La décennie 80 en Afrique reste marquée par des efforts croissants d’ajustement visant à remédier aux déséquilibres macroéconomiques (déficit de la balance des paiements, déficit budgétaire…) résultant des difficultés économiques de la décennie précédente. Ces difficultés avaient leur origine dans la série sans précédent des chocs extérieurs provoqués par les deux crises pétrolières (1973 et 1979), la détérioration des termes de l’échange des produits primaires qui en est résultée (du fait de la baisse de la demande dans les pays industrialisés, principaux acheteurs) ainsi que dans les inadaptations des politiques poursuivies au cours de cette période. Des erreurs de prévision dans les politiques d’endettement ainsi que des usages improductifs d’emprunts contractés se sont traduites par l’actuelle crise de la dette qui sévit dans la plupart des PVD.
De fait, au début des années 80, bon nombre de gouvernements africains se trouvaient dans la nécessité (si non l’obligation) d’entreprendre, avec l’appui des institutions de Bretton Woods, des programmes de redressement économique et financier. Ceux-ci comportent deux principaux volets dont les actions doivent être complémentaires : le plan d’ajustement structurel, appuyée par la Banque Mondiale, visant l’accroissement de l’offre globale par la mise en place d’une série de réformes en matière de change, de commerce et de prix. Ces réformes sont destinées à rééquilibrer le système des incitations en faveur de la production des biens échangeables, c’est-à-dire les biens exportables et les biens substituables aux importations. L’ajustement structurel s’accompagne souvent (ou succède à) de la politique de stabilisation, soutenue par le Fonds Monétaire International Il s’agit fondamentalement d’une politique de réduction de la demande intérieure, qui en touche toutes les composantes : la consommation, l’investissement et les importations. La stabilisation vise la réduction des déficits de la balance des paiements et des finances publiques. De ce fait, elle implique une politique d’austérité au niveau de la gestion monétaire et des finances publiques afin d’aligner la demande globale sur l’offre globale.
DU CARACTERE PRODUCTIF DE LA SATISFACTION DE BESOIN D’EDUCATION
L’éducation est à la fois un bien de consommation et d’investissement : les individus la demandent aussi pour la satisfaction morale ou psychique qu’elle procure que pour les avantages financiers qu’elle peut fournir. Le besoin d’éducation paraît fondamental pour tout individu, non seulement en raison de son caractère productif de sa satisfaction (Guillaumont P.1985). L’utilité de l’éducation pour l’individu qui l’entreprend peut être analysée en se référant aux trois écoles des économistes que Blaug a schématiquement intitulées « théorie psychologique, sociologique et économique ». La théorie « psychologique », rebaptisée « théorie du filtre », insiste sur la réévaluation des capacités innées des individus par l’école: l’éducation ne constitue qu’un filtre qui sélectionne les aptitudes sans rien leur ajouter. Ainsi les individus n’ayant pas suivi une formation ne bénéficient pas de cette sélection même s’ils ont ces capacités innées. La théorie « sociologique » considère que l’éducation propage certaines valeurs sociales et fait accéder, en fait, à l’élite dirigeante de la société. Cette interprétation a elle-même connu plusieurs versions dont celle qui se fonde sur une corrélation entre l’origine sociale des parents et le niveau d’éducation. Selon cette version, les principaux facteurs de la réussite scolaire ne seraient pas les capacités innées mais le capital culturel et un écho favorable à l’acquisition de l’éducation et de la culture dont les familles assurent la transmission osmotique.
Cette version rejoint l’école marxiste de l’économie radicale qui donne une interprétation complètement différente de la relation éducation-salaire (productivité). Elle considère l’éducation comme un moyen par lequel les classes sociales dominantes assurent la pérennité de leur situation (Bowles 1972). Autrement dit, l’éducation correspond aux besoins d’une structure pyramidale de la société et elle inculque diverses valeurs qui sont recherchées par le système pour assurer sa production. Ainsi, en instruisant leur progéniture ces classes visent à maintenir leur puissance économique et financière. Pour les partisans de l’école marxiste, l’éducation engendre également des qualités de docilité recherchées par les employeurs et elle ne transmet nullement l’aptitude à accroitre la productivité. Dans ces conditions, l’école servirait seulement à plonger, d’une façon socialement supportable, les héritiers de chaque classe dans une structure fixe hiérarchisée, où le revenu n’est qu’une composante du rang social. Cependant, les effets de l’éducation sur le revenu se font sentir même s’ils sont mesurés pour des personnes ayant la même origine sociale. Des recherches sur la mobilité sociale ont montré que l’éducation permet à beaucoup de personnes d’origine sociale modeste d’atteindre les classes socio-économiques les plus hautes dans la hiérarchie. La théorie « économique » s’identifie, quant à la théorie néoclassique. Selon elle, les personnes instruites sont plus productives que celles qui le sont moins ; les différences de salaires ne font que traduire les différences de productivité.
Cela s’explique du fait que les personnes instruites ont acquis des qualifications utiles, et donc appropriées en raison de la concurrence existant sur le marché et rares du fait même du délai de production du capital humain (durée des études ). C’est donc la logique de la concurrence qui exige un salaire supérieur pour une productivité marginale plus élevée. Mais, même en dehors du salariat (en l’absence d’hypothèse du marché du travail), cette théorie peut s’appliquer aux revenus supérieurs des travailleurs indépendants instruits (Guillaumont P.1985).
