Revue des teneurs en sulfates
Sources externes
Les sulfates peuvent provenir d’origines externes multiples et se présenter à proximité du béton sous forme solide (sols gypseux), liquide (eaux naturelles percolant à travers les sols et solutions plus ou moins concentrées d’origines diverses), ou gazeuse (pollution atmosphérique par le SO2).
Pour s’affranchir de la réaction sulfatique susceptible de se produire avec les sulfates provenant d’une source externe, la norme NF EN 206-1, article 4.1 [NF EN 206-1, 2004], établit trois classes d’exposition, correspondant à trois niveaux d’agressivité chimique selon la teneur en sulfates. Pour chacune de ces classes, la norme FD P 18-011 [FD P 18-011, 2009] recommande les types de ciment à utiliser. Les classes d’exposition à l’agressivité chimique sont nommées XA1, XA2 et XA3 et correspondent respectivement à :
● un environnement à faible agressivité chimique (XA1)
● un environnement d’agressivité chimique modérée (XA2)
● un environnement à forte agressivité chimique (XA3) .
Les sols
Dans les sols, les sulfates sont naturellement présents et constituent un élément nutritif pour les végétaux. Leur teneur, relativement faible, est comprise entre 0,01 et 0,05% en masse de sol sec [Escadeillas & Hornain, 2008]. Cependant, dans certaines régions comme le bassin parisien, les sols peuvent contenir des sulfates de calcium (gypse de formule CaSO4.2H2O et anhydrite de formule CaSO4) avec pour conséquence une teneur en sulfates importante dans le milieu. Il n’est pas rare de trouver des teneurs supérieures à 5% dans ce type de sols. Les pyrites, qui sont des sulfures de fer, présents dans certains sols constituent également une source potentielle de sulfates en cas d’oxydation. A cela s’ajoute la décomposition biologique aérobie des matières organiques contenant du soufre, comme les engrais et les végétaux à la surface du sol.
Les eaux souterraines et d’infiltration
Les eaux souterraines et d’infiltration peuvent se charger en ions sulfate, SO4 2- , lorsqu’elles sont au contact avec certains sols contenant par exemple des sulfates de sodium, de potassium ou de calcium. Ces sulfates possèdent en général une solubilité élevée dans l’eau, excepté pour le gypse . L’agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs a relevé des teneurs en sulfates de l’ordre de 5 à 32 mmol/L dans les eaux souterraines de certains sites géologiques. Comme le précise Planel [Planel, 2002], la teneur en sulfates dépend du site, du massif et de la nature des roches. Par ailleurs, dans les environnements industriels (industries chimiques…), les eaux souterraines et d’infiltration peuvent être riches en sulfates, avec des concentrations supérieures aux limites d’agressivité généralement admises. Le choix du ciment est donc primordial afin d’éviter des dégradations du béton résultant de la réaction sulfatique.
L’atmosphère
Dans les environnements industriels et dans les grandes agglomérations urbaines, l’atmosphère peut se charger en dioxyde de soufre, SO2, résultant de la combustion des charbons et des fiouls. En présence d’oxygène et d’humidité, le dioxyde de soufre peut former de l’acide sulfurique H2SO4. Sa présence conduit à des salissures et des dégradations de certaines façades, souvent dues à la formation superficielle de gypse issue de la réaction entre l’acide sulfurique et la chaux ou le carbonate de calcium et à la fixation de poussières [Divet, 2001].
Sources internes
Au sein du béton, les sulfates sont apportés par les constituants initiaux du matériau (ciment, adjuvants, eau de gâchage, granulats).
