Retour vers un projet plus réaliste : la politique de contrôle du paludisme : 1970-1996

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Les freins à l’application de la politique d’ « éradication du paludisme » en Côte d’ivoire.

A peine lancée, la politique globale « d’éradication du paludisme » est confrontée aux difficultés d’ordre pratique qui entravent sa mise en œuvre concrète. En t̵te de liste des régions du monde privées de cette politique d’éradication du paludisme, figure l’Afrique tropicale, une zone de forte endémicité. Conçus dès le début de l’année 1950, pour expérimenter la politique d’éradication du paludisme en Afrique, les projets pilotes d’éradication du paludisme n’ont pas produit les résultats escomptés. La zone pilote de Bobo
Dioulasso est l’un des symboles de la fin d’un r̵ve, celui de la généralisation de la politique d’éradication dans les zones africaines de forte endémicité. Toutefois, les résultats décevants dudit projet ne sauraient suffire à eux seuls pour expliquer ce revers.
C’est pourquoi, on voudrait analyser au plus près les conditions locales, donc propres la colonie, ou tout au moins, à l’ensemble auquel elle appartient – AOF – qui pourraient avoir été un frein à sa mise en œuvre. Ces éléments qui relèvent du choix du colonisateur dans la réalisation de sa politique sanitaire doivent éclairer le chercheur sur le rejet de l’application de la politique d’éradication. La politique sanitaire, faut-il le rappeler, est fondée sur une doctrine qui prône désormais une médecine de masse au détriment d’une médecine individuelle. Elle est portée par le Service Général d’Hygiène Mobile et de Prophylaxie (SGHMP), à l’architecture hybride, parce qu’il se veut à la fois service polyvalent et spécialisé.
La politique sanitaire de masse, faut-il le rappeler, ne fait l’unanimité au sein des responsables coloniaux. Sa mise en œuvre révèle au grand jour les oppositions entre médecins et administrateurs dans les colonies en raison de l’approche différente qu’ils ont de son application. Elle illustre aussi les conflits de compétences entre ces représentants du pouvoir colonial. Malheureusement, ces oppositions sont symptomatiques des hésitations sur les choix prioritaires en matière de santé. Dès lors, elles peuvent justifier en partie le peu d’intér̵t accordé au paludisme par le colonisateur comme le confirme Matthieu Fintz. Pour lui, « l’un des principes justifiant la création d’équipes mobiles lancées dans la conquête d’endémies meurtrières suppose qu’un choix soit fait. Le choix des autorités sanitaires de l’AOF se portera longtemps sur la maladie du sommeil »259. Plus encore, la création de ce service confirme la préférence accordée à une médecine de masse directement intéressée non pas au cas, mais surtout aux indicateurs statistiques épidémiologiques, démographiques, climatologique et économiques260. C’est pourquoi, on veut croire que des situations particulières au territoire peuvent expliquer, en partie, l’attitude des autorités sanitaires locales face à la directive de l’OMS portant sur l’éradication du paludisme : celle de son rejet.
Aussi, l’idée défendue dans ce chapitre est d’expliquer en quoi l’éradication n’est pas applicable dans ce territoire. On examinera d’abord, l’inefficacité du service antipaludique fédéral créé en 1948. Conçue à l’origine sans doute pour conduire les opérations antipaludiques y compris l’éradication en AOF, la section paludisme, sorte de service antipaludique, a très tôt montré ses limites. Dans la réalisation de ses missions, elle s’est trouvée démunie en personnel et en moyens financiers pour finalement se révéler peu efficace. Ensuite, l’organisation du système sanitaire – dont dépend le service antipaludique-engluée dans une faiblesse structurelle, n’a pas été en mesure de lancer la politique d’éradication. Seule la lutte antipaludique classique en cours mobilisant déjà largement et le personnel et les moyens disponibles est dans ses cordes. Au demeurant, quelle est la portée réelle des nombreuses enquêtes épidémiologiques et entomologiques sur le paludisme menées au cours de cette période, étant entendu que l’éradication du paludisme qui justifie leur raison d’̵tre n’a m̵me pas connu un début d’exécution ?

