Facteurs de risque d’infection
Afin de personnaliser la prise en charge prophylactique anti-infectieuse, plusieurs facteurs de risque d’infection ont été décrits mais ceux-ci divergent d’une étude à une autre. On peut notamment citer l’âge, l’atteinte rénale ou pulmonaire, le taux d’immunoglobulines et de lymphocytes au diagnostic ou la survenue d’une hypogammaglobulinémie et d’une lymphopénie au cours du suivi, l’antécédent de bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) et de tabagisme, la dose cumulée de corticoïdes et de CYC, l’absence de prophylaxie par triméthoprime-sulfaméthoxazole ou le nombre d’infections au cours du suivi [33,34,36,48– 51].
De nombreux paramètres rendent difficile l’analyse des facteurs de risque d’infections chez les patients atteints de VAA. Les traitements d’induction ne sont pas toujours les mêmes, certaines cohortes comprennent à la fois des patients naïfs de traitement immunosuppresseur ou des patients rechuteurs avec une exposition différente aux traitements immunosuppresseurs en matière de molécules et de durée. Les traitements préventifs ne sont pas toujours détaillés, de même que les doses cumulées d’immunosuppresseurs ou les facteurs de risque d’infections indépendants de la vascularite et de son traitement.
Nous avons donc voulu étudier la survenue d’infections tardives dans une cohorte homogène de patients traités en induction par CYC pour une première poussée de VAA en comparant les patients selon leur traitement d’entretien, et déterminer des facteurs de risque d’infections afinde pouvoir optimiser les stratégies préventives chez ces patients.
Méthodes
Conception de l’étude et population étudiée
Cette étude rétrospective a été menée au Centre Hospitalier Universitaire de Caen Normandie.
Nous avons sélectionné les patients avec positivité des ANCA dans la base de données du laboratoire d’immunologie ainsi que les patients ayant un dia gnostic de GPA, PAM ou GEPA dans la base de données des hospitalisations, appelée « Programme de Médicalisation des Systèmes d’Informations » (correspondant aux codes M31.3, M31.7 et M30.1 selon la Classification Internationale des Maladies version 10). Nous avons inclus tous les adultes (≥ 18 ans) consécutifs avec un diagnostic de GPA ou de PAM qui ont reçu un traitement d’induction par CYC entre janvier 2006 et décembre 2017. Nous avons exclu les patients traités par RTX en induction afin d’avoir des populations comparables sur le traitement d’induction. Nous avons également exclu les patients atteints de GEPA car le niveau de preuve du RTX comme traitement d’entretien dans les GEPA est faible à ce jour [22,30], ainsi que les patients ANCA négatifs car ces patients semblent avoir des phénotypes et des réponses thérapeutiques différents par rapport aux patients avec positivité des ANCA [52,53]. Nous avons exclu tous les patients ayant rechuté, perdus de vue ou décédé lors des 6 premiers mois suivant l’induction afin de comparer les infections selon le traitement d’entretien.
Tous les patients ont été diagnostiqué comme atteints de VAA sur la base des critères de la conférence de consensus de Chapel Hill [1] et ont été classés comme GPA ou PAM selon l’algorithme de l’Agence européenne des médicaments [54].
Collecte des données
Les données suivantes ont été obtenues à partir des dossiers médicaux des patients : caractéristiques démographiques (âge, sexe), indice de masse corporelle (IMC) défini commele poids corporel divisé par le carré de la taille et exprimé en kg/m², spécificité des ANCA par méthode immuno-enzymatique ELISA (Enzyme-linked immunosorbent assay), type de VAA, score d’activité de la vascularite de Birmingham (BVAS) version 3 [55], Five Factor Score (FFS) 2009 [21], atteinte d’organes, traitement, date du traitement d’induction de la rémission, données biologiques au moment du diagnostic, facteurs de risque d’infections, type d’infection et gravité selon les critères de la terminologie commune pour les effets indésirables CTCAE score version 5 [56], statut vaccinal, prophylaxie primaire contre la pneumonie à Pneumocystis jirovecii et durée du traitement par corticoïdes ≥5 mg d’équivalent prednisone par jour.
