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Implication de l’activité rétinienne spontanée dans le développement des projections de la rétine
L’activité spontanée a été observée dans l’ensemble du système nerveux ; notamment la cochlée, le néocortex, le cervelet ou la rétine (Blankenship and Feller, 2009; Kirkby and Feller, 2013). Ce schéma général s’observe chez de nombreuses espèces animales, ce qui suggère que cette activité spontanée est un composant essentiel de la maturation des circuits neuronaux. Elle est corrélée dans des cellules adjacentes, qui déchargent ainsi des potentiels d’action en même temps.
Les vagues cholinergiques durant la seconde phase d’activité spontanée
Chez la souris, les vagues d’activité calcique spontanée ont été observées in vitro et in vivo à l’aide de techniques d’imagerie diverses telles que l’imagerie calcique, l’électrophysiologie ou la technique de patch-clamp (e.g. : Torborg and Feller, 2005) (Figure 14). Elles sont initiées environ toutes les 1 à 2 minutes et s’étendent sur une surface supérieure à 1 mm2 dans la rétine, à une vitesse de 100-300 μm·s-1 (Bansal et al., 2000). Lors de la propagation d’une vague, une CGR décharge des potentiels d’action pendant environ 3 secondes, à une fréquence de 10 Hz (Kirkby and Feller, 2013). Elles sont suivies d’une période réfractaire durant laquelle les CGR ne peuvent plus répondre à un stimulus (Feller et al., 1996). Chaque vague se propage sur de larges régions de la rétine, les activités électriques des groupes de CGR voisines de moins de 300 μm sont ainsi hautement corrélées (Feller et al., 1996; Meister et al., 1991; Wong, 1995). Des CGR adjacentes émettent ainsi des trains de potentiels d’action simultanément (Figure 15). La localisation de l’initiation des vagues n’est pas totalement aléatoire, puisqu’elles semblent s’initier préférentiellement dans la partie VT de la rétine, qui correspond à la région binoculaire, et se propager majoritairement vers la partie dorso-nasale (Ackman et al., 2012).
Les premières expériences de blocage de l’activité rétinienne ont été réalisées avec de la tétrodotoxine (TTX), un bloqueur des canaux sodiques voltage-dépendants, empêchant ainsi la formation de potentiels d’action. Cependant, la toxicité connue de la TTX et les résultats parfois contradictoires des études concernant la ségrégation oeil-spécifique dans le CGLd et le CS (Cook et al., 1999; Fawcett et al., 1984) ont nécessité la création de modèles plus ciblés. Ainsi, deux modèles majeurs ont été utilisés par la suite pour étudier la propagation des vagues de type II : la délétion génétique de la sous-unité β2 du récepteur à l’acétylcholine (β2nAChR) (Muir-Robinson et al., 2002; Rossi et al., 2001) ou l’injection intraoculaire d’épibatidine, un bloqueur des récepteurs cholinergiques (Feller et al., 1996). Ces modèles présentent une activité rétinienne résiduelle. Chez les souris β2nAChR-KO, les vagues de type I et III ne sont pas affectées, ce qui en fait un excellent modèle pour étudier le rôle des vagues cholinergiques. Les vagues calciques dépendantes de l’ACh sont remplacées par des vagues qui se propagent grâce aux jonctions communicantes. Ces vagues corrèlent l’activité de CGR voisines mais avec des propriétés spatiotemporelles différentes de celles des vagues cholinergiques (Kirkby et al., 2013). Les rétines traitées à l’épibatidine ont 50 % de leurs CGR inactives, les autres ont une activité plus importante et aléatoire (Cang et al., 2005; Sun et al., 2008).
Ces vagues entraînent des oscillations des niveaux d’AMPc et de protéine kinase A (PKA) (Dunn et al., 2006). Inversement, l’AMPc et le calcium (Ca2+) peuvent moduler les vagues calciques. L’augmentation des niveaux d’AMPc par application locale d’agoniste augmente la vitesse, la taille et la fréquence des vagues (Stellwagen et al., 1999). La signalisation AMPc est décrite plus en détail dans le Chapitre 4.