Le ciment
Le ciment Portland (CEM I) est composé de clinker et de sulfates de calcium fournissant des ions sulfate. En l’absence de ces ions, l’hydratation des aluminates tricalciques, 3CaO.Al2O3 ou C3A en nomenclature cimentière , présents dans le ciment, forme très rapidement des aluminates hydratés, ce qui conduit à une prise rapide. Afin de réguler cette hydratation, du sulfate de calcium est donc introduit dans le ciment, sous forme d’anhydrite, d’hémihydrate ou de gypse, et joue le rôle de régulateur de prise. Ces minéraux libèrent des ions sulfate, qui réagissent avec les aluminates tricalciques pour former de l’ettringite, nommée ettringite primaire, qui n’est pas néfaste compte tenu que cette formation prend place dans un béton qui n’a pas encore durci. Le clinker lui-même est aussi une source de sulfates puisque, suivant sa provenance géographique, il peut contenir en proportions variables :
● de l’arcanite (K2SO4) et de l’aphthitalite, (K3Na(SO4)2) qui sont des sulfates alcalins
● de la langbeinite de calcium (Ca2K2(SO4)3)
● de l’anhydrite (CaSO4)
● des sulfates en substitution dans ces phases silicatées (C2S et C3S) .
La teneur en sulfates des ciments, exprimée en SO3, est limitée par la norme NF EN 197-1 (article 7.3) [NF EN 197-1, 2001] à 3,5% ou 4,5% au maximum selon le ciment et sa classe de résistance.
Les adjuvants
Afin de modifier les propriétés du béton à l’état frais et/ou durci, des adjuvants, en particulier les super-plastifiants, sont introduits en faible quantité au moment du malaxage. Les polymères présentant une fonction sulfonate (pour les rendre fortement solubles) peuvent libérer des ions sulfate par hydrolyse puis oxydation. Cependant, la quantité d’adjuvants est limitée à 5% en masse du ciment et la teneur en ions sulfate, SO4 2- , ne devant pas dépasser 2% par rapport de l’extrait sec, l’apport en sulfates par les adjuvants reste négligeable [NF EN 934-2, 2009].
L’eau de gâchage
L’eau de gâchage, utilisée pour générer les réactions d’hydratation du ciment et donner une certaine maniabilité au béton frais, est susceptible de contenir des sulfates pouvant créer des dommages dans le béton. Cependant, la norme NF EN 1008 (article 4.3.2) [NF EN 1008, 2003] limite la concentration en sulfates dans l’eau à 2000 mg/L, exprimée en ions sulfate SO4 2- .
Les granulats
Gypse, hémihydrate, anhydrite ou encore pyrites peuvent se retrouver dans les granulats et fournir des ions sulfate. Ce problème se rencontre principalement dans l’utilisation de granulats recyclés issus de la démolition, notamment des bâtiments qui sont enrichis en plâtre (hémihydrate) ce qui limite considérablement leur utilisation. L’emploi de granulats pollués par des minéraux contenant des sulfates fournit une quantité de sulfates supérieure à celle nécessaire à l’hydratation contrôlée du ciment et ainsi favorise la dégradation du béton par gonflement et fissurations à plus ou moins long terme.
En ce qui concerne les pyrites contenues dans les granulats, elles peuvent dégrader le matériau [Shayan, 1988 ; Ayora & al., 1998]. L’oxydation des pyrites, en présence d’oxygène et d’humidité, produit de l’acide sulfurique et de la goethite (oxyde de fer responsable de tâches brunâtres/jaunâtres pouvant apparaître à la surface du béton). L’acide sulfurique peut alors réagir avec la portlandite Ca(OH)2, pour former du gypse. Celui-ci est susceptible par la suite de donner naissance à l’ettringite, en réagissant avec les aluminates du ciment. Cette ettringite ainsi formée dans la pâte de ciment durcie est potentiellement expansive. Elle est alors dite tardive. Cependant, pour que ce phénomène se développe, il est nécessaire de se trouver en présence d’oxygène et d’humidité, mais également d’avoir des fissures dans les granulats afin de rendre accessibles les pyrites.