Traitement
En tant qu’étude rétrospective, le traitement était à la discrétion du praticien, mais les patients étaient généralement traités par une corticothérapie orale de 1 mg/kg/j, parfois précédée de bolus de corticostéroïde de 500 mg à 1 g pendant un à trois jours pour les cas graves. Le traitement d’induction comprenait du CYC 6 doses à 0,6 g/m² J1, J15, J29 puis 0,7 g/m² tous les 21 jours. Lorsque la VAA était encore active après 6 boli de CYC, les patient s recevaient fréquemment 3 autres boli à 0,7 g/m². Dans la plupart des cas, les patients de ≥65 ans recevaient une dose réduite de CYC à 500 mg, et les patients souffrant d’une insuffisance rénale grave, avec une créatininémie ≥ 300 µmol/l, recevaient une dose réduite de CYC à 0,5 g/m². Les patients souffrant d’une hémorragie intra-alvéolaire grave ou d’une insuffisance rénale grave pouvaient recevoir des échanges plasmatiques. Lorsque le triméthoprime-sulfaméthoxazole était utilisé, celui-ci était prescrit à dose prophylactique à visée anti Pneumocystis jirovecii.
Le traitement d’entretien était généralement initié 1 mois après la fin du traitement d’induction par CYC. L’AZA était administré à une dose initiale comprise entre 1 et 2 mg/kg/j, pour atteindre une dose de 2 à 2.5 mg/kg/j. Le RTX était principalement administré à une posologie fixe de 500 mg à J0 et J15 puis tous les 6 mois.
Définitions
L’infection grave a été définie comme une infection avec un score CTCAE ≥3. Lorsque l’infection n’était pas documentée, nous la considérions comme bactérienne si une antibiothérapie avait été mise en place. Le choc septique était défini par la combinaison d’une infection, de la nécessité d’utiliser des catécholamines pour maintenir une pression sanguine normale et de la présence d’une concentration de lactates artériels supérieure à 2 mmol/L ou, si le taux de lactates n’était pas disponible, lorsque le praticien considérait que le patient souffrait d’un choc septique [57]. La date d’induction était définie par le jour de la première injection de CYC. Les infections dans les 6 mois suivant l’induction sont les infections survenant entre la date d’induction et le 6 ème mois suivant celle-ci, et étaient considérées comme sévères en cas de score CTCAE≥3. Un antécédent d’infection était retenu si le patient avait déjà eu une infection grave (score CTCAE ≥3), un antécédent de tuberculose, ou une infection par le virus de l’hépatite B (VHB), le virus de l’Hépatite C (VHC) ou le virus de l’immunodéficience humaine (VIH). Ont été considérés comme ayant une maladie chronique des voies urinaires les patients qui avaient des antécédents de chirurgie urologique ou de cathéter sus-pubien. Les néoplasies étaient considérées en rémission si elles n’étaient plus actives et ne recevaient plus de traitement spécifique au diagnostic de VAA. Le syndrome néphrotique était défini comme la combinaison d’une protéinurie >3 g/j et d’une hypoalbuminémie <30 g/L. Les infections au moment du diagnostic ont été définies comme des infections documentées, ou lorsque le praticien a considéré qu’une infection ne pouvait être exclue et a introduit une antibiothérapie en conséquence, survenant dans les 24 heures suivant le début du traitement d’induction, ou survenant dans les jours précédant le traitement d’induction mais avec un traitement antiinfectieux en cours au moment de l’induction. La rémission était définie par la disparition des signes d’activité de la maladie (BVAS=0). La rechute était définie comme la réapparition de symptômes cliniques après la rémission qui nécessitait un changement de traitement.