Un service antipaludique fédéral aux moyens très limités

Tirant les conclusions des expériences de la lutte contre le paludisme aux Etats-Unis et en Inde, le comité d’experts du paludisme, lors de sa 2e session, tenue du 25 au 29 mai 1948 Washington D.C261, a défini la politique générale de l’OMS contre le paludisme, en précisant que celle-ci soit conduite par un service antipaludique qu’on qualifie de type classique262. Ainsi, « la condition fondamentale d’une lutte antipaludique efficace dans un pays quelconque est la création d’une organisation antipaludique de caractère permanent, possédant l’ampleur nécessaire, doté d’un personnel convenablement préparé à sa tâche et suffisamment rémunéré »263. Dans sa conception, cet organe doit s’intégrer dans le cadre des administrations sanitaires nationales ou des Etats et s’adapter strictement aux conditions locales. Concrètement, le service qui verrait le jour devrait répondre aux caractéristiques
propres à chaque pays, et celles-ci s’adapteront à la superficie, à la population aux ressources économiques du pays concerné, et plus largement à la nature des problèmes paludiques locaux : le but essentiel étant d’assurer une action efficace contre le paludisme avec le minimum de frais. Cette décision qui fait du service antipaludique un maillon essentiel du combat contre cette pathologie a été réaffirmée lors de la 3e session du comité d’experts sur le paludisme qui s’est tenue en 1949, à Genève264.
Globalement, les tâches du futur service spécial antipaludique consistent, entre autres, à étudier les problèmes locaux du paludisme et à exécuter les programmes de lutte antipaludique aussi bien en zone urbaine qu’en zone rurale. Pour accomplir ses missions, il doit disposer d’une équipe dont les membres265 – personnels de direction et d’exécution-doivent être formés266dans des structures académiques conformément aux tâches qui leur sont confiés. Ce type de service antipaludique tel que décrit plus haut est l’exemple type d’une organisation qui mène des activités antipaludiques classiques connues jusque-là. Une telle organisation est cependant inadaptée pour toutes les zones impaludées notamment le continent africain et nécessite la création d’une structure « spécifique ». Pour ce faire, un schéma est proposé aux termes de la première réunion internationale sur le paludisme en terre africaine.
Pour les territoires africains, c’est à l’issue de la conférence sur le paludisme en Afrique équatoriale, organisée à Kampala en 1950, qu’une décision est arr̵tée pour préciser les spécificités de l’organisation de la lutte antipaludique propre à cette zone. On ne note pas une différence marquée entre une organisation de type classique et celle spécifique au continent africain.

Le système sanitaire ivoirien est-il adapté pour mener la politique d’éradication ?

On définit couramment le système de santé par l’ensemble des moyens et des activités mis en œuvre pour la production de la santé à visée curative, préventive et éducative.
Considérée comme telle, la lutte contre le paludisme doit reposer sur un système sanitaire capable de faire face à toutes les exigences que requiert une telle entreprise. Mais à l’épreuve des faits, certaines composantes du système sanitaire ivoirien ne lui ont permis de se montrer la hauteur et de jouer pleinement son rôle : celui de combattre efficacement les endémies. Il ne s’agira pas dans ces lignes d’exposer tous les moyens de ce système qui, à des degrés divers, ont constitué un frein à l’application des programmes d’éradication. Mais, plutôt de se limiter à deux éléments fondamentaux constitutifs –formations sanitaires et personnel médical – de ce système pour tenter de répondre à la problématique formulée dans ce chapitre : cette analyse veut montrer en quoi les infrastructures sanitaires et la question de la formation du personnel médicale ont constitué un obstacle à la mise en application de la « politique d’éradication ».
La réussite d’un programme d’ « éradication du paludisme » est tributaire de plusieurs conditions ; ceci vaut particulièrement pour les pays : « Où l’administration générale et les services de santé n’ont pas encore atteint un niveau suffisant pour qu’ils puissent entreprendre un programme d’éradication du paludisme et où, par conséquent, on doit d’abord créer les bases nécessaires »370. L’une d’elles fait appel à des opérations consistant : « Favoriser un développement synchronisé de services de santé ruraux afin d’assurer l’exécution convenable des phases de consolidation et d’entretien que requiert tout programme d’éradication »371. S’il est fait expressément référence aux services de santé ruraux, cela sous-entend que le développement des services de santé dans les pays en développement s’est essentiellement concentré dans les zones urbaines et principalement dans les grandes villes, laissant ainsi les zones rurales dans un désert médical entraînant de graves conséquences pour la santé des populations.
Cette situation est particulièrement réelle pour les pays ayant subi la colonisation, période au cours laquelle, les questions de santé et de maladie relevaient du bon vouloir du colonisateur. Toutefois, pour les besoins de cette analyse, une étude des infrastructures de santé dans leur globalité est indispensable pour essayer de ressortir les faiblesses de cet ensemble sur lequel il faut s’appuyer pour mettre en œuvre un programme d’éradication dans un pays donné. Cet ensemble s’étend des services de santé centraux aux services périphériques jusqu’aux services urbains et ruraux.

