Rôle des groupes sanguins dans la pathogénie du paludisme

Rôle des groupes sanguins dans la pathogénie du paludisme

Puisque Plasmodium interagit avec les globules rouges et y passe une partie de son cycle, il est primordial d’étudier les interactions entre ces deux éléments. Ainsi, plusieurs études ont été réalisées aussi bien du coté des mérozoites que de celle des érythrocytes pour comprendre cette étape. Dans la pratique clinique, le système ABO est le plus connu pour les études de compatibilité sanguine et a fait l’objet de plusieurs études investiguant son association avec les infections et les maladies non transmissibles [105; 5]. Une relation entre la distribution des groupes sanguins ABO et le paludisme a été suggérée pour la première fois il y a plus de 40 ans. Les sujets du groupe O ont une protection contre les formes sévères du paludisme. Au Srilanka une étude a montré une forte évidence statistique d’une association entre les groupes sanguins ABO et la sévérité de l’infection à P. falciparum [92]. Il a été démontré que P. falciparum forme avec les hématies des rosettes plus larges chez les sujets qui ne sont pas du groupe O (A, B et AB) que chez les sujets de groupe O [97]. De manière intéressante, certaines souches de P. falciparum déclenchent la formation de rosette dépendant du groupe sanguin [119]. De plus, une plus grande prévalence du groupe O couplée à une faible prévalence du groupe A est retrouvée en Afrique au Sud du Sahara. Ceci semble être dû au fait que les antigènes A et B sont des récepteurs pour la formation de rosettes avec les globules rouges non infectés [27], qui se lient grâce à une protéine parasitaire appelée PfEMP1 exprimée à la surface des globules rouges infectés [12]. Les rosettes se forment avec les globules rouges du groupe O (bien qu’elles soient plus petites et plus faibles qu’avec les GR de groupe non O) avec l’implication d’autres molécules du GR, qui agissent comme des récepteurs alternatifs pour la formation de rosettes. Par conséquent, la contribution des groupes sanguins ABO dans le paludisme nécessite plus d’investigations.

Immunité anti palustre et mécanisme d’échappement 

Acquisition de l’immunité 

En zone d’endémie, les adultes présentent un paludisme qui dans un premier temps est sous forme aigue puis se développe sous forme chronique grâce à la réponse immunitaire qui réduit la parasitémie avec de temps en temps des accès de fièvre accompagnés d’une augmentation de la parasitémie. Ce cycle peut durer plusieurs mois avant que l’infection ne guérisse. Les enfants sont plus susceptibles au paludisme et n’arrivent pas à se débarrasser de la forme aigue qui conduit rapidement à la mort en l’absence de traitement rapide et adéquat. Ces observations montrent l’importance de l’immunité dans le contrôle du paludisme. Cette immunité contre le paludisme est lente à se développer, et peut prendre plusieurs années en Afrique sub-saharienne, malgré des piqûres répétées de moustiques infectés. Les enfants âgés de cinq à dix ans sont capables de développer une immunité aux formes sévères de la maladie, mais souffrent encore des formes simples du paludisme jusqu’à l’adolescence, l’âge auquel l’immunité est établie. Cependant l’immunité à l’infection n’est jamais acquise de manière définitive et les adultes vivant en zones d’endémie, bien que rarement malades du paludisme, sont souvent porteurs du Plasmodium mais à des parasitémies plus faibles que chez les enfants. Ces observations suggèrent que l’immunité contre les formes graves, mais aussi bénignes de l’infection peut impliquer différents mécanismes immunitaires.