Les patients étaient considérés comme perdus de vue s’ils étaient suivis moins de 24 mois après l’induction en l’absence d’infection, ou que le suivi au-delà des 6 premiers mois ne permettait pas de savoir si une infection était survenue.
Analyses statistiques
Les variables catégorielles sont exprimées sous forme de pourcentage et ont été comparées en utilisant le test du Chi2 ou le test exact de Fisher selon les fréquences attendues. Les variables continues sont représentées par la médiane [quartile 1 – quartile 3] et ont été comparées en utilisant le test T et la correction de Welch en cas de variance inégale. La survie sans infection ou sans infection grave a été évaluée selon la méthode de Kaplan-Meier et les taux de survie ont été comparés à l’aide du test Log-rank. Les données des patients ont été censurées au moment du décès, de la première rechute, de la transplantation rénale, du premier épisode infectieux ou à 24 mois de suivi, ou s’ils recevaient du RTX après un traitement par AZA, selon ce qui s’est produit en premier.
Les facteurs de risque d’infections ont été étudiés par des analyses de Cox en analyse univariée, puis en analyse multivariée. Une régression de Cox étape par étape selon la méthode descendante de Wald a été effectuée avec les variables associées à une valeur de p<0,10 en analyse univariée et en incluant le traitement par RTX qui était une variable d’intérêt.
Le critère principal d’évaluation était de comparer la survie sans infection sévère dans les 24 mois suivant le traitement d’induction par CYC selon le traitement d’entretien de la rémission.
Les critères secondaires étaient la comparaison de la survie sans infection toutes sévérités confondues dans les 24 mois suivant le traitement d’induction par CYC selon le traitement d’entretien et les facteurs de risque d’infections.
Toutes les analyses statistiques ont été effectuées avec SPSS Statistics (version 22, IBM). Une valeur de p<0,05 a été considérée comme statistiquement significative.
Éthique
Cette étude a été menée conformément aux principes éthiques énoncés dans la Déclaration d’Helsinki et a reçu l’accord du Comité Local d’Éthique de la Recherche en Santé du CHU de Caen (n°ID72).
Résultats
Population totale
Dans notre recueil, 284 patients avaient une VAA. Nous avons exclu 40 patients avec une GEPA, 9 patients sans ANCA, 1 patient pédiatrique, 54 patients qui ont eu un traitement d’induction de rémission avant janvier 2006, 63 patients qui n’ont pas reçu de CYC comme traitement d’induction de rémission, 10 patients qui avaient des données incomplètes et 18 patients qui n’avaient pas un recul suffisant de 6 mois, parmi lesquels 8 sont décédés, 7 ont rechutés et 3 ont été perdu de vue. Nous avons donc inclus 89 patients (figure 1). Les caractéristiques des patients sont rapportées dans le tableau 1 et le tableau 2. Parmi ces 89 patients, 16 patients ont été traités par RTX en entretien, 63 patients par AZA, 6 par MMF, 2par CYC per os, 1 par MTX et 1 par corticoïde (CTC) en monothérapie.
Population des groupes AZA et RTX
Lorsqu’on compare le groupe traité par AZA au groupe traité par RTX, il y avait respectivement 39,7% et 43,8% de femmes. L’âge médian était de 66 ans dans les deux groupes avec une même proportion de patients âgés de plus de 65 ans. Il n’y avait pas de différence significative dans la proportion de GPA et MPA, PR3-ANCA et MPO-ANCA, ni dans les scores BVAS ou FFS entre les deux groupes. Il y avait significativement plus de patients avec une atteinte rénale dans le groupe AZA par rapport au groupe RTX, avec respectivement 92,1% et 62,5% (p<0,01). Les autres atteintes étaient comparables entre les deux groupes. Il y avait deux patients avec une néoplasie considérée en rémission dans le groupe RTX et aucun dans le groupe AZA (p=0,04).
