RETRAITEMENT DU COMBUSTIBLE IRRADIÉ
Extraction liquide-liquide
Ce procédé correspond à un transfert de matière depuis une phase liquide aqueuse vers une seconde phase liquide non miscible à la première par contact entre les deux phases. L’extraction liquide-liquide est une technique de séparation utilisée à l’échelle industrielle, dans les domaines aussi variés que l’hydrométallurgie classique, l’industrie nucléaire, la pétrochimie, ou encore l’industrie pharmaceutique. Ce procédé est largement utilisé pour le retraitement du combustible nucléaire usé. Ce dernier est dissout dans l’acide nitrique concentré. La solution résultante est composée des actinides d’intérêt à récupérer pour la fabrication de nouveaux combustibles (uranium et plutonium), d’actinides mineurs et de produits de fission. L’extraction liquide-liquide permet de récupérer sélectivement les actinides d’intérêt présents initialement dans la phase aqueuse et produit peu de déchets car le solvant utilisé peut être recyclé.
Pour obtenir une capacité de traitement conséquente dans les usines de la Hague, toutes les opérations d’extraction liquide-liquide élémentaires sont mises en œuvre en continu . Les contacteurs utilisés pour ces opérations d’extraction sont des appareils dans lesquels les phases aqueuse et organique circulent à contre courant. Cela permet d’obtenir un effet cumulatif de séparation réalisé dans chacun des étages pour récupérer l’uranium et le plutonium avec une très grande pûreté. D’une manière générale, la zone d’extraction comporte une opération d’extraction et une de lavage couplées , la première ayant plutôt la fonction d’assurer un rendement d’extraction correct et la seconde celle d’éliminer les éléments indésirables.
Mécanisme d’extraction pour le retraitement des combustibles nucléaires usés
Il existe deux classes majeures de mécanismes d’extraction liquide-liquide : l’extraction par échange d’ions et l’extraction non compensée, appelée aussi extraction par solvatation. Pour le retraitement des combustibles nucléaires usés, l’extraction des actinides d’intérêts se fait par solvatation.
L’extraction avec des réactifs solvatants met en jeu la formation d’un complexe globalement neutre entre l’extractant et le cation métallique à extraire. Dans le domaine du retraitement des combustibles usés, l’extraction est essentiellement non compensée : le cation métallique Mn+ (uranium ou plutonium) est extrait avec son contre-ion A⁻ (généralement les ions nitrate) par l’extractant ?̅ présent en phase organique sous la forme d’un complexe neutre. Les extractants solvatants sont principalement des composés possédant des groupements oxygénés, soufrés ou phosphorés donneurs de doublets électroniques comme les éthers, les esters, les cétones, les amides, les sulfoxides ou encore les trialkylphosphates.
LE PROCÉDÉ PUREX
Présentation du procédé
Fonctionnement dans les usines de la Hague
Le procédé PUREX mis en œuvre dans les usines Orano de la Hague permet le retraitement des combustibles nucléaires usés. Ce procédé d’extraction liquide-liquide met en œuvre un système extractant à base de TBP dilué à 30% en volume dans le TPH. Cette molécule possède une forte affinité pour l’U(VI) et le Pu(IV) vis-à-vis des autres éléments présents dans les solutions de combustibles usés.
Les principales étapes du procédé PUREX sont :
– le cisaillage du combustible afin de permettre sa mise en solution dans un milieu acide nitrique concentré,
– un premier cycle d’extraction permettant la séparation de l’uranium et du plutonium des produits de fission et actinides mineurs ; il s’agit de l’étape appelée extraction dans la suite du manuscrit,
– un deuxième cycle d’extraction pour désextraire les produits de fission présents en phase organique ; il s’agit de l’étape appelée lavage dans la suite du document,
– la séparation U(VI)/Pu(IV) en réduisant le Pu à l’état d’oxydation +III par ajout d’U(IV) et d’hydrazinium,
– la désextraction d’U(VI) à faible concentration d’acide nitrique,
– la purification de l’uranium et du plutonium dans des cycles d’extraction liquide liquide complémentaires et la régénération du solvant,
– la conversion et le conditionnement du plutonium sous forme d’oxyde et de l’uranium sous forme de nitrate d’uranyle afin de permettre leur réutilisation pour la fabrication de nouveaux combustibles.
