Rôle des hétérogénéités dynamiques dans la mécanique des polymères amorphes

Introduction générale

  Un liquide que l’on refroidit rapidement peut figer sa structure microscopique sans atteindre un état ordonné cristallin. On dit alors qu’il forme un verre qui est un état de la matière dit « amorphe » c’est-à dire que l’arrangement des molécules à l’échelle microscopique est désordonné. La structure microscopique d’un verre est donc identique à celle d’un liquide. Le désordre structurel d’un verre va de paire avec une hétérogénéité structurale. Par exemple, la densité n’est pas homogène dans un verre à l’échelle de quelques nanomètres et en deçà. Un type d’hétérogénéité sans doute couplé à la précédente a été mise en évidence il y a seulement une vingtaine d’années : ce sont les hétérogénéités dynamiques. En effet, sous l’effet de fluctuations thermiques, ou en réponse à une perturbation, un système vitreux (ou plus généralement dans le voisinage de cette transition) va se réorganiser domaine nanométrique par domaine nanométrique. Ces temps de relaxation de chacun de ces domaines, nanométriques, sont extrêmement hétérogènes, variant typiquement d’un domaine à l’autre de 4 ordres de grandeurs. Ce désordre dynamique à l’échelle de quelques nanomètres doit avoir une influence sur les propriétés mécaniques des matériaux dans la zone de transition vitreuse (transition entre l’état liquide et l’état de verre dit vitreux). L’objet de cette thèse est de décrire précisément cette influence sur les propriétés macroscopiques caractéristiques des verres. Nous avons choisi d’étudier plus particulièrement la réponse mécanique en régime linéaire puis non linéaire des matériaux polymères. Notre objectif est en particulier d’analyser soigneusement les champs de contrainte et de déformation à l’échelle des hétérogénéités dynamiques pour comprendre les mécanismes qui contrôlent la réponse macroscopique. En effet, après une faible perturbation mécanique (faible saut de déformation par exemple), un polymère vitreux va relaxer sa contrainte avec une dynamique propre que nous allons décrire. Nous allons dans ce travail montrer que cette dynamique est entièrement pilotée par les hétérogénéités dynamiques. Nous étudierons les couplages mécaniques existant entre les hétérogénéités et comment ils se structurent spatialement à l’échelle des hétérogénéités. Nous verrons qu’ils sont responsables d’une accélération de la relaxation macroscopique du système. Nous étudierons le cas particulier de verre confiné entre deux substrats solides. On s’attend, en effet, à ce que l’hétérogénéité des temps de relaxation ait une influence notable si on confine un système vitreux entre deux parois rigides. Cet effet est supposé être à l’origine des renforcements et non linéarités mécaniques observés à haute température dans des élastomères renforcés, par exemple. Nous montrerons que le confinement change totalement la façon dont le système vitreux va relaxer sa contrainte après un saut de déformation. En particulier, nous mettrons en évidence que ce simple changement de géométrie entraine un effacement des couplages mécaniques qui dans le matériau massif accéléraient la relaxation macroscopique de la contrainte. Il s’en suit un ralentissement de la dynamique de relaxation mécanique pour un système vitreux confiné qui est souvent traduit en décalage de température de transition vitreuse. Nous essaierons enfin d’estimer de façon quantitative la contribution des seules hétérogénéités dynamiques dans les ralentissements observés pour la relaxation de systèmes polymères réels confinés entre deux substrats solides. Si la perturbation mécanique imposée au verre est grande (grandes déformations), alors celuici être perturbé via des effets non-linéaires et va tendre à changer sa structure pour relaxer cette perturbation plus rapidement. Cet effet bien connu est responsable de la plasticité des polymères vitreux. Nous montrerons que notre approche apporte également une vision nouvelle sur ce phénomène en le décrivant à l’échelle des hétérogénéités dynamiques et en faisant le lien avec la réponse observée à l’échelle macroscopique. Nous étudierons en particuliers comment l’énergie mécanique est stockée à petite échelle (de l’ordre de quelques hétérogénéités dynamiques) dans le verre déformé.