Il y avait dans le groupe AZA une surreprésentation non significative de patients avec une néoplasie active (1,6% vs 0%), un diabète (6,3% vs 0%), une maladie pulmonaire chronique (14,3% vs 6,3%) et une insuffisance rénale chronique (14,3% vs 0%).
Les patients du groupe RTX étaient plus fréquemment vaccinés contre le pneumocoque (87,5% contre 38,1%, p<0,01), mais l’utilisation prophylactique du triméthoprime-sulfaméthoxazole était similaire entre les groupes.
Dans le groupe traité par AZA, les patients avaient une créatininémie (245 µmol/L vs 100 µmol/L, p<0,01) et un rapport protéinurie/créatininurie (0,21 g/mmol vs 0,04 g/mmol, p=0,02) plus élevés que dans le groupe RTX. Les autres paramètres biologiques étaient comparables entre les deux groupes.
Infections sévères
Neuf infections sévères (CTCAE ≥3) ont été recueillies (tableau 3) : 6 dans le groupe AZA, 1 dans le groupe RTX et 2 pour des patients ayant reçu un autre traitement d’entretien. Il n’y avait pas de différence significative entre le groupe RTX et le groupe AZA pour la survie sans infection sévère (9,5% vs 6,3%, p=0,647) (figure 2). Il n’y avait pas de différence significative pour les différents types d’infections sévères entre les deux groupes. Les infections sévères dans le groupe AZA comprenaient : une pneumopathie non documentée, une trachéo-bronchiteherpétique, une cystite emphysémateuse à Escherichia coli, une prostatite sur cathéter sus pubien à Enterococcus faecalis et E. coli, et une dermohypodermite sans germe documenté.
L’infection sévère dans le groupe rituximab était une ostéite à Staphylococcus aureus sensible à la méticilline et E. faecalis ayant conduit à une amputation. Aucune des infections sévères n’a entrainé d’état de choc septique ni d’hospitalisation en unité de soins intensifs, et aucune n’aété responsable d’un décès.
Infections toutes sévérités confondues
Dans notre cohorte, 31 patients avaient développé une infection toutes sévérités confondues au cours du suivi, avec une différence significative entre le groupe RTX et le groupe AZA pour la survie sans infection toutes sévérités confondues (62,5% vs 30,2%, p=0,029) (figure 3). Dans le groupe AZA, les infections étaient majoritairement communautaires (23,8%), bactériennes (19%) et pulmonaires (9,5%). Dans le groupe RTX, elles étaient également majoritairement communautaires et bactériennes (56,3% chacun) mais sans prédominance d’infection pulmonaire.
Facteurs de risque
En analyse univariée, les facteurs de risque d’infections sévères étaient le diabète (p=0,02), une maladie urinaire chronique (p<0,01), une néoplasie active (p<0,01), une maladie inflammatoire chronique (<0,05),un antécédent d’infection (p=0,02), la survenue d’une infection sévère dans les 6 mois suivant le traitement d’induction (p<0,01) et le traitement d’entretien par MMF (p<0,05) (Tableau 4). Parmi les trois patients porteurs d’une maladie urinaire chronique et ayant fait une infection sévère, un seul avait fait une infection urinaire. L’analyse multivariée des facteurs de risque d’infections sévères n’a pas été possible du fait d’un trop faible nombre d’évènements.
Discussion
Principaux résultats de l’étude
Cette étude n’a pas mis en évidence de différence significative concernant la survie sans infections sévères dans une population homogène de patients atteints de VAA nouvellement diagnostiquées et recevant un traitement d’induction par CYC, mais la survie sans infectiontoutes sévérités confondues est moins bonne dans le groupe RTX. Les facteurs de risque d’infections sévères en analyse univariée sont un diabète, une maladie urinaire chronique, une néoplasie active, une maladie inflammatoire chronique, un antécédent d’infection avant le traitement d’induction, la survenue d’une infection sévère précoce et un traitem ent d’entretien par MMF (Tableau 4). Les facteurs de risque d’infections toutes sévérités confondues en analyse multivariée étaient l’atteinte ORL (p<0,01), le traitement par RTX (p<0,01), une néoplasie active (p<0,01), le diabète (p<0,01), l’absence de dialyse à 6 mois (p=0,02), l’absence de tabagisme (p<0,05), et l’absence de vaccination anti-pneumococcique (p<0,01).
