La fabrique de la Ville Nouvelle de L’Isle d’Abeau : une expérimentation urbanistique utopique ?
A l’origine, L’Isle d’Abeau était un petit village entouré de marécages situé dans la plaine du Dauphiné. Au début du XVIème siècle, les seigneurs DE POLLOUD, une des plus anciennes familles de la province, occupaient la maison forte « D’Abeaulx ». La forme de ce village ressemblait à une île, c’est ainsi que l’appellation de « L’Isle d’Abeau » est née.
Le village a connu ensuite d’importantes mutations depuis son intégration au projet de ville nouvelle.
Les prémisses de la ville nouvelle de L’Isle d’Abeau ont débuté à partir du 8 février 1968 par des études préparatoires menées par 35 techniciens. La décision d’engager cette opération d’aménagement a été prise en mai 1970 lors d’un comité interministériel d’aménagement du territoire (« CIAT »), organisme conçu par le gouvernement de Georges POMPIDOU. La ville nouvelle de L’Isle d’Abeau relève donc d’une opération d’intérêt national d’aménagement du territoire. Cette volonté de construire la ville nouvelle de L’Isle d’Abeau s’est ensuite traduite par un Schéma d’Aménagement et d’Urbanisme (« SDAU ») en 1971. Celui-ci fixe les principes fondateurs de l’aménagement urbain de ce territoire.
La ville nouvelle de L’Isle d’Abeau, un échec ?
Tous les espoirs du projet de la ville nouvelle de L’Isle d’Abeau se sont progressivement estompés notamment car ce territoire présente des dysfonctionnements urbains, économiques et sociaux. Ils sont concentrés essentiellement dans des quartiers appartenant aux communes les plus peuplées du Nord-Isère à savoir, Champfleuri et Champaret à Bourgoin-Jallieu, Saint Hubert et Pierre Louve à L’Isle d’Abeau, Servenoble, Sanint Bonnet, les Roches à Villefontaine, le quartier des Moines à Saint-Quentin-Fallavier et enfin Riante Plaine à la Verpillère.
Dans ce passage, nous allons mettre en lumière les principaux maux urbains et sociaux qui sévissent la ville nouvelle de L’Isle d’Abeau à partir de l’analyse de Paulette DUARTE dans l’étude de L’Isle d’Abeau : de la ville nouvelle à la ville contemporaine.
Elle explique que « les principes originels qui fondaient la ville nouvelle ne fonctionnent plus, (…) cette agglomération souffre des maux identiques à ceux des autres agglomérations urbaines. » En effet, l’habitat dans ces communes présente des signes de dégradation, voire de vétusté. Un logement dit dégradé est un logement sans confort, sans toilettes, ni eau chaude, ni chauffage central. Il s’agit de logements anciens, voire très anciens, qui sont souvent considérés comme insalubres. Quant à l’insalubrité, on fait référence à des logements qui sont impropres à leurs usages, car ils peuvent entraîner des risques en termes de santé et de sécurité. On parle d’ailleurs de mise en danger des personnes qui occupent ces logements. L’état du bâti peut avoir des effets sur la sécurité physique, sur la santé mais également sur l’état moral des personnes qui occupent ce logement. Pour mesurer cette insalubrité, les acteurs du logement, et notamment dans le champ social, ont établi une série de critères prenant en compte l’état des murs, la question de l’humidité, la question de l’ouverture des pièces sur l’extérieur, la présence ou non d’émanation de produits toxiques…
Les quartiers cités précédemment qui concentrent des difficultés économiques, sociales et urbaines sont composés principalement d’habitat social individuel et collectif. Il y a par exemple dans le quartier des Roches, situé dans la commune de Villefontaine et construit en 1977, 90% des logements qui sont sociaux. En plus, de l’habitat dégradé, il y a une accessibilité et une lisibilité urbaine insuffisante, des actes d’incivilité et un sentiment d’insécurité, des équipements inadaptés ou insuffisants et des activités commerciales en difficultés. De plus, la population d’origine étrangère concentrée dans ces quartiers a entrainé des phénomènes de communautarisme. Il semblerait que la mixité sociale n’existe plus dans ces quartiers. La situation économiquement précaire des résidents ne leur permet pas d’échapper à leur logement généralement inadaptés ou dégradés. Enfin, dans cette étude, on comprend que la vie sociale est faible, avec peu d’associations et vie de quartier.