Une laborieuse « ivoirisation » de la formation médicale

La faculté de médecine d’Abidjan a fait ses premiers pas dans le dernier trimestre de l’année 1962. La formation des médecins, assurée jusque-là par l’Université de Dakar pour la plupart des étudiants originaires de la Côte d’Ivoire, se fait désormais sur place. L’histoire de cette Université est analysée sous l’angle de trois périodes qui permettent de comprendre son évolution. La première qui part de 1962 à 1966 correspond à la phase de gestation difficile de l’Ecole ; la seconde est la phase de consolidation de l’Ecole qui commence en 1966 et s’achève en 1970 ; et enfin, la dernière période qui commence en 1970 : celle-ci marque la période de création de la Faculté de médecine d’Abidjan, une faculté de plein exercice, période qui consacre également son installation définitive, sa consolidation en même temps que son plein essor.
Créée en 1962, l’Ecole de médecine a accueilli sa première promotion d’étudiants le novembre 1962, sous la direction du professeur Pierre Huard454, doyen-fondateur de la Faculté de médecine d’Hanoï. Pendant quatre ans, de 1962 à 1966, ne disposant pas encore de ses propres bâtiments, les enseignements théoriques et pratiques de cette Ecole de médecine sont dispensés dans les locaux du lycée de Cocody et de l’Ecole Normale Supérieure d’Abidjan.Les stages hospitaliers se déroulant, quant à eux, dans certains services de l’Hôpital Central d’Abidjan455. C’est dans ces conditions de précarité que l’Ecole a fonctionné grâce au corps médical des hôpitaux d’Abidjan et bénéficié de l’assistance technique et pédagogique appréciable de la Faculté de Médecine de Rennes et de son doyen, le Professeur Leroy. Sous cette forme, l’Ecole accueille quatre promotions d’étudiants avant de s’installer dans de nouveaux locaux construits à Treichville dès la rentrée 1966456.

Réduire l’incidence du paludisme sur les populations à travers l’amélioration du cadre de vie : l’affirmation d’une politique d’hygiène.