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Table des matières
Introduction générale
Chapitre I. Etude bibliographique
Introduction
I.1. Revue des teneurs en sulfates
I.1.1. Sources externes
I.1.2. Sources internes
I.2. Les sulfates de calcium
I.2.1. Le gypse
I.2.2. L’anhydrite
I.2.3. Solubilité des sulfates de calcium
I.2.3.1. Solubilité des sulfates de calcium dans l’eau
I.2.3.2. Solubilité des sulfates de calcium en milieu basique
I.3. La réaction sulfatique interne
I.3.1. Les causes de l’attaque sulfatique interne
I.3.2. Structure de l’ettringite
I.3.3. Les différents types d’ettringite
I.3.3.1. L’ettringite primaire
I.3.3.2. L’ettringite secondaire
I.3.3.3. L’ettringite de formation différée ou DEF
I.3.4. Le gonflement ettringitique
I.3.4.1. La théorie de la pression osmotique et/ou d’absorption d’eau par l’ettringite colloïdale
I.3.4.2. La théorie de la double couche électrique
I.3.4.3. La théorie des pressions de cristallisation
I.3.5. Les facteurs influents la réaction sulfatique interne
I.3.6. Le cas particulier de la thaumasite
I.4. Analyse des études sur les granulats à forte teneur en sulfates
I.4.1. Généralité sur les granulats
I.4.2. Les granulats recyclés
I.4.3. Les granulats à haute teneur en sulfates
I.5. Les essais accélérés
Conclusion
Chapitre II. Matériaux et techniques expérimentales
II.1. Caractérisation des matériaux excavés sulfatés
II.2. Etude des matériaux excavés en solution aqueuse
II.3. Etude sur mortiers et MBE (Mortier de Béton Equivalent)
II.3.1. Matériaux utilisés pour les mortiers
II.3.1.1. Ciments
II.3.1.1. Sables
II.3.1.2. Gypse et anhydrite
II.3.2. Matériaux utilisés pour les MBE
II.3.3. Formulation des éprouvettes de mortier et de MBE
II.3.3.1. Eprouvettes de mortier
II.3.3.2. Eprouvettes de MBE
II.3.4. Fabrication des éprouvettes
II.3.4.1. Fabrication des éprouvettes de mortier
II.3.4.2. Fabrication des éprouvettes de MBE
II.3.5. Conservation des éprouvettes
II.4. Méthode de suivi des éprouvettes de mortier et de MEB
II.4.1. Suivi de masse
II.4.2. Suivi de l’expansion
II.4.3. Suivi du module dynamique
II.4.4. Mesures ponctuelles
II.4.4.1. Mesure d’étalement
II.4.4.2. Résistance à la compression
II.4.4.3. Examen au microscope électronique à balayage
II.4.5. Caractérisation chimique des matériaux
II.4.5.1. Préparation des échantillons
II.4.5.2. Analyses chimiques
II.4.5.3. Appareils utilisés
II.4.5.3.1. Diffraction des rayons X
II.4.5.3.2. Analyses thermiques
II.4.5.3.3. Spectrométrie d’émission atomique à source plasma
Chapitre III. Lixiviation des sulfates
Introduction
III.1. Mise au point d’un essai de lixiviation
III.1.1. Choix des fractions granulaires
III.1.2. Choix de la vitesse d’agitation
III.1.3. Choix des solutions aqueuses
III.1.4. Choix des températures
III.1.5. Choix de la prise d’essai
III.1.6. Choix de la durée de l’essai
III.2. Lixiviation des sulfates de calcium
III.2.1. Conformité des prises d’essai
III.2.2. Influence de la solution aqueuse
III.2.2.1. Résultats expérimentaux
III.2.2.2. Discussion sur l’influence de la solution aqueuse
III.2.3. Influence de la température
III.2.3.1. Résultats expérimentaux
III.2.3.2. Discussion sur l’influence de la température
III.3. Examen au microscope électronique à balayage
III.4. Modélisation de la dissolution des sulfates
Conclusion générale