Mécanismes immunitaires 

Théoriquement les mécanismes immunitaires peuvent être dirigés contre n’importe quel stade du cycle depuis l’entrée du sporozoïte dans l’organisme. Ainsi l’immunité cellulaire semble plus importante pour les stades pré-érythrocytaires. Durant la phase érythrocytaire, les formes libres telles que les mérozoïtes mais aussi les formes intra-érythrocytaires peuvent être des cibles de l’immunité. Etant donné que les molécules HLA ne sont pas retrouvées sur les parasites ou sur la surface des hématies parasitées, l’immunité humorale semble être le facteur clé. Les mécanismes de protection peuvent être une inhibition de l’invasion érythrocytaire [22], une destruction médiée par les anticorps cytophiles (anticorps ayant la capacité de se fixer sur les cellules) [24] et une clairance des hématies parasitées par les anticorps liant les protéines parasitaires exprimées à la surface de ces hématies [25]. L’élimination du paludisme passe nécessairement par la mise au point d’un vaccin, dont l’optimisme vient du fait que, bien que le système immunitaire humain n’empêche pas l’infection, l’immunité est acquise par exposition naturelle et continue au parasite. L’obtention d’un vaccin antipalustre efficace semble possible et est supportée par des observations sur des sujets vivant en zone d’endémie. En effet, au Madagascar après une longue période d’élimination du paludisme, les sujets qui ont vécu dans cette zone au moins 30 ans avant cette élimination étaient plus protégés contre le paludisme que les jeunes [43]. On note un rebond de la réponse anticorps à une variété d’antigènes après la réinfection, ce qui indique la présence de lymphocytes B mémoires, donc il semble que les personnes exposées au paludisme accumulent des lymphocytes B mémoires spécifiques aux antigènes de Plasmodium au cours de l’exposition.

Cependant, un vaccin pourrait avoir un mécanisme de protection qui n’a pas un rôle dominant dans l’acquisition de l’immunité naturelle. Etant donné la complexité de Plasmodium, il est plus probable que tous ces mécanismes immunitaires interviennent dans la protection contre l’infection.

Immunité dépendant des anticorps 

Les anticorps sont un facteur important de la protection contre le paludisme qui induit à la fois une production d’immunoglobulines (Ig) spécifiques et des anticorps polyclonaux. Bien que les anticorps de différents isotypes puissent avoir des fonctions protectrices, les immunoglobulines G (IgG) sont à cet effet, les plus performantes. Chez les sujets protégés contre le paludisme, les anticorps cytophiles des isotypes IgG1 et IgG3 sont prédominants [130]. En effet l’immunité contre le paludisme est associée aux anticorps IgG3 alors que pour IgG2 les données sont contradictoires, en effet des taux élevés d’IgG2 sont associés à une augmentation des épisodes de paludisme [109].

Immunité cellulaire 

L’immunité cellulaire semble aussi avoir une importante place dans la protection contre le paludisme. Des expériences chez la souris suggèrent que la réponse de type Th1 provenant des cellules T CD4+ et CD8+ sont impliqués dans la phase aigue de la pathologie [55] mais la neutralisation de l’IFNγ n’est parfois efficace que partiellement [93]. Comme les érythrocytes n’expriment pas d’antigènes du Complexe Majeur d’Histocompatibilité (CMH), la lyse par les cellules T CD8+ cytotoxiques, des érythrocytes parasités par P. falciparum, n’aurait pas un rôle dans la défense contre les stades sanguins des parasites. A l’inverse, de celles des cellules T CD8+, les fonctions régulatrices et les fonctions effectrices des cellules T CD4+ sont bien établies, aussi bien dans le paludisme expérimental de l’animal que dans celui de l’homme. Pour le paludisme expérimental, la preuve du transfert adoptif de la protection par de telles cellules, et de l’augmentation de la susceptibilité à l’infection des souris dépourvues de cellules T CD4+ par déplétion, a été rapportée. Par ailleurs pour le paludisme de l’homme, l’existence de différentes cellules T CD4+ fonctionnelles chez des sujets naturellement exposés a été établie de façon expérimentale. Ces cellules répondent aux antigènes de P. falciparum in vitro en proliférant et/ou en produisant des cytokines telles l’interféron (IFN) ou Interleukine 4 l’IL-4 [89].

