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La métalloélastase à zinc ou MMP-12
Caractérisation biochimique de la MMP-12
Dès 1975, le groupe de Z. Werb fut le premier à signaler la présence dans le milieu de culture de macrophages murins activés par du thioglicolate, d’activités protéolytiques capables de dégrader de l’élastine sous forme insoluble.42 Quelques années plus tard et après plusieurs étapes de purification, ce même groupe reportait que cette activité élastase avait les caractéristiques d’une activité de type métalloprotéase à zinc, montrant notamment sa dépendance à l’EDTA et plus particulièrement une dépendance au TIMP-1, inhibiteur spécifique des MMP, mais possédant un poids moléculaire de 22 kDa seulement (Figure 2).43
En 1992 reprenant le principe de ces études mais cette fois sur des macrophages humains, le groupe de S. Shapiro a pu isoler un cDNA à partir d’une banque murine codant pour une protéine de poids moléculaire de 54 kDa, présentant toutes les caractéristiques des MMP : a) un prodomaine, b) un domaine catalytique possédant la séquence signature HEXXHXXGXXH et c) un domaine hémopexine (voir plus loin).44 Cette étude a notamment montré que si l’on exprime cette MMP-12 dans E. Coli, on peut observer 1) avant renaturation de la protéine, une bande vers 54 kDa et 2) après renaturation, une seule bande visible se situant vers 22 kDa, ces résultats allant dans le sens des données précédemment observées par Z. Werb.
Le même travail effectué par le groupe de S. Shapiro à partir de macrophages humains a permis de montrer la présence d’une MMP-12, possédant les mêmes caractéristiques, mais avec seulement 64 % d’identité de séquence entre les formes murine et humaine, ce qui apparaît assez faible comme identité de séquence, comparé à ce qui est observé pour les autres MMP. Par exemple, les hMMP-2 et hMMP-9 possèdent des pourcentages d’identité de séquence aux alentours de 95 % entre formes murine et humaine. De même, les pourcentages d’identité entre la MMP-12 et les autres MMP varient entre 33 % et 49 %, ce qui est, là encore, un pourcentage assez bas, suggérant des propriétés particulières pour la MMP-12. En revanche, la localisation sur le chromosome humain 11q22 de la séquence codant pour la MMP-12 reste partagée avec de nombreuses autres MMP. Par la suite, des études sur les propriétés de la MMP-12 humaine (forme recombinante) et notamment sur sa capacité à dégrader des substrats de la matrice extracellulaire ont été réalisées. Ces études ont ainsi montré qu’en dehors de l’élastine, d’autres substrats tels que la fibronectine, la laminine, l’entactine, le collagène de type IV entre autres sont bien clivés par la MMP-12. Par contre le collagène interstitiel (type I, II et III) n’est absolument pas clivé par cette protéase. Par ailleurs, l’α-antitrypsine est également très bien clivée par la MMP-12, ce qui constitue un résultat très intéressant, car cette protéine inhibe une autre activité élastase à sérine : la leucocyte élastase, exprimée aussi en condition inflammatoire. Cette dernière propriété suggère donc un rôle de potentialisation de la MMP-12 dans la dégradation de l’élastine en conditions pathologiques.45
Rôle de la MMP-12 dans les pathologies pulmonaires
La première lignée de souris transgénique n’exprimant pas la MMP-12 a été reportée par le groupe S. Shapiro. Comme d’autres MMP, les souris MMP-12-/- n’ont pas de phénotype particulier, si ce n’est la mort d’un certain nombre de souriceaux avant la mise à bas, un effet pouvant être mis en relation avec la forte expression de la MMP-12 dans le placenta humain.46 Une des propriétés la plus surprenante de la MMP-12 que l’on peut déduire à partir de ces souris transgéniques, est l’incapacité des macrophages n’exprimant pas la MMP-12 à traverser des membranes basales reconstituées in vitro. Cette observation est cohérente avec des études in vivo. En effet, si l’on implante en intrapérinotéal des éponges contenant du matrigel à des souris, on observe dans le cas des souris MMP-12-/-une incapacité des macrophages à migrer vers ces éponges, à l’inverse de ce qui est observé chez les animaux contrôles. Ceci indique que la MMP-12 est essentielle pour que les macrophages puissent envahir un tissu.47 Ce résultat est important et constitue un cas assez unique chez les MMP puisqu’il ne semble pas y avoir de redondance, la MMP-12 paraissant seule responsable de la capacité du macrophage à envahir un tissu. Il faut aussi noter le fait que les monocytes n’expriment pas la MMP-12. Ce n’est en effet qu’au cours de la différenciation de ces derniers en macrophages qu’apparaît l’expression de MMP-12, ainsi que celle d’autres MMP. Cette expression de MMP est également accompagnée de la perte d’activité protéases à sérine par ce sous-type cellulaire. Ceci explique pourquoi les monocytes migrent normalement dans les souris MMP-12-/-, cette migration mobilisant d’autres activités protéolytiques.
