Rôle de la convergence oculomotrice dans le contrôle de la posture

Faisons une expérience. Mettez-vous debout avec les bras le long du corps. Puis, fixez un objet situé droit devant vous tout en maintenant votre position durant une vingtaine de secondes. Reposez-vous pendant 30 secondes et effectuez la même expérience avec les yeux fermés. Dans la dernière condition, vous allez percevoir que votre corps bouge plus, même si vous ne réalisez aucun mouvement volontaire. A travers cette expérience, vous avez montré que le corps n’atteint jamais la stabilité absolue : il oscille perpétuellement sur de faibles amplitudes.

Les entrées sensorielles étudiées en posture statique 

La présente thèse étudie le système de régulation de l’équilibre du corps en position érigée (ou orthostatique). Dans cette position, le système postural utilise plusieurs sources, dites « entrées », pour permettre le maintien de l’équilibre du corps : visuelles, vestibulaires, somesthésiques et proprioceptives. L’influence de la vision vient d’être illustrée par l’expérience précédente. En l’absence de vision, soit les yeux fermés, nous sommes généralement moins stables que les yeux ouverts. Au niveau de l’oreille interne, les capteurs du système vestibulaire (i.e. les canaux semi circulaires, l’utricule et le saccule) détectent les mouvements et la position de la tête et du corps. Les capteurs somesthésiques, notamment de pression situés au niveau de la voûte plantaire, participent grandement au contrôle de l’équilibre postural. Enfin, la prise en compte des relations spatiales entre les différents segments du corps (la proprioception) est utile dans le maintien de la posture. Une riche littérature existe à propos de la contribution de ces différentes entrées sensorielles dans le contrôle postural.

La posture statique 

Quelques généralités sur la posture statique seront décrites. Ensuite, nous présenterons la plate-forme de posturographie et différents paramètres issus de cet appareil. Enfin, seront évoquées les différentes entrées sensorielles utiles dans le contrôle de la posture orthostatique, en particulier la vision, ainsi que les bases neurales du contrôle de la posture.

Généralités sur la posture statique 

Gurfinkel et Osovets (1972) ont décrit que les oscillations posturales en position orthostatique formaient un cône (Fitzpatrick et al., 1992) qu’ils ont appelé le « pendule inversé » . Les pieds apportent une base de soutien pour le reste du corps dont l’équilibre est principalement contrôlé par les articulations des chevilles (articulations tibiotarsiennes).

D’autres articulations dont celles permettant des mouvements du bassin sont aussi impliquées dans le contrôle postural. Le groupe de Winter (Winter et al., 1996) rapporte qu’avec les pieds disposés l’un à côté de l’autre, les chevilles contrôlent les oscillations posturales dans le plan antéropostérieur et les hanches dans le plan médio-latéral. Les auteurs ont aussi démontré qu’en disposant les pieds différemment, par exemple un pied devant l’autre, la relation est inversée : les chevilles contrôlent davantage les oscillations médiolatérales, et les hanches, les oscillations antéropostérieures.

La plate-forme de posturographie 

La plate-forme de posturographie (ou plate-forme de force) est un instrument qui permet de mesurer l’équilibre postural. La plate-forme modélise la pression exercée par les pieds d’un sujet en un seul point : le centre de pression « CdP » (Gagey et Weber, 1999). Il existe une correspondance entre les oscillations posturales du sujet et les excursions du centre de pression dont le tracé est appelé le statokinésigramme (voir Fig. 2 ; Gagey et Weber 1999). Du statokinésigramme, sont extraits divers paramètres. Le paramètre spatial le plus souvent utilisé est la surface de l’ellipse de confiance (Schieppati et Nardone, 1991; Collins et De Luca, 1995; Tarantola et al., 1997; Doyle et al., 2004; Hatzitaki et al., 2004; Isotalo et al., 2004). La surface comprend 90% des positions du CdP les plus proches de la position moyenne du CdP (Gagey et Weber, 1999). Elle s’exprime en mm2 .

D’autres paramètres spatiaux comme les oscillations dans le plan antéropostérieur et médio-latéral (Winter et al., 1996; Kirshenbaum et al., 2001; Gravelle et al., 2002; Hertel et Olmsted-Kramer, 2006) ainsi que la longueur du statokinésigramme (Schieppati et Narbone 1991) sont aussi étudiés. Concernant le domaine temporel, de nombreuses études utilisent la vitesse des excursions du CdP (Pyykko et al., 1990; Teasdale et al., 1991). Enfin, l’analyse des bandes de fréquences des oscillations du CdP (la transformée de Fourier par exemple) est souvent employée dans divers travaux (Carpenter et al., 1999; Yarrow et al., 2001; Ledin et al., 2004).

