (Seong, Chamberlain et al. 1992, Itano, Salmon et al. 1996). Cette observation vient du fait que la signalisation induite lors de l’engagement du TCR avec le co-récepteur CD4 n’induit pas la même force du signal que lorsque c’est le corécepteur CD8 qui est engagé. Ce phénomène est dû au fait que la tyrosine kinase LCK a une affinité plus forte pour la molécule CD4 que pour la molécule CD8. En plus de l’intensité du signal TCR, la durée de signalisation joue également un rôle prépondérant, puisqu’un signal TCR de faible durée oriente préférentiellement les thymocytes vers le lignage CD8 alors qu’un signal de forte intensité et de durée prolongée donnera plutôt des CD4. Cette observation est associée au fait qu’un signal TCR de longue durée induit l’arrêt de transcription de CD8 mais pas de CD4. Ainsi, lors de la sélection positive, on assiste dans un premier temps à l’apparition d’une population CD4+CD8faible.
Cette population se différenciera en CD4 SP grâce à l’expression des FT GATA-3, ThPOK, TOX et Myb, si le signal TCR est prolongé et de forte intensité. Par contre, si le signal TCR est interrompu ou de trop faible intensité, l’expression de RUNX3 sera alors dé-réprimée et orientera la cellule CD4+CD8faible vers le lignage CD8. Il a été montré in vitro, qu’en plus de l’intensité du signal du TCR et de sa durée, l’IL-7 en se fixant sur son récepteur (IL-7R) permet d’augmenter l’expression de RUNX3 et donc, de faire pencher la balance vers le lignage CD8 (Yu, Erman et al. 2003). En conclusion l’orientation du lignage T CD4 ou CD8 est un processus finement régulé par l’action combinée et séquentielle de FT clefs qui s’expriment sous l’influence de signaux reçus par les thymocytes et l’action du microenvironnement qui va déterminer le devenir du thymocyte (Figure 7).
Néanmoins, une autre étape de sélection est nécessaire avant que les LT naïfs puissent rejoindre la périphérie : il s’agit de la sélection négative avec les cellules présentatrices d’antigènes, se différencier en LT SP CD4 ou CD8. Une interaction de forte intensité et de durée entre le CMH-II-TCR couplée à l’engagement de la molécule CD4 va déterminer le choix du lignage CD4 SP, alors qu’une perte/interruption de signal ou un signal de faible intensité donnera lieu au lignage CD8.
Sélection négative et sortie du thymus des lymphocytes T naïfs
Une fois le choix de lignage effectué dans le cortex thymique, les LT SP CD4 et CD8 expriment le récepteur au chimiokine CCR7 qui va permettre leur migration au niveau de la médulla thymique. Cette migration est possible grâce à la sécrétion de CCL19/CCL21 par les mTECs. Les mTECs jouent un rôle majeur dans la sélection négative. En effet, suite à la sélection positive, beaucoup de LT auto-réactifs, c’est-à-dire capables de reconnaître des antigènes exprimés par les cellules du soi, sont présents et doivent être éliminés afin d’éviter la mise en place de réactions auto-immunes. Une des propriétés uniques de ce type cellulaire réside dans l’expression des FT AIRE (AutoImmune REgulator) et Fezf2 (Forebrain Embryonic Zinc Finger-Like Protein 2) qui permettent aux mTECs de produire des antigènes exogènes (également appelés antigènes spécifiques des tissus ou TSA) qui vont être présentés aux LT CD4 et CD8 (Finnish-German 1997, Nagamine, Peterson et al. 1997, Takaba, Morishita et al. 2015). Ainsi, si un LT est capable d’engager son TCR au contact de ces antigènes et que le signal induit est trop soutenu, il sera éliminé par apoptose, ou sera rendu anergique (Gallegos and Bevan 2004).
En plus des mTECs, les DCs résidentes ou migratoires présentes dans la médulla thymique participent à la sélection négative. Ces DCs n’expriment pas AIRE mais peuvent quand même présenter des TSA aux LT. En effet, il a été montré que les DCs résidentes du thymus sont capables de présenter des TSA issus des mTECs par cross-présentation unidirectionnelle. Ce dernier mécanisme pourrait être dû à un phénomène de trogocytose (échange de membrane entre les DC et les mTECS) ou par clairance de corps apoptotiques de mTECs par les DC et recyclages des antigènes. Même si AIRE permet d’exprimer pas moins de 4000 antigènes exogènes dans le thymus, ce mécanisme n’est pas parfait. Certains antigènes ne sont pas présents et pourraient permettre à des LT auto-réactifs d’échapper à la sélection négative. Il a été montré que certains antigènes exogènes pouvaient rejoindre la médulla thymique via le réseau sanguin et également que certaines DC sont capables de migrer de la périphérie vers le thymus et de transférer leurs antigènes aux DCs résidentes afin qu’elles puissent induire l’apoptose des LT spécifiques de peptides du soi (Bonasio, Scimone et al. 2006, Koble and Kyewski 2009, Hinterberger, Aichinger et al. 2010, Hadeiba and Butcher 2013).