Tous ces dysfonctionnements renvoient une image négative de certains quartiers de la ville nouvelle. L’auteur prend l’exemple du quartier des Roches qui a une image si négative qu’il en devient répulsif. Ce phénomène s’est traduit par un fort taux de migration « dû aux départs des locataires et au refus de nombreux habitants extérieurs, demandeurs de logement, qui souhaitent éviter la cohabitation avec des populations précaires et les des faits de dégradations. » Cette dévalorisation à la fois économique, sociale et urbaine brise le mythe fondé depuis les origines de la ville nouvelle de L’Isle d’Abeau. Bien que les quartiers fragiles de cette ville nouvelle n’aient évidemment pas le même degré de difficulté que certains quartiers dits « sensibles » de la banlieue Lyonnaise, comme celui des Minguettes, à Vénissieux. La ville nouvelle de L’Isle d’Abeau souffre de maux identiques à ceux d’autres villes françaises, c’est pourquoi Paulette DUARTE parle de la ville nouvelle de L’Isle d’Abeau comme une ville qui se « banalise ».
La montée en puissance de l’intercommunalité
Les contrats d’agglomération, un des premiers outils fondateurs de la Politique de la Ville sur le territoire de la CAPI
Face à ces difficultés, depuis près de vingt ans, les acteurs de la Politique de la Ville et de l’habitat du Nord-Isère ont mis en œuvre des dispositifs expérimentaux comme la convention de développement, les opérations Villes et Quartiers ainsi que les Plans Locaux de l’Habitat.
Cependant, ce qui marque un tournant dans l’histoire de la Politique de la Ville ce sont les premiers contrats d’agglomération. En effet, à cette époque, l’État prend de nouvelles mesures, et octroie un budget plus important à la Politique de la Ville passant de 40 % à 70 entre 1999 et 2001. Les contrats d’agglomération apparaissent avec la loi n° 99-586 du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale dite « loi Chevènement ». Sur les 247 contrats d’agglomération signés dans l’Hexagone, 70 % furent intercommunaux. Au total, c’est 2 250 communes qui ont été concernées par les contrats de ville de première génération. Le 6 novembre 2000, une convention cadre « Politique de la Ville » a été signée. Il s’ensuivit la mise en place d’un premier Contrat de ville pour le Nord Isère, dont les signataires étaient :
5 communes(Bourgoin-Jallieu,Saint-Quentin-Fallavier,La Verpillière, L’Isle d’Abeau, Villefontaine),
Les structures intercommunales (le SATIN, le SAN de L’Isle d’Abeau et le SIVOM des deux cantons de Bourgoin-Jallieu)
L’État, la Région Rhône-Alpes, le Département de l’Isère
Les CAF de Vienne et de Grenoble, le FASILD et l’ARRA-HLM,
La politique de la ville, une compétence obligatoire pour la Communauté d’Agglomération Porte de l’Isère
Le besoin d’établir une approche intercommunale dans le domaine de la Politique de la Ville est apparu dès la fin des année 1980 avec la circulaire du premier ministre du 22 mai 1989 qui précise que les dispositifs de la Politique de la Ville doivent nécessairement comporter une dimension intercommunale. Une série de lois évoque cette dimension intercommunale dans les années 1990 à savoir la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d’orientation pour l’aménagement et le développement du territoire et la loi n° 96-987 du 14 novembre 1996 sur la mise en œuvre du Pacte de relance pour la ville et les décrets sur la prioritaire du 26 décembre 1996 qui aboutissent à la création de 51 ZUS intercommunales. Bernard LEGE, architecte et anthropologue au CNRS souligne d’ailleurs dès le début des années 1990, la légitimité des intercommunalités à participer à la Politique de la Ville sur leur territoire « La politique DSQ (développement social des quartiers) est par définition, une politique transversale et partenariale. Elle nécessite la mobilisation d’une multitude de services (urbanisme, transport, éducation, justice …) Il serait juste que l’ensemble des collectivités locales y participent également. » Ensuite, en 1998 M. Jean-Pierre SUEUR, ancien secrétaire d’État des collectivités territoriales sous François MITTERAND, propose dans un rapport remis à la Ministre de l’emploi et de la solidarité, de substituer les contrats d’agglomération aux contrats de ville. Enfin, la circulaire du Premier ministre du 31 décembre 1998 relative aux contrats de ville 2000-2006 incite au développement de la contractualisation intercommunale.
