Risque des stress radiatifs et électrostatiques sur les composants à base de semi-conducteur à grand gap
Aujourd’hui, l’électronique est principalement composée de deux domaines : l’électronique du traitement du signal et de l’information et l’électronique de la mise en forme et de la gestion de l’énergie électrique. Dans ces deux domaines, la physique régissant le fonctionnement des composants est similaire mais les puissances électriques mises en jeu ne sont pas équivalentes et entrainent des optimisations différentes des structures à semi-conducteur. Le premier domaine correspond au traitement du signal et de l’information. Il est aujourd’hui au cœur de nos sociétés modernes avec un développement significatif autour des réseaux de communication et de l’information. Ce développement est illustré par les réseaux tels que internet, le web-objet ou bien encore la téléphonie mobile. Le deuxième domaine correspond, au sens large, à l’électronique de puissance qui regroupe le réseau de distribution de l’énergie électrique, les systèmes de puissance dans les transports et l’alimentation des applications industrielles et domestiques. Ce dernier champ d’application permet de faire la liaison entre ces deux domaines car les réseaux de communication liés au traitement du signal ont besoin d’être alimentés pour le stockage de l’information, le refroidissement, des data centers, etc…
L’électronique : une perpétuelle adaptation aux besoins de la société
Les matériaux semi-conducteurs permettent la réalisation de composants électroniques. L’avantage apporté par les matériaux grand gap pour l’électronique de puissance, comparé au silicium, est souligné dans cette section. Cette comparaison est suivie de la présentation de certains types de composants comme les diodes Schottky et les MESFET. Ces composants sont en effet utilisés comme véhicule test dans ce mémoire de thèse.
Les matériaux semi-conducteurs pour l’électronique
D’un point de vue électrique, un matériau semi-conducteur est un matériau présentant une conductivité électrique intermédiaire entre les métaux (conductivité<1.10³ S/m) et les isolants (conductivité>1.10⁻⁸ S/m) [SER08]. Il permet une conduction par deux types de porteurs de charges électriques : les trous et les électrons. Cette conduction est liée aux valeurs d’énergie que peuvent prendre les électrons d’un atome dans un semiconducteur. Ces valeurs sont modélisées par la théorie des bandes dans laquelle les électrons se répartissent dans des niveaux d’énergie, autorisés selon le principe de Pauli, et pour lesquels leur répartition est dépendante de la température, suivant la statistique de Fermi Dirac. Les électrons ont ainsi la possibilité de prendre des valeurs d’énergie comprises dans des intervalles, séparés par une bande interdite de largeur Eg appelées « gap » ou « band gap » Ce gap représente l’énergie nécessaire requise par un électron dans un semi-conducteur pour passer de la bande de valence à celle de conduction. Les matériaux à grand gap sont ceux qui ont un gap à franchir plus grand relativement à celui du silicium qui est la référence en électronique. Pour un semi-conducteur, les propriétés intrinsèques ne dépendent que de la structure, et non de l’adjonction d’impuretés (dopage). Les électrons de la bande de conduction sont générés en laissant un trou dans la bande de valence. Les concentrations d’électrons (n) et de trous (p) sont donc égales. Ainsi mis à part d’éventuels défauts cristallins, la conductivité électrique d’un semi-conducteur intrinsèque est intégralement déterminée par la structure du matériau et ne dépend que de la température. Un matériau semi-conducteur est néanmoins souvent dopé par des impuretés spécifiques. L’ajout d’atomes dopants au matériau permet, après activation à haute température, de modifier les concentrations d’électrons (n) et de trous (p) dans le matériau. Ce dopage permet la réalisation de jonction entre les zones à majorité d’électrons et à majorité de trous et confère au semi-conducteur des propriétés électriques adaptées aux applications électroniques