Les drones sont de plus en plus utilisés pour des tâches de loisirs comme la photographie, mais également par des exploitants professionnels pour l’aide au sauvetage, la livraison de médicaments ou encore la surveillance de zones difficilement accessibles comme les voies de chemin de fer. Ainsi, de nouvelles applications apparaissent grâce à l’amélioration de l’autonomie et des capteurs embarqués des appareils [105]. Comme toute activité aéronautique, les opérations de drones présentent des risques qui peuvent avoir des conséquences dramatiques pour les biens et les personnes [117]. La réglementation de sécurité applicable aux drones a deux objectifs principaux. D’une part, elle assure la sécurité des autres usagers de l’espace aérien en réduisant le risque de collision en vol. D’autre part, elle assure la sécurité des biens et des personnes au sol en limitant le risque de crash. Depuis le premier janvier 2021, une réglementation européenne sur les Unmanned Aircraft System, ou UAS – autre dénomination des drones, est applicable dans l’ensemble des États membres de l’Union européenne, ainsi qu’en Islande, au Liechtenstein, en Norvège, et en Suisse. L’approche mise en oeuvre pour garantir la sécurité des missions de drones consiste à identifier les risques et à fournir des moyens de mitigation pour les réduire en dessous de seuils acceptables. Par exemple, le risque induit par la proximité d’une zone de vol en parachute pourra être mitigée par la réalisation de la mission considérée à une heure pour laquelle la probabilité de croiser un parachutiste est très faible ; ou la demande d’une zone réservée temporairement au drone seul.
Des scénarios types, dont les risques sont déjà caractérisés, ont été décrits et permettent aux exploitants de préparer et réaliser des missions qui correspondent à ces scénarios en remplissant une déclaration. Certaines opérations qui ne correspondent à aucun de ces scénarios type, comme des missions dites de grande élongation pendant lesquelles le drone parcourt plusieurs kilomètres (ex : la surveillance de chemin de fer) nécessitent une autorisation des autorités pour pouvoir être réalisées. Dans ce cas, une boucle impliquant le client, l’exploitant de drones, le télépilote, le régulateur, les autorités de la gestion du trafic aérien et préfectorales se met en place. Les interactions humain-machine sont primordiales pour maintenir la sécurité des opérations planifiées.
Dans cet article, nous nous intéressons aux méthodes et outils existants qui permettent de soutenir la sécurité dans les opérations de drones, durant toutes les étapes de la mission : préparation, demande d’autorisation et réalisation. Au sein de la communauté IHM et robotique, plusieurs états de l’art recensent des travaux qui visent à faciliter les missions impliquant l’opération de drones. De nombreuses facettes sont couvertes comme la conception de drones [29], l’optimisation de trajectoires [1], les aspects de vie-privée ou de résistance aux attaques malveillantes [5], les interactions avec les drones pour du pilotage de loisir [51, 105], l’aide au contrôle d’essaims de drones [50], ou encore les outils et interactions disponibles pour les télépilotes pendant les phases de vol [87]. Cependant, aucun de ces états de l’art ne traite explicitement du support à la sécurité des missions de drones. A notre connaissance, l’interaction humain-machine pour la sécurité des opérations de drones ne semble que très peu étudiée. Ce manque constitue un frein au développement de cette activité en toute sécurité.
Cet article débute par la description du système de drones civils, de la réglementation européenne et du concept de U-Space caractérisant la gestion du trafic aérien qui est envisagée pour les drones. Nous insistons sur les aspects liés à la sécurité des opérations pertinents pour appréhender les travaux existants sur cette thématique. L’article continue avec une revue systématique de la littérature des approches existantes pour soutenir la sécurité des mission de drones, soit des méthodes permettant d’évaluer la sécurité ou des moyens utilisés pour mitiger les risques a priori ainsi que pendant la phase vol. Nous détaillons les travaux mettant en oeuvre des approches IHM et leurs contributions afin d’aider les concepteurs de futurs systèmes. Nous identifions également des usages ou éléments du système de drones qui sont peu couverts par la littérature. Enfin, une discussion permet de soulever des thématiques à explorer pour améliorer la sécurité des vols et le processus de préparation de mission de drones, pour pouvoir orienter de futurs travaux de recherche dans ce domaine.