Pour atteindre des facteurs de décontamination élevés, plusieurs cycles d’extraction sont nécessaires pour que l’uranium et le plutonium soient séparés des produits de fission, qui peuvent pour certains, comme le technétium et le ruthénium, être extraits en phase organique. Avant les cycles de purification complémentaires de l’uranium et du plutonium, les facteurs de décontamination sont aux alentours de 10⁵ contre 10⁷ et 10⁸ requis pour l’uranium et le plutonium respectivement.
Avantages et inconvénients
Le système extractant à base de TBP présente de nombreux avantages :
– de bonnes propriétés physiques : très faible solubilité du TBP dans la phase aqueuse, densité et viscosité adéquates (< 10 mPa∙s, limite acceptable pour un procédé),
– une sélectivité importante pour l’U(VI) et le Pu(IV) vis-à-vis de la majorité des produits de fission et actinides mineurs,
– une capacité de charge en uranium et plutonium élevée (120 g·L⁻¹ pour l’U(VI) et 40 g·L⁻¹ pour le Pu(IV)) sans apparition de troisième phase ,
– une bonne compatibilité avec une opération de désextraction : réversibilité des complexes formés en phase organique,
– recyclage possible du solvant.
Malgré son emploi à l’échelle industrielle depuis de nombreuses années, ce système d’extraction a quelques inconvénients parmi lesquels :
– l’utilisation de chimie redox pour la partition U/Pu en réduisant le Pu(IV) au degré d’oxydation +III par l’ajout d’U(IV) et d’hydrazinium, dont l’utilisation est fortement contrainte par la réglementation REACh,
– la nécessité de plusieurs cycles de séparation et de purification pour atteindre les facteurs de décontamination souhaités,
– l’extraction de certains produits de fission, notamment le zirconium, le technétium et le ruthénium, qui nécessite de mettre en œuvre des étapes de lavage (ou barrage),
– la dégradation hydrolytique et radiolytique du TBP entraînant une altération de la sélectivité et la mise en œuvre d’un traitement solvant,
– une molécule pas complètement incinérable : principe CHON non respecté du fait de la présence d’un atome de phosphore.
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Table des matières
INTRODUCTION GENERALE
CHAPITRE 1 : REVUE BIBLIOGRAPHIQUE – COMPORTEMENT DU RUTHENIUM ET DU TECHNETIUM DANS LES PROCEDES DE RETRAITEMENT DES COMBUSTIBLES NUCLEAIRES
1. RETRAITEMENT DU COMBUSTIBLE IRRADIÉ
1.1. Extraction liquide-liquide
1.2. Mécanisme d’extraction pour le retraitement des combustibles nucléaires usés
2. LE PROCÉDÉ PUREX
2.1. Présentation du procédé
2.1.1. Fonctionnement dans les usines de la Hague
2.1.2. Avantages et inconvénients
2.2. Le technétium
2.2.1. Comportement dans le procédé PUREX
2.2.1.1. Extraction de HTcO4 par TBP
2.2.1.2. Extraction du technétium par le TBP en présence d’uranium
2.2.1.3. Extraction du technétium par le TBP en présence d’autres cations métalliques
2.2.2. Problématiques liées au technétium dans PUREX
2.3. Le ruthénium
2.3.1. Étude du ruthénium dans le procédé PUREX
2.3.1.1. Espèces formées en phase aqueuse
2.3.1.2. Données d’extraction du ruthénium avec le TBP
2.3.1.3. Espèces formées en phase organique (TBP 30%vol dans le TPH)
2.3.2. Problématiques du ruthénium dans le procédé PUREX