Les pratiques de l’hygiène individuelle et collective ne pas datent du XXe siècle, c’est une construction de l’histoire de la santé, de la santé publique plus particulièrement qui a traversé toutes les grandes périodes. Mais c’est surtout au XVIIIe siècle que cette pratique est codifiée et fondée sur une nouvelle façon de penser les relations du corps et de son environnement. Peu à peu se développe l’idée « qu’une maladie naît dans des conditions d’environnement précises et qu’il suffit d’en changer l’un des éléments pour la supprimer »486. Dès lors apparaissent des projets de législation sanitaire pour protéger l’homme et son environnement, de m̵me que la naissance d’un mouvement de médecins français et étrangers. Lesquels préconisent des mesures d’intervention précises selon lesquelles les maladies endémiques et épidémiques proviennent des conditions d’environnement487.
Ces pratiques vont se développer à partir des années 1740 comme l’un des principaux moyens d’action des médecins et des autorités sanitaires dans les pays de l’Ouest européen. En France, les valeurs portées par la Révolution facilitent l’expression et l’organisation d’un mouvement médical favorable à la réforme hygiénique de la société. Mais, la grandes période de l’hygiène publique française, sur le plan de sa production et du dynamisme de ses recherches se situe sans aucun doute dans les années 1820-1840488.
Le mouvement de l’hygiène publique va d’abord chercher la reconnaissance internationale avant de s’enraciner localement. Cette internationalisation s’opère par le biais de l’organisation de conférences internationales pour porter très haut et très loin les pratiques de l’hygiénisme. A ce titre, les congrès constituent des lieux où s’opèrent les transferts, des scènes de circulation internationale des notions d’hygiène et des scènes de transferts culturels véhiculés par des savants d’un pays à un autre. Ces assises internationales489ont donc favorisé la circulation des savoirs et des pratiques hygiénistes communs à l’Europe. De ce point de vue, les congrès ont autant travaillé à l’élaboration de traditions et à la fondation d’une communauté de m̵me qu’à l’émergence d’une pratique coopérative par l’établissement d’instruments de travail communs490. Par exemple, lors du congrès de Paris de 1878, « les nombreux médecins et universitaires progressistes, présents parmi les organisateurs, contribuent à officialiser l’instance de légitimation de l’hygiénisme à la fois au sein de la classe politique et parmi les représentants de la médecine libérale »491. Celui de Turin, en 1880, a appelé les Parlements européens à l’élaboration des lois indispensables afin de contrôler l’hygiène publique et de mettre en œuvre une politique de prévention des maladies infectieuses et d’assistance sanitaire gratuite492. Le début du XXe siècle a été l’occasion de traduire en acte, notamment en France, la volonté des médecins hygiénistes exprimée lors des rencontres internationales.

Quelles sont les modalités d’application de la chimiothérapie aux populations ?