Cependant, c’est la loi Chevènement n° 99-586 du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale qui a fait de la Politique de la Ville une compétence obligatoire des communautés d’agglomération, établissements publics de coopération intercommunale (« EPCI ») qui ont connu un développement marqué depuis 1999. C’est un tournant dans l’histoire de la Politique de la Ville en France car les communautés urbaines et communautés d’agglomération sont devenus les chefs de file en matière de Politique de la Ville sur leur territoire. En ce qui concerne la CAPI, elle exerce des compétences qui relèvent de trois niveaux à savoir les compétences obligatoires et optionnelles fixées par la loi Chevènement et enfin les compétences facultatives définies par les élus de la CAPI. La Politique de la Ville est l’une des compétences obligatoires de la CAPI depuis 2007.
Le fonctionnement politique de la CAPI
La montée en puissance de la Communauté d’Agglomération Porte de l’Isère s’est traduite par un fonctionnement politique structuré. En effet, cette communauté d’agglomération est dirigée par des citoyens élus appelés « conseillers communautaires ». Ils se réunissent régulièrement dans le cadre de deux instances dans le but de fixer l’action communautaire pour l’intérêt des habitants de l’agglomération. Depuis 2014, les électeurs des communes de plus de 1 000 habitants votent en même temps pour leurs conseillers communaux et communautaires, au suffrage universel direct. En ce qui concerne les communes de moins de 1 000 habitants, le système reste identique. Ce sont les conseillers municipaux nouvellement élus qui représentent leur commune selon l’ordre du tableau municipal.
Lors du premier Conseil communautaire du mandat, les conseillers élisent en leur sein le Président, les 15 Vice-Présidents et les Conseillers communautaires délégués. Ensemble, ils constituent le Bureau communautaire où toutes les communes sont représentées. Les élus se réunissent environ 2 fois par mois, dans le but de statuer sur les différents dossiers et actions communautaires. Le Conseil communautaire est également « organe délibérant » et est composé de 70 conseillers communautaires. En plus de ces conseillers communautaires titulaires, la CAPI compte 13 suppléants dont le rôle est de prendre part aux décisions en l’absence du titulaire. Ils sont conviés à participer à tous les Conseils communautaires et peuvent ainsi relayer l’information dans leur commune. Le Conseil Communautaire est l’occasion pour les élus de débattre ensemble des projets et de voter les délibérations pour prendre toutes les décisions d’ordre budgétaire. Le Conseil se réunit au moins 4 fois par an.
Les commissions travaillent en amont sur les différentes thématiques, afin de faciliter les prises de décisions lors du Conseil Communautaire composé d’un représentant de chaque commune et un conseiller communautaire.