3. ÉLABORATION D’UN PROCÉDÉ DE SÉPARATION INNOVANT
3.1. Co-extraction du technétium avec les monoamides
3.2. Données sur l’extraction du ruthénium par les monoamides
4. MÉTHODES POSSIBLES POUR ÉLIMINER LE TECHNÉTIUM ET LE RUTHÉNIUM DE LA PHASE ORGANIQUE
4.1. Techniques rapportées dans la littérature
4.1.1. Séparation du technétium
4.1.2. Conversion du ruthénium en une espèce non extractible
4.2. Stratégie développée au cours de cette étude
4.2.1. Complexation en phase aqueuse
4.2.2. Étude des complexants dans les conditions du procédé
4.2.3. Choix des systèmes étudiés pendant la thèse
CHAPITRE 2 : LE RUTHENIUM – SPECIATION EN MILIEU ACIDE NITRIQUE ET RESULTATS
1. SPÉCIATION EN MILIEU ACIDE NITRIQUE
1.1. Le ruthénium nitrosyle
1.2. Les complexes nitratés
1.3. Les complexes mixtes nitrés-nitratés
1.4. Bilan des études de spéciation du ruthénium en solution
2. LES COMPLEXANTS ET EXTRACTANTS DU RUTHÉNIUM
2.1. Complexants du Ru(III) en milieu acide nitrique
2.1.1. La famille des « polyamines »
2.1.1.1. Études menées par Sasaki
2.1.1.2. Études menées au CEA sur les polyamines
2.1.2. Tests de ligands contenant la fonction hydroxo
2.1.3. Complexation avec la 2,2’-bipyridine
2.1.3.1. Spéciation du ruthénium en présence de bipyridine en milieu acide nitrique
2.1.3.2. Cinétique de formation du complexe 1:2
2.1.4. Structures trouvées dans la Cambridge Structural Database
2.2. Extractants du Ru(III)
2.3. Les molécules envisagées pour la rétention du ruthénium (III) en milieu acide nitrique
3. COMPLEXATION DU RUTHÉNIUM PAR L’HYDROQUINONE ET SES DÉRIVÉS
3.1. Méthodologie des tests d’extraction liquide-liquide
3.2. Étude de l’hydroquinone en extraction
3.2.1. Tests d’extraction dans les conditions du procédé
3.2.2. Stabilité de l’hydroquinone en milieu acide nitrique
3.2.3. Suivi de la complexation du ruthénium avec l’hydroquinone en phase homogène : préparation de la solution aqueuse d’extraction
3.2.4. Tests d’extraction liquide-liquide à forte concentration de ruthénium
3.3. Étude de l’hydroquinone en lavage
3.3.1. Cinétique de désextraction du ruthénium avec l’hydroquinone
3.3.2. Tests à différentes concentrations d’acide nitrique
3.3.3. Étude du mode d’extraction de l’hydroquinone en phase organique
3.4. Bilan des études sur les molécules contenant une fonction OH
3.4.1. Études en extraction
3.4.2. Études en lavage
4. COMPLEXATION DU RUTHÉNIUM PAR LA BIPYRIDINE
4.1. Étude du système ruthénium – bipyridine
4.1.1. Étude de la bipyridine en extraction
4.1.2. Étude de la bipyridine en lavage
4.1.3. Caractérisation du complexe formé en phase aqueuse
4.1.3.1. Spectroscopie d’absorption Visible
4.1.3.2. Spectroscopie Raman
4.1.3.3. DRX monocristal
4.2. Étude de la sélectivité vis-à-vis de l’uranium
4.2.1. Tests d’extraction liquide-liquide
4.2.2. Caractérisation du complexe formé avec l’uranium
4.2.2.1. Structure DRX
4.2.2.2. Spectroscopie d’absorption visible
4.2.2.3. Spectroscopie Raman
4.3. Bilan sur la bipyridine
5. CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES
CHAPITRE 3 : LE TECHNETIUM – SPECIATION EN MILIEU ACIDE NITRIQUE ET RESULTATS
1. PROPRIÉTÉS DU TECHNÉTIUM ET BIBLIOGRAPHIE DES COMPLEXANTS ET EXTRACTANTS