telles que la réalisation de composants actifs (diodes, transistors, etc…). Certains matériaux se dopent plus difficilement comme le diamant car l’énergie d’activation à température ambiante des atomes dopants après injection, comme le Bore, est faible, à la différence du silicium (365meV au lieu de 3,6eV) [MAT09] [MAT10]. Pour le carbure de silicium (SiC), les impuretés issues du dopage se placent en substitution des atomes de carbone ou de silicium et possède ainsi des énergies d’activation du dopage similaire à ces atomes, donc faibles [RAY07]. Son dopage est donc bien plus facile que pour le diamant. La concentration de dopage dans le SiC peut varier du niveau de pureté du semi-conducteur (autour de 10¹³ cm⁻³) jusqu’à son niveau de dégénérescence électrique (autour de 10²⁰ cm⁻³ pour le SiC) [EKO02]. Pour la réalisation de composants électroniques, certains matériaux semiconducteurs sont directement issus de la colonne IV de la classification périodique des éléments comme le silicium ou le diamant ou le SiC alors que d’autres sont des matériaux III/V composés avec différents atomes comme le GaN. Le silicium est actuellement le matériau semi-conducteur le plus utilisé commercialement pour la réalisation de composants électroniques. Il doit cela principalement à sa facilité de dopage et à sa capacité d’oxydation naturelle qui forme le SiO2 et qui facilite l’intégration de ces composants dans des VLSI (Very-Large-Scale Integration).
Dans notre étude, le polytype du 4H-SiC a été choisi car il présente une mobilité de porteurs plus élevée (par rapport aux autres polytypes du SiC comme le 3H ou le 6H), ce qui le rend plus attrayant pour l’électronique de puissance. plusieurs propriétés qui rendent ces semi-conducteurs grand gap avantageux vis à vis du silicium [THI12] :
❖ Le band gap ou l’énergie de bandes interdites est représentatif du niveau d’énergie requis pour que les électrons puissent passer de la bande de valence à celle de conduction. Il est de 5,47 eV pour le diamant, de 3,36eV pour le GaN, de 3,26eV pour le SiC et de 1,1eV pour le silicium.
❖ Le champ critique de claquage est un paramètre lié aux bandes interdites. Il indique la capacité du composant à soutenir des tensions importantes tout en restant intégrable. Pour l’application d’un même champ électrique, le composant en diamant peut être trois fois plus petit que celui en SiC, lui-même quatre fois plus petit que celui en silicium. Les pertes par conduction sont donc réduites.
❖ La mobilité des électrons permet de déterminer la valeur du courant maximal dans le semi-conducteur et la résistance à l’état passant du composant RdsON. Le SiC présente une mobilité inférieure à température ambiante respectivement au silicium, au GaN et au diamant.
❖ La vitesse de saturation des électrons apporte une information concernant la rapidité de transfert des charges. Le SiC et le GaN présentent une vitesse doublement plus importante que celle du silicium. Les commutations sont ainsi plus rapides, ce qui représente un net avantage pour les pertes par commutation et donc pour l’électronique.
❖ Les caractéristiques thermiques comme la température de fusion ou la conductivité thermique fournissent un avantage à l’utilisation du SiC car il présente des valeurs cinq fois supérieures (pour la conductivité) à celles du GaN ou du Si [NAL99]. En effet l’’évacuation de la chaleur est un facteur de grande importance pour l’électronique de puissance avec des composants qui peuvent avoir à fonctionner en environnement sévère comme par exemple à proximité d’un moteur.
Les semi-conducteurs grand gap tels que le diamant, le SiC et le GaN ont ainsi des qualités prometteuses pour les composants d’électronique de puissance. Ces technologies de composant présentent de plus un compromis plus avantageux entre leur tenue en tension et leur résistance à l’état passant que pour les composants en silicium [MOR11]. Cela induit des pertes pour les composants de puissance de technologies grand gap inférieures à celles du silicium et donc une meilleure gestion de l’énergie électrique.
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Table des matières
INTRODUCTION
CHAPITRE 1 : RISQUE DES STRESS RADIATIFS ET ELECTROSTATIQUES SUR LES COMPOSANTS A BASE DE SEMI-CONDUCTEUR A GRAND GAP
1.1. L’ELECTRONIQUE : UNE PERPETUELLE ADAPTATION AUX BESOINS DE LA SOCIETE
1.1.1. Les matériaux semi-conducteurs pour l’électronique
1.1.2. Composants de l‘électronique de puissance
1.1.3. Présentation de l‘état commercial des technologies grand gap
1.1.4. Conclusion sur les semi-conducteurs grand gap
1.2. PROBLEMES LIES AUX ESD ET AUX RADIATIONS EN ELECTRONIQUE DE PUISSANCE
1.2.1. Décharges électrostatiques en électronique (ESD)
1.2.2. Définition et défaillances associées aux radiations ionisantes
1.2.3. Conclusion sur les stress ESD et radiatifs
1.3. CONSEQUENCES DES STRESS AUX ESD ET AUX RADIATIONS SUR LA TECHNOLOGIE SIC
1.3.1. Robustesse ESD d’une diode Schottky SiC
1.3.2. Tenue aux radiations des composants SiC
1.3.3. Conclusion sur l’étude à réaliser
CHAPITRE 2 : PRESENTATION DES OUTILS : COMPOSANTS, SIMULATION, ET OUTILS DE CARACTERISATION
2.1. PRESENTATION DES DIFFERENTS COMPOSANTS SIC ETUDIES
2.1.1. Architecture des différents composants étudiés
2.1.2. Caractéristiques électriques statiques des MESFET SiC
2.2. PREDICTION PAR L’OUTIL DE SIMULATION PHYSIQUE : TCAD SENTAURUS
2.2.1. Etude de la structure et de son maillage
2.2.2. Définition du fichier de commande « sdevice »
2.2.3. Conclusion sur les simulations TCAD Sentaurus
2.3. PRESENTATION DES OUTILS DE CARACTERISATION ESD ET D’ANALYSE DE DEFAILLANCE
2.3.1. Transmission Line Pulse et Human Body Model
2.3.2. Microscopes et testeurs sous pointes
2.3.3. Microscopie Electronique à Balayage (MEB)
2.3.4. Focus Ion Beam (FIB) ou Sonde ionique focalisée
2.3.5. Emission Microscopy ou EMMI
2.3.6. Thermographie infrarouge active ou Lock-in thermography
CHAPITRE 3 : ETUDE DE LA FIABILITE DU MESFET SIC LORS D’ESD ET LORS DE RADIATIONS
3.1. ETUDE DE STRESS AUX ESD SUR LES MESA-MESFET
3.1.1. Résultats des test ESD sur mesa-MESFET : simulation et expérimentation
3.1.2. Analyse de la défaillance après test TLP sur mesa-MESFET
3.1.3. Procédés d’amélioration de la robustesse face aux ESD du mesa-MESFET
3.2. ETUDE FACE AUX STRESS LIES AUX ESD SUR LES PLANAR-MESFET
3.2.1. Différentes robustesses aux ESD pour différentes architectures de planar-MESFET
3.2.2. Observation des défauts créés après ESD sur planar-MESFET
3.2.3. Explication des défaillances après test TLP sur planar-MESFET
3.2.4. Solutions proposées pour augmenter la robustesse aux ESD sur les planar-MESFET
3.2.5. Conclusion sur la robustesse de planar-MESFET SiC face aux ESD
3.3. POSITIONNEMENT ET OUVERTURE DE CETTE ETUDE ESD SUR MESFET SIC
3.3.1. Progrès et inconvénients de l’étude ESD sur SiC face au silicium
3.3.2. Choix du diélectrique intermétallique pour le SiC
3.3.3. Etude ESD du contact Schottky sur le SiC
3.3.4. Analyse de la robustesse lors de l’intégration du MESFET dans un circuit
3.4. ANALYSE DE LA TENUE AUX RADIATIONS DU MESFET SIC
3.4.1. Tenue aux radiations de mesa-MESFET en SiC
3.4.2. Tenue des planar-MESFET face aux radiations d’ions lourds
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
RESUME