Il existe une opposition entre la posturographie statique et dynamique (e.g. les platesformes mobiles asservies par les oscillations du sujet ou motorisées) selon laquelle l’examen de la posture statique serait une approche moins écologique que la posture dynamique. Cependant, le rapport réalisé à la demande de la Haute Autorité deSanté(http://www.hassante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/synthese_analys_de_la posture.pdf) suggère que les deux types de plate-forme apportent des informations complémentaires en ce qui concerne les stratégies mises en place dans le maintien de l’équilibre postural : la plate-forme statique examine les influences de diverses entrées sensorielles telles que la vision ou la proprioception  alors que la posture dynamique analyse les stratégies de réajustement de l’équilibre postural suite aux perturbations induites par la plate-forme.

Une autre opposition peut aussi être faite entre le centre de pression mesuré par les plates-formes et le centre de masse. Le centre de masse (CdM) correspond au barycentre du poids des différents segments du corps. L’équipe de Winter (Winter et al., 1998) a développé un modèle anthropométrique permettant de déterminer la position du CdM en utilisant des capteurs posés à différents endroits du corps .

Entrées sensorielles 

Le système postural assure le maintien de l’équilibre du corps en utilisant les entrées vestibulaires, somesthésiques, proprioceptives et visuelles. Le système vestibulaire est impliqué dans la détection des mouvements et positions de la tête et du corps. L’organe périphérique du système vestibulaire est composé de canaux semi-circulaires, de l’utricule, du saccule, du nerf vestibulocochléaire et de ses noyaux encéphaliques. Les canaux semi circulaires détectent les accélérations angulaires des mouvements de la tête et du corps. L’utricule et le saccule sont composés d’otolithes qui détectent les changements de position ainsi que les accélérations linéaires de la tête. Par exemple, lorsque la tête s’incline vers l’arrière, la gravité provoque un déplacement des otolithes informant le système nerveux central du changement de position de la tête. La somesthésie désigne, de façon générale, des sensations diverses (pression, chaleur, douleur…) élaborées à partir d’informations fournies par les récepteurs sensitifs du système somatosensoriel situés dans divers tissus de l’organisme (mécanorécepteurs, viscères, thermorécepteurs). Par exemple, lors du maintien de l’équilibre postural, les barorécepteurs de la sole plantaire déterminent les différences de pression entre les deux voûtes plantaires. La proprioception désigne l’ensemble des récepteurs, voies et centres nerveux impliqués dans la perception, consciente ou non, de la position relative des parties du corps les unes par rapport aux autres. Par exemple, les étirements musculaires et tendineux, et les mouvements articulaires sont captés respectivement par les fuseaux neuromusculaires, les organes de Golgi et les récepteurs ostéo-articulaires (corpuscules de Vater Paccini, voir Fig. 5).

Dans le système proprioceptif, figure la proprioception des muscles extraoculaires. Ces muscles constituent les organes effecteurs de la motricité oculaire (voir Chap. 2). Les muscles extraoculaires sont composés de trois couches : couche externe, marginale et interne (Büttner-Ennever, 2006). La couche externe, jouant le rôle d’une poulie, s’insère dans la capsule de Tenon. La couche interne est directement attachée à la sclérotique de l’œil. La couche marginale se situe entre les deux précédentes (voir Fig. 6). Pour chacune de ces couches, il existe des récepteurs proprioceptifs spécifiques : des fuseaux neuromusculaires dans la couche externe (Blumer et al., 1999), des organes de Golgi dans la couche marginale (Blumer et al., 2000), et des terminaisons en palissade dans la couche interne (Ruskell, 1999). La contraction d’un muscle extraoculaire est détectée par l’élongation des fuseaux neuromusculaires au niveau de la couche externe qui entraîne un mouvement de l’œil. Ce dernier stimule directement les terminaisons en palissade au niveau de la couche interne. Enfin, la tension exercée entre les couches externe et interne est détectée par les corps de Golgi au niveau de la couche marginale (Fig. 6). Ainsi, les muscles extraoculaires sont le siège d’une proprioception riche.

La vision est dédiée à la perception du rayonnement électromagnétique visible pour l’œil humain permettant la perception des objets. Environ 80 % des informations de l’environnement extérieur sont captés par le système visuel. Un ensemble (non exhaustif) d’études sur le rôle de la vision sur la posture est présenté ci-dessous.