La perte du domaine hémopexine lors de l’activation de la MMP-12 est restée très longtemps une observation assez intrigante. Un début d’explication a pu cependant être apporté par une étude récente du groupe de S. Shapiro. Cette étude attribue en effet une activité antimicrobienne au seul domaine hémopexine de la MMP-12. Les souris MMP-12-/-infectées par des pathogènes bactériens meurent beaucoup plus que les souris contrôles. Par ailleurs, pendant qu’une clairance marquée des bactéries peut être observée dans ces dernières, pour les souris MMP-12-/-, on observe une forte persistance de bactéries dans les macrophages pulmonaires (Figure 3b).
De façon intéressante, la présence d’un domaine catalytique fonctionnel n’est pas nécessaire pour permettre aux animaux contrôles de se débarrasser du pathogène, car seul le domaine hémopexine suffit pour observer cet effet. L’analyse des séquences de domaines hémopexines révèle que celui de la MMP-12 possède une séquence signature KDDK/KDEK, séquence qui, suivant l’espèce qui est unique au sein de la famille des MMP (Figure 4a). Cette séquence se trouve à l’extrémité d’une boucle, donc accessible pour des interactions intermoléculaires. Le peptide KDDK montre lui-même une activité antimicrobienne, confirmant le rôle de cette séquence dans la fonction antibactérienne du domaine hémopexine de la MMP-12. La lyse des bactéries par le domaine hémopexine de cette protéase a lieu dans le macrophage et mobilise la forme inactive de la MMP-12.48
L’expression de la MMP-12 dans les macrophages pulmonaires et la sécrétion de cette enzyme capable de digérer l’élastine sous conditions inflammatoires, ont conduit le groupe de S. Shapiro à déterminer le rôle joué par cette protéase dans l’emphysème pulmonaire. Cette pathologie se caractérise par une destruction de l’élastine avec un élargissement des alvéoles pulmonaires, entraînant une dysfonction de la respiration (Figure 5).