L’application de la chimiothérapie est un élément important de la lutte antipaludique. Dans la chaîne de transmission du paludisme, elle intervient sur le porteur du virus – l’homme soit pour lutter contre l’hématozoaire soit pour renforcer les moyens de défense du porteur dans le cadre de la prévention contre la survenue de la maladie. Dans l’un comme dans l’autre cas, elle se fait par l’administration de médicaments antipaludiques. On s’interrogera ici sur la mise en œuvre de la chimiothérapie en rapport avec les directives du comité d’experts du paludisme, donc de l’OMS dans le contexte ivoirien. On cherchera aussi à comprendre comment les soignants se sont positionnés dans l’application des directives ; tout comme, on s’interrogera sur les effets de la dynamique provoquée par la politique d’éradication du paludisme particulièrement dans l’application de la chimiothérapie. En définitive, on cherchera à déterminer les objectifs visés dans des endroits où d’autres mesures de lutte antipaludiques ne peuvent être appliquées pour des raisons diverses.
Avant d’analyser cette question d’utilisation d’antipaludiques à des fins curatives et prophylactiques, il semble important de faire une précision sur le corpus utilisé – essentiellement de source française – pour l’analyse de cette question. Porter le regard sur cette question n’a pas été aisée en raison de l’absence de sources hospitalières – registres de consultations notamment- qui auraient permis de procéder à des analyses pointues et déboucher sur des conclusions plus pertinentes. A défaut de disposer de ces documents d’une extr̵me utilité, l’essentiel des informations provient des rapports médicaux du service de santé, des documents produits par quelques médecins ayant servi en situation coloniale et qui ont laissé les traces de leur vécu et de leurs expériences médicales de terrain et enfin, d’autres documents de nature médicale à valeur de guide547 à l’attention des médecins du corps de santé colonial et qui fourmillent d’indications intéressantes non seulement sur les savoirs concernant le paludisme mais aussi et surtout sur le protocole thérapeutique recommandé548. A ce sujet, on peut affirmer sans risque de se tromper que non seulement les médecins des troupes coloniales étaient outillés pour faire face à la thérapeutique du paludisme, mais aussi que la chimiothérapie549 a été présente dans le dispositif de lutte contre l’endémie palustre à toutes les étapes de la lutte.
Fruit de l’expérience des médecins en situation coloniale et de la production de savoirs, le guide médical permet de saisir comment la doctrine de la médecine coloniale peut et doit se traduire sur le terrain. Une médecine coloniale qui poursuit un double objectif : d’une part celui de chercher à protéger et de rassurer les Européens en luttant contre la propagation des maladies et en leur offrant si possible les rares soins efficaces alors disponibles ; et d’autre part celui de veiller à ce que la main-d’œuvre nécessaire aux travaux des plantations ou à l’acheminement des matières premières vers les ports ne soit pas décimée par les maladies. Ce document permet aussi de comprendre comment la conception de la pensée médicale de l’époque, conception qui se caractérise par « une pensée étiologique monocausale, mettant en cause le  » microbe » », est mise en application dans le cadre de la thérapeutique contre le paludisme.
La médecine tropicale qui va émerger de cette conception aux alentours de 1900 est un démembrement de la médecine coloniale. Son objectif est de répondre aux attentes des colonisateurs, soucieux de juguler les dangers des tropiques550. S’agissant de la médecine coloniale française, elle a connu deux périodes : une période pré-Pasteur et une autre, post- Pasteur, laquelle correspond à la colonisation de l’Indochine et de l’Afrique de l’Ouest551.
L’influence de la conception pasteurienne s’est étendue à la médecine coloniale dans sonensemble, mais a été particulièrement marquée dans les territoires sous contrôle français. En pratique, les découvertes pasteuriennes déterminent l’orientation de la lutte contre les maladies. Elle est fondée sur un schéma simple : l’ennemi – l’agent causal – est désigné, de m̵me qu’un vecteur essentiel dans la chaîne de transmission : l’homme. L’agent causal et l’homme sont donc au cœur de cette conception. De ce point de vue, la stratégie de lutte consiste en un dépistage de masse et au traitement des malades en vue d’interrompre la chaîne de transmission de la maladie : le cas le plus significatif est la lutte contre la trypanosomiase qui a profondément influencé les pratiques dans l’approche médicale des autres pathologies. En fin de compte, la logique privilégiée est moins de soigner les malades que d’éviter la propagation des maladies. Quels enseignements tirés de ce guide thérapeutique et clinique sur les manifestations du paludisme et plus généralement sur ces caractéristiques?
L’application de la thérapeutique du paludisme commence par l’identification des grands symptômes cliniques et des grands signes physiques. Pour certains auteurs, comme Blanc et Siguier, les signes se lisent aisément et sont reconnaissables par la fièvre très fréquente. Celle-ci est provoquée par l’irruption dans le torrent circulatoire des substances étrangères que représentent les débris globulaires, les pigments et les corps parasitaires. Au nombre des manifestations, figure aussi l’anémie qui a deux origines : la première provient de la destruction globulaire directe par le parasite et la seconde de la destrcution par l’érythrolyse552. D’autres phénomènes cliniques et physiques peuvent subvenir comme la splénomégalie qui n’est que la conséquence de l’hypertrophie et de l’hyperplasie réticulo-endothéliale au niveau de la rate ; tout comme la note ictérique si fréquente dans les manifestations paludéennes est due à l’érythrolyse excessive augmentant la biligénie553 pigmentaire physiologique. Le paludisme peut provoquer des complications viscérales aigues chez le malade dont quelques-unes – les accès pernicieux – entrainent souvent la mort. Elles sont le fait de la g̵ne circulatoire et de l’encombrement capillaire résultant de la perte des qualités physiques de plasticité et de ductilité de très nombreuses hématies parasitées et de leur arrêt, ainsi favorisé au niveau des endothéliums capillaires554. Pour qu’il y ait paludisme, il faut un réservoir de virus, un insecte transmetteur, un individu réceptif. Deux groupes d’individus sont à considérer dans ce cas de figure : l’autochtone et l’Européen. Le paludisme de l’indigène des régions d’endémies évoluant sans entraves prophylactiques ou thérapeutiques est une maladie aigu̶ fébrile grevant l’enfance d’une très haute mortalité. Devenus adultes, les survivants prémunis tolèrent l’infestation. Des fléchissements de la prémunition expliquent les rechutes. Des inoculations massives peuvent vaincre la prémunition : ce sont les récidives rencontrées très souvent chez l’Africain noir. Chez l’Européen vivant dans des régions d’endémicité paludéenne et qui ne se protège pas par une chimioprophylaxie raisonnable, le paludisme présente un caractère d’inexorabilité. Que l’endémie soit permanente ou périodique, l’évolution du paludisme est à peu près la m̵me, procédant par des étapes nosologiques bien définies ayant les mêmes éventualités de pronostic.