Activation et différenciation des lymphocytes T CD4.
Les LT ayant successivement passés les étapes de sélections positive et négative vont maintenant rejoindre la périphérie. Cette migration se fait grâce à l’expression du récepteur à la sphingosine-1 phosphate (S1P1) à la surface des LT SP et d’un gradient de S1P produit par les péricytes et certaines cellules hématopoïétiques présentes dans le flux sanguin (Pappu, Schwab et al. 2007). En plus de l’expression de S1P1 à la surface des LT, il a été montré l’importance de l’intégrine CD62L et du récepteur aux chimiokines CXCR4 pour la sortie des LT naïfs du thymus. En effet l’axe CXCR4-CXCL12 va servir de chimio-répulsif et pousser les lymphocytes hors du thymus, alors que CD62L va permettre l’attachement des LT aux cellules endothéliales pour favoriser leur extravasion (Vianello, Kraft et al. 2005). De façon intéressante, CD62L et S1P1 sont deux récepteurs qui sont régulés par un seul et unique FT critique pour le développement, la migration et la différenciation des LT dont nous reparlerons plus tard : Foxo1 (Fabre, Carrette et al. 2008, Kerdiles, Beisner et al. 2009).
Les lymphocytes T CD4 font partie de l’immunité adaptative qui, contrairement à l’immunité innée qui elle répond instantanément lors de la rencontre avec un pathogène, l’immunité adaptative, nécessite plus de temps pour se mettre en place mais présente l’avantage d’être spécifique. En effet, la mise en place d’une réponse adaptative nécessite la capture d’antigènes exogènes par les cellules de l’immunité innée et leur migration dans les organes lymphoïdes secondaires où sont stockés les LT. Pour qu’un lymphocyte T CD4 soit activé, il faut au préalable que l’antigène soit apprêté et présenté via le CMH-II par l’APC. Les LT CD4, en fonction du microenvironnement dans lequel ils se trouvent, ont la capacité de se différencier en différentes sous-populations de LT effecteurs qui permettent la mise en place d’une réponse adaptée et spécifique au type de pathogène rencontré. Étant donné que la sélection dans le thymus est un processus drastique donnant naissance à un faible nombre de LT, et que, la génération aléatoire des TCR engendre un répertoire très vaste, le nombre de LT spécifiquse d’un antigène donné est très faible. La mise en place d’une réponse T CD4 nécessite donc une phase d’expansion clonale permettant de générer une population lymphocytaire conséquente à partir d’un ou plusieurs clones spécifiques de l’antigène afin de monter une réponse adaptative de qualité. Ainsi les premières études décrivirent l’existence de deux sous-populations distinctes de LT CD4 les Th1 et Th2, identifiables par leurs capacités à sécréter des cytokines pro-inflammatoires différentes (Mosmann, Cherwinski et al. 1986). Plus récemment, de nouvelles sous-populations de LT CD4 se sont ajoutées au paradigme Th1/Th2 : les Th17, les Tfh, les Th9, les Treg, et les Tr1 (Figure 8).
Gènes associés à la susceptibilité de la Sclérose en Plaques : De la génétique aux études d’association pangénomiques (GWAS).
Les chercheurs ont pu mettre en évidence une part importante de la génétique dans la susceptibilité à développer la maladie. En effet, le risque de développer une SEP est augmenté chez les individus dont un membre de la famille est atteint de la maladie, comparé à une personne n’ayant aucun cas de SEP dans sa famille qui lui a un risque relatif de 0,2%. De plus, plus le degré de parenté est proche, plus le risque augmente.
Par exemple, dans une même famille, si un enfant est atteint de SEP, le risque que son frère développe également la maladie est de 2 à 4% soulignant ici un rôle du patrimoine génétique sur le développement de la maladie (Sadovnick, Ebers et al. 1996). L’importance de la génétique fût également démontrée par l’étude de jumeaux mono et dizygotes qui partagent respectivement 100% ou 50% de l’information génétique. Chez les « vrais » jumeaux le risque de développer une SEP si l’un des jumeaux est atteint monte à 30% contre seulement 5% pour des jumeaux dizygotes, restant néanmoins supérieur au risque de 3% dans le cas de frères/soeurs (Willer, Dyment et al. 2003).