Retour sur l’évolution progressive de la Politique de la Ville sur le territoire CAPI
La Politique de la Ville sur le territoire CAPI : du CUCS vers le Contrat de ville
Une géographie prioritaire des quartiers du CUCS complexe et inefficace
La CAPI a pris la compétence obligatoire de piloter à l’échelle locale la Politique de la Ville depuis 2007. La CAPI porte la démarche à travers le premier contrat urbain de cohésion sociale à l’échelle intercommunale à partir de cette date. Les contrats urbains de cohésion sociale ont été signés conformément à la circulaire du 24 mai 2006 du ministère de l’Emploi, de la Cohésion sociale et du Logement pour une période de trois ans renouvelables. Ils ont été finalement poursuivis jusqu’à fin 2014. Au total, 467 contrats ont été signés en France métropolitaine. Les négociations autours des CUCS ont été organisées dans des délais assez contraints ne permettant pas réellement une réflexion de fonds concertée et partagée entre les acteurs de la politique de la ville. La stratégie de l’État a consisté à imposer un certain cadre autour de cinq priorités à appliquer à travers le contrat urbain de cohésion sociale à savoir : l’accès à l’emploi et le développement économique, l’amélioration du cadre de vie et de l’habitat, la réussite éducative, la prévention de la délinquance et la citoyenneté ainsi que la santé. Dans ce contexte, la marche de manœuvre des collectivités territoriales était restreinte, ce qui a provoqué un sentiment de frustration. A l’échelle de la CAPI, ce nouveau contrat urbain de cohésion sociale inclut les 4 communes qui étaient anciennement concernées par le contrat d’agglomération 2000-2006. L’État a défini une géographie prioritaire avec des périmètres répondants à des critères complexes. Un s ystème de classification s’échelonnant en trois niveaux de priorité allant de 1 à 3 selon le degré de difficulté du quartier concerné a été mis en place. Cette classification devait rendre lisible les écarts entre les quartiers de la politique de la ville. Ces écarts s’expliquent en fonction de la typologie familiale, la qualité du parc social, le revenu des habitants, le taux de chômage, et enfin le taux le degré de qualification de la population et plus particulièrement celui des jeunes.
La loi de programmation pour la ville et la cohésion sociale, un nouveau souffle pour la Politique de la Ville
Plusieurs rapports rendus publics ont fait l’objet de vives critiques à l’égard de la Politique de la Ville et notamment celui de la Cour des Comptes « la politique de la ville, une décennie de réformes » paru le 17 juillet 2012. A travers ce document, la cour des comptes dénonce les modes de gouvernance. Il y a tout d’abord la multiplication des dispositifs qui rendent cette politique publique complexe. La cour des comptes estime que « l’efficacité et l’efficience de la Politique de la Ville restent incertaines. Les CUCS avaient pour but de concilier les enjeux urbains et sociaux de la politique de la ville. Cependant, cette politique était en réalité « un accompagnement social organisé autour du soutien à la vie associative.
Les enjeux liés à l’habitat et à la rénovation urbaine étant traités à part par des équipes ad hoc spécialistes du logement. » Les CUCS ne sont pas parvenus à créer une coordination entre les équipes de développement local, segmentées entre spécialistes du foncier et de l’urbain et les professionnels de l’action sociale.
C’est dans ce contexte que la réforme de la Politique de la Ville a émergé lors du conseil des ministres le 22 août 2012. De plus, « L’engagement n°27 du président de la République consistant à faire de l’égalité́ républicaine entre les territoires une priorité́ de l’action de l’État a conduit le gouvernement à engager une nouvelle étape de la politique de la ville. »Le processus de réforme a été lancé dès octobre 2012 avec des temps de concertations au gouvernement et devait se terminer par des propositions concrètes pour une refonte de la Politique de la Ville. La loi de programmation pour la ville et la cohésion sociale du 21 février 2014, (dite loi Lamy), renouvelle véritablement la Politique de la Ville car c’est le premier texte législatif d’envergure depuis la loi d’orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine (dite loi Borloo) promulguée en 2003. La loi Lamy marque une volonté importante de renouvellement, avec un vocabulaire insistant sur la « refonte » de la politique de la ville. En effet, la loi propose de réformer en profondeur les outils de la politique de la ville. Il s’agit d’un tournant dans l’histoire de la Politique de la Ville après une décennie marquée par un échec des pouvoirs publics à résoudre les problèmes sociaux et urbains dans les quartiers.