Comment définir la politique de contrôle du paludisme ?

En 1969, une évidence s’est imposée après l’évaluation de la mise en œuvre de la stratégie « d’éradication du paludisme » : celle-ci qui vise l’élimination totale et définitive des parasites dans les populations humaines, de sorte qu’il n’y ait pas de reprise de la transmission m̵me en présence de vecteurs, parait irréalisable dans l’immédiat et en l’état. Bien que difficilement réalisable, cette disparition totale des hématozoaires chez l’homme n’en demeure pas moins encore et toujours le but final de l’éradication du paludisme : c’est par conséquent une œuvre à inscrire dans le long terme qui nécessite des ajustements. On s’achemine inévitablement vers une révision de la politique d’éradication sans pour autant l’écarter totalement.
Dès lors, le processus tendant à un réexamen de la stratégie mondiale a commencé à se déployer. Le premier acte fondateur est posé lors de la 20e Assemblée mondiale de la santé, tenue, à Genève, du 8 au 26 mai 1967, au cours de laquelle la question a fait l’objet de discussions. Au terme des débats, il a été demandé au directeur général de l’OMS : « D’étudier la meilleure manière de procéder à un réexamen de la stratégie mondiale de « l’éradication du paludisme » et de produire un rapport qui sera débattu au cours de la tenue la 21e Assemblée mondiale de l’OMS »667.
En mai 1968, la 21e Assemblée mondiale de la santé a été saisie des propositions concernant la révision de ladite stratégie. Sur la base du rapport produit par le directeur de l’OMS et des avis donnés par un groupe d’éminents spécialistes de la planification économique, de l’administration de la santé publique et de la paludologie668, l’Assemblée mondiale se déclare favorable à la « Nécessité de réexaminer la stratégie mondiale de l’éradication du paludisme » et approuve les propositions « notamment en ce qui concerne l’adaptation des plans et des méthodes aux besoins et aux ressources des pays en voie de développement, afin d’assurer le succès désiré dans la lutte contre le paludisme et finalement son éradication »669.
A cette fin, le directeur a été prié « d’informer le Conseil exécutif et de présenter à la 22e Assemblée mondiale de la santé, un rapport670 complet sur la question du réexamen de la politique mondiale de « l’éradication du paludisme », accompagné de recommandations pour l’orientation future du programme qui doit s’appuyer sur les observations du Conseil exécutif671. Plus exactement, sans écarter l’éradication comme but ultime, l’OMS recommande d’opter pour une lutte antipaludique adaptée aux conditions locales de transmission en tenant compte des facteurs socio-économiques et culturels.
A la faveur des assises de la 22e Assemblée mondiale de la santé672, le réexamen de la stratégie mondiale d’éradication a été approuvé. Ainsi, suivant la résolution qui l’entérine, l’Assemblée mondiale, Réaffirmant que l’éradication totale du paludisme dans le monde demeure une tâche primordiale des organismes nationaux de santé publique et que, même dans les régions où l’éradication n’apparaît pas encore possible, la lutte antipaludique à l’aide des moyens existants doit être encouragée et peut être considérée comme représentant une étape nécessaire et valable sur la voie de l’objectif ultime de l’éradication673.