Chez la souris, le rôle majeur de la MMP-12 dans le développement de l’emphysème a été démontré. En effet, de façon remarquable et par rapport aux contrôles, les souris MMP-12-/-, après une exposition à la cigarette, n’ont pas d’augmentation de macrophages dans les poumons et ne développent pas d’emphysème, confirmant le rôle majeur et unique de la MMP-12 dans la migration des macrophages et dans le développement de l’emphysème.47 Ces données obtenues à partir de modèles murins sont évidemment à considérer avec prudence. On peut en effet s’interroger sur 1) la capacité de ces modèles à reproduire la pathologie humaine et 2) sur le rôle exact de la MMP-12 murine dans ce contexte pathologique et d’une divergence possible avec celui de la MMP-12 humaine compte tenu de leur divergence de séquence. Une étude récente suggère une association possible entre le polymorphisme du gène de la MMP-12 et les différences de mesure de la fonction respiratoire chez 8300 patients. Cette étude démontre en effet que des patients (des enfants atteints d’asthme ou bien des fumeurs atteints de BPCO) homozygotes (AA) pour une mutation (G->A) dans le promoteur du gène de la MMP-12 ont de moins bonnes fonctions respiratoires que les sujets normaux. Cette mutation implique une augmentation de l’activité du promoteur de la MMP-12, suggérant un lien entre l’évolution de ces pathologies et le taux d’expression de la MMP-12.50 Suite à cet article, plusieurs études ont été publiées dans lesquelles les auteurs ont essayé de mettre en relation la quantité de MMP-12 sous forme active et la fonction pulmonaire des patients. Les résultats de ces études ne sont pas toujours très concordants, probablement en relation avec la technique utilisée pour calibrer la quantité de MMP-12 sous forme active, un objectif qui n’est pas simple à régler compte tenu des quantités très faibles de MMP-12 sous cette forme. Une des dernières études sur le sujet conclue à l’existence d’une relation entre sévérité de la pathologie des patients BPCO et le taux d’expression de la MMP-12 sous forme active, suggérant une utilisation d’inhibiteurs spécifiques de la MMP-12 pour traiter ces patients.51 Le rôle de la MMP-12 dans le développement de l’emphysème chez la souris a été confirmé par l’étude d’animaux déficients en récepteur α6β6, récepteur dont une des fonctions est d’activer le TGF-β qui est un régulateur négatif de l’expression de la MMP-12. Ces souris transgéniques α6β6-/- développent un emphysème associé à une forte surexpression de MMP-12.52
Rôle de la MMP-12 dans le développement de l’athérosclérose
Une des atteintes les plus complexes mais courante des artères est liée à l’athérosclérose dont l’élément déclenchant serait un dépôt de LDL s’oxydant et initiant un recrutement de monocytes qui vont se transformer en macrophages, capables de se charger de LDL oxydé pour devenir des macrophages spumeux. Ces éléments finiront par former une plaque d’athérosclérose qui si elle se fragilise pourra entraîner selon le lit vasculaire un infarctus du myocarde.53 Quatre arguments sont invoqués pour impliquer les MMP dans ce processus pathologique :
a) au niveau de l’une plaque en formation, les changements observés passent par un remodelage tissulaire facilitant la migration de certaines cellules, comme les macrophages et les cellules musculaires lisses. Les dépôts de matrice et la mobilisation de facteurs de croissance constatés dans les plaques évoquent un rôle des MMP.
b) la rupture de la plaque résulte d’une dégradation de la matrice constitutive de l’artère attribuée à une activité protéolytique ciblant des protéines de la matrice extracellulaire, comme le collagène de type IV et l’élastine, donc des substrats des MMP.
c) les remodelages constatés ont lieu à des pH physiologiques, assurant une activité maximale pour les MMP.
d) les MMP sont capables de cliver quasiment tous les constituants protéiques présents dans une plaque en formation.
Plusieurs travaux et revues ont été publiés pour commenter le rôle des MMP dans la progression de plaques d’athérosclérose et leur rupture.54,55,56,57 Dans ce qui suit nous nous contentons de résumer les données publiées sur le rôle de la MMP-12 dans cette pathologie.
La MMP-12 pourrait avoir plusieurs substrats ayant leur importance dans cette pathologie, comme l’activation du TNF-α stimulant le recrutement des macrophages ou modulant la chimiokine MCP-1. Plusieurs facteurs de croissance peuvent être libérés de la matrice extracellulaire par la MMP-12, tels que le « fibroblast growth factor-2 », le « transforming growth factor-β », et le « vascular endothelial growth factor ».58 Par ailleurs, une activité élastolytique est observée au niveau de la plaque, l’élastine étant un des substrats préférés de la MMP-12.