Le référentiel de questions évaluatives
A partir de cette première phase de réflexion, la CAPI a construit un référentiel de questions évaluatives qui constitue l’outil opérationnel de l’évaluation : le référentiel de questions évaluatives comprend l’ensemble des questions de fond que l’on se pose pour évaluer la programmation, auxquelles il s’agira de répondre via les « nouveaux outils » évoqués cidessus. Issu d’une réflexion partagée, le document a servi de fil conducteur à l’ensemble de l’évaluation. Cependant, cet outil a été élaboré uniquement entre chargées de missions Politique de la Ville CAPI. Dans d’autres territoires comme celui de Chambery, la réflexion de l’évaluation du contrat de ville s’est faite en collaboration avec les membres du comité technique.
Les grilles d’entretien
Outil d’enquête qualitative servant à guider l’entretien avec les acteurs concernés par l’évaluation, ce document comporte essentiellement des questions ouvertes. Deux grilles d’entretien ont été réalisées pour interroger à la fois les membres du comité technique et les porteurs de projet. L’évaluation a ainsi été construite de manière partenariale, avec les membres du comité technique. Leur bonne connaissance du territoire et des actions ont permis d’enrichir l’évaluation sur les questions de gouvernance, de calendrier et d’examen des dossiers. La première grille d’entretien, qui leur est destinée, vise à faire ressortir la perception des membres du comité technique sur l’évolution du pilotage du contrat de ville par la CAPI, les instances de gouvernance dédiées à la programmation, la vision intercommunale sur le territoire (…). La deuxième grille d’entretien vise à étudier le déroulement et les apports de 5 actions clés de la programmation. Ce document a été adressé aux technicien(e)s qui ont mis en œuvre l’action ainsi qu’aux bénéficiaires pour recueillir leur témoignage et produire des fiches synthétiques présentant le contexte général de l’action et ses résultats pour les bénéficiaires.
Le questionnaire
Le questionnaire est un outil d’enquête qualitatif, il se compose d’une série de questions ouvertes et fermées. C’est un outil adapté qui permet de recueillir des informations précises auprès d’un plus grand nombre de personnes interrogées. Un questionnaire a été élaboré pour recueillir la vision des porteurs de projet sur l’appel à projet, son fonctionnement et sa lisibilité (diffusion de l’appel à projet, efficacité des rencontres territoriales, complexité des démarches administratives dans le cadre de la programmation, …). Ce questionnaire a été adressé à 66 porteurs de projet et 17 réponses ont été transmises. L’avis des porteurs de projet était essentiel pour mener cette évaluation. Ce sont des acteurs de la Politique de la Ville incontournables de la programmation. Ce sont essentiellement des associations berjaliennes, relevant du pilier « cohésion sociale », qui ont répondu à ce questionnaire.
Une intervention qui doit encore gagner en lisibilité
Bien que la CAPI soit identifiée par l’ensemble des acteurs de la politique de la ville, une ambiguïté demeure parfois quant à son rôle exact. La CAPI cumule en effet différentes fonctions dans le cadre de l’appel à projet annuel. Elle est à la fois une organisation administrative, elle assure le pilotage et animation du contrat de ville, elle finance des projets, et accompagne des porteurs de projet. Ces rôles multiples de la CAPI sont le reflet de la complexité de la Politique de la Ville elle-même, en tant que politique partenariale. La perception du pilotage de la CAPI par les porteurs de projets reste très centrée sur la programmation, sans qu’une perception de pilotage global du contrat de ville, hors programmation, ne se dégage nécessairement. Dans le cadre de la programmation, l’identification de la CAPI comme acteur en charge du traitement administratif de l’ensemble des dossiers reste minoritaire pour ce qui est des porteurs de projet. Ces confusions s’expliquent notamment par le rôle essentiel que continue à avoir l’État dans la Politique de la Ville, avec des procédures spécifiques à suivre par les porteurs de projets pour l’attribution des subventions (portail CGET). L’État reste par ailleurs le principal financeur de la politique de la ville, et reste à l’initiative de cette politique à l’échelle nationale. Dans la suite de cette étude, le poids des différentes enveloppes budgétaires dédiées à la Politique de la Ville sera analysé.