Sortir de l’impasse de la crise du système de santé

C’est une évidence. Dans la décennie 1970, les Etats africains ne sont plus en mesure de financer, en volume et en structure, les services publics qui composent l’essentiel de leurs systèmes de santé. Les Politiques d’Ajustement Structurel sont imposées dès la décennie 80 aux pays en développement par la Banque Mondiale et le Fonds Monétaire International pour leur permettre de rembourser leur dette en diminuant leurs dépenses publiques. Ces politiques ont contraint ces pays à diminuer les ressources qu’ils affectent à la santé et à l’éducation.
L’autofinancement partiel des services de santé par les usagers est alors apparu comme une idée légitime, à condition qu’elle soit assortie de mesures d’accès aux soins pour les personnes les plus démunies, et que la qualité des services soit améliorée. C’est un des fondements de la mise en œuvre des Soins de Santé Primaires. La Conférence d’Alma-Ata qui en est l’acte fondateur se veut ambitieuse. Elle entend donner des réponses en faveur d’un changement radical du contenu et de la conception des services de santé. L’objectif à atteindre est de parvenir à l’équité des prestations sanitaires par le biais des SSP tout en restant collé à l’objectif symbolique que se fixe l’OMS : la santé pour tous d’ici à l’an 2000.
La Déclaration d’Alma-Ata est censée avoir un effet immédiat sur les stratégies mondiales de l’OMS et a dominé depuis les politiques et les programmes. Elle devait dépeindre aussi sur les politiques sanitaires des Etats membres. Il est moins certain que ces changements de politique aient contribué à améliorer l’état de santé des populations. C’est pour corriger les carences découlant de l’application des SSP que l’Initiative de Bamako a été lancée. La réunion de Bamako, tenue en 1987, sous l’égide de l’UNICEF, de l’OMS et des ministres africains de la santé, va dans ce sens. Il s’agit de trouver des réponses à la dégradation des services de santé des pays en voie de développement, de restaurer la confiance des usagers et de relancer la politique des SSP qui a montré ses limites. Trois idées vont structurer ce chapitre : on s’interrogera sur la mise en œuvre des SSP ; on évoquera l’IB, comme solution de recours pour corriger les carences nées de l’application des SSP et on présentera l’application de ces politiques par les pouvoirs publics en Côte d’Ivoire.
L’OMS et les Soins de santé primaires (1978) : une bouée de sauvetage pour le système de santé?
La mise en œuvre des SSP de santé fait suite à un constat implacable sur la situation de la santé dans le monde, et principalement dans les pays en voie de développement. En effet, l’état de santé de centaines de millions d’habitants de la planète est à l’époque inacceptable.
Dans un rapport présenté à la 28e Assemblée mondiale de la santé, en 1975, le Directeur général commence son exposé par souligner la gravité de la situation sanitaire dans le monde : Malgré les remarquables progrès de la médecine et de la technologie, l’état de la santé de la majorité des populations reste précaire dans les régions défavorisées de la plupart des pays du monde. La gravité du problème est reflétée par les taux élevés de morbidité et de mortalité observés dans les populations rurales et péri-urbaines, qui constituent encore de 80 à 85% de la population du monde et où la « misère absolue »771 demeure le lot d’environ 550 millions d’individus. Bien que la morbidité et la mortalité tendent à régresser, la malnutrition, les maladies transmissibles, les infections parasitaires, etc. continuent de prélever un lourd tribut de vies humaines, notamment parmi les nourrissons, les enfants et les autres groupes vulnérables des régions défavorisées. Le mauvais état de santé des populations en question ne se traduit pas seulement par des taux de morbidité et de mortalité élevés ; il compromet aussi le développement humain et la capacité des individus de réaliser leurs potentialités et de mener une vie productive772.
Plus de la moitié de la population du monde est donc privée de soins de santé convenables. Plus grave, le fossé s’élargit entre pays développés et pays en voie de développement concernant le niveau de santé. Pire, des écarts analogues s’observent entre différents groupes de populations à l’intérieur de chaque pays, quel qu’en soit le degré de développement.