A partir de modèles animaux, on constate chez les souris doublement transgéniques MMP-12-/-, Apo E-/- que ces animaux ont des plaques présentant des phénotypes plus stables que les animaux contrôles. Par ailleurs, peut-être plus surprenant, une diminution dans la croissance des plaques d’athérosclérose a été reportée chez ces animaux par le goupe de J. Johnson.59 Etonnant, car cette observation suppose que la MMP-12 dans ce contexte participe à l’élaboration de la plaque, loin d’une vision de destruction du tissu entraînant la rupture de la plaque. Ceci suggère que le rôle de la MMP-12 pourrait changer au cours de la progression de la pathologie. Cette remarque est à associer au rôle d’autres protéases, dont il est difficile de prévoir quelle sera exactement la réponse finale enclenchée. De façon intéressante, il est aussi reporté que dans les souris MMP-3-/-, Apo E-/- ou MMP-9-/-, Apo E-/-, on observe l’inverse, avec des plaques progressant cette fois-ci plus vite que dans les animaux contrôles. Ces résultats indiquent donc que les différentes MMP ne jouent pas le même rôle dans cette pathologie, et que certaines MMP comme la MMP-12 semblent être des cibles thérapeutiques pour freiner la croissance des plaques, mais que d’autres MMP comme la MMP-3 et la MMP-9 sont des « anticibles ». Les phénotypes des souris MMP-12-/-, Apo E-/- ayant des plaques formées ont pu être observés suite à l’infusion pendant quatre semaines du RXP470.1, inhibiteur sélectif de la MMP-12. On constate effectivement que l’effet de l’inhibiteur à partir du traitement bloque totalement la croissance de la plaque et génère un phénotype de plaque plus stable que dans les animaux contrôles (Figure 6).
Une autre étude chez le lapin confirme le rôle de la MMP-12 dans la croissance des plaques, où cette fois la surexpression de la forme humaine de la MMP-12 chez un lapin transgénique stimule effectivement la croissance des plaques.60 Dans ces modèles animaux, il est suggéré qu’un des rôles principaux de la MMP-12 serait d’assurer le recrutement des macrophages dans la plaque et de faciliter la migration des cellules musculaires lisses et leur prolifération. Cependant, la nature des substrats mis en jeu reste là encore à déterminer dans ces études. Si l’expression de la MMP-12 est reconnue pour les macrophages, par contre son expression par des cellules musculaires lisses reste plus controversée. Cependant, dans ce modèle, seule la MMP-12 produite par le macrophage pourrait suffire à assurer la migration des cellules musculaires lisses. On sait par exemple que dans beaucoup de tumeurs, on observe à la surface des cellules tumorales des MMP, non pas produites par ces cellules, mais par des fibroblastes entourant les cellules cancéreuses, ce qui suggère l’existence de « récepteurs » à la surface des cellules permettant d’immobiliser les MMP et donc des actions à distance entre cellules relayées par les MMP.
Chez l’homme l’existence d’une relation univoque entre expression de MMP-12 et un effet causal sur le développement de l’athérosclérose reste à établir. Cependant, la présence de MMP-12 a pu être reliée à l’avancement de la pathologie61 et au phénotype instable des plaques62. Une étude entre une mutation dans le promoteur du gène de la MMP-12 et la diminution du diamètre de l’artère après une angioplastie par pose de « stent » chez des patients diabétiques semble suggérer aussi une relation entre l’expression de la MMP-12 et le remodelage vasculaire.63 Il faudra peut-être attendre la mise au point d’agents de contraste à base d’inhibiteurs de MMP et de MMP-12 en particulier pour faire progresser encore nos connaissances dans ce domaine. Aujourd’hui ces agents d’imagerie sont étudiés chez l’animal, le lapin ou la souris, et toutes les études précliniques devront être réalisées chez ces animaux avant de pouvoir progresser en étude clinique chez l’homme.64,65,66,67
Eléments de structure des MMP
Les MMP, des protéases à plusieurs domaines
Les gènes des différentes MMP codent pour des chaînes peptidiques de longueur très variable avec des poids moléculaires variant pour les formes les plus petites de 20 kDa à plus de 90 kDa. Ces différences permettent de générer des protéines présentant différents types de domaines autonomes du point de vue structural, un élément ayant permis par un jeu de duplication/fusion de gènes ancestraux de faire émerger à partir d’un même domaine catalytique des protéases ayant des substrats très différents et des régulations différenciées (Figure 7).