Rôle des cellules amacrines dans la propagation des vagues cholinergiques
Les cellules amacrines étoilées (SAC, starburst amacrine cells), directement connectées aux CGR, sont la source de la libération d’acétylcholine à l’origine des oscillations calciques spontanées dans les CGR (Feller et al., 1996) . L’activité de CGR voisines n’est plus corrélée suite à l’ablation des SAC chez le furet (Huberman et al., 2003). L’application de TTX dans la rétine a montré que cette libération d’acétylcholine était indépendante des canaux sodiques, contrairement à la libération de potentiels d’action dans les CGR (Stellwagen et al., 1999). La délétion progressive de β2nAChR spécifiquement dans les SAC (grâce à la technique de recombinaison homologue Cre/LoxP) perturbe la propagation des vagues calciques de type II dans la rétine, en réduisant la corrélation entre CGR voisines et la distance de propagation de ces vagues (Xu et al., 2016). Les auteurs ont ainsi montré que l’excitation mutuelle des cellules amacrines étoilées était indispensable à la propagation des vagues calciques et à la ségrégation oeil-spécifique.
Il a également été décrit récemment que la signalisation AMPc spécifiquement dans les SAC régule la propagation des vagues calciques (Hsiao et al., 2019).
Les vagues calciques cholinergiques ont été extensivement décrites dans la littérature, grâce à des modèles expérimentaux et computationnels (e.g. Assali et al., 2014). En revanche, le rôle des cellules amacrines étoilées dans la propagation de ces vagues n’est que partiellement élucidé. Les modèles n’ont jusqu’ici pas permis de comprendre comment les paramètres biologiques, comme des variations de la conductance membranaire, impactent l’activité des SAC. Ces variations de conductance membranaires sont dues à des variations des canaux ioniques membranaires. Un modèle récemment publié propose un mécanisme plausible pour la génération de l’activité des SAC (Matzakos-Karvouniari et al., 2019) . Dans ce modèle, les paramètres essentiels contrôlant les décharges répétées des SAC sont des canaux calciques voltage-dépendants ; les phases de quiescence sont régulées par des canaux potassium calcium-dependants. Leur modèle reproduit les caractéristiques des SAC : des périodes d’activité oscillatoire forte suivies de périodes réfractaires.
Rôle des vagues calciques cholinergiques dans le développement des projections rétiniennes
Les vagues d’activité calcique spontanée se propagent dans la rétine en développement de la fin de la période embryonnaire jusqu’à la deuxième semaine post-natale et sont essentielles à la mise en place de la carte oeil-spécifique (Burbridge et al., 2014; Penn et al., 1998).
Chez les souris β2nAChR-KO, les CGR ont une activité spontanée aléatoire et on observe des défauts majeurs tant au niveau rétinotopique que de la ségrégation binoculaire (Huberman et al., 2008; Rossi et al., 2001) (Figure 16). Les projections contra-latérales occupent tout le CGLd, y compris le territoire ipsi-latéral et des projections ipsi-latérales ectopiques sont présentes dans le territoire contra-latéral (Rossi et al., 2001; Xu et al., 2011). Dans le CS des souris β2nAChR-KO, des axones ipsi-latéraux ectopiques sont également retrouvés dans le SGS, normalement occupé uniquement par des projections contra-latérales (Xu et al., 2011). La ségrégation binoculaire est toutefois conservée à l’âge adulte (P28) dans le CGLd, bien que la position du territoire ipsi-latéral soit fortement perturbée. En revanche, la localisation des projections ipsi- et contra-latérales est altérée et les axones ipsi-latéraux forment plusieurs amas dans le CGLd (Muir-Robinson et al., 2002). Ces résultats suggèrent que la ségrégation est retardée et non complètement abolie. Il a été montré que la maturation des synapses est ralentie dans le CGLd de ces animaux (Stacy et al., 2005). Cependant, à l’âge adulte une cellule thalamique reçoit autant d’afférence chez les souris β2nAChR-KO que chez les contrôles (Grubb et al., 2003; Huberman et al., 2002). A P15, l’électroporation in vivo de neurones individuels a montré que les axones des souris β2nAChR-KO étaient correctement ramifiés, mais plus larges que les axones contrôles (Dhande et al., 2011). Les défauts de carte binoculaire observés dans le CGLd ne dépendent donc pas de la phase de guidage axonal et du positionnement à la bonne ZT, mais de la phase de raffinement des projections.