Formation d’un verre

   En l’absence de site de nucléation (aucune impureté ou refroidissement trop rapide pour qu’une cristallite ait le temps de se former suite à une fluctuation thermodynamique), le matériau peut rester liquide en dessous de la température de cristallisation. On parle alors de liquide surfondu. Le volume spécifique diminue lorsque la température s’abaisse température, mais cette fois-ci continûment Si la température continue de diminuer et que toujours aucun site de nucléation n’est présent dans le système, la baisse du volume spécifique a tendance à augmenter les barrières d’énergie entre configurations locales et celle de la température conduisent à une augmentation des temps de relaxation moléculaires, plus grande que celle due à la diminution de l’énergie thermique. C’est cet effet que l’on qualifie d’hyperArrhénien Quand ces temps de relaxation sont trop grands devant les échelles de temps d’observation, le liquide n’a plus le temps de se réorganiser pour se contracter et la structure du liquide se fige pour devenir un solide amorphe que l’on appelle un verre. Ce phénomène est appelé transition vitreuse. La transition vitreuse se fait donc sans changement de structure par rapport au liquide surfondu.1 Ce scénario correspond au chemin B sur la Figure 1. Une fois la transition vitreuse passée, la contraction du verre se poursuit à la même vitesse que pour un solide cristallin. Il apparait donc que la transition vitreuse est un phénomène cinétique qui dépend de la vitesse de refroidissement. En effet, si la vitesse de refroidissement est plus rapide, le système se retrouvera plus rapidement hors équilibre et suivra le chemin C sur la Figure 1. La température de transition vitreuse sera donc plus élevée.

Grandeurs moyennes et hétérogénéités dynamique : l’exemple de la diffusion translationnelle et rotationnelle

   Le fait que la dynamique soit très hétérogène entraine que, selon la quantité qui est observée, les temps locaux ne sont pas moyennés de la même façon. Cela conduit à des valeurs moyennes caractéristiques qui peuvent être très différentes. Un exemple simple est la comparaison entre les diffusions translationnelle et rotationnelle. Sur la Figure 5, on observe que la diffusion translationnelle a une moins forte dépendance à la viscosité en dessous de Tg que la diffusion rotationnelle. Aucune explication prenant comme hypothèse un milieu homogène ne parait satisfaisante. En revanche, si on considère un milieu contenant des hétérogénéités dynamiques, la diffusion rotationnelle sera avant tout dominée par les temps les plus longs de la distribution de temps. En revanche, la diffusion translationnelle est surtout sensible à la diffusion le long des chemins formés par les domaines les plus rapides. La Figure 6 explique bien cette idée. En somme, les diffusions rotationnelles et translationnelles sont sensibles à des moments différents de la distribution. Ce type de phénomène typique d’une dynamique hétérogène sera à nouveau décrit dans la suite de cette thèse pour les propriétés mécaniques linéaires.

Hétérogénéités et confinement

   Plusieurs études par modélisation dynamique de type coarse–grained ou non ont été réalisées pour décrire les effets de décalage de Tg mesurés sur des films polymères très minces. Différentes géométries ont été étudiées, celle correspondant à des films minces suspendus ou en faible interaction avec un substrat solide pour lesquels des abaissements de la Tg ont été expérimentalement mesurés.48–52 et celle de films minces fortement absorbés sur un substrat solide soit sur une seule interface, soit en sandwich.54–56 Certaines études simulent le cas de films polymères confinées entre des particules dures sphériques.57,58 Ces simulations montrent que la densité de monomères est inhomogène sur l’épaisseur du film mince car elle est significativement modifiée près des interfaces. Près d’une surface solide en forte interaction avec les chaines polymères, la densité en monomère est plus élevée que celle du bulk. Dans ce cas, les simulations montrent que les chaines polymères prennent des conformations étirées le long de la surface du substrat ce qui conduit à une augmentation importante de leur rayon de giration dans le plan parallèle au substrat et sa contraction dans la direction perpendiculaire.56–58 La portée de ces effets structuraux serait de l’ordre de 1 à 5 nm selon la modélisation utilisée.54–56 Ces simulations permettent de retrouver les variations de observées expérimentalement pour des épaisseurs de films variables. Elles conduisent à une description en strate de la dynamique des chaines dans un film mince. Ainsi un ralentissement net de leur relaxation est prédit pour les couches situées près du substrat solide lorsque les chaînes sont en forte interaction avec lui (temps de relaxation pouvant être de 1 à 2 ordres de grandeur plus longs que ceux du matériau bulk.55,56 Ces simulations montrent que les modifications structurales existant près des interfaces entrainent des gradients de dynamique sur l’épaisseur d’un film mince. Récemment, Mirigian et Schweitzer ont développé un modèle de qui décrit la dynamique du verre confiné par des sauts de cages dont les barrières d’énergie à franchir varient avec la distance à l’interface. Une description spatiale des sauts de cage manque cependant. Quelques unes de ces études par modélisation moléculaire se sont intéressées aux propriétés mécaniques des films confinés qui peuvent jouer un rôle important dans des matériaux polymères renforcés : Yoshimoto et collaborateurs observent des gradients de module sur l’épaisseur de films libres suspendus : le module est proche de celui d’un fondu près des interfaces alors qu’au cœur du film, le module est vitreux. Récemment Batistakis et al ont montré que le module d’Young d’un film en forte interaction entre deux substrats augmente lorsque l’épaisseur du film diminue. Cet effet persiste bien au dessus de la du bulk. En revanche, il y a peu de travaux consacrés au rôle des hétérogénéités dynamiques intrinsèques à un matériau vitreux massif sur les décalages de dynamique dans des films confinés. Pourtant selon le modèle théorique de Long et Lequeux, elles devraient jouer un rôle déterminant, puisque, dans ces approches, la transition vitreuse est associée à la percolation des domaines lents pour une échelle de temps d’observation donnée. En confinant un verre, ce modèle prédit un décalage du seuil de percolation et donc des décalages de Tg dont l’amplitude va dépendre de l’épaisseur du film mince. Dequidt et Long ont développé un modèle de type coarse grain qui intègre les hétérogénéités dynamiques intrinsèques existant dans l’état bulk. Ils retrouvent qualitativement les décalages de Tg observés et leur variation avec l’épaisseur du film mince et les conditions d’absorption aux interfaces. Il y a donc en présence deux effets pour expliquer le décalage de la dynamique des polymères près des surfaces : un effet de changement de structure et de dynamique dû aux interactions avec les surfaces – et très débattu et dont la discussion ici est loin d’être exhaustive – mais qui reste de courte portée, et un effet de propagation des champs de contrainte au travers le milieu hétérogène. C’est à ce dernier exclusivement que nous nous intéressons ici.

