Méthode d’analyse
Le travail de recherche repose sur une étude rétrospective qualitative des plaintes. Plusieurs lectures successives ont permis d’organiser et affiner les résultats suivant une méthodologie définie. Une première exploration des lettres a isolé des unités thématiques de motifs de plaintes amenant la construction d’une grille thématique. Une analyse transversale a ensuite permis d’identifier les thèmes comparables afin d’homogénéiser les grilles.
L’objectif final est de mettre en valeur les thèmes et sous-thèmes afin d’obtenir une vue critique descriptive des motifs des plaintes. Dans un second temps, une analyse complémentaire a essayé d’identifier des éléments permettant de caractériser les objectifs recherchés par le plaignant. Compte tenu des critères d’inclusion et d’exclusion, le nombre total des plaintes étudiées dans ce travail est de 39.
Les extraits cités dans l’analyse des résultats sont numérotés de 1 à 39 en fonction de leur plainte d’origine. Il est précisé que cette numérotation des plaintes est régie par leur ordre de traitement lors du travail d’analyse et non par leur ordre chronologique de dépôt pendant l’année 2011. A titre d’exemple pour illustrer le matériel exploité dans ce travail de recherche, une copie de l’une des plaintes analysées est jointe. [Annexe 1]
Les points forts
Beaucoup de travaux ont été effectués sur la plainte du patient dans le cadre de sa relation avec le médecin généraliste avec essentiellement des méthodes de recueil du type focusgroupe ou par entretiens semi-structurés [4]. Le choix de travailler directement sur les lettres écrites par le patient lui-même avec le souci premier d’exposer clairement sa plainte permet ici d’éviter certains biais inhérents aux autres méthodes de recueil sus-citées (biais de subjectivité et de perception des enquêtés par exemple).
Le cadre solennel de la plainte adressée au Conseil de l’Ordre a pour conséquence que le plaignant montre une certaine concision dans ses propos. Cela a permis une identification plus simple et objective des motifs principaux, en évitant des interprétations ou allégations aléatoires des propos du plaignant. Ce même souci de rigueur a pu être respecté pour l’objectif secondaire de l’analyse de la volonté du plaignant, celui-ci exprimant littéralement son dessein dans la plupart des cas. Aucun autre propos ou formulation sujet à interprétation n’ a été inclu dans cette analyse de l’intention du plaignant.
Les points faibles
La concision des propos du plaignant est effectivement un atout pour l’identification des motifs de plainte, mais elle engendre une pauvreté du matériel exploré dans certaines lettres. Un nombre plus important de plaintes apporterait probablement plus de richesse dans la compréhension de chaque type de conflit identifié et élargirait peut-être l’éventail de ces motifs. Les plaintes étudiées visent des médecins généralistes de Loire-Atlantique uniquement. Une étude similaire menée dans un autre département avec une densité 59 médicale plus faible et/ou une population plus rurale aurait pu donner des résultats différents avec par exemple un accent plus fort sur les dimensions de l’accès au médecin.
Discussion sur les caractéristiques et la formulation des plaintes
La majorité des plaignants est constituée par des patients ainsi que par leur entourage, ce qui reflète effectivement la place principale de l’interaction avec le patient dans l’activité professionnelle du médecin généraliste. Une proportion significative des plaignants est formée d’employeurs ou d’avocats représentant des entreprises. Les motifs de ces plaintes concernent uniquement des arrêts de travail et certificats médicaux pour harcèlement moral au travail.
L’importance de ce nombre de plaintes illustre la pression forte exercée sur le médecin généraliste par son patient lorsque celui-ci est en difficulté professionnellement. La grande majorité des plaintes est adressée directement au CDOM, cela valorisant le caractère de proximité de l’institution ordinale avec une échelle départementale essentielle. Les plaintes envoyées au CROM ou au CNOM sont systématiquement réadressées au CDOM pour leur traitement.
L’analyse de la rédaction de la plainte montre plusieurs intérêts. Nous remarquons une concision dans l’écriture (1,8 pages). Le plaignant n’hésite pas à ajouter des annexes à sa lettre (30% des plaintes) du type photocopies d’ordonnances, d’arrêts de travail, de certificats, afin d’étayer l’objet de sa plainte. L’envoi par mail ne concerne que quelques plaintes, mais cette possibilité via le site Internet du CDOM est louable dans l’effort de disponibilité de l’institution ordinale auprès du patient. Enfin, le contexte d’écriture est important dans l’aboutissement du dépôt de la plainte.