Importance de l’activité corrélée de cellules voisines dans la compétition entre axones
Les données de la littérature laissaient penser jusqu’ici que cette compétition entre axones dépendait principalement de mécanismes de stabilisation synaptique reposant sur les deux partenaires pré- et post-synaptiques. Des résultats récents suggèrent cependant que les axones pourraient coopérer et co-stabiliser leurs connexions avec les cellules adjacentes (Munz et al., 2014; Winnubst et al., 2015). Ainsi, la plupart des modèles de développement des circuits neuronaux, dépendants de l’activité, présument que l’activité corrélée des afférences reçues par le neurone post-synaptique renforce les synapses entre les neurones co-actifs. Le premier modèle suggérant l’importance de l’activité corrélée de cellules voisines est la souris transgénique β2nAChR-KO. Certaines CGR exhibent une activité calcique spontanée résiduelle et ainsi les vagues cholinergiques sont tronquées (Muir-Robinson et al., 2002; Rossi et al., 2001). L’activité des CGR voisines est donc moins corrélée et des défauts sont observés dans la formation des cartes visuelles. Cependant, ce modèle ne permet pas de différencier le rôle intrinsèque de l’activité de celui de la synchronisation de l’activité de cellules voisines. Les souris β2(TG), chez lesquelles l’activité des CGR est présente mais n’est plus corrélée entre cellules voisines, présentent également des défauts de projections (Xu et al., 2011).
Diverses études ont récemment montré l’importance de l’activité synchrone de cellules voisines dans le développement et le maintien des cartes visuelles. La première observation de neurones voisins co-actifs a été effectuée chez le xénope. Suite à la stimulation répétée synchrone de deux CGR convergeant sur le même neurone post-synaptique, les courants post-synaptiques observés au niveau des deux afférences sont augmentés (Zhang et al., 1998). Par la suite, une technique originale de photo-activation a été utilisée chez le xénope pour contrôler la synchronisation des CGR voisines. La stimulation asynchrone des cellules voisines a été effectuée grâce à l’utilisation de billes mobiles ; tandis que la stimulation synchrone est réalisée à l’aide d’une illumination stroboscopique. La stimulation asynchrone provoque un accroissement de la taille des arborisations ipsi-latérales dans le tectum (équivalent du CS chez le xénope). Par ailleurs, les branches axonales des CGR sont plus dynamiques dans l’exploration de l’environnement lorsque leur décharge n’est pas corrélée à celle des axones voisins (Munz et al., 2014). La co-activation d’un axone avec ses voisins diminue cette activité exploratoire et stabilise les synapses rétino-tectales. Cette stabilisation synaptique est altérée lorsque la transmission synaptique rétino-tectale est inhibée ou suite au blocage des récepteurs synaptiques NMDA (N-methyl-D-aspartate, NMDA-R). Une seconde étude, dans le cortex visuel de la souris, a mis en évidence une règle simple de plasticité synaptique. Grâce à l’imagerie calcique et l’électrophysiologie dans le neurone post-synaptique, les chercheurs ont démontré que les boutons synaptiques qui ne sont pas actifs en même temps que leurs voisins (d’une distance inférieure à 12 μm) sont soumis à une LTD. Réciproquement, l’augmentation locale (< 12 μm) de la synchronisation de l’activité stabilise la transmission synaptique (Winnubst et al., 2015). Ainsi, les synapses co-actives sont regroupées géographiquement lors de la propagation des vagues rétiniennes. Enfin, il a été montré également chez la souris que l’activité à haute fréquence et synchrone entre les cellules voisines est impliquée dans la ségrégation des projections rétino-géniculées (Torborg and Feller, 2004). L’activité corrélée de cellules voisines pourrait donc stabiliser les synapses rétino-thalamiques et rétino-colliculaires.