Pour améliorer sa lisibilité, la CAPI a déjà engagé un travail de sensibilisation et de communication via des nouveaux supports de présentation telle qu’une plaquette de présentation sur la Politique de la Ville et la programmation distribuée aux porteurs de projet lors des rencontres territoriales en juillet 2018.
Une Politique de la Ville qui se construit progressivement à l’échelle intercommunale
Une culture commune mise en place sur la première période du contrat de ville
L’élaboration du contrat de ville puis la programmation ont permis la construction d’une culture commune autour de la politique de la ville. La redéfinition des process de la programmation et leur mise en œuvre ont été le fruit d’un travail collaboratif de la CAPI avec les communes et les partenaires du contrat de ville. Un langage commun et des outils communs ont ainsi été installés, en particulier dans le travail mené par la CAPI et les communes (« projet structurant », « tableau de programmation », etc.). Cette culture commune ressort nettement des entretiens avec les membres du COTECH. La mise en place de travaux d’observation a également permis de construire une connaissance commune du territoire, dès l’élaboration du contrat de ville (portrait des quartiers CUCS puis portrait des quartiers du contrat de ville réalisée en collaboration avec l’Agence d’Urbanisme de Lyon). La production annuelle de travaux d’observation thématiques a permis d’alimenter cette dynamique (étude emploi avec l’agence d’urbanisme, étude sur les entreprises en quartier avec la CCI et la CMA, …). Ce travail d’élaboration d’une culture commune est à poursuivre sur la fin du contrat de ville.
Une vision politique intercommunale à conforter
La Communauté d’Agglomération Porte de l’Isère est une intercommunalité récente, créée en 2007 est marquée par la prédominance des visions communales, quelques soient les politiques publiques concernées. Même si l’équipe de la direction cohésion sociale constate des évolutions depuis la période du CUCS, le positionnement des communes reste essentiellement conditionné par leurs propres priorités, les perceptions communales restent donc fortement marquées. Les membres du comité technique affirment que la vision intercommunale reste insuffisante. Franck BACHELET, enseignant-chercheur et maître de conférences de sciences politique à l’Institut Politique de Lille explique la difficile coopération entre l’échelon communal et intercommunal. Il présente les intercommunalités comme « un espace qui constitue un système relativement autonome et plurifonctionnel à partir duquel on peut localement réguler les différents sous-systèmes sociaux (emploi, formation, transports, développement économique, habitat et action sociale.) Si a priori , cette stratégie semble rationnelle, elle est en décalage avec la réalité de la coopération intercommunale qui n’est certes pas indépendante des facteurs socio-économiques, mais qui est aussi le produit d’une histoire sociale, de conflits et de compromis politiques (…) La conciliation de ces deux logiques, l’une dynamique, réactive et centrée sur un souci d’adaptation aux mutations sociales, et l’autre instituée doit opérer un compromis permanent entre le socialement souhaitable et le politiquement réalisable reste fragile.