A travers ces trois théories, qui peuvent valoir conjointement dans des proportions variées, on s’aperçoit aisément du caractère productif de la satisfaction du besoin d’éducation par l’individu qui entreprend les études. Par ailleurs, la satisfaction des besoins d’éducation entraine toute une série d’externalités favorables au développement de l’individu. En effet, la personne instruite devient plus capable de contrôler sa santé, sa fécondité, sa nutrition, son environnement et sa croissance ; Amartya Sen l’exprime en terme de « capabilités » …. Ces bénéfices, plus que ceux cités ci-dessus, profitent à la société toute entière et permettent, grâce aux liaisons intersectorielles, d’accroître l’efficacité des autres projets comme l’irrigation, le planning familial, le transport et les projets de santé… Cette remarque nous conduit à analyser les bénéfices de l’éducation dans une échelle plus large, celle de la nation.
LA CONTRIBUTION DE L’EDUCATION A LA CROISSANCE ECONOMIQUE
L’idée que l’investissement en capital humain promeut la croissance économique remonte en réalité au temps d’Adam Smith et des premiers économistes classiques (Say, Rossi), qui ont mis en lumière l’importance de l’investissement en capital humain. Après un fort ralentissement pendant la première moitié du XXème siècle, les recherches dans ce domaine avaient pris un nouvel élan et les analyses se faisaient davantage en termes quantitatifs et économiques.
Les analyses néo-classiques
La conception néo-classique de la production est celle illustrée par la fonction de type Cobb-Douglas, à facteurs substituables, que présentent les auteurs comme Phelps(1966), Solow (1972), Tobin (1972). Les tenants de cette conception considèrent l’éducation comme facteur autonome de production et de croissance, substituable aux autres facteurs, et qui en mesure la productivité. Cette analyse, directement liée à la théorie de la valeur économique de l’éducation décrite ci dessus, est sans doute la plus développée. La portée de ces analyses diffère selon que celles-ci se placent sur un plan macro-économique ou sur un plan micro-économique.
Analyse macro-économique
L’analyse macro-économique s’intéresse à la mesure de la contribution de l’éducation à la croissance économique. Les premiers essais de cette analyse étaient basés soit sur une approche de la croissance, utilisée par Denison, Carré, Dubois et Malinvaud, soit sur le taux de rendement du capital humain, une approche utilisée par Schultz. La comptabilité de la croissance est basée sur le concept de la fonction de production agrée qui lie l’output (Y) à l’input du capital (K) et à celui du travail (L). La plupart de ces études ont utilisé la forme la plus simple de la fonction de production, homogène et linéaire, ci-après :
Y=f (K, L)
En voulant expliquer la croissance économique des Etats-Unis d’Amérique, entre 1910 et 1930 par une décomposition du taux de croissance de l’output entre le capital et le travail, Denison s’aperçoit qu’il y avait un résidu important qui ne pouvait s’expliquer de la même façon. Des recherches étaient alors entrepris afin d’évaluer la mesure dans laquelle ce résidu était relié à l’éducation à travers la qualité de la main d’œuvre, et la mesure dans laquelle il a été relié à d’autres facteurs tels que les améliorations de la qualité du capital physique ou les économies d’échelle. La méthode incorporant l’éducation au facteur est celle qui a rencontré la faveur de beaucoup de chercheurs. Elle procède d’une idée voisine de la méthode qui consiste à incorporer le progrès technique au capital national en définissant un capital « efficient » (J), composé d’éléments de capital de divers âges à productivité différente. La quantité de travail (L) est pondérée par un facteur de qualité (q), correspondant au niveau d’éducation moyen de la force de travail de sorte que le facteur main d’œuvre devient : q.L .
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Table des matières
INTRODUCTION
PARTIE I : RÔLE DE L’EDUCATION DANS LA CROISSANCE ET LE DEVELOPPEMENT ECONOMIQUE
Chapitre I : DU CARACTERE PRODUCTIF DE LA SATISFACTION DE BESOIN D’EDUCATION
Chapitre II : LA CONTRIBUTION DE L’EDUCATION A LA CROISSANCE ECONOMIQUE
Chapitre III : EDUCATION ET DEVELOPPEMENT
PARTIE II : LES FACTEURS DETERMINANTS DE LA DEMANDE PRIVEE D’EDUCATION DANS LES PVD ET L’ETUDE DES CONSEQUENCES DE L’AJUSTEMENT STRUCTUREL SUR LE SYSTEME EDUCATIF A MADAGASCAR CAS DU CYCLE PRIMAIRE DE LA CISCO DE TOAMASINA I
Chapitre I : LES FACTEURS TRADITIONNELS
Chapitre II : LES FACTEURS SOCIO-CULTURLES
CHAPITRE III : EVALUATION DES CONSEQUENCES DE L’AJUSTEMENT STRUCTUREL SUR LE SYSTEME EDUCATIF A MADAGASCAR (cas du cycle primaire de la CISCO de Toamasina I)
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
LISTE DES TABLEAUX
LISTE DES ANNEXES