L’influence de la vision 

Le test de Romberg 

Le test de Romberg est l’un des premiers à avoir montré l’importance de la vision sur la posture. Il compare la stabilité posturale, en position orthostatique, entre la condition yeux ouverts et yeux fermés. En général, la posture est plus stable en condition yeux ouverts. Le test doit son nom à son inventeur Moritz Heinrich Romberg (1795-1873), mis au point pour détecter les troubles de la proprioception des membres inférieurs chez des patients présentant un tabes dorsali (Lanska et Goetz, 2000; Lanska, 2002; Pearce, 2005). Cette maladie est associée à de fortes oscillations posturales pouvant entraîner une chute en condition yeux fermés (Pearce, 2005). Comme mentionné précédemment, ce test a été normalisé par l’AFP (Gagey et Weber, 1999; Gagey et al., 2001).

Le quotient de Romberg (QR) correspond au ratio de la condition yeux fermés sur la condition yeux ouverts pour un paramètre donné. Par exemple, le QR de la surface du CdP est de l’ordre de 2,5 (A.F.P, 1985; Gagey et Weber, 1999), signifiant que la posture en condition yeux fermés est 2,5 fois plus instable en comparaison avec la condition yeux ouverts.

Une des études de cette thèse est centrée sur le test de Romberg (Lê et Kapoula 2008). Elle apporte un nouvel éclairage sur le rôle de la vision associée à l’angle de la convergence des yeux en fonction de la distance.

Vision binoculaire versus monoculaire et dominance oculaire 

Diverses fonctions visuelles ainsi que de nombreuses tâches sont réalisées avec une meilleure performance en vision binoculaire qu’en vision monoculaire. Par exemple, le groupe de McKnight (McKnight et al., 1991) a montré que le jugement des distances était plus juste en vision binoculaire qu’en vision monoculaire. De même, les sujets sont plus précis durant des tâches manuelles en vision binoculaire qu’en vision monoculaire (Servos et al., 1992; Servos et Goodale, 1994; Servos, 2000; Magne et Coello, 2002). Les données de la littérature sont contradictoires en ce qui concerne le contrôle postural : Fox (1990) a observé une amélioration de la stabilité posturale en vision binoculaire qu’en vision monoculaire, amélioration rapportée que pour un sujet sur deux dans une étude récente (Isotalo et al., 2004). Le rôle de la vision monoculaire versus binoculaire fait l’objet de la seconde étude de la thèse qui réexamine cette question en fonction de la distance et de la vergence oculomotrice (Lê et Kapoula 2006).

Un autre aspect sur le rôle de la vision monoculaire dans le contrôle de la posture concerne la dominance oculaire. Gentaz (1988) a introduit le concept de l’œil postural ; l’œil postural induit une meilleure stabilité lorsqu’il est ouvert seul par rapport à l’autre œil. L’œil postural n’est pas forcément l’œil directeur. Ce dernier correspond à l’œil le mieux aligné à la cible fixée lors d’une tâche de visée binoculaire. Isotalo et collaborateurs (2004) n’ont pas observé de différence entre l’œil directeur (en l’occurrence l’œil droit) et l’œil non directeur.

Influence de la parallaxe visuelle 

La parallaxe visuelle correspond à un changement de la position angulaire relative entre deux points statiques engendré par le mouvement de l’observateur qui perçoit la scène. Lorsque l’observateur fixe un point, ses déplacements corporels dans le plan frontal dans un sens donné entraînent un mouvement visuel des objets positionnés en arrière du point de fixation dans le même sens. En revanche, les objets statiques placés en avant du point de fixation bougent dans le sens opposé .

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Table des matières

Introduction
Partie Théorique
I – La posture statique
II – Les mouvements oculaires
III – Posture statique et oculomotricité
IV – Posture et vieillissement
V – Problématique du travail expérimental
Partie Expérimentale
Méthodologie générale
Etude 1 – Effets de la distance et de la position du regard sur la stabilité posturale chez le sujet jeune et le sujet âgé
Etude 2 – La distance détériore la stabilité posturale seulement en vision binoculaire
Etude 3 – Rôle de la convergence oculaire dans le quotient de Romberg
Etude 4 – Les saccades horizontales ou verticales réalisées en distance proche ou lointaine ne détériorent pas la stabilité posturale
Etude 5 – Stabilité posturale chez des personnes présentant les symptômes de fatigue visuelle, céphalées et vertiges
Discussion générale
Conclusion

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