Survie sans infection sévère
De nombreuses études se sont intéressées aux infections sévères au cours du suivi des VAA mais la grande hétérogénéité des patients inclus, les différences de traitements en induction et en entretien, les périodes et les temps de suivi variables et l’impact de multiples facteurs de risque potentiels rendent difficile la comparaison entre ces études [12,28,31,33– 35,37,38,44,48,49,58–68]. Au sein de notre cohorte, la survie sans infection sévère tardive était comparable entre les patients traités par RTX et ceux traités par AZA pour une première poussée de VAA, après un traitement d’induction par CYC. Néanmoins, le peu d’évènements survenus doit inciter à la prudence quant à l’interprétation de ces résultats.
Caractéristiques des infections sévères
Les infections sévères que nous rapportons étaient majoritairement bactériennes, ce qui est cohérent avec les données de la littérature [31,37,38,48,49,58,62,65,66]. Dans le groupe AZA, un patient présentait une infection sévère en lien avec une infection herpétique. Ces infections à HSV sont bien décrites dans la littérature [38,62,63,65–68]. Il n’y a en revanche pas de recommandations précises pour l’utilisation d’un traitement prophylactique contre l’infection à herpes virus [22,30]. Nous n’avons pas relevé d’autres infections opportunistes sévères dans notre cohorte. Elles sont pourtant rapportées dans de nombreuses études [32,33,49,58,63–68].
On peut notamment citer la pneumocystose, l’aspergillose, la cryptococcose, l’histoplasmose, l’actinomycète, la nocardiose, les infections à mycobactéries, l’infection à CMV, et le zona.
Ces infections sont toutefois relativement rares [36,37,64,65]. La faible incidence d’infections opportunistes sévères observée dans notre étude est difficile à interpréter du fait de notre faible effectif. Une des explications pourrait être la proportion importante de patients traités par prophylaxie anti-pneumocystose, supérieure à 80%. Ces infections opportunistes sont également liées à l’immunosuppression de l’hôte, qui est plus importante lors de la phase d’induction, en lien avec le traitement immunosuppresseurs et l’activité de la maladie [35,38,48,51].
Infections toutes sévérités confondues
Dans notre cohorte, les patients du groupe RTX avaient une survie sans infection de toutes sévérités confondues moindre par rapport aux patients du groupe AZA (p=0,03). Ces infections étaient majoritairement bactériennes et communautaires, mais près de la moitié étaient non documentées dans le groupe RTX, traduisant une possible part importante d’infection virale dans ce groupe. L’impact de ces infections peut sembler négligeable, mais elles peuvent constituer un facteur de risque d’infection grave, de rechute ou de décès, comme rapporté dans une autre étude [33].
