La pratique de la médecine générale nécessite de pouvoir appréhender un vaste champ de connaissances médicales, en constante évolution, tant sur le plan biologique que le plan psychologique et social (1). En effet, le médecin généraliste est confronté à une multitude de situations dans sa pratique quotidienne (2). Avec l’informatisation des cabinets médicaux, notamment secondaire à l’ordonnance dite « Juppé » de 1996 (3), les médecins tendent vers l’utilisation plus fréquente des sources internet. En effet, selon le travail de thèse de Stéphanie Lucas Bucheron, en 2018, entre 77% et 92% des médecins généralistes sont informatisés en France (4). Les médecins généralistes peuvent trouver sur internet des réponses à leurs questions de pratique courante et s’en réfèrent régulièrement lors de leurs consultations : il s’agit de la première source d’information selon Battesti, avec il y a plus de 10 ans déjà, en 2008, 38% des médecins généralistes déclarant consulter des sources internet, et comparativement 20% déclarant utiliser des sources papiers (5). Internet permet souvent un soutien dans les prises en charge et dans les prescriptions (6).
Cependant, l’information médicale en ligne n’est pas régulée et peut être d’une qualité très variable (7,8). Actuellement, dans le monde et en France, il n’y pas de standards validés permettant d’évaluer la qualité de l’information médicale en ligne (7). De manière plus ciblée, il n’y a pas d’ensemble de critères utilisables par les médecins leur permettant d’évaluer la qualité de l’information médicale en ligne (7). Les outils d’aide à la décision ou à la prise en charge sont parfois de qualité et de lisibilité médiocres (8). Aussi, la satisfaction des médecins face à l’information médicale en ligne croît lorsque les sources d’information proviennent de sites faisant autorité (9).
L’objectif de notre étude était d’extraire des critères qualité de l’information médicale en ligne à partir d’une revue de la littérature internationale. A notre connaissance, et à ce jour, il n’existe pas de grille qualité française de l’information médicale en ligne simple et facile d’utilisation, notamment en ce qui concerne les sites d’aide à la décision médicale en médecine générale. Ainsi, de nombreux scores et grilles ont pu être retrouvés tout au long de cette revue de littérature, pour la majeure partie une seule fois, montrant bien l’absence d’uniformisation dans ce domaine.
Notre revue a extrait une liste de 48 critères classés en 9 catégories. Les catégories les plus citées, dans plus de la moitié des articles, concernaient le contenu, le contexte, le système de l’outil ainsi que le financement du site. Nous constatons qu’à l’inverse, la protection des données des patients, la favorisation de la relation médecin-patient, la présence d’un comité d’expert, la date de publication et les critères concernant les traitements, lorsqu’il en était question, étaient moins représentés.
Les catégories de critères
Contenu de l’outil
Il s’agissait de la plus grande et la plus citée des catégories de critères de notre étude. Elle comprenait parmi ses sous-critères la qualité de l’information médicale, souscritère le plus retrouvé dans les articles. Cette qualité de l’information médicale est divisée en plusieurs sous catégories comprenant la présence du nom de l’auteur, une information fondée sur les preuves et les sources bibliographiques avec la date de la bibliographie, l’accès aux sources avec des hyperliens, la mise à jour de la bibliographie et la date de cette dernière. Il s’agit de critères génériques qui peuvent être utilisés sur tout type d’outil. La présence de ces critères est en accord avec les attentes des médecins généralistes concernant la qualité des sites d’aide à la décision médicale (54).
En conséquence, nos critères d’évaluation de la qualité de l’information médicale ne sont pas spécifiques à une pathologie ou à un thème donné. L’évaluation peut être moins précise par rapport à des grilles d’évaluation spécifique d’une pathologie. Lors de notre revue, nous avons pu découvrir des grilles d’évaluation très spécifiques d’une pathologie donnée. Par exemple, l’équipe de Harland J. et al propose une grille d’évaluation de la sclérose en plaque (22). Dans cette étude, les auteurs concluent à l’approximation des grilles qualités génériques par rapport au MS Tool en terme de fiabilité des informations (22). Cette grille spécifique reprend de nombreux critères en rapport avec la sclérose en plaque, et fait peu mention de nos critères plus génériques. Les auteurs pensent que pour réaliser une évaluation de l’information médicale complète il faut établir une grille composite, alliant critères génériques et critères spécifiques à la pathologie ciblée par le site. Il s’agit d’une solution difficilement réalisable en médecine générale pour l’évaluation des sites d’aide à la décision médicale au vu de la diversité des pathologies rencontrées.