Immunité contre les stades pré-érythrocytaires 

L’immunité contre les stades pré-érythrocytaires a été décrite pour la première fois en 1941. En effet des anticorps spécifiques aux sporozoïtes et acquis de manière naturelle ont été retrouvés en zone d’endémie. L’acquisition de ces anticorps est âge et exposition dépendantes [152; 29]. Depuis lors, il a été démontré que les sporozoïtes atténués peuvent infecter les hépatocytes mais sont incapables de se différencier en stades érythrocytaires [135]. En effet l’immunisation avec des sporozoïtes atténués induit une immunité stérile et protectrice contre Plasmodium avec tous les modèles d’étude (Humains, Primates non humains et rongeurs) [69; 132; 164]. Les sporozoïtes infectent les hépatocytes qui expriment les CMH classe I et II et sont par conséquent des cibles de l’immunité médiée par les lymphocytes T CD8. Cependant le mécanisme de protection du RTS,S, le principal vaccin dirigé contre le stade pré érythrocytaire est anticorps dépendant et n’induit pas une réponse significative de lymphocytes T CD8+ [85]. La protection est spécifique de l’espèce mais pas des souches [70] et peut durer jusqu’à neuf mois chez l’homme [51].

Circum Sporozoite protein (CSP)
C’est l’une des protéines les plus utilisées comme vaccin, elle est retrouvée à la surface des sporozoites. Plusieurs études en zone d’endémie ont montré la présence d’anticorps dirigés contre cette protéine. Concernant la nature protectrice de ces anticorps, les données semblent plutôt contradictoires, une étude antérieure a montré qu’il n y avait pas de corrélation entre la présence d’anticorps anti CSP et la survenue d’épisodes de paludisme [68] alors qu’une étude plus récente a montré une association entre la réponse anticorps dirigée contre la peptide RI du CSP et la protection contre les signes cliniques de l’infection chez des enfants en Tanzanie [23]. Ces anticorps pourraient agir en bloquant la modification de CSP qui est indispensable pour infecter le foie [23 ; 34]. Ceci suggère que des anticorps dirigés contre d’autres protéines du sporozoïte ou retrouvées à la surface des hépatocytes infectées pourraient intervenir dans la protection contre le paludisme.

Liver Stage Antigen 1 (LSA1)
C’est une protéine spécifiquement exprimée à l’interface hépatocyte/parasite des stades hépatiques uniquement appelée Liver Stage Antigen 1 (LSA1). C’est une large protéine de 139 KDa spécifique de P. falciparum et est composée de 86 copies d’une région centrale répétitive de 17 aminoacides riches en résidus E, Q et L. Des études séro-épidémiologiques au Burkina Faso, au Sénégal et au Madagascar ont montré la présence d’anticorps dirigés contre LSA1 et un épitope majeur des lymphocytes B [58]. Cependant comme pour la CSP la nature protectrice de ces anticorps restent à être déterminée.

Thrombospondin-related Anonymous Protein (TRAP)/Sporozoite Surface Protein 2 (SSP2)
C’est une protéine transmembranaire des micronèmes, conservée chez toutes les espèces de Plasmodium. Elle est retrouvée chez les sporozoïtes intestinaux et salivaires et est indispensable pour l’infection des glandes salivaires du moustique et des hépatocytes de l’homme, chez ce dernier l’expression cesse dès que le sporozoïte entre dans l’hépatocyte. La mise en évidence d’anticorps anti-TRAP acquis naturellement a été faite pour la première fois au Mali [131]. La transmission saisonnière dans cette zone a été corrélée aux fluctuations dans la proportion et l’amplitude de la réponse contre la protéine TRAP. Les anticorps ont persisté jusqu’à la saison sèche chez les adultes mais disparaissaient très vite chez les enfants [131]. Les anticorps dirigés contre TRAP sont associés à la protection contre le paludisme sévère dans une étude au Mali [46] et à la protection chez des enfants au Kenya [79]. Il n y avait aucune variation entre les niveaux de réponses IgG entre CSP et TRAP entre les enfants et les adultes durant la saison des pluies. Par contre dans une étude de suivi chez les enfants au Kenya durant la saison sèche le taux d’anticorps diminue dans cette même zone, les anticorps dirigés contre TRAP étaient absents jusqu’à quatre mois, puis augmentent avec l’âge [29].