Facteurs de risque d’infections
Les facteurs de risque d’infections sévères retrouvés en analyse univariée dans notre cohorte ont pour certains déjà été décrits, comme le diabète [33,34,49] ou la survenue d’infections sévères précoces [67], tandis que l’antécédent d’infection avant le traitement d’induction, la maladie urinaire chronique, les maladies inflammatoires chroniques et la néoplasie active n’avaient jamais été décrits à notre connaissance. La maladie urinaire chronique est un facteur de risque d’infection sévère dans notre cohorte, mais seul un patient avec cet antécédent a présenté une infection urinaire. Dans l’étude de McGregor, il était proposé un dépistage précoce des infections urinaires par bandelette urinaire [33]. Ce dépistage a un intérêt limité chez les patients avec une maladie urinaire chronique qui sont à haut risque de colonisation urinaire [69]. Les maladies inflammatoires, peu étudiées, sont très hétérogènes au sein de notre cohorte, et bien qu’aucune étude ne confirme ces résultats, la présence d’une maladie inflammatoire doit inciter à une vigilance toute particulière chez ces patients. Le traitement par MMF était retrouvé comme facteur de risque d’infection sévère dans notre cohorte et ce traitement avait également été décrit en analyse univariée comme un facteur de risque d’infections sévères dans une précédente étude [34]. L’effectif de patients traités par MMF était faible dans notre cohorte et l’analyse multivariée n’a pas été possible. Dans l’étude IMPROVE comparant le MMF à l’AZA, le groupe MMF faisait autant d’infections sévères que le groupe AZA (3,9% vs 10%, p=0,4), mais le taux de rechute, qui était l’objectif principal, était plus important dans le groupe MMF [70]. De ce fait, le traitement par MMF n’est plus recommandé en traitement d’entretien d’une VAA dans les dernières recommandations françaises [30]. Le risque de développer une néoplasie est augmenté chez les patients atteints de VAA mais la néoplasie n’avait jamais été décrite à notre connaissance comme un facteur de risque d’infection dans cette population [71].
Il n’y avait que deux patients présentant une néoplasie active au moment d e l’induction et des études avec des effectifs plus importants sont nécessaire pour confirmer ces résultats.
Les facteurs de risque d’infections toutes sévérités confondues retrouvés significatifs en analyse multivariée sont l’atteinte ORL, le traitement par RTX, une néoplasie active, le diabète, l’absence de tabagisme, l’absence de dialyse à 6 mois et l’absence de vaccination antipneumococcique. L’atteinte ORL était un facteur de risque d’infection toutes sévérités confondues et cette atteinte était surreprésentée chez les patients avec une infection sévère alors que plusieurs études ont décrit l’atteinte ORL comme étant un facteur protecteur d’infection sévère [48,49]. Cette atteinte ORL est volontiers associée au phénotype GPA , mais le phénotype GPA n’était pas un facteur de risque d’infections toutes sévérités confondues en analyse multivariée dans notre cohorte, et le phénotype GPA n’était pas associé à un risque plus important d’infections d’autres études[66,72]. Il est possible que certains patients avec une GPA aient des facteurs de risque d’infection, possiblement en lien avec des atteintes d’organe plus spécifiques dans ce groupe de patients, comme les atteintes ORL, endobronchiques ou pulmonaires. Dans l’étude de Ono, le phénotype GPA était ainsi associé à plus de complications infectieuses des voies respiratoires que le phénotype PAM (18,5% vs 4,9%, p=0,04) [73].
L’atteinte pulmonaire n’a pas été retrouvée comme facteur de risque d’infection dans notre cohorte mais est bien décrite dans d’autres études [12,34,38,49,59,66].
Le tabagisme a été associée à un risque plus élevé d’infection sévère dans plusieurs études mais il s’agissait d’un facteur protecteur dans notre étude [34,35,74].
De même, les patients dialysés à 6 mois faisaient moins d’infection toutes sévérités confondues alors qu’il s’agit d’un facteur de risque bien décrit dans d’autre cohorte [48,74]. Ces patients avaient une couverture prophylactique possiblement plus importante par triméthoprime sulfaméthoxazole mais ce dernier traitement, bien que bien décrit comme protecteur, n’était pas associée à une diminution du risque d’infection dans notre cohorte [49]. Il s’agit probablement d’un biais de sélection puisqu’on a inclus uniquement les patients ayant survécu au-delà de 6 mois après le diagnostic. Or, la dialyse représente un facteur de risque de décès.