Les MMP partagent entre elles une structure minimale se composant de trois domaines : un peptide signal (en bleu), un prodomaine (en marron) et un domaine catalytique (en gris). Elles se distinguent ensuite par la présence ou non dans leur structure de domaines additionnels comme a) un domaine C-terminal de type hémopexine (en vert), identique dans la plupart des MMP et connecté par une région charnière au domaine catalytique, b) un domaine de type fibronectine (en jaune) inséré dans la séquence du domaine catalytique et caractéristique des gélatinases (MMP-2 et MMP-9) et enfin c) un domaine transmembranaire permettant à certaines MMP d’être présentes à la surface des cellules ancrées à la membrane. Dans le cas des MMP-17 et MMP-25, le domaine transmembranaire est remplacé par un domaine glycosylphosphatidylinositol (GPI). Ces éléments engendrent cinq types de MMP, selon la présence d’un domaine catalytique seul (MMP-7, MMP-26), du domaine catalytique associé au domaine hémopexine (de nombreuses MMP), de l’addition à ces éléments d’un segment transmembranaire donnant la sous famille des MT-MMP et de la présence des domaines type fibronectine (MMP-2 et MMP-9). Comme le montre la Figure 8, d’autres éléments ont été incorporés, comme la présence d’une séquence déterminant le mode d’activation des MMP, pour générer plus ou moins arbitrairement un classement des MMP en 8 sous-groupes (Figure 8).
Le peptide signal composé d’environ 20 acides aminés permet la sécrétion de la MMP depuis le milieu intracellulaire vers le milieu extracellulaire. Il est éliminé dans le réticulum endoplasmique pendant la sécrétion de la MMP.
Le prodomaine se compose d’environ 80 acides aminés et contient la séquence consensus PRCG(V/N)PD comprenant une cystéine, dont l’atome de soufre est en interaction avec l’ion zinc catalytique dans la forme inactive des MMP(Figure 9). 68
Cette interaction du résidu cystéine conduit au déplacement d’une molécule d’eau essentielle à la catalyse, inhibant donc l’activité catalytique. En outre, le positionnement du prodomaine au niveau du site actif rend celui-ci inaccessible à tout type de substrat. L’activation des MMP nécessite donc l’éloignement du prodomaine du site actif pour rendre celui-ci fonctionnel et permettre l’accessibilité des substrats. Une première étape d’activation consiste à libérer l’ion zinc du site actif de son interaction avec la cystéine, par protéolyse du prodomaine en plusieurs points de clivage, aboutissant à déstabiliser l’ensemble de l’interaction « prodomaine/site actif »69 ou bien par oxydation du résidu cystéine par des petites molécules endogènes, déstabilisant aussi l’interaction « prodomaine/site actif » et pouvant être suivie d’une dégradation de celui-ci par des protéases. Selon le contexte tissulaire et le type de cellules impliquées, l’activation des MMP fait intervenir différentes activités protéolytiques. La détermination de l’identité des protéases responsables de cette activation est rendue difficile en raison de la présence de plusieurs autres protéases pouvant s’exprimer au même moment et dans le même contexte tissulaire. Ces composantes spatiales et temporelles sont probablement des paramètres essentiels associés au contrôle de l’activité coordonnée des MMP. La plasmine est capable d’activer in vitro les proMMP-1, proMMP-3, proMMP-7, proMMP-9, proMMP-10 et proMMP-13. Les proMMP-11, proMMP-27 et proMT-MMP sont activées par la furine qui reconnaît la séquence RX(K/R)R au niveau du prodomaine. Ces protéases sont activées au niveau intracellulaire et sont sécrétées sous forme active hors de la cellule.