LES OPÉRATIONS DE DRONES
La réalisation d’une mission avec un ou plusieurs drones nécessite la mise en oeuvre de plusieurs sous-systèmes permettant le contrôle, la commande, la communication ou le pilotage dans un cadre légal formel. En France, le guide des activités particulière [42] établit que « l’utilisation en extérieur d’engins volants, même lorsqu’ils sont de petite taille, qu’ils ne transportent personne à leur bord et qu’ils sont utilisés à basse hauteur, est considérée comme une activité aérienne et relève donc de la réglementation applicable à l’aviation civile. » Dans cette partie, nous introduisons et nous décrivons les éléments nécessaires pour comprendre le contexte et les usages des drones. Nous mettrons en avant les points concernant la sécurité des opérations.
Système de drones
Un drone, aussi appelé Unmanned Aircraft System (UAS), désigne tout aéronef sans pilote à bord, pouvant être exploité de manière autonome ou être piloté à distance avec l’équipement servant à le contrôler [31, 61]. Les systèmes de drones [23] sont en général composés de trois segments principaux : le segment air, soit le ou les aéronefs composés de divers équipements (propulsion, batterie, électronique embarquée et capteurs) ainsi que leur charge utile (une caméra, des poches de sang, ou même des passagers non-pilote) ; le segment sol, qui comprend la station de contrôle au sol, les éléments pour le décollage et la récupération ; le segment de communication, permettant le lien entre le segment sol et le segment air, et pouvant inclure l’usage de satellites. Ces segments sont mis en oeuvre pour réaliser des missions de divers types comme expliqué dans ce qui suit.
Missions de drones et domaines d’application
Historiquement, les drones servaient aux missions “Dirty, Dull, Dangerous” (3D) pour “Sales, monotones et dangereuses”. Aujourd’hui, il est difficile d’établir une liste exhaustive des domaines d’application actuels car les nouveaux usages se multiplient. Au delà d’une pratique de loisir, plusieurs grands domaines d’applications peuvent être dégagés : télémesures, inspections industrielles, photographie aérienne, surveillance et reconnaissance, réponse aux urgences, collecte d’informations atmosphériques ainsi que des applications requérant des interactions physiques avec des substances, des matériaux et des objets – dont la livraison par drones fait partie [18]. D’un point de vue technique, on distingue deux types de missions : les missions en vue directe, ou Visual Line of Sight (VLOS), dans lesquelles le pilote à distance est capable de maintenir un contact visuel continu avec le drone, et les missions hors-vue, ou Beyond Visual Line of Sight (BVLOS), lorsque le contact visuel ne peut être maintenu pour cause de distance, d’obstacles ou de climat [30].
Réglementation européenne
La Commission Européenne a publié en juin 2019 deux règlements portant sur les UAS qui expriment des exigences sur l’importation et la fabrication des drones, ainsi que sur les règles et procédures applicables à leur exploitation. En France, c’est la Direction Générale de l’Aviation Civile (DGAC) qui met en oeuvre cette réglementation [79]. La hauteur maximale à laquelle les drones pourront s’élever est fixée à 120m dans l’espace aérien à très basse altitude ou Very Low Level (VLL). Toutefois, cet espace aérien n’est pas forcément vide et d’autres usagers peuvent aussi l’exploiter (planeur, parachutisme, hélicoptères). Les opérations sont classées en trois catégories d’exploitation : ouverte, spécifique ou certifiée, selon les risques qu’elles présentent. Les risques considérés concernent les autres objets présents dans les airs (risque air) ou ceux présents au sol (risque sol) [31]. Ces catégories sont décrites dans les sections suivantes dans un ordre de risques croissants .
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Table des matières
I)INTRODUCTION
II) GENERALITES
III) METHODOLOGIE
IV) RESULTATS
V) COMMENTAIRES ET DISCUSSION
VI) CONCLUSION
VII) REFERENCES
ANNEXES
RESUME