Stabilisation synaptique dans les cibles visuelles intermédiaires
A un stade précoce du développement (P7-9), les CGR établissent des contacts sur près de la moitié de la surface des cellules thalamiques ou colliculaires (Guido, 2008). Ces contacts sont nombreux, très étendus et situés sur les somas et les dendrites des neurones. Des enregistrements électrophysiologiques à P7-8 ont montré que la plupart des réponses synaptiques dans le CGLd étaient des potentiels post-synaptiques excitateurs (PPSE) : des dépolarisations membranaires fortes et longues (Figure 18). L’activité inhibitrice n’a été détectée dans les neurones post-synaptiques qu’à partir de P14, où, comme à l’âge adulte, les réponses synaptiques dans le CGLd étaient constituées de PPSE suivis de potentiels post-synaptiques inhibiteurs (PPSI, hyperpolarisation membranaire) (Bickford et al., 2010). Les synapses inhibitrices du CGLd sont principalement celles établies par les interneurones, avec des vésicules synaptiques ovales et plates, caractéristiques des synapses GABAergiques inhibitrices (Sherman and Guillery, 2002). La distribution de ces interneurones est relativement homogène dans le CGLd (Hammer et al., 2014) et ils sont en contact avec des branches collatérales des axones rétiniens (Bickford et al., 2010). Il a été récemment montré que l’absence de signaux rétiniens perturbe le développement de ces interneurones, tant dans leur morphologie que dans leur distribution (Charalambakis et al., 2019). Les synapses excitatrices présentes dans le CGLd sont facilement identifiables, avec de grosses vésicules synaptiques arrondies. Elles sont de deux types : celles dont l’activité dépend des transporteurs au glutamate de type 1, VGLUT1 ; ou de type 2, VGLUT2. Les synapses VGLUT1 sont principalement celles provenant des axones corticaux, colliculaires ou encore d’autres noyaux du système visuel. La transmission rétino-géniculée est modulée par ces afférences non rétiniennes, qui représentent près de 95 % des terminaisons axonales du CGLd (Sherman and Guillery, 2002). Les synapses rétino-thalamiques représentent la grande majorité des synapses dépendantes de VGLUT2 mises en évidence dans le CGLd (Hammer et al., 2014; Land et al., 2004) et leur taille double entre P5 et P14 (Hammer et al., 2014). Les terminaisons rétino-géniculées sont morphologiquement différentes des autres terminaisons glutamatergiques : elles sont exceptionnellement larges, avec de grosses vésicules synaptiques rondes et des mitochondries pâles.
Rôle de l’AMP cyclique dans le développement des projections de la rétine
La signalisation AMP cyclique (AMPc) est impliquée dans un grand nombre d’évènements développementaux, tels que la différenciation cellulaire, la mort cellulaire, la réponse immunitaire, la croissance axonale, la réponse à des molécules de guidage, ou encore la modulation des connections synaptiques (Averaimo et al., 2016; Beavo and Brunton, 2002; Corredor et al., 2012; Koh et al., 1995; Nicol et al., 2006; Peace and Shewan, 2011; Ravary et al., 2003; Takanaga et al., 2004). Il est intéressant de comprendre la manière dont les signaux AMPc sont précisément contrôlés pour obtenir une telle spécificité dans la réponse à ces divers signaux. Un des éléments de contrôle de cette signalisation pourrait notamment être la régulation par les enzymes de synthèse de l’AMPc : les adénylate cyclases (AC).
Les adénylate cyclases
Après la première purification d’adénylate cyclase et son séquençage partiel, en 1989 (Krupinski et al., 1989), les études biochimiques et moléculaires des dernières décennies ont mis en évidence dix isoformes des AC (e.g. Nicol and Gaspar, 2014). Neuf d’entre-elles sont transmembranaires (AC1 à 9) et une est sous la forme soluble, l’AC10 ou AC soluble (sAC). Les AC transmembranaires sont composées de deux parties, TM1 et TM2, constituées de 6 domaines transmembranaires (Figure 20). Les boucles extracellulaires du domaine TM2 contiennent des sites de N-glycosylation, qui jouent un rôle dans la régulation de l’activité catalytique des AC (Wu et al., 2001). Les deux parties TM1 et TM2 sont reliées par deux boucles cytoplasmiques, C1 et C2. Les parties C1a et C2a interagissent pour former le site catalytique (Sunahara et al., 1996), qui convertit l’adénosine-triphosphate (ATP) en 3’-5’-adénosine-monophosphate cyclique (AMPc).