De façon surprenante, c’est l’action concertée entre la MMP-14 et le TIMP-2, un inhibiteur naturel de MMP, qui permet l’activation de la proMMP-2 (Figure 10).
Le scenario envisagé est le suivant. La MMP-14 serait d’abord activée de façon intracellulaire puis secrétée à la surface des cellules sous forme active. Elle formerait ensuite un complexe ternaire avec une proMMP-2 et le TIMP-2, la partie N-terminale du TIMP-2 interagit avec le site actif de la MMP-14 et sa partie C-terminale avec le domaine hémopexine de la proMMP-2 pour former un complexe ternaire. Ce complexe ternaire contrôlerait la présentation du prodomaine de la MMP-2 à une autre MMP-14, qui finalement aboutirait à l’activation de la MMP-2. Dans ce mécanisme, les concentrations locales de TIMP-2 sont déterminantes et doivent faire l’objet d’une régulation extrêmement fine. Un excès de TIMP-2 entraîne en effet une inhibition complète de toutes formes actives de MMP-14, inhibant ainsi l’activation de la MMP-2. Mais à l’inverse la présence d’une petite quantité de TIMP-2 est essentielle pour activer la MMP-2. On notera également que les proMMP peuvent être activées in vitro de façon chimique par des composées mercuriques comme l’APMA, des réactifs soufrés, ou des agents chaotropiques (SDS).
Le mécanisme d’hydrolyse du substrat par les MMP, communément admis pour la plupart des protéases à zinc, utilise la présence d’une molécule d’eau activée à la fois par l’ion zinc et la chaîne latérale du glutamate présent dans la séquence HEXXH. Le substrat se positionne dans le site actif de façon à ce que le groupe carbonyle de la liaison peptidique clivée interagisse avec l’ion zinc, interaction aboutissant à polariser le groupe carbonyle (Figure 11).71 Parallèlement, la molécule d’eau interagissant avec l’ion zinc est légèrement déplacée dans une position où son interaction simultanée avec l’ion zinc et le glutamate favorise l’attaque nucléophile du Cα du carbonyle du substrat par un OH- provenant de la molécule d’eau, tandis que le carboxylate de la chaîne latérale du glutamate récupère le proton formé. Cette attaque par la molécule d’eau aboutit à la formation d’un intermédiaire tétraédrique d’hybridation sp3 au niveau du Cα carbonyle, suivi du transfert d’un proton venant du groupement acide carboxylique vers l’atome d’azote de la liaison peptidique. Cet intermédiaire instable entraîne la rupture de la liaison C-N pour former les deux produits de la réaction d’hydrolyse, avec production d’un côté d’un groupement carboxylate et de l’autre d’une fonction amine. (Figure 11).
Hormis les matrilysines et la MMP-23, toutes les MMP contiennent un domaine hémopexine d’environ 200 résidus. Ce domaine intervient dans la spécificité de fixation du substrat, mais aussi lors des interactions avec les TIMP, les inhibiteurs physiologiques des MMP. Dans le cas des collagénases, ce domaine est essentiel au clivage du collagène natif. Il est en effet proposé que ce domaine ait pour fonction de déstabiliser la triple-hélice de collagène, déstabilisation nécessaire pour les étapes ultérieures d’hydrolyse.72 Comme nous l’avons déjà signalé, dans le cas de la MMP-12 le domaine hémopexine seul possède une activité antimicrobienne grâce à des éléments de séquence très particuliers.