La récurrence d’une allégation visant un médecin et surtout le retentissement psychique d’une situation conflictuelle sont des facteurs déterminant dans la décision de formaliser la plainte. Souvent, les patients conçoivent aussi leur démarche comme un exutoire à leur colère ou leur désemparement face à une situation conflictuelle dans l’impasse.
Retard diagnostic et perte de chance
Certains plaignants ont dénoncé ce qu’il leur semblait être un retard dans l’établissement d’un diagnostic ou parfois décrivent un sentiment de perte de chance par l’aggravation du pronostic de leur pathologie du fait de leur médecin traitant. Ces deux notions sont finalement intriquées, les conséquences péjoratives et la chronologie des faits étant identiques. Une plainte pointe l’absence d’initiative du médecin malgré l’aggravation clinique constante de la patiente jusqu’à une altération de l’état général très avancée. Un plaignant critique l’immobilisme de son médecin en terme d’examens complémentaires face à une pathologie prostatique se dégradant. Un médecin aurait prescrit une thérapeutique inadaptée avec des conséquences iatrogènes délétères pour l’hypertension artérielle d’un patient.
Enfin, un plaignant estime que la séropositivité de sa compagne est due à la négligence de 71 son médecin qui n’aurait pas communiqué les résultats d’un dépistage antérieur qu’il avait réalisé et ainsi n’a pas établi le diagnostic en amont pour empêcher la contamination. L’article 33 du Code de Déontologie illustre les obligations propres à la première étape de la prise en charge du patient : la démarche diagnostique.
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Table des matières
I.INTRODUCTION
1) Le contexte
2) Objectifs de l’etude
II.MATERIEL ET METHODE
1) Choix du materiel
2) Recueil des donnees
3) Criteres d’inclusion
4) Criteres d’exclusion
5) Methode d’analyse
III. RESULTATS
1) Caracteristiques des plaintes
1.1) Plaignants
1.2) Formulation
1.2.1) Adresse
1.2.2) Rédaction
1.3) Contexte d’écriture
1.3.1) Comportement répétitif
1.3.2) Retentissement psychologique
2) Motifs des plaintes
2.1) Consultation médicale
2.1.1) Qualité relationnelle
2.1.2) Examen clinique
2.1.3) Temps
2.2) Prescription
2.3) Suivi médical
2.3.1) Refus de rendez-vous / rupture du suivi
2.3.2) Dossier médical
2.4) Compétence médicale
2.4.1) Ressenti du plaignant
2.4.2) Retard diagnostic
2.4.3) Recours aux tiers
2.4.4) Perte de chance
2.4.5) Non-assistance à personne en danger
2.5) Honoraires
2.5.1) Montant des honoraires
2.5.2) Remboursement
2.5.3) Comportement vénal
2.6) Certificats médicaux
2.6.1) Certificats de dispense de sport
2.6.2) Certificats descriptifs
2.6.3) Certificats avec immixtion dans les affaires de famille
2.6.4) Certificats pour harcèlement moral au travail
2.7) Arrêts de travail
2.8) Charlatanisme
2.9) Secret médical
2.10) Soins aux mineurs
3) Volonte du plaignant
3.1) Demande d’informations
3.2) Conciliation
3.3) Volonté de sanction
3.3.1) Arguments juridiques
3.3.2) Recours multiples
3.3.3) Sanctions réclamées
3.4) Volonté de signalement
3.4.1) Déontologie
3.4.2) Signalement
IV.DISCUSSION
1) Discussion sur la methode
1.1) Les points forts
1.2) Les points faibles
2) Discussion sur les caracteristiques et la formulation des plaintes
3) Discussion sur les motifs des plaintes
3.1) Consultation médicale
3.2) Prescription
3.3) Suivi médical
3.3.1) Refus de rendez-vous / rupture du suivi
3.3.2) Dossier médical
3.4) Compétence médicale
3.4.1) Retard diagnostic et perte de chance
3.4.2) Recours aux tiers
3.4.3) Non-assistance à personne en danger
3.5) Honoraires
3.6) Certificats médicaux
3.7) Arrêts de travail
3.8) Charlatanisme
3.9) Secret médical
3.10) Soins aux mineurs
4) Discussion sur la volonte du plaignant
4.1) Contexte réglementaire
4.2) Traitement de la plainte
4.3) Demande d’information
4.4) Volonté de sanction
4.5) Volonté de signalement
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
VII. TABLE DES MATIERES
VIII. ANNEXES
Annexe 1 : Exemple de plainte adressée au Conseil de l’Ordre
Annexe 2 : Synthèse des recommandations sur la rationnalisation des certificats médicaux éditée par l’Assurance Maladie en collaboration avec le CNOM
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