Rôle de l’AMPc dans le développement des projections rétiniennes
Il est largement établi que l’AMPc joue un rôle essentiel dans le développement des axones rétiniens (e.g. Nicol and Gaspar, 2014). L’injection monoculaire d’AMPc induit une expansion du territoire de l’oeil injecté dans le CGLd, aux dépens du territoire de l’autre oeil, sans affecter la ségrégation de ces territoires (Stellwagen and Shatz, 2002). Dans ce modèle, la propagation des vagues calciques dans la rétine est perturbée. La délétion génétique de l’AC1 empêche la ségrégation des projections des CGR et entraine un chevauchement des territoires oeil-spécifiques dans le CGLd et des défauts de rétinotopie (Figure 22) (Nicol et al., 2006b; Ravary et al., 2003). Dans ce modèle, les vagues calciques ne sont pas altérées. L’AC1 est également requise pour que les axones des CGR puissent répondre aux effets répulsifs des éphrines A in vitro : les cônes de croissance d’axones déficients en AC1 collapsent mais sont incapables de se rétracter en réponse aux éphrines A (Nicol et al., 2006a). Chez les souris déficientes pour AC1, des projections ipsi-latérales ectopiques sont retrouvées dans tout le CS, y compris dans la partie caudale (Plas et al., 2004; Ravary et al., 2003). La délétion d’AC1, spécifiquement dans la rétine, a montré que cette enzyme était requise en pré-synaptique pour l’élaboration d’une zone de terminaison dense et focale ainsi que pour l’élimination de collatérales ectopiques des axones rétiniens (Dhande et al., 2012). Dans le CGLd, l’AMPc contribue également au raffinement des axones rétiniens via l’activation de CREB (Pham et al., 2001). Enfin, l’AC soluble est exprimée par les CGR et son activation favorise leur survie et la croissance des axones rétiniens (Corredor et al., 2012).
Un bloqueur génétiquement encodé de la signalisation AMPc « cAMP-Sponge » a été décrit récemment (Lefkimmiatis et al., 2009). L’utilisation de cAMP-Sponge, spécifiquement exprimé dans les radeaux lipidiques, entraine des défauts de rétraction des axones en réponse à l’éphrine A5 (Averaimo et al., 2016). De plus, in vivo le raffinement des projections des CGR exprimant cAMP-Sponge est perturbé (Averaimo et al., 2016).
Rôle de la sérotonine dans le développement des projections visuelles
La transmission sérotoninergique est impliquée dans le raffinement de la connectivité rétinienne, dépendant de l’activité. Le rôle de la sérotonine (5-HT) a d’abord été mis en évidence chez le hamster. L’augmentation des niveaux de 5-HT dans le cerveau perturbe les projections rétino-tectales (Rhoades et al., 1993). La monoamine oxydase A (MAOA) permet la dégradation de la sérotonine. La mise en évidence d’un modèle de souris déficientes pour la MAOA (MAOA-KO) a permis de mieux comprendre le rôle de 5-HT pendant le développement. Les souris MAOA-KO présentent une augmentation des niveaux de 5-HT dans le cerveau durant les deux premières semaines post-natales (Cases et al., 1995). Dans ce modèle, 5-HT s’accumule dans une sous-population de CGR et leur axone (Upton et al., 1999) et le développement des projections binoculaires est perturbé. Les projections ipsi-latérales sont diffuses dans le CS et n’ont plus cette distribution en patchs caractéristiques dans le SO (Upton et al., 1999). Dans le thalamus, le territoire recouvert par les projections ipsi-latérales est plus étendu et les projections contra-latérales recouvrent toute la surface du CGLd. Ces défauts sont visibles dès P8 dans le CGLd (Upton et al., 1999).
Le transporteur de la sérotonine (SERT), qui permet la capture de la 5-HT extracellulaire vers l’intérieur de la cellule, est exprimé par les CGR à partir de E15. L’expression de SERT est restreinte à la périphérie de la rétine, excluant la région dorsale (Figure 24), et semble diminuer à partir de P6. Le récepteur à la sérotonine (5-HT1b) est exprimé uniformément par les CGR à partir de E15 et son expression persiste à l’âge adulte (Upton et al., 1999). La délétion génétique de MAOA/5-HT1b, de MAOA/SERT/5-HT1b ou de SERT/5-HT1b permet de retrouver une organisation des projections dans le CGLd comparable aux animaux contrôles (Salichon et al., 2001; Upton et al., 2002). Cela suggère un rôle essentiel de 5-HT1b et de SERT dans la signalisation sérotoninergique impliquée ici. En revanche, la délétion génétique de SERT seule ne permet pas de rétablir l’organisation de la carte binoculaire (Salichon et al., 2001; Upton et al., 2002). En l’absence de SERT, la ségrégation des axones rétiniens est perturbée dans le CGLd et le CS. Les altérations diffèrent dans les deux structures : dans le CGLd, au contraire du CS, la taille du territoire ipsi-latéral n’est pas affectée (Upton et al., 2002). SERT est d’ailleurs exprimée différemment dans le thalamus et le SC : son expression est restreinte aux CGR ipsi-latérales dans le CGLd, mais certaines CGR contra-latérales expriment SERT dans le CS (Figure 23) (Upton et al., 1999).