Chacune développe ses propres outils de construction de la réalité qui ne s’ajustent pas complètement. La réalité de la ville ne correspond pas à la réalité juridique et institutionnelle de la commune. » Cette idée ressort à l’issu d’un entretien auprès d’un référent communal interrogé sur les relations entre l’échelon communal et intercommunal à la suite de la mise du contrat de ville en 2015. Il affirme que « La CAPI et les communes n’ont peut-être pas toujours les mêmes visions et objectifs mais on trouve toujours un terrain d’entente même si la CAPI reste un peu prégnante au niveau des décisions. » Toutefois, bien que ces conflits politiques existent, ceux-ci ne sont pas propres à la CAPI, on les retrouve également sur d’autres territoires de manière plus ou moins prégnante surtout depuis le saut métropolitain. En effet, dans le cadre d’une étude comparée des politiques de l’Habitat dans la métropole Grenobloise encadrée par Paulette DUARTE à l’issu de ma première année de Master Urbanisme et Aménagement, nous avions interrogé un expert de l’habitat à SOLIHA et il explique que « des clivages politiques ont amenés à maintenir pendant très longtemps une culture politique communale. »
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Table des matières
Introduction
Partie 1
De l’héritage de la Ville Nouvelle de L’Isle d’Abeau à la Communauté d’Agglomération Porte de l’Isère : un jeune territoire engagé dans la Politique de la Ville
A. Un territoire attractif mais marqué par des poches de fragilité
1. La Ville Nouvelle de L’Isle d’Abeau : entre illusions et désillusions
1. 1 L’origine des villes nouvelles en France
1.2 La fabrique de la Ville Nouvelle de L’Isle d’Abeau : une expérimentation urbanistique utopique ?
1.3 La ville nouvelle de L’Isle d’Abeau, un échec ?
2. La montée en puissance de l’intercommunalité
2.1 Les contrats d’agglomération, un des premiers outils fondateurs de la Politique de la Ville sur le
territoire de la CAPI
2.2 L’émergence de la Communauté d’Agglomération Porte de l’Isère
2.3 La politique de la ville, une compétence obligatoire pour la Communauté d’Agglomération Porte de l’Isère
2.4 Le fonctionnement politique de la CAPI
2.5 Le fonctionnement administratif de la CAPI
B. Retour sur l’évolution progressive de la Politique de la Ville sur le territoire CAPI
1. La Politique de la Ville sur le territoire CAPI : du CUCS vers le Contrat de ville
1.1 Une géographie prioritaire des quartiers du CUCS complexe et inefficace
1.2 La mutualisation du service habitat et Politique de la Ville pour renforcer les moyens et agir en faveur des quartiers
1.3 La loi de programmation pour la ville et la cohésion sociale, un nouveau souffle pour la Politique de la Ville
1.4 L’arrivée du nouveau dispositif de mise en œuvre de la Politique de la Ville : le contrat de ville 2015-2020 de la Communauté d’Agglomération Porte de l’Isère
L’application des chantiers de la réforme de la Politique de la Ville par la CAPI
1.5 La mise en place d’une nouvelle ingénierie et de nouvelles instances dédiées à la programmation
1.6 La refonte de l’outil de la programmation, au service de la mise en œuvre du contrat de ville
2. L’évaluation du contrat de ville 2015-2020 : une démarche obligatoire pour les collectivités territoriales mais indépendante dans sa mise en œuvre
2.1 La méthodologie choisie
2.2 Le calendrier de l’évaluation
2.3 Les acteurs de la Politique de la Ville impliqués dans l’évaluation
2.4 Les outils et sources utilisés pour élaborer l’évaluation
2.5 Le paradoxe de l’évaluation des politiques publiques telle que la Politique de la Ville
PARTIE 2
L’outil de programmation, levier essentiel de transformation de la Politique de la Ville sur la première période du contrat de ville 2015-2020 de la Communauté d’Agglomération Porte de l’Isère?