Sporozoite-Threonin-Asparagine-Rich-Protein (STARP)
Elle a également fait l’objet d’études sur l’immunité [58]. Elle est exprimée par les stades pré -érythrocytaires et les stades asexuels et semble spécifique à P. falciparum. Des études séro-épidémiologiques au Burkina Faso et au Sénégal ont révélé une fréquence élevée d’anticorps IgG spécifiques de cette protéine [118]. Des anticorps acquis naturellement mais aussi des anticorps induits par vaccination inhibent l’invasion des hépatocytes in vitro [118]. Les anticorps IgG anti TRAP spécifique au fragment C terminal ont été retrouvés en Thailande chez des patients souvent atteints de paludisme aigu mais pas chez ceux n’ayant pas une récente histoire d’exposition au paludisme, ceci pourrait suggérer une réponse immunitaire humorale labile durant les infections naturelles [151].

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Table des matières

Introduction
Première partie : Généralités sur le paludisme
1. Epidémiologie du paludisme
1.1. Agents pathogènes
1.2. Vecteurs
1.3. Cycle évolutif
1.4. Mode de contamination
1.5. Facteurs favorisants
1.6. Répartition géographique
1.7. Indices épidémiologiques
1.8. Faciès épidémiologique
2. Invasion érythrocytaire
2.1. Ultrastructure du mérozoïte
2.2. Interaction mérozoïte-érythrocyte
2.3. Ligands parasitaires et récepteurs érythrocytaires
3. Rôle des groupes sanguins dans la pathogénie du paludisme
4. Immunité anti palustre et mécanismes d’échappement
4.1. Acquisition de l’immunité
4.2. Mécanismes immunitaires
4.3. Immunité dépendant des anticorps
4.4. Immunité cellulaire
4.5. Immunité contre les stades pré-érythrocytaires
4.6. Immunité contre les stades érythrocytaires
4.7. Evasion de l’immunité
4.7.1. Variation antigénique
4.7.2. Polymorphisme génétique
5. Candidats vaccins en cours d’étude
5.1. Stade pré-érythrocytaire : RTS,S
5.2. Stade érythrocytaire
5.3. Stade sexué
6. Problèmes posés par la détermination de la parasitémie
Deuxième partie: Travail expérimental
1. Sites d’étude
2. Patients et recrutement
3. Méthodes
3.1. Etude génétique
3.1.1. Extraction de l’ADN
3.1.2. Amplification du gène EBA-175
3.1.3. Détermination des groupes sanguins
3.2. Etude parasitologique
3.2.1. Culture des parasites
3.2.2. Mesure de la parasitémie par cytométrie de flux
3.2.3. Mesure de la parasitémie par microscopie optique
3.3. Méthodes immunologiques
3.3.1. Expression des protéines recombinantes
3.3.2. Tests immunologiques ELISA
3.3.3. Purification des anticorps de patients
3.3.4. Tests d’invasion
3.3.5. Tests d’inhibition de l’invasion
3.4. Analyse statistique
4. Résultats
4.1. Caractéristique de la population d’étude
4.2. Etude génétique
4.2.1. Parasitémie et âge
4.2.2. Prévalence des allèles et des groupes sanguins
4.2.3. Distribution des fragments F/C selon le groupe sanguin
4.2.4. Relation entre les allèles F/C et l’âge
4.2.5. Relation entre les allèles F/C et température, parasitémie et sexe
4.3. Etude parasitologique
4.3.1. Concordance entre microscopie et cytométrie de flux
4.3.2. Résolution des érythrocytes multi-infectés par cytométrie de flux
4.3.3. Validation du protocole
4.4. Etude immunologique
4.4.1. Reconnaissance immune de la région II d’EBA 175
4.4.2. Inhibition de l’invasion des souches de terrain et de laboratoire par les anticorps anti-RII
4.4.3. Association entre les voies d’invasion et l’inhibition des anticorps antiRII
4.4.4. Association entre la réactivité des anticorps et l’inhibition des anticorps anti-RII
5. Discussion
Conclusion et perspectives
Bibliographie

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