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Table des matières

NTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : La politique d’ « éradication du paludisme » : un défi pour l’OMS : 1948-1969
Chapitre I : Pourquoi la mise en œuvre d’une politique d’ « éradication du paludisme » ?
I. L’avènement de l’insecticide dichloro-diphényl-trichlorétane ou DDT : un nouvel espoir pour la disparition du paludisme
Comment le DDT révolutionne la lutte contre le paludisme ?
Une efficacité contrastée et porteuse d’inquiétudes
II. La politique d’ « éradication du paludisme » en 1955 : un projet ambitieux mais controversé ?
Origine et mise en œuvre de la politique d’éradication
De la Conférence de Kampala aux projets pilotes d’éradication du paludisme en
Afrique : l’exemple de la Haute-Volta et du Cameroun
Pourquoi l’Afrique est-elle partiellement exclue des programmes d’éradication ?
III. Le programme de prééradication ou comment préparer la voie à la politique d’éradication ?
Chapitre II : Les freins à l’application de la politique d’ « éradication du paludisme » en Côte d’Ivoire
I. Un service antipaludique fédéral aux moyens très limités
II. Quelle est la finalité des études menées sur le paludisme en Côte d’Ivoire?
Les spécificités des études sur le paludisme en situation coloniale
Les études sur le paludisme au lendemain des indépendances
III. Le système sanitaire ivoirien est-il adapté pour mener la politique d’éradication ?
Des infrastructures sanitaires inadaptées
Le personnel métropolitain
Le personnel auxiliaire local
Une laborieuse « ivoirisation » de la formation médicale
Chapitre III : Quelle alternative à l’ « éradication du paludisme » dans le contexte ivoirien ?
I. Réduire l’incidence du paludisme sur les populations à travers l’amélioration du cadre de vie : l’affirmation d’une politique d’hygiène
II. Quelles sont les modalités d’application de la chimiothérapie aux populations ?
Conclusion de la première partie
DEUXIEME PARTIE : Retour vers un projet plus réaliste : la politique de contrôle du paludisme : 1970-1996
Chapitre IV : Comment mettre en œuvre la politique de contrôle du paludisme dans un système de santé en crise ?
I. Pourquoi une politique de contrôle du paludisme ?
Les problèmes techniques
Les problèmes non techniques
II. Comment définir la politique de contrôle du paludisme ?
III. La crise du système de santé en Côte d’Ivoire : quelle réalité ?
Chapitre V : Sortir de l’impasse de la crise du système de santé
I. L’OMS et les Soins de santé primaires (1978) : une bouée de sauvetage pour le système de santé ?
II. Corriger les imperfections d’une politique exogène que sont les SSP : « l’Initiative de
Bamako de 1987 » ou la réorientation des SSP
L’amélioration relative de la couverture sanitaire et des soins
La mobilisation des fonds pour le secteur de la santé
L’Initiative de Bamako n’a pas été la panacée attendue : pourquoi ?
L’équité dans la fréquentation des centres de santé est loin d’̵tre atteinte
La problématique de la décentralisation et l’équité du financement de la santé
III. Les Soins de santé primaires et l’Initiative de Bamako : quelles réponses institutionnelles et quelles applications dans le système de santé ivoirien ?
L’application des SSP dans le système de santé en Côte d’Ivoire : une volonté politique à l’épreuve de la réalité du terrain
La difficile mise en place des districts sanitaires
Chapitre VI : Des stratégies régionales à la stratégie mondiale de lutte antipaludique
I. Vers la recherche d’une stratégie africaine de lutte antipaludique
II. Comment la politique de contrôle se décline-t-elle dans la pratique médicale en Côte d’Ivoire après son lancement ?
Comment la lutte doit-elle s’organiser dans le cadre des SSP ?
Les réalités de la pratique médicale dans le cadre du contrôle du paludisme
III. Du local au global : la Conférence ministérielle d’Amsterdam et la définition d’une stratégie mondiale révisée de lutte antipaludique : 1992
IV. Les nouveaux fronts de la lutte antipaludique en Côte d’Ivoire : vers la promotion d’une lutte intégrée ?
V. Les populations ivoiriennes et l’application des stratégies de lutte antipaludique : réactions diverses et développement de stratégies endogènes
Conclusion de la deuxième partie
CONCLUSION GENERALE
SOURCES
BIBLIOGRAPHIE

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