Le séquençage et l’analyse du génome humain ont permis de mettre en évidence que les individus dans le monde entier ont un génome identique à 99.9% et qu’une petite fraction du génome est différente entre deux personnes. Il existe plusieurs formes de variations génétiques mais nous nous attarderons sur les variations les plus fréquentes dans le génome : variations d’un seul nucléotide (Single Nucleotide Polymorphism ou SNP). Ces variations génétiques dans le génome proviennent de mutations ponctuelles héritées de nos ancêtres sous l’effet de pression de sélection qui peuvent conférer un avantage sélectif. Ces SNP sont plus ou moins importants en fonction de l’origine ethnique des individus mais on estime à plus de 10 millions le nombre de SNP dans le génome humain. Si ces polymorphismes sont si nombreux comment peuvent-ils conférer un risque accru de développer une SEP ?
L’une des réponses à cette question vient du fait que de nombreux SNP se transmettent de génération en génération par blocs car ils se trouvent en déséquilibre de liaison. La notion de déséquilibre de liaison (Linkage Sisequilibrium ou LD) est apparue dans les années 60 où il fut mis en évidence que certains SNP sont transmis de manière non-aléatoire et sont encadrés de zones de forte recombinaison (Figure 24) (Feldman, Lewontin et al. 1975). Ainsi, il est possible de calculer la probabilité que plusieurs SNP soient transmis par bloc en fonction du coefficient D’(dont la valeur peut être comprise entre 0 et 1). Plus ce coefficient est proche de 1, plus la probabilité que deux SNP soient transmis ensemble augmente.
Afin de mieux comprendre quels sont les SNP et les gènes impliqués dans le développement de la maladie, des études à grande échelle comparant des individus malades et non malades ont été mise en place : ce sont les études d’association pangénomiques ou GWAS (Genome Wide Association Studies).
Rôles des Facteurs de transcription T-BOX et FOXO chez l’Homme
Bien que FOXO3 ne fasse pas partie des gènes de susceptibilité à la SEP, plusieurs polymorphismes ont été identifiés dans d’autres maladies auto-immunes. En effet, le SNP rs12212067 : T>G diminue la susceptibilité à la Polyarthrite Rhumatoïde lorsqu’un individu susceptible porte l’allèle mineur (G) mais augmente les risques de développer une malaria plus sévère. C’est le seul polymorphisme qui a été identifié comme modifiant non pas les risques de développer la maladie, mais la sévérité de la maladie (Lee, Espeli et al. 2013). Ce facteur est également associé à la longévité de certaines populations humaines qui portent des polymorphismes particuliers à proximité des zones régulant l’expression de FOXO3.
EOMES semble jouer un rôle important chez l’Homme, en particulier dans les réponses anti-tumorales, où son expression par les LT CD4 et CD8 est associée à une meilleure élimination des tumeurs comme par exemple l’Ipilimumab (anti-CTLA4), qui permet d’augmenter la proportion de ces LT EOMES+. En parallèle de son rôle bénéfique dans le cancer, EOMES semble jouer un rôle délétère dans les maladies auto-immunes. En effet, les patients SEP qui ont des formes très sévères de sclérose en plaques, forme dite « secondaire progressive », présentent des proportions élevées de LT CD4 exprimant EOMES que ce soit au niveau du sang circulant ou au niveau du liquide céphalorachidien (LCR) (Raveney, Oki et al. 2015). Dans le psoriasis, des niveaux élevés de mRNA d’EOMES sont détectés au niveau des lésions psoriasiques (Sahmatova, Sugis et al. 2017). Enfin, EOMES a été identifié comme locus de susceptibilité dans la PR et la SEP (Patsopoulos, Bayer Pharma et al. 2011, International Multiple Sclerosis Genetics, Beecham et al. 2013, Okada, Wu et al. 2014).
Dans la SEP, plusieurs SNPs ont été identifiés à proximité du locus d’EOMES : le SNP rs170934 situé à 150kb du locus, le SNP rs2371108 situé quelques kb après EOMES, et enfin, le SNP rs11129295 situé à -20kb de la région promotrice. Ces SNPs sont situés dans des zones génomiques plus ou moins conservées dans les différentes espèces ce qui laisse penser que ces régions peuvent correspondre à des régions régulatrices de type « enhancer » notamment pour le rs170934 (International Multiple Sclerosis Genetics, Wellcome Trust Case Control et al. 2011, Patsopoulos, Bayer Pharma et al. 2011 , International Multiple Sclerosis Genetics, Beecham et al. 2013 ). Bien que très utile pour la découverte de loci de susceptibilité dans les maladies autoimmunes, les GWAS restent néanmoins seulement associatives et des analyses fonctionnelles sont nécessaires afin d’évaluer la conséquence de chacun des gènes identifiés sur la maladie.
