Une entérostomie du grêle ou du côlon peut être jugée nécessaire pour protéger une anastomose sous-jacente ou pour éviter une suture digestive intrapéritonéale lorsque les conditions locales ou générales sont jugées défavorables. Habituellement, le rétablissement de la continuité digestive (RCD) est réalisé de 9 à 12 semaines plus tard [1, 2]. La gestion des stomies, peut poser d’énormes difficultés: ravitaillement en poches de recueil, inconfort de l’entourage, difficultés du malade à accepter la stomie même temporaire [3]. Madagascar fait partie des pays où les poches de recueil d’entérostomies sont très difficiles à trouver et même si elles sont disponibles, le coût est parfois élevé. De ce fait, le RCD apparaît comme une chirurgie de sauvetage, et plus il est réalisé précocement, mieux c’est pour les patients porteurs de stomies temporaires. Mais dans le contexte malgache certains patients peuvent porter leurs stomies temporaires pendant plusieurs années, à cause du coût de la 2ème intervention de rétablissement qui leur est inaccessible. Dans l’étude de Ramarianjanahary [4] sur les cancers coliques en occlusion, 28 patients étaient porteurs d’une colostomie temporaire. Six d’entre eux n’ont jamais pu avoir un RCD. Le reste a bénéficié d’un RCD 3 mois après la chirurgie initiale. Raherinantenaina et son équipe [5] ont publié en 2012 une série rétrospective sur 175 patients victimes de traumatismes abdominaux parmi lesquels 9 ont dû avoir une entérostomie provisoire de protection avec un RCD réalisé quelques mois plus tard.
RAPPELS
Anatomie
L’appareil digestif est composé par le tube digestif et les glandes digestives [6]. Le tube digestif (Figure 1) est composé de la bouche à l’anus par : l’œsophage, l’estomac, l’intestin grêle et enfin le gros intestin. L’œsophage est la partie la plus proximale du tube digestif. Il s’étend de l’extrémité inférieure du pharynx au cardia. Il est divisé en 3 parties distinctes :
– Oesophage cervicale
– Oesophage thoracique
– Oesophage abdominale
L’estomac s’étend du cardia au pylore. Il est formé par :
– La grande courbure
– Et la petite courbure
L’intestin grêle est la partie s’étendant de l’orifice pylorique jusqu’à la jonction iléo-caecale (Figure 1 et 2). L’intestin grêle se subdivise en 3 parties :
– Duodénum
– Jéjunum
– Iléon
Sa longueur se situe entre 6 à 7 mètres. Son diamètre est de 3 centimètres à l’angle duodeno-jéjunal et va en diminuant graduellement atteindre deux centimètres. Le jéjunum et l’iléon comprend les deux dernières parties du grêle. Le jéjunum est fait des deux cinquièmes proximaux et l’iléon des trois cinquièmes distaux. A son origine et à sa terminaison le jéjuno-iléon décrit 15 à 16 flexuosités appelées anses intestinales en forme de U. Il est relié à la paroi abdominale postérieure par le mésentère. L’intestin grêle est irrigué par l’artère mésentérique supérieure. L’innervation de l’intestin grêle est assurée par les nerfs sympathiques et parasympathiques [6]. Le gros intestin se nomme aussi côlon (Figure 1 et 2). Le côlon s’étend de l’extrémité distale de l’iléon à l’anus. Il est composé de 3 parties :
– Le côlon ascendant
– Le côlon transverse
– Le côlon descendant et sigmoïde .
Il se différencie de l’intestin grêle par son volume considérable, et son aspect bosselé. Leurs bandelettes parcourent sa surface. Sa longueur est en moyenne de 1,5 mètre et son diamètre de 7 à 8 centimètres à son origine et décroit progressivement sur le côlon transverse et de 3 à 5 centimètres sur le côlon descendant et iliaque. Il présente une dilatation au niveau du rectum pour pouvoir former l’ampoule rectale. Le côlon prend origine par le caecum qui est un cul-de-sac volumineux sur lequel s’insère l’appendice. Le côlon présente des moyens de fixité à la paroi abdominale postérieure. Pour le côlon ascendant, on a le fascia de Toldt droit. Pour le côlon transverse, c’est le mésocôlon supplémenté à une fixation au niveau de la grande courbure de l’estomac par le ligament gastro-colique. Par ailleurs, l’angle splénique est fixé par le ligament phréno-colique. Et enfin pour le côlon descendant, on a le fascia de Toldt gauche. Spécifiquement pour le sigmoïde, on a le mésocôlon triangulaire. Le côlon droit est vascularisé par l’artère mésentérique supérieure et le côlon gauche par l’artère mésentérique inférieure. L’innervation du côlon est sous la dépendance des nerfs sympathiques et parasympathiques [6].
Physiologie
Après le passage au niveau de la bouche, l’aliment chemine le long de l’œsophage puis se déverse dans l’estomac.
La fonction essentielle de l’estomac est la digestion [8]:
– Stockage des aliments ingérés
– Vidange progressive dans l’intestin d’aliments prédigérés (malaxage et fragmentation des aliments), qui sont absorbés par le tube digestif en 3 à 6 heures
– Sécrétion d’acide chlorhydrique, intervenant dans la digestion, et d’une protéine appelée « facteur intrinsèque », qui permet l’absorption de la vitamine B12 par l’intestin .
Au niveau de l’intestin grêle, l’aliment subit l’action des enzymes pancréatiques, biliaires. L’absorption des nutriments s’effectue aussi au niveau de l’intestin grêle. L’absorption du glucide s’effectue principalement au niveau du duodénum et de la première partie du jéjunum. La dégradation et l’absorption de la protéine se font dans 60 à 80% au niveau duodeno-jéjunale. Seule le chyme arrive au niveau de l’iléon. L’absorption des lipides ont lieu au niveau duodeno-jéjunale et s’achève dans l’iléon. L’absorption des vitamines surtout A, D, E, K suivent la même voie. On a un transport actif du sodium, potassium, magnésium, phosphate au niveau duodénal. Tandis que les ions chlores subissent un transport actif au niveau duodeno-jéjunale et un transport passif au niveau de l’iléon. Cinq à dix litres d’eau sont absorbés au niveau de l’intestin grêle et un demi litre est absorbé par le côlon. A niveau de cet intestin grêle, le bol alimentaire subit l’action de :
– La segmentation rythmique ou onde stationnaire qui va fragmenter et mélange le chyme alimentaire. Elle n’a pas d’effet de propulsion.
– Le mouvement pendulaire qui va homogénéiser le chyme alimentaire.
– L’onde péristaltique qui propage et régule la contractilité et le relâchement des fibres circulaires et inversement, leur excitation inhibition (loi de l’intestin de Bayliss et Starling).
Arriver au niveau du côlon, son contenu progresse facilement par le suc du côlon. Par la succession d’ondes rythmiques péristaltiques et antipéristaltiques, on a le brassage et le stockage surtout colique gauche du bol fécal ; puis de puissantes ondes propulsives provoquent l’évacuation. Le cheminement physiologique du bol alimentaire peut être interrompu soit de façon mécanique (obstacle tumoral, brides et adhérences postopératoires, corps étrangers) réalisant une occlusion ; soit par une section traumatique ou iatrogène au niveau d’un segment grélique ou colique. Ces différentes situations seront sources de stagnation de matières fécales où au contraire, leur déversement dans la cavité péritonéale entrainant des conséquences graves pouvant engager le pronostic vital du malade à court terme. D’où les divers indications des stomies digestives, seul moyen de dériver le contenu digestif pour pallier les conséquences néfastes d’une occlusion et/ou d’une péritonite fécaloïde.
RAPPELS SUR LES STOMIES
Définition
La stomie digestive est l’ouverture définitive ou temporaire à la peau d’un viscère creux [3, 9]. Une entérostomie entraîne une interruption de la continuité anatomique du grêle ou côlon dérivant ainsi leur contenu à la peau.
Types d’entérostomies
La stomie sera nommée selon le siège. Les différentes sortes de stomies sont :
– la jéjunostomie qui peut être soit une jéjunostomie d’alimentation (non inclue dans notre étude) [10], soit une jéjunostomie latérale de protection au décours d’une anastomose.
– l’iléostomie pouvant être soit une iléostomie latérale de protection d’une anastomose sous-jacente, soit une iléostomie terminale.
– la colostomie qui peut être soit une colostomie terminale, soit une colostomie à double canon, soit une colostomie latérale de protection.
Techniques opératoires des stomies digestives
Iléostomie terminale
C’est une iléostomie à un orifice. Elle siège sur le grêle terminal. Elle est réalisée au niveau de la fosse iliaque droite. La traversée pariétale du grêle s’effectue suivant un trajet direct transpéritonéal. L’anse grêle est extériorisée sur une longueur de 6 à 8 cm. Le grêle lui-même n’est fixé ni au péritoine, ni à l’aponévrose, mais le mésentère est fixé au péritoine pariétal pour éviter le prolapsus ou la réintégration de la stomie. La fermeture de la gouttière est réalisée par l’accolement de l’anse et de son mésentère au péritoine par des points séparés pour éviter l’engagement ou l’incarcération d’une anse en postopératoire. Après fermeture de l’abdomen, le grêle extériorisé est retourné en doigt de gant, selon la technique de Brooke, formant une trompe de 2 à 3 cm de longueur. La muqueuse éversée est fixée par des points de fil résorbable à la peau. Un toucher digital de la stomie permet de vérifier l’absence de sténose pariétale, puis la stomie est immédiatement appareillée. La variante est appelée iléostomie terminale de Kock ou iléostomie continente. Ceci consiste à créer un réservoir intra-abdominal pour plastie iléale dont l’anse efférente est abouchée à la peau et constitue une valve antireflux par invagination [11].
Iléostomie latérale de protection
L’anse iléale à extérioriser doit être la plus proche possible de l’anastomose, mais sans exercer de traction sur cette dernière. Un fil est placé sur la séreuse du segment proximal pour repérage. La localisation et la création du trajet pariétal sont identiques à celles de l’iléostomie terminale. Ici aussi le diamètre de l’orifice pariétal est adapté au grêle pour un double jambage. Le grêle est attiré à travers le trajet pariétal par un drain siliconé ou un lac. Le segment proximal fonctionnel identifié par le fil repère est orienté si possible en position basse, le segment distal non fonctionnel en position haute. Le drain est remplacé par une baguette qui maintiendra en place l’iléostomie pendant une semaine afin d’éviter sa réintégration. L’iléostomie est ensuite ourlée à la peau selon la technique de Turnbull : l’iléon est ouvert transversalement sur les trois quarts de son bord libre au niveau de son segment distal ; il est ensuite éversé et fixé par des points transfixiants à la peau. Un toucher digital de la stomie permet d’éliminer toute anomalie de réalisation [11].
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : RAPPELS
I. Rappels
I. 1 Anatomie
I. 2 Physiologie
II. Rappels sur les stomies
II. 1 Définition
II. 2 Types d’entérostomies
II. 3 Techniques opératoires des stomies digestives
II.3. 1 Iléostomie terminale
II.3. 2 Iléostomie latérale de protection
II.3. 3 Jéjunostomie latérale de protection
II.3. 4 Colostomie terminale type Hartmann
II.3. 5 Colostomie terminale à double canon de Bouilly Volkmann
II.3. 6 Colostomie latérale
II. 4 Complications des stomies
II.4. 1 Complications postopératoires précoces
II.4. 2 Complications postopératoires tardives
III. Rappels sur le rétablissement de la continuité digestive
III. 1 Définition
III. 2 Techniques opératoires
III.2. 1 Rétablissement après intervention de Hartmann
III.2. 2 Rétablissement après intervention de Bouilly Volkmann
III. 3 Complications
III.3. 1 Les complications précoces
III.3. 2 Les complications tardives
DEUXIEME PARTIE : METHODES ET RESULTATS
I. Patients et méthodes
I.1 Cadre de l’étude
I.2 Type et période d’étude
I.3 Méthodes de recueil des données
I.4 Population d’étude
I.4.1 Critères d’inclusion
I.4.2 Critères de non inclusion
I.4.3 Critères d’exclusion
I.5 Paramètres étudiés
I.6 Analyse des données et méthode statistique
I.7 Limite de l’étude
I.8 Considération éthique
II. Résultats
II.1 Récapitulation générale
II.2 Age et genre
II.3 Proféssion
II.4 Indications des stomies temporaires
II.5 Conduite tenue lors de la 1ère intervention
II.6 Type de stomies
II.7 L’intervalle de temps entre la stomie temporaire et le RCD
II.8 Voie d’abord du rétablissement de la continuité digestive
II.9 Types d’anastomose au cours du RCD
II.10 Durée du RCD
II.11 Intervalle de temps entre le RCD et le retour du transit postopératoire
II.12 Durée des séjours postopératoires
III. Interprétation des variables
III.1 Corrélation entre le type d’anastomose réalisé et la durée opératoire
III.2 Fil utilisé au cours des stomies temporaires
III.3 Suites opératoires des stomies temporaires
III.4 Fil utilisé au cours du RCD
III.5 Suites opératoires du RCD
III.6 Suites opératoires selon la voie d’abord
TROISIEME PARTIE : DISCUSSION
I. La fréquence
II. L’âge
III. Genre
IV. Proféssion
V. Indications opératoires des stomies temporaires
VI. Types de stomies
VII. Délai entre les stomies et le RCD
VIII.Technique opératoire
IX. Durée opératoire
X. Suites opératoires après RCD
XII.1 Complications opératoires
XII.2 Retour du transit postopératoire
XII.3 Durée des séjours postopératoires
XI. Fil utilisé au cours du RCD
CONCLUSION
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