Le domaine charnière est situé entre le domaine catalytique et le domaine hémopexine et sa longueur varie selon les MMP. Cette variation peut avoir un effet non négligeable sur les mobilités relatives de ces deux domaines et leur orientation respective lors de l’interaction avec un substrat, modulant ainsi la spécificité des MMP pour leurs substrats.73
Structure 3D des domaines catalytiques des MMP
La résolution de la première structure cristallographique de MMP a été reportée par une équipe du groupe Merck, illustrant une forte implication du monde pharmaceutique dans le domaine des MMP à cette époque, implication motivée par la possibilité d’exploiter ces données structurales pour concevoir des inhibiteurs à des fins thérapeutiques (MMP-1).74 Depuis, plus de 100 structures de domaines catalytiques de MMP en complexe avec des inhibiteurs synthétiques ont été déposées dans la PDB.
Le domaine catalytique des MMP se compose de 200 résidus et comporte 2 atomes de zinc et 3 atomes de calcium. Les trois atomes de calcium, ainsi qu’un des atomes de zinc, sont impliqués dans la stabilisation de la structure tridimensionnelle de ce petit domaine protéique ne possédant pas de ponts disulfures. L’autre atome de zinc est situé dans le site actif de ces protéases. La structure tridimensionnelle est constituée de 5 feuillets β et de trois hélices, connectés par différentes boucles. Le site actif des MMP se caractérise par la présence d’une gorge peu profonde traversant d’ouest en est le corps de la protéine (nomenclature W. Bode2), dont le centre est occupé par un ion zinc (2+) (zinc catalytique en magenta, Figure 12a) en interaction avec trois histidines en bleu foncé. On remarque sur la Figure 12 la présence du glutamate situé juste au-dessus de l’ion zinc, résidu impliqué dans la catalyse. Cette cavité horizontale permet d’accueillir un fragment peptidique d’au moins six résidus et se trouve complétée par un sous-site de spécificité appelé cavité S1’. Cette cavité est un canal hydrophobe très profond traversant la protéine de part en part et qui est ouvert au solvant des deux côtés de la cavité (Figure 12). La paroi extérieure de cette cavité hydrophobe est définie par une boucle S1’ (en rouge, Figure 12), appelée aussi boucle de spécificité.
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Table des matières
Introduction
Chapitre I. Métalloprotéases Matricielles : généralités
I. Rôle fonctionnel des MMP
II. La métalloélastase à zinc ou MMP-12
II. 1. Caractérisation biochimique de la MMP-12
II. 2. Rôle de la MMP-12 dans les pathologies pulmonaires
II. 3. Rôle de la MMP-12 dans le développement de l’athérosclérose
III. Eléments de structure des MMP
III. 1. Les MMP, des protéases à plusieurs domaines
III. 2. Structure 3D des domaines catalytiques des MMP
IV. Inhibiteurs synthétiques de MMP
Chapitre II. Systèmes de détection des formes actives de MMP
I. Systèmes de détection utilisant l’activité catalytique des MMP
I. 1. Zymographies
I. 1. a) Zymographie de gélatine
I. 1. b) Zymographie de caséine
I. 1. c) Zymographie de collagène
I. 1. d) Zymographie d’élastine
I. 1. e) Zymographie de transferrine carboxyméthylée
I. 1. f) Zymographie in situ
I. 1. g) Zymographie en temps réel (real time zymography)
I. 2. Substrats naturels protéiques
I. 2. a) Substrats protéiques radioactifs
I. 2. b) Gélatine biotinylée
I. 2. c) Substrat protéique succinylé
I. 2. a) Substrats protéiques fluorescents