Dans notre cohorte, l’absence de vaccination anti-pneumococcique était un facteur de risque d’infections toutes sévérités confondues mais cela doit être nuancé avec le fait que seulement 3 des infections survenant chez les patients non vaccinés étaient des infections pulmonaires, dont une trachéo-bronchite herpétique, une pneumopathie à E. coli et Aspergillus fumigatus et une pneumopathie sans germe identifié.
Aucune étude n’a confirmé le bénéfice d’une vaccination anti-pneumococcique dans la prévention des infections pulmonaires au cours du traitement de VAA mais cette vaccination est recommandée dans cette population et semble d’autant plus légitime pour les patients traités par RTX [22,75].
Le RTX est un traitement plus récent, et il est possible que la fréquence plus importante d’infections toutes sévérités confondues soit le reflet d’une attention plus accrue des praticiens lors des consultations de suivi, avec un traçage plus attentif des infections en intercure par rapport aux patients traités par AZA. Le nombre plus important d’infections ORL et non documentées du groupe RTX peut traduire une plus importante proportion d’infection virale, même si cette supposition ne peut être vérifiée. Le RTX étant un anticorps chimérique antiCD20 avec une action anti-lymphocytaire B, il expose à un risque d’infections à germes encapsulés, d’infections opportunistes et d’infections virales [76]. Bien que le RTX ne cible pas les plasmocytes, les patients avec une VAA traités par RTX peuvent développer une hypogammaglobulinémie [77]. En effet, le RTX cible les cellules précurseurs des lymphocytes B dans la moelle, pouvant induire une diminution du renouvellement des plasmocytes sécréteurs d’anticorps, entrainant ainsi une diminution de la production d’immunoglobulines G et M [78]. Cette hypogammaglobulinémie est un facteur de risque d’infection sévère retrouvé dans les VAA [51,62,63]. L’hypogammaglobulinémie liée au RTX semble plus fréquente dans les VAA que dans d’autres maladies inflammatoires [79]. Par exemple, le pourcentage d’hypogammaglobulinémie dans les VAA était de 30,1% vs 8,6% dans la polyarthrite rhumatoïde (p<0,01). Le dosage de gammaglobulines n’était disponible que pour un très faible nombre de patients dans notre cohorte et il ne nous a donc pas été possible d’étudier son impact sur la survenue d’infection.
De nombreuses études ont montré un impact de la corticothérapie sur la survenue d’infection [19,35,36,38,50,61,67,80]. Les boli de corticoïde et la durée de corticothérapie supérieure à 5 mg/j n’étaient pas des facteurs de risque d’infections dans notre cohorte. En revanche, bien qu’il n’y ait pas de différence significative entre les deux groupes pour la durée de corticothérapie supérieure à 5 mg/j, cette durée était de 9,5 mois dans le groupe RTX et de 14 mois dans le groupe AZA. Le RTX est un traitement plus récent par rapport à l’AZA et les patients ayant bénéficié de ce traitement ont possiblement eu une décroissance en corticoïdes plus rapide, en lien avec les résultats de l’étude CORTAGE, publiée en 2015 [45].
L’insuffisance rénale est un facteur de risque d’infection retrouvé dans de nombreuses études [12,34,44,48,51,59,67,74]. Elle n’était pas un facteur de risque d’infection dans notre cohorte.
Cela pourrait être dû à l’exclusion des patients ayant décédé durant les 6 premiers suivant l’induction, l’insuffisance rénale étant un facteur de risque de décès.
Infections peu sévères
Les infections peu sévères peuvent influencer la prise en charge des patients en traitement d’entretien, en retardant par exemple une injection de RTX en cas d’infection en cours. Le nombre d’infections peu sévères est un facteur de risque d’infections sévères et ne doit en ce sens pas être négligé [33]. Dans notre cohorte, il n’y avait pas d’association entre les infections précoces de toutes sévérités confondues et la survenue d’infections sévères tardives. Nous n’avons pris en compte que le premier épisode infectieux, et non pas le nombre total d’infections précoces, comme dans l’étude de Mc Gregor [33], ce qui rend difficile la comparaison entre ces deux études.
