La mousse est un matériau surprenant : léger, car constitué de nombreuses bulles ; bénéficiant d’une grande surface d’interface au regard de son volume ; caractérisé par des propriétés d’écoulement uniques. Ainsi, sa place est centrale dans l’industrie, que ce soit à des fins d’isolation thermique et acoustique, de récupération du pétrole ou encore d’extraction des minerais par flottation. L’optimisation rationnelle de chacun de ces processus industriels nécessite de connaitre les propriétés rhéologiques de la mousse utilisée. Cette rhéologie est intimement liée à la nature du milieu interstitiel choisi, qui est dans la grande majorité des cas un fluide complexe.
Or dans la plupart des études portant sur la rhéologie des mousses, le milieu interstitiel est soit purement liquide soit purement élastique. Peu d’études portent sur la rhéologie des mousses de fluides complexes, et les données sont encore trop peu nombreuses pour pouvoir déterminer avec exactitude l’effet du fluide complexe sur la rhéologie de la mousse .
Mousses
Les mousses sont des matériaux biphasiques constitués d’une phase continue liquide ou solide et d’une phase gazeuse. La phase gazeuse est dispersée sous forme de bulles (ou de pores) et sa fraction volumique est suffisamment élevée pour que les bulles soient en contact. Cet état est généralement atteint lorsque la fraction volumique de gaz s’approche de la fraction volumique d’empilement aléatoire, dont la valeur vaut environ 0,64 pour des sphères solides de même taille. Cependant, contrairement aux particules solides, les bulles sont déformables. En changeant de forme, elles peuvent atteindre une fraction de gaz ? proche de 1. Les bulles alors initialement sphériques (? < 0,6), se facettent et deviennent polyédriques (? → 1). La phase continue est principalement contenue dans les arrêtes des polyèdres et forme un véritable réseau .
Mousses aqueuses
Les mousses liquides sont des systèmes divisés constitués d’un grand nombre de bulles en contact ; elles se structurent en fonction de la dispersion de taille des bulles et de leur fraction de gaz. Nous nous intéresserons dans un premier temps à l’origine des propriétés interfaciales des bulles ainsi qu’aux structures de mousse observées, puis nous décrirons les conséquences de ces propriétés interfaciales sur l’écoulement de liquide à travers la mousse et sur l’écoulement de la mousse elle-même.
Tensio-actifs
L’état métastable des mousses liquides est dû à la présence de molécules stabilisatrices nommées tensio-actifs. Les tensio-actifs sont bien souvent des molécules amphiphiles, avec une tête hydrophile et une queue hydrophobe , qui se positionnent à l’interface entre le liquide et le gaz ; elles peuvent permettre d’éviter la coalescence des bulles. Grâce aux tensio-actifs, les bulles peuvent se déformer et créer des films stables. L’origine de cette stabilité et de la non coalescence des bulles de la mousse se trouve être les interactions répulsives entre les têtes des tensio-actifs, celles-ci sont de nature stérique ou électrostatique . L’épaisseur du film dépend donc des tensio-actifs utilisés ; il est généralement de l’ordre de la dizaine de nanomètres pour des tensio-actifs qui bénéficient d’une répulsion électrostatique [2].
Par ailleurs une fois positionnés à l’interface, les tensio-actifs diminuent l’aire effective d’interface, donc la tension de surface . L’augmentation de la concentration des tensio-actifs en solution conduit à une augmentation de l’adsorption des tensio actifs à l’interface et entraîne une diminution de la tension de surface. Il existe tout de même une limite de concentration au- delà de laquelle l’interface est saturée de tensio-actifs ; les tensio-actif s’agrègent alors en volume et forment des micelles : cette concentration est appelée concentration micellaire critique (C.M.C). Pour stabiliser une mousse contre la coalescence, il est nécessaire de se situer au-delà de la CMC, de telle sorte que l’ensemble des interfaces liquide-gaz soient couvertes par les tensio-actifs.
Structures et Géométries
Les structures et géométries de la mousse aqueuse ont principalement été décrites pour des mousses possédant une faible fraction de liquide ?? = 1 − ? ≪ 0,1. Dans ses expériences réalisées en 1873[3], Joseph Plateau décrit la structure des mousses aqueuses de savon dites « sèches », c’est-à-dire avec une fraction de liquide ?? < 0,01 . Les bulles de la mousse sont alors polyédriques. Il distingue les éléments de structure suivants : les films, qui sont les zones de contact entre les bulles ; les bords de Plateau, qui sont les arrêtes des polyèdres et correspondent à l’intersection de 3 films ; et les nœuds, ou vertex, qui correspondent aux coins des polyèdres et sont l’intersection de 4 bords de Plateau. Il remarque que pour minimiser l’énergie liée aux interfaces et être à l’équilibre de pression et de force de tension localement, les mousses doivent répondre à 3 lois :
• La courbure des films de la mousse doit répondre à la loi de Laplace
• Au niveau des bords de Plateau, les films se coupent avec un angle de 120°
• Au niveau des nœuds, les bords de Plateau se croisent avec un angle de 109,5° .