I. 2. b) Substrats naturels non modifiés
I. 3. Substrats synthétiques fluorescents
I. 3. a) Substrats peptidiques commerciaux FRET
I. 3. b) Peptides fluorogéniques de structure en triple hélice
I. 3. c) Substrats peptidiques et détection à l’argent
I. 4. Immunocapture et détection des formes actives de MMP
I. 4. a) Immunocapture et substrats peptidiques
I. 4. b) Test « sandwich »
II. Utilisation d’inhibiteurs de MMP pour détecter les formes actives
II. 1. Essais avec des inhibiteurs covalents
II. 2. Utilisation d’inhibiteurs greffés sur un support solide
II. 3. Principe des sondes « Activity Based Probe »
II. 4. Principe du marquage par photoaffinité
II. 5. Application du marquage par photoaffinité pour les MMP
II. 5. a) Groupement benzophénone
II. 5. b) Groupement trifluométhylphényldiazirine
II. 5. c) Groupement azoture d’aryle
II. 5. d) Bilan des sondes ABP développées dans la littérature pour la détection des formes actives de MMP
II. 6. Travaux antérieurs sur une première génération de sonde ABP
III. Objectifs de la thèse
Chapitre III. Résultats et discussion
I. Conception et synthèse de la sonde
I. 1. Conception de la sonde
I. 2. Synthèse de la sonde
II. Photomarquage de MMP recombinantes
II. 1. Affinité de la sonde pour les MMP
II. 2. Modification covalente des MMP recombinantes
II. 2. a) Marquage covalent du site actif des MMP
II. 2. b) Modification d’un panel de MMP recombinantes
II. 3. Sensibilité de détection des MMP
II. 4. Marquage d’un mélange de domaines catalytiques de MMP en tampon et en milieu complexe
II. 5. Etude des mutants de la hMMP-12
II. 6. Conclusion sur le marquage des MMP recombinantes
III. Etude de milieux complexes avec la sonde
III. 1. Caractérisation de la sonde 2 vis-à-vis de la mMMP-12
III. 2. Marquage de formes endogènes de la mMMP-12 dans les BAL
III. 3. Etude des carotides et aortes humaines
IV. Discussion
Conclusion générale
Chapitre IV. Matériels et méthodes
I. Synthèse chimique de la sonde
I. 1. Méthodes d’analyses en chimie
I. 1. a) HPLC
I. 1. b) ESI
I. 1. c) MALDI-TOF
I. 1. d) RMN
I. 1. e) Spectrophotomètre UV-Vis
I. 2. Réactifs chimiques
I. 3. Synthèse du synthon phosphinique
I. 4. Synthèse de la sonde radioactive
II. Matériels et méthodes biochimie
II. 1. Matériels et méthodes d’analyse en biochimie
II. 1. a) Dosage de Bradford
II. 1. b) Radioimageur (β-imager)
II. 1. c) Fluorimètre
II. 2. Enzymes, substrats et tests d’activité enzymatique
II. 2. a) Enzymes
II. 2. b) Substrats
II. 2. c) Tests d’activité enzymatique
II. 2. d) Activation des enzymes
II. 2. e) Titration des solutions d’enzyme
II. 2. f) Détermination de la constante d’inhibition des sondes (Ki)
II. 3. Dispositif de photo-irradiation
II. 4. Préparation et photoirradiation des échantillons
II. 5. Gels d’électrophorèse SDS-PAGE
II. 5. a) Gels d’électrophorèse monodimensionnels
II. 5. b) Gels d’électrophorèse bidimensionnels
II. 5. c) Révélation au nitrate d’argent des gels d’électrophorèse
II. 5. d) Transfert sur membrane PVDF (PolyVinylideneDiFluoride)
II. 5. e) Révélation en anticorps (Western Blot) des protéines sur les membranes PVDF
II. 5. f) Gels de zymographie de gélatine
II. 5. g) Gels de zymographie de caséine
II. 5. h) Gels de zymographie d’élastine
II. 6. Protocole d’aspiration pharyngique et de lavage bronchoalvéolaire
II. 7. Protocole d’extraction des aortes et carotides
Références bibliographiques
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