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Table des matières
CHAPITRE I : IMPORTANCE DES FACTEURS DE TRANSCRIPTION DANS LE DEVELOPPEMENT, L’ACTIVATION ET LA DIFFERENCIATION DES LYMPHOCYTES T
1. GENERALITES SUR LES FACTEURS DE TRANSCRIPTION
2. LE DEVELOPPEMENT LYMPHOCYTAIRE T
3. DE L’ETP AUX PRECURSEURS DES LYMPHOCYTES T CD4 ET CD8
3.1. FACTEURS RESPONSABLES DU CHOIX DU LIGNAGE LYMPHOCYTAIRE T CD4 OU CD8 DANS LE THYMUS
3.2. SELECTION POSITIVE : IMPORTANCE DU CONTROLE DE L’EXPRESSION DES GENES CD4 ET CD8.
3.3. SELECTION NEGATIVE ET SORTIE DU THYMUS DES LYMPHOCYTES T NAÏFS
4. ACTIVATION ET DIFFERENCIATION DES LYMPHOCYTES T CD4.
4.1. LES TH1
4.2. LES TH2
4.3. LES TH17
4.4. LES TREG
4.5. LES TFH
4.6. AUTRES TYPES CELLULAIRES :
4.6.1. Les Tr1
4.6.2. Les Th9
4.6.3. Les Th22
5. DEVENIR DES LYMPHOCYTES T CD4 APRES ACTIVATION : SEULS LES MEILLEURS SURVIVRONT
5.1. LA NOTION DE MEMOIRE IMMUNITAIRE
5.2. LA MEMOIRE LYMPHOCYTAIRE
5.2.1. Différences entre Tcm et Tem
5.2.2. Mémoire au sein des tissus : rôles des Trm
5.2.3. Lymphocytes T Mémoires virtuels : des lymphocytes mémoires sans expérience
CHAPITRE II : ROLE DES PROTEINES FOXO DANS LE SYSTEME IMMUNITAIRE
1. STRUCTURE ET FONCTIONS DES PROTEINES DE TYPE FOXO
1.1. DIFFERENTES MODIFICATIONS POST-TRADUCTIONNELLES : PHOSPHORYLATION, ACETYLATION ET METHYLATION
2. FOXO1 ET FOXO3 : ACTEURS CLES DANS LA FONCTION ET LE DEVELOPPEMENT DU SYSTEME IMMUNITAIRE
2.1. ROLES DE FOXO1 DANS LES CELLULES DU SYSTEME IMMUNITAIRE ADAPTATIF
2.1.1. Rôles dans les lymphocytes T CD4
2.1.2. Rôles dans les lymphocytes T CD8
2.2. ROLES DE FOXO3 DANS LES CELLULES DU SYSTEME IMMUNITAIRE INNE
2.2.1. Rôles dans les cellules présentatrices d’antigènes
2.2.2. Rôles de Foxo3 dans les lymphocytes T
CHAPITRE III : ROLES DES PROTEINES T-BOX DANS LE SYSTEME IMMUNITAIRE
1. STRUCTURE ET ROLES DES PROTEINES T-BOX
2. FONCTIONS DES PROTEINES T-BOX DANS LE SYSTEME IMMUNITAIRE
2.1. ROLES D’EOMES ET DE T-BET DANS LE DEVELOPPEMENT ET LES FONCTIONS DES LYMPHOCYTES T
2.1.1. Fonctions dans les lymphocytes T CD8
2.1.2. Fonctions dans les lymphocytes T CD4
2.2. ROLES D’EOMES ET DE T-BET DANS LE DEVELOPPEMENT ET LES FONCTIONS DES CELLULES NK
CHAPITRE IV : FACTEURS DE TRANSCRIPTION ET SUSCEPTIBILITE AU MALADIES AUTO-IMMUNES : CAS DE LA SCLEROSE EN PLAQUES ET DE SON MODELE MURIN.
1. IDENTIFICATION DES FACTEURS IMPLIQUES DANS LE DEVELOPPEMENT DE LA SCLEROSE EN PLAQUES.
1.1. GENES ASSOCIES A LA SUSCEPTIBILITE DE LA SCLEROSE EN PLAQUES : DE LA GENETIQUE AUX ETUDES D’ASSOCIATION PANGENOMIQUES (GWAS).
1.2. UTILITE ET IMPORTANCE DES ETUDES GWAS
1.3. ROLES DES FACTEURS DE TRANSCRIPTION T-BOX ET FOXO CHEZ L’HOMME
2. PHYSIOPATHOLOGIE DE LA SEP ET L’EAE
2.1. ROLES DES LYMPHOCYTES T CD4.
2.2. ROLES DES LYMPHOCYTES T CD8.
2.3. THERAPIES ACTUELLES
2.3.1. Interféron Beta
2.3.2. L’acétate de Glatiramère
2.3.3. Le Natalizumab et le Fingolimod
2.3.4. Déplétion des Lymphocytes B : Effets prometteurs dans la SEP
OBJECTIFS
RESULTATS
DISCUSSION
RÉFÉRENCES
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