Il a été montré que la stimulation pré-synaptique de 5-HT1b dans les terminaux des CGR inhibe la transmission glutamatergique (Mooney et al., 1994). L’activation excessive de cette voie de signalisation pourrait donc affecter les procédés développementaux dépendants de l’activité, comme le développement des projections rétiniennes. Par ailleurs, la diminution des niveaux de 5-HT par des agents pharmacologiques induit également une projection ipsi-latérale exubérante dans le CS (Upton et al., 2002). Ainsi, aussi bien l’excès que le manque de sérotonine affecte le développement des projections binoculaires.
Rôle de la microglie dans le développement des projections visuelles
Les cellules microgliales, décrites initialement par Del Rio-Hortega (1932) dérivent de macrophages du sac vitellin (Ginhoux et al., 2010). Les microglies peuvent présenter une morphologie ramifiée, ou amiboïde (e.g. Squarzoni et al., 2015). Les ramifications microgliales sondent continuellement le parenchyme et établissent des contacts transitoires avec les terminaux synaptiques, les épines dendritiques, les cellules gliales et les vaisseaux sanguins voisins (Davalos et al., 2005; Nimmerjahn et al., 2005; Paolicelli and Gross, 2011; Schafer et al., 2012). L’extension et la rétraction de ces ramifications dépendent de l’activité des neurones (Nimmerjahn et al., 2005). Il a été récemment montré que la microglie englobe activement les terminaux pré- et post-synaptiques dans l’hippocampe (Paolicelli et al., 2011). L’utilisation de souris déficientes pour le récepteur à la fractalkine (Cx3cr1), exprimé exclusivement par la microglie (Jung et al., 2000), a montré que le nombre de cellules microgliales est réduit dans le cerveau (Paolicelli and Gross, 2011). Chez ces animaux, le raffinement des synapses est retardé dans l’hippocampe. Ce retard se traduit par des épines dendritiques exubérantes, moins de courants post-synaptiques excitateurs spontanés et une augmentation de la LTD (Paolicelli and Gross, 2011).
La Cre recombinase est spécifiquement exprimée par les CGR ventro-temporales chez les souris Ptf1aCre ; Tau-GFP
Différents types de cellules cohabitent dans la rétine, et notamment des cellules amacrines, qui sont connectées aux CGR, dont elles modulent l’activité. Un certain type de cellules amacrines, les cellules amacrines étoilées, sont directement à l’origine de la libération d’acétylcholine qui provoque les oscillations calciques dans les CGR (Feller et al., 1996). Ces cellules amacrines sont nécessaires à la corrélation des activités électriques des CGR voisines, et ainsi à la propagation des vagues calciques (Huberman et al., 2003; Xu et al., 2016). Dans la première partie de notre étude démontrant une co-stabilisation des axones des CGR adjacentes (Louail et al., en préparation), l’électroporation in utero induit l’expression du bloqueur de l’AMPc, Lyn-cAMP-Sponge, (sous le contrôle de la Cre recombinase) dans tous les types de prégéniteurs de la rétine, qui continuent à suive un cycle de division cellulaire. L’ADN électroporé est ainsi exprimé par les nombreux types cellulaires qu’ils génèrent : les CGR mais également les cellules horizontales ou amacrines, qui sont générées en même temps durant le développement (Cepko et al., 1996; Garcia-Frigola et al., 2007; Livesey and Cepko, 2001).
L’expression de Lyn-cAMP-Sponge dans les cellules amacrines pourrait jouer un rôle crucial dans le phénotype observé et devait donc être restreinte aux CGR. Au début de l’étude, le promoteur spécifique des CGR (Chaffiol et al., 2017) n’avait pas été décrit et l’utilisation d’une lignée de souris exprimant la Cre spécifiquement dans les CGR nous aurait permis de restreindre notre outil à ces cellules.