1.1. États d’oxydation stables en milieu acide nitrique
1.1.1. L’état d’oxydation +VII
1.1.2. Le rhénium(VII) : un analogue inactif du technétium
1.2. Les complexants et extractants du Technétium
1.2.1. Reconnaissance anionique
1.2.1.1. Les différents types d’interaction
1.2.1.2. Série de Hofmeister
1.2.2. Bibliographie des complexants du Tc(VII) en phase aqueuse
1.2.2.1. Les molécules cages
1.2.2.2. La famille des « polyamines »
1.2.3. Autres ligands transposables pour la complexation du Tc(VII) en phase aqueuse
1.2.4. Bibliographie des extractants du Tc(VII) en phase organique
1.2.4.1. Un ligand tripodal, analogue du ligand cage
1.2.4.2. La famille des « azadiamides »
1.2.4.3. Autres ligands capables d’extraire Tc(VII) en phase organique
1.3. Bilan sur les molécules envisagées pour le technétium (VII)
2. LA FAMILLE DES « POLYAMINES »
2.1. Méthodologie pour l’évaluation des complexants par extraction liquide-liquide
2.1.1. Préparation de la solution de complexant
2.1.2. Tests d’extraction liquide-liquide
2.2. La famille des « polyamines »
2.2.1. Tests d’extraction liquide-liquide sans uranium
2.2.2. Tests d’extraction en présence d’uranium en phase aqueuse
2.3. Bilan
3. LES MOLÉCULES CAGES
3.1. Influence de la concentration du ligand Lcage sur la co-extraction du Re(VII) ou du Tc(VII) avec U(VI) en phase organique
3.1.1. Études préliminaires
3.1.1.1. Solubilité du ligand Lcage
3.1.1.2. Optimisation du temps d’agitation pour les tests d’extraction
3.1.2. Extraction de Re(VII)
3.1.3. Extraction de Tc(VII)
3.1.3.1. Influence de la concentration d’U(VI)
3.1.3.2. Influence de la concentration du ligand Lcage
3.2. Caractérisation des complexes formés
3.2.1. Étude par microcalorimétrie du complexe Lcage-ReO4-
3.2.2. Étude du complexe formé avec Re(VII)
3.2.2.1. Structure du ligand cage
3.2.2.2. Structure cristalline du complexe formé avec Re(VII)
3.2.2.3. Comparaison avec la structure de ligand seul
3.2.3. Spectroscopies infrarouge et Raman des solides
3.2.4. Conclusion sur la caractérisation des complexes
3.3. Modélisation des données d’extraction
3.4. Bilan
4. ÉTUDE DE DERIVES PLUS SOLUBLES DE LA MOLÉCULE LCAGE
4.1. Solubilité en milieu acide nitrique
4.2. Test des molécules en extraction en présence d’uranium (VI)
4.2.1. Études menées sur le rhénium
4.2.2. Études menées sur le technétium
4.2.2.1. Influence de la concentration de ligand à HNO3 0,5 M
4.2.2.2. Influence de la concentration de ligand MOH à HNO3 1 M
4.2.3. Influence de la concentration d’acide nitrique sur D(Tc)
4.2.4. Influence de la concentration de nitrates sur l’extraction du technétium
4.2.5. Influence de la concentration de proton sur l’extraction du technétium
4.2.6. Étude de la complexation en milieu acide nitrique et nitrate
4.2.6.1. Études thermodynamiques par microcalorimétrie
4.2.6.2. Modélisation des données d’extraction
4.3. Tests des nouveaux dérivés du ligand Lcage en lavage
4.4. Caractérisation des complexes formés
4.4.1. Microcalorimétrie avec ReO4-
4.4.2. Études par spectroscopies infrarouge et RAMAN
4.4.2.1. Étude spectroscopique avec le rhénium
4.4.2.2. Étude spectroscopique avec le technétium
5. STABILITÉ RADIOLYTIQUE DES MOLÉCULES CAGES
CONCLUSION GENERALE