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Table des matières

Chapitre 1 : Bibliographie
I. La transition vitreuse
1. Présentation thermodynamique
2. Dynamique moléculaire et viscosité apparente
3. Quelle est la cause de ce ralentissement de la dynamique près de Tg?
II. Preuves expérimentales de l’existence d’hétérogénéités dynamiques et propriétés
1. Taille des hétérogénéités
2. Grandeurs moyennes et hétérogénéités dynamique : l’exemple de la diffusion translationnelle et rotationnelle
3. Conclusion partielle
III. Films minces de polymères
IV. Déformation plastique de polymères vitreux: Energie dissipée, énergie stockée récupérable ou non
V. Dynamique moléculaire : Hétérogénéités et propriétés mécaniques des milieux amorphes
1. Cadre général
2. Régime linéaire
3. Régime non linéaire
4. Hétérogénéités et confinement
VI. Quelle est notre approche afin d’expliquer ces phénomènes?
Chapitre 2 : Rôle des hétérogénéités dynamiques sur le spectre viscoélastique des polymères
I. Introduction of the model
II. Results
III. Discussion
Chapitre 3 : Rôle des hétérogénéités dynamiques sur la mécanique des films minces de polymères confinés
I. Method
1. Modeling of dynamical heterogeneities by Finite Element method
2. FE Simulation conditions for 3D confined geometry
3. Definition of the number of elements by domains
4. Sizes effects of the 3D confined samples
II. General Results
1. Modulus relaxation of large thin films: the two limit cases
2. h dependence of frequency shifts for large thin films
3. Effect of σ and proportion of glassy domains at a given frequency
III. Discussion
1. Shift of the glass transition frequency
2. Correlation between effective time of the local stress relaxations and intrinsic time
IV. Comparison with experiments
1. Model parameters identification for PEA
2. From a shift of glass transition frequency to a shift of glass transition temperature
3. Comparison to NMR measurements on PEA
Chapitre 4 : Rôle des hétérogénéités dynamiques dans la mécanique non linéaire des polymères
I. Présentation du modèle
1. Présentation générale
2. Résultats du modèle pour un système homogène à une dimension
II. Méthode de simulation par éléments finis
1. Mise en œuvre
2. Test mécanique
3. Effet du nombre de domaines
4. Effet de r
III. Résultats macroscopiques
1. Courbes contrainte déformation
2. Etude énergétique
IV. Discussion
1. Etude de la charge
a) Retour sur la loi linéaire pour une rampe de déformation
b) Hétérogénéité de la déformation et réseau de contrainte
c) Etude de la distribution des temps de relaxation
d) Conséquences sur les distributions
2. Etude de la contrainte interne après décharge et de son origine
a) Origine de l’énergie élastique non récupérable
b) Estimation du ratio
c) Comparaison numérique
d) Discussion sur la signification physique de R

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