Chez les animaux Ptf1aCre, l’expression de la Cre est sous le contrôle de l’expression de Ptf1a et a été observée dans le nerf optique (Yamada et al., 2007). Les souris Ptf1aCre ont été croisées avec des souris Tau-Lox-STOP-Lox-mGFP-IRES-nls-LacZ (ou Tau-GFP), pour obtenir la lignée Ptf1aCre ; Tau-GFP. Suite à la recombinaison par la Cre dans ces souris, la GFP est exprimée dans les axones et permet d’identifier les neurones dans lesquels la Cre est exprimée (Renier et al., 2010). Il a été démontré précédemment que Ptf1a est exprimé dans les précurseurs de la rétine en développement ; suite à l‘inactivation de Ptf1a, ces précurseurs deviennent des CGR (Fujitani et al., 2006). Dans le travail suivant, l’expression de la Cre recombinase a été caractérisée dans le système visuel des souris Ptf1aCre ; Tau-GFP. La Cre est exprimée par les cellules ganglionnaires et restreinte aux CGR conta-latérales du croissant ventro-temporal.
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Table des matières
INTRODUCTION
1. Le système visuel
1.1. La rétine
1.2. Les cellules ganglionnaires de la rétine
1.3. Le chiasma optique
1.4. Les cartes visuelles
1.5. Développement de la carte rétinotopique
1.6. Développement de la lamination
1.7. Développement de la carte oeil-spécifique
2. Implication de l’activité rétinienne spontanée dans le développement des projections de la rétine
2.1. L’activité spontanée dans la rétine
2.2. Les vagues cholinergiques durant la seconde phase d’activité spontanée
2.3. Rôle des cellules amacrines dans la propagation des vagues cholinergiques
2.4. Rôle des vagues calciques cholinergiques dans le développement des projections rétiniennes
3. Compétition
3.1. Compétition entre axones
3.2. Importance de l’activité corrélée de cellules voisines dans la compétition entre axones
3.3. Stabilisation synaptique dans les cibles visuelles intermédiaires
4. Rôle de l’AMP cyclique dans le développement des projections de la rétine
4.1. Les adénylate cyclases
4.2. Régulation de la concentration d’AMPc
4.3. Signalisation en aval de l’AMP cyclique
4.4. Signaux locaux d’AMP cyclique
4.5. Rôle de l’AMPc dans le développement des projections rétiniennes
5. Autres mécanismes
5.1. Rôle de la mort cellulaire dans le développement des projections visuelles
5.2. Rôle de la sérotonine dans le développement des projections visuelles
5.3. Rôle de la microglie dans le développement des projections visuelles
MATERIEL & METHODES
RESULTATS
PARTIE 1 : Le rôle de l’AMP cyclique dans les interactions entre les CGR
1. La coopération entre les cellules ganglionnaires de la rétine participe au raffinement des axones rétiniens
2. La Cre recombinase est spécifiquement exprimée par les CGR ventro-temporales chez les souris Ptf1aCre ; Tau-GFP
3. Le développement de la connectivité dans les mécanismes coopératifs dépendants de l’AMPc
PARTIE 2 : Le rôle de l’activité électrique dans le développement et les interactions des CGR
PARTIE 3 : Le soma et l’axone, deux compartiments de signalisation AMP cyclique distincts
RESULTATS ANNEXES
PARTIE 1 : Interactions entre CGR ipsi-latérales dépendantes de l’AMPc
PARTIE 2 : Intensité des mécanismes coopératifs
PARTIE 3 : Impact du blocage de l’activité de quelques CGR sur le développement global de la carte binoculaire
DISCUSSION
1. Le développement des projections rétiniennes en l’absence d’AMPc
2. Le développement des synapses dans les mécanismes coopératifs
2.1. Morphologie des synapses
2.2. Transmission synaptique
3. Rôle du compartiment axonal dans la coopération entre CGR
3.1. Signaux axonaux d’AMPc
3.2. Traduction locale de protéines
4. Autres mécanismes potentiellement impliqués dans les mécanismes coopératifs
4.1. Signalisation rétrograde
4.2. Microglie
5. Rôle de l’activité des CGR pendant le développement des projections rétiniennes
5.1. L’absence d’activité électrique dans les CGR perturbe le développement de leur connectivité
5.2. L’activité relative des CGR adjacentes pourrait instruire le développement de la connectivité rétinienne
6. L’activité spontanée et la signalisation AMPc dans les interactions entre CGR pendant le développement de la connectivité visuelle
6.1. Deux composantes de l’activité électrique
6.2. La signalisation AMPc dans le compartiment somatique corrèle l’activité électrique des CGR
6.3. La signalisation AMPc dans le compartiment axonal agit en aval de l’activité synchrone des CGR pour co-stabiliser leurs synapses
ANNEXES
BIBLIOGRAPHIE
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