Traitement des vascularites associées aux ANCA dans le contexte de pandémie à SARS CoV2
Dans le contexte actuel de pandémie virale, l’utilisation d’un traitement favorisant la survenue d’une infection virale doit faire discuter une alternative plus sûre. Le RTX est indiqué comme traitement d’induction et également comme traitement d’entretien dans les VAA, et est donc de plus en plus souvent prescrit dans cette indication [22,30]. Si ce traitement favorise la survenue d’infection virale, potentiellement grave, comme le SARS CoV2 (Severe Acute Respiratory Syndrome Coronavirus 2), il est légitime d’évaluer la balance bénéfice-risque du RTX en comparaison au CYC en traitement d’induction ou en comparaison à l’AZA en traitement d’entretien. Dans une étude observationnelle française, 17 patients avec une VAA ont développé une infection à SARS-CoV2, dont 9 hospitalisés en réanimation [81]. Sept patients sont décédés. Dans cette étude, les corticoïdes, le MMF et le RTX étaient associés à des formes plus sévères de la maladie chez les patients atteints de maladie inflammatoire et le RTX était également associé à une surmortalité chez ces patients (odds ratio 3,05).
Certains auteurs ont proposé de préférer un traitement par CYC à dose réduite et une décroissance rapide des corticoïdes plutôt que l’utilisation de RTX en traitement d’induction d’une VAA et en l’absence de contre-indication au CYC au cours de la pandémie à SARS CoV2 [82]. En cas de traitement d’entretien d’une VAA par RTX, ils proposent de retarder l’injection de RTX. L’injection de plasma de patients convalescents en cas de déplétion lymphocytaire B importante chez les patients atteints d’une pneumopathie à SARS CoV2 pourrait également permettre une amélioration clinique.
Conclusion
Dans cette cohorte de patients recevant un traitement d’entretien par RTX ou AZA pour une VAA nouvellement diagnostiquée après un traitement d’induction par CYC, la survie sans infections sévères tardives était comparable entre les deux groupes mais la survie sans infections tardives de toutes sévérités confondues était significativement plus courte dans le groupe RTX. En analyse univariée, les facteurs de risque d’infections sévères tardives étaient un antécédent d’infection avant le traitement d’induction, la survenue d’une infection sévère précoce, le diabète, une maladie urinaire chronique, une maladie inflammatoire chronique, une néoplasie active et un traitement d’entretien par MMF. Une stratégie de prévention des infections adaptée de façon individuelle et basée sur des facteurs de risque bien définis permettrait de diminuer le risque infectieux, et devrait être discutée le plus précocement possible dans la prise en charge du patient.
|
Table des matières
I. Introduction
A. Définition
B. Epidémiologie, diagnostic et pronostic
C. Traitement des vascularites associées aux ANCA
D. Risque infectieux dans les vascularites associées aux ANCA
1. Prévention des effets indésirables
2. Facteurs de risque d’infection
II. Méthodes
A. Conception de l’étude et population étudiée
B. Collecte des données
C. Traitement
D. Définitions
E. Analyses statistiques
F. Éthique
III. Résultats
A. Population totale
B. Population des groupes AZA et RTX
C. Infections sévères
D. Infections toutes sévérités confondues
E. Facteur de risque
IV. Discussion
A. Principaux résultats de l’étude
B. Survie sans infection sévère
C. Caractéristiques des infections sévères
D. Infections toutes sévérités confondues
E. Facteurs de risque d’infections
F. Infections peu sévères
G. Traitement des vascularites associées aux ANCA dans le contexte de pandémie à SARS CoV2
H. Risque d’infection sévère précoce
I. Limites et points forts de l’étude
V. Conclusion
Bibliographie