Les différents sous critères appartenant à la catégorie « sources bibliographiques » proviennent de la grille du HONcode, grille la plus complète à ce sujet retrouvée lors de notre travail de recherche. Ses différents sous critères sont : la date de la bibliographie, l’accès aux sources avec des hyperliens, la mise à jour ainsi que la date de la dernière mise à jour. Ces critères ont pu être retrouvés ensuite dans de nombreux articles de manière équitable. Ces données sont indispensables pour pouvoir évaluer la qualité de l’information. En effet, la médecine moderne évoluant selon l’EBM, des sources bibliographiques à jour et facilement vérifiables paraissent être un critère majeur de la qualité de l’information.
Le critère qualité sur le vocabulaire a été évoqué dans un quart des articles, notamment s’il était compréhensible et adapté au public ciblé.
Nous avons découvert le test FRES/FKGL qui correspond à un score de facilité de lecture (FRES) et un test de lisibilité (FKGL). Ces scores se calculent à partir d’une formule comprenant, comme variables, le nombre de mots, le nombre de syllabes et le nombre de phrases. La facilité de lecture et la lisibilité sont un critère qualité à notre sens permettant de mieux véhiculer l’information et permettant d’avoir une lecture facilitée. Dans la littérature, ce score était souvent utilisé pour l’évaluation de la lisibilité pour les patients. Cela peut expliquer sa faible représentativité dans notre étude qui s’intéressait aux outils à destination des médecins généralistes. Cependant, même s’il nous semble important, nous n’avons pas retrouvé d’études analysant ce test avec les sites d’aide à la décision médicale.
Enfin, les alertes automatiques permettent d’attirer l’attention de l’utilisateur sur différentes interactions médicamenteuses ou contre-indications en fonction des comorbidités du patient, évitant des erreurs de prescriptions ou certaines complications. Nous pouvons imaginer étendre son usage à d’autres types d’alertes, nouvelles recommandations, rappels, permettant d’adapter le système au profil du patient en consultation. Il en résulterait une meilleure prise en charge globale de celui-ci. La possibilité d’alerte nécessite par contre une inscription de l’utilisateur pour connaitre ses préférences ou son profil d’utilisation, ou le recueil de données individuelles du patient (comorbidités, traitements chroniques, etc.). Ces alertes automatiques sont fréquentes dans les logiciels d’aide à la prescription, tout comme dans les logiciels métiers utilisés par les médecins généralistes en consultation, et sont recommandées par la HAS (55).
Contexte de l’outil
Cette catégorie était très représentée dans nos résultats. Il s’agissait de la deuxième grande catégorie de critères la plus citée. Elle rassemblait des critères permettant de définir la population pour qui l’outil était destiné, son objectif, et s’il avait été évalué par d’autres études.
Ces critères sont très souvent facilement accessibles, en page d’accueil ou dans l’onglet “à propos” sur les sites d’aide à la décision médicale (56). Le public cible, permet de savoir si l’information décrite est à destinée des professionnels de santé, ou à un public tout venant. Elle peut être adaptée au public attendu. L’accès différent selon le public cible, autre sous critère, a été décrit dans 7 articles. Les différents profils concernaient différentes professions médicales et paramédicales. Il permettait d’avoir des informations différentes en fonction du public concerné. L’objectif de l’outil était le deuxième sous critère le plus cité de nos résultats. Il définit le sujet ainsi que le but de l’outil, et permet de savoir rapidement si les informations vont répondre aux attentes de l’utilisateur. Nous avons retrouvé deux sous catégories le complétant : claire et pertinent. Le terme pertinent signifiait que le site avait pour objectif de répondre à des questions que le lecteur pouvait se poser. Enfin, le sous critère “site évalué par d’autres études” a pu être retrouvé dans quelques études incluses. Il définit si l’outil a déjà été évalué par un tiers à l’aide d’un score, comme par exemple avec le HONcode. Ce critère permettrait d’avoir un avis objectif sur la qualité de l’outil.
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Table des matières
1. Introduction
2. Méthode
Conflit d’intérêt
Type d’étude
Sources d’information
Equation de recherche PubMed
Critères d’éligibilité
Objectif et critère de jugement principal
Stratégie de recherche
Sélection des études
Processus de recueil des données, établissement de la liste de critères
3. Résultats
Publications sélectionnées
Caractéristiques des publications
Qualité des études
Critères qualité identifiés
1. Financement, sponsors, déclaration de conflit d’intérêt
2. Date de publication du site
3. Contexte de l’outil
4. Relation médecin-patient
5. Contenu de l’outil
6. Comité d’experts, comité éditorial
7. Traitement
8. Données patients
9. Système
Grilles et scores qualité retrouvés
4. Discussion
Les catégories de critères
Forces et limites
Analyse des articles inclus
Perspectives
5. Conclusion
6. Contributions
7. Figures et Tableaux
Figure 1
Figure 2
Tableau 1
Tableau 2
8. Annexes : Articles non retenus
9. Références