A. La gouvernance et le pilotage du contrat de ville par la CAPI
1. Une montée en puissance du pilotage de la CAPI sur la période 2015-2018
1.1 Une intercommunalité clairement identifiée comme pilote du contrat de ville .
1.2 Un pilotage conforté par un renforcement de l’ingénierie
1.3 Une intervention qui doit encore gagner en lisibilité
2 Une Politique de la Ville qui se construit progressivement à l’échelle intercommunale
2.1 Une culture commune mise en place sur la première période du contrat de ville
2.2 Une vision politique intercommunale à conforter
2.3 Des projets intercommunaux plus nombreux mais à développer
2.4 Un travail technique intercommunal plutôt centré sur la refonte des « process » sur la première
période du contrat de ville
3 Des instances du contrat de ville installées, à adapter pour laisser davantage de place aux débats
de fond
3.1 Des instances installées et efficaces dans la mise en œuvre de la programmation
3.2 Des instances qui laissent encore trop peu de place aux débats et aux sujets de fond
4 Des communes qui jouent leur rôle de relais sur le terrain et participent à l’élaboration de la
politique de la ville, mais dont le portage politique reste à conforter
4.1 Des communes qui jouent un rôle de relais efficace sur le terrain
4.2 Une implication forte et constante dans la programmation du contrat de ville
4.3 Un portage politique qui gagnerait à être renforcé dans les communes
4.4 Des temps techniques CAPI/communes (MOUS) permettant d’alimenter l’ingénierie communale, mais où l’implication des communes reste plus en retrait
B. La programmation, levier de mobilisation en direction des quartiers
1. Une mobilisation partenariale accrue, s’appuyant sur le travail autour de la programmation
1.1 L’implication de nouveaux signataires dans le contrat de ville, avec la construction d’un nouveau travail partenarial, se traduisant notamment par le dépôt de projets dans le cadre de la programmation
1.2 La mobilisation des partenaires financeurs
1.3 La mise en place de dynamiques partenariales nouvelles autour de certaines thématiques comme le sport et l’inclusion sociale
1.4 Une mobilisation partenariale locale animée par les communes qui reste à conforter
2. Une construction et une autonomisation progressive des conseils citoyens sur la première partie du contrat de ville, avec une intégration à poursuivre
2.1 Une construction progressive des conseils citoyens sur la première période du contrat de ville
2.2 Une participation à la Politique de la Ville essentiellement au niveau local, dans le cadre communal
2.3 Une intégration au contrat de ville consolidée par le travail sur la programmation mais encore
inaboutie
3 Une mobilisation accrue des acteurs de quartier et de la sphère associative
3.1 Une mobilisation plus importante des associations
3.2 De nouvelles associations, nouveaux porteurs extérieurs à la politique de la ville
3.3 Une dynamique fragile, perturbée par les aléas financiers
4. Une mobilisation favorisée par un effort de simplification des démarches administratives et par un accompagnement renforcé des porteurs de projets
4.1 Un accompagnement renforcé des nouveaux porteurs, visant à faciliter leur entrée dans la programmation
4.2 Un travail de simplification des démarches administratives visant à faciliter l’implication d’acteurs peu familiers de la politique de la ville
C. Une programmation davantage au service des quartiers : montée en qualité de la programmation sur la période 2015-2018
1. Une programmation mise au service des enjeux et des territoires du contrat de ville, qui doit
conforter sa capacité à investir de nouvelles thématiques et l’ensemble des quartiers
1.1 Une amélioration progressive de la capacité de la programmation à couvrir les thématiques et les enjeux du contrat de ville pour le territoire
1.2 Une programmation qui touche la nouvelle géographie prioritaire dans son ensemble, davantage centrée sur les QPV
1.3 La capacité des partenaires de la Politique de la Ville à investir de nouvelles thématiques
2. Une programmation plus exigeante quant au respect des critères de la politique de la ville,
ciblant davantage la population des quartiers
2.1 Un travail de classification de la programmation engagé en 2015, à poursuivre
2.2 Une réaffirmation des critères de la Politique de la Ville et un travail de communication renforcé en direction des porteurs de projets
2.3 Des projets déposés plus en phase avec les critères de la politique de la ville, suite au travail de communication et d’accompagnement engagé par la CAPI, avec les communes
3. Un accompagnement renforcé en direction des porteurs de projets, permettant d’améliorer la
qualité des projets déposés
3.1 La mise en place de nouveaux « process » pour l’accompagnement des porteurs de projets dans la construction de leurs actions
3.2 Un travail de suivi qui s’est mis en place, à conforter
4. Focus sur 5 actions de la programmation de la CAPI qui améliorent les conditions de vie des
habitants QPV/Q
Conclusion
Annexes
Annexe 1 Fiches des 5 actions de la programmation de la CAPI
Bibliographie
Sitographie
Sigles et abréviations utilisés
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