Résurgence à l’ère numérique : la reproduction 3D à l’oeuvre

BJETS DU REEL ET VIRTUEL

Si les nombreuses reproductions d’œuvres bidimensionnelles réalisées en photographie et visibles également dans des livres (visibilités étendues plus tard grâce au net) ont permis de voir des œuvres sans que nous ayons à nous déplacer dans les lieux où elles sont exposées, la sensation est tout autre avec les reproductions 3D d’objets et de lieux tridimensionnels. En effet, la tridimensionnalité simule le volume et l’espace, et tente de nous immerger dans l’univers reproduit. Cette immersion est d’autant plus ressentie lorsqu’on peut interagir avec elle. Cette interactivité tente, avec plus ou moins de succès, d’abolir la frontière entre ce qui est physique et ce qui est virtuel. Même si cette accessibilité peut-être un moyen de rendre les objets culturels plus proches malgré leur distance physique, l’absence se fait ressentir lorsque les espaces ou objets d’origine n’existent plus ou ont été volés et non retrouvés. L’Histoire a connu tout au long des siècles des destructions et des actes de spoliation, du petit larcin au véritable trafic d’œuvres. La plus marquante historiquement est peut-être le vol d’œuvres pendant l’occupation nazie ou encore plus récemment la destruction et le pillage du patrimoine en Irak par Daesh.
C’est là qu’intervient le travail de Ziv Schneider. Artiste d’origine israélienne, Ziv Schneider a eu le projet de créer en 2014 une œuvre au titre évocateur : The Museum of stolen art . Véritable illustration de ce que nous avons dit précédemment au sujet de l’absence, ce musée imaginaire, en réalité virtuel, regroupe un ensemble conséquent d’œuvres volées et pillées qui n’ont jamais été retrouvées. Loin d’être un simple rassemblement de copies d’originaux localisés et visibles, le projet que certains appellent également Le Musée 2.0, est une œuvre engagée qui invite le visiteur à s’impliquer en participant à son tour au projet. L’utilisation est simple. Munis d’un casque de réalité virtuelle (l’Occulus Rift) dans lequel les participants glissent leur Smartphone capable de lire l’application, les spectateurs explorent ce musée dont « l’exposition » se divise en cinq catégories : 1) les œuvres récemment volées, 2) le pillage en Afghanistan, 3) le pillage en Irak, 4) les photographies volées, et enfin 5) les peintures européennes volées. Le spectateur choisit la catégorie qu’il souhaite voir et a pour mission de bien observer les reproductions toutes mises en valeur par un cadre ancien. A coté de chaque cadre nous pouvons lire le nom de l’artiste et de l’œuvre ainsi que la date et le lieu de sa disparition.
Les différentes « salles » d’expositions permettent de montrer tout un ensemble d’œuvres volées ainsi que la singularité de leur histoire. Dans les cas les plus récents, nous trouvons bien sûr les histoires de démantèlement de sites en Afganistan et en Irak par les terroristes, ou l’armée, qui revendent des objets ou fragments de monuments afin de financer les armes de guerre.
Les musées n’échappent pas à ces pratiques. Eux qui étaient là pour protéger les collections, deviennent victimes à leur tour ; leurs structures sont dégradées et dépouillées de leurs œuvres. Art Practical dans son article au sujet de l’œuvre de Ziv Schneider, précise qu’ « indirectement, MOSA suggère que les conflits et la guerre ont joué un rôle dans de nombreux vols d’art dans le monde ». Nous pouvons y intégrer également dans le même principe les politiques colonialistes qui souvent se sont approprié des objets ou des morceaux d’artefacts comme butins.
Ces œuvres, bien que présentées dans de nombreux musées du monde, sont des objets arrachés à leur lieu d’origine. Pour autant nous ne pouvons pas accuser la politique de tous les vols du monde et certains sont entrepris par des individus qui agissent à titre personnel, c’est du moins ce que nous pouvons penser. Nous pouvons évoquer le cas du Gardner Museum, où a eu lieu ce qu’on a appelé « Le casse du siècle ».
Dans la nuit du 17 au 18 mars 1990, deux inconnus, déguisés en policiers dupent le gardien en prétextant venir à cause de bruits suspects. Devant l’uniforme, ce dernier n’a pas d’autre choix que d’obtempérer en les laissant entrer dans le bâtiment. Après avoir bandé et menotté le gardien, les voleurs dérobent six œuvres : Le Christ dans la tempête sur la mer de Galilée, Une femme et un gentilhomme en noir,et un autoportrait de Rembrandt, ainsi que Paysage avec obélisque de Govaert Flinck, Le Concert de Johannes Vermeer et une vieille coupe chinoise. Même si le vol semble avoir été utilisé comme demande de rançon , les voleurs n’ont jamais donné de nouvelles et les œuvres demeurent introuvables, d’où leur présence dans le musée virtuel de Schneider. Les cadres vidées de leur toile ont été raccrochés à leur emplacement d’origine, afin de respecter le testament de la fondatrice du musée qui stipulait que tout devait rester à sa place.
La salle de photographies volées dans le MOSA semble, quant à elle, faire directement référence à un vol en particulier ; celui de la Galerie Halstead à Birmingham, au Michigan, qui fut dépouillée de 120 photographies rares en 1998.
Ainsi, ce sont des œuvres, des objets et des lieux de toutes les époques qui ont disparu des collections privées et publiques. Seules subsistent dans le meilleur des cas des reproductions numériques (les musées le font souvent afin de répertorier et archiver les collections) et dans le pire des cas des photographies de plus ou moins bonne qualité.

DETAIL ET PERTE DE DONNEES

Avec l’œuvre de Ziv Schneider, nous avons affaire à un espace 3D inventé de toutes pièces qui est constitué d’œuvres existantes mais disparues, des œuvres (ou du moins des représentations) exclusivement en 2D.
La pratique actuelle est différente concernant la sauvegarde numérique d’objets tridimensionnels et c’est cette technique qui est employée dans une œuvre à laquelle a participé l’artiste : RecovVR : Mosul, a collective reconstruction. Celle-ci propose des représentations 3D d’objets volumétriques qui ont été détruits. La technique s’inspire de celle employée par les archéologues et architectes ; elle tend à être la plus fidèle possible à l’original en proposant au « visiteur » de « manipuler » lui même l’image, de faire tourner dans tous les sens l’objet 3D. Pour cela l’artiste use de la photogrammétrie ou de la lasergrammétrie, techniques qui aboutissent à la figuration de l’objet ou du lieu en nuage de points (format qui peut être transformé par la suite en polygone).
La photogrammétrie, comme son nom l’indique, consiste à photographier à travers différents angles et appareils photos l’objet et le lieu. Ces différents angles de vue doivent permettre d’avoir une vue à 360° du sujet. Le système de la lasergrammétrie est proche de celui de la photogrammétrie sauf que ce n’est plus de système photographique qu’il s’agit, mais de système de balayage laser (il y a donc besoin de moins d’appareils pour réaliser cette étape).
Chaque dispositif a ses qualités et ses défauts. La photogrammétrie, peut-être moins précise, propose néanmoins une meilleure reproduction des couleurs, puisqu’elle est faite à partir de photos. Ce rendu colorimétrique est, à l’inverse, moins poussé en lasergrammétrie qui elle, en revanche, propose peut-être plus de détails sur la forme de l’objet. C’est ensuite à travers des logiciels spécifiques que ces données seront interprétées et transformées en un objet réalisé en nuage de points. Ce format permet d’interpréter les distances et de proposer une version volumétrique assez poussée du sujet réel. C’est le nombre important de points présents pour simuler l’objet qui va produire la sensation de quelque chose de massif, consistant. Généralement, cette illusion de la surface est retravaillée pour être convertie en polygone afin d’obtenir une forme plus proche du « réel », c’est-à-dire un objet solide composé de faces. Nous devons néanmoins nous attarder sur le format qu’est le nuage de point, car sa version première (non « retouché ») peut conduire à produire quelque chose de tout à fait subtile.
C’est le cas dans l’œuvre de Joanie Lemercier, Nimbes28 , dont le parti pris plastique consiste à jouer avec ce système de reproduction numérique. En effet, l’artiste a choisi d’utiliserla lasergrammétrie qui « reproduit » l’espace numérisé en cette masse de points dont on peutmodifier la quantité afin d’éliminer les points jugés inintéressants. « La phase de pré-traitement est souvent une étape nécessaire à l’obtention de données cohérentes. Son objectif est de réduire le bruit dans le nuage et d’appliquer un processus de correction et/ou de suppression de points faux et indésirables dans le nuage, afin de ne conserver que les points d’intérêt pour le projet ». Cette étape est primordiale car la reproduction en