Drainage
Le drainage des mousses aqueuses correspond à l’écoulement de la phase continue de la mousse et la remontée des bulles sous l’action de la gravité: le liquide s’écoule irréversiblement vers le bas et la fraction du liquide diminue à mesure que le drainage s’effectue. Pour modéliser cet écoulement, on considère que la mousse est un milieu poreux. Par analogie avec les milieux poreux classiques, on considère les bulles comme la matrice solide du milieu poreux et le réseau de la mousse comme le « vide » dans lequel le liquide s’écoule. Toutefois, la mousse possède la particularité d’avoir un réseau déformable, sa forme change à mesure que le liquide s’écoule.
Perméabilité
La loi de Darcy est une loi d’écoulement macroscopique, or pour établir l’expression de la perméabilité il faut considérer l’ensemble des écoulements locaux de la mousse au niveau des nœuds, des bords de Plateau et des films. Bien que la perméabilité dépende d’abord de la forme du réseau liquide, donc de ϕ, Leonard et Lemlich [13] ont montré qu’elle varie également en fonction du profil de vitesse des écoulements dans la mousse. Les auteurs font l’hypothèse que la vitesse du liquide drainant est nonnulle au niveau des parois des bulles, les parois sont qualifiées de « mobiles » et leur mobilité affecte les profils de vitesse du liquide dans les bords de Plateau. La mobilité des parois M est qualitativement évaluée par le rapport suivant M = ηr⁄ηsurf avec ηsurf la viscosité de surface de la bulle. Ainsi lorsque M≪ 1 , les parois sont « rigides » et l’écoulement dans les bords de Plateau est un écoulement de Poiseuille tandis que lorsque M ≫ 1 les parois sont mobiles et n’entravent pas l’écoulement, de sorte que l’écoulement sera de type bouchon .
Il résulte de ces observations deux modèles distincts pour la perméabilité, (1) le modèle des canaux, lorsque les parois sont considérées comme totalement « rigides» et que la mousse est sèche : la dissipation a lieu principalement dans les bords de Plateau (2) le modèle des nœuds, lorsque les parois sont « mobiles » ou que la mousse est plus humide : la dissipation se fait principalement dans les nœuds[15][16]. Il semble d’ailleurs possible de passer d’un modèle à l’autre par une simple augmentation de la viscosité du liquide .
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Table des matières
Introduction générale
Chapitre I. Etat de l’art
I. Mousses
A. Mousses aqueuses
Interfaces et tensio-actifs
Tension de surface
Tensio-actifs
Structures et Géométries
Pression osmotique
Drainage
Perméabilité
Expériences de drainage
Rhéologie
Déformation et mise en écoulement de la mousse aqueuse
Elasticité linéaire
Viscoélasticité linéaire
Mousse aqueuse en écoulement
B. Mousses de liquides complexes
Stabilité
Drainage
Rhéologie
C. Mousses solides
II. Suspensions
A. Suspension de grain
B. Suspensions de bulles
Rhéologie
C. Rhéologie des suspensions dans des fluides à seuil
Chapitre II. Matériaux et Méthodes
I. Mesures de rhéologies
A. Calcul de la contrainte et de la déformation
Cas des matériaux à réponse linéaire
Les plans parallèles
La géométrie de vane
Cas des matériaux mis en écoulement
Détermination des paramètres rhéologiques
B. Séquences de mesures
Mesures oscillatoires
Mise en écoulement à taux de cisaillement constant
II. Composants des mousses de fluides complexes
Mousse aqueuse
Génération et caractérisation de la mousse aqueuse
Dispositif de génération
Formulation de la phase continue
Mesure de la taille des bulles
Mesure de la fraction en gaz
Outil numérique de mesure de la fraction de liquide
Mesures rhéologiques sur la mousse aqueuse
Emulsion
Génération de l’émulsion mère
Mesure de la taille des gouttelettes
Mise en place d’un dispositif milifluidique de dilution.
Mesures rhéologiques sur les émulsions
Suspensions de grains
III. Systèmes générés : Mousses de fluide complexe
Mousses de grains
Dispositif de mélange
Structures observées
Caractérisation des mousses de grains
Mesures de rhéologie
Mesure de fraction de grains
Mousse d’émulsion
Dispositif de mélange
Structure des mousses d’émulsion
Mesures de la fraction d’huile et de la fraction de gaz
Mesures de rhéologie
Chapitre III. Elasticité linéaire des mousses de grains
I. Introduction
II. Article sur l’élasticité linéaire des mousses de grains percolés
III. Articles sur l’impact de la transition d’exclusion sur l’élasticité linéaire
IV. Annexe
A. Transition d’exclusion
B. Percolation de rigidité
Chapitre IV. Elasticité linéaire des mousses d’émulsion
I. Introduction
II. Article sur l’élasticité des mousses d’émulsion
III. Annexe
A. Contribution élastique des bulles
B. Unification des données
Chapitre V. Contrainte seuil des mousses de fluides complexes
I. Introduction
II. Mise en écoulement des mousses de fluides complexes
A. Mousse d’émulsion
B. Mousses de suspension
III. Article sur la contrainte seuil des mousses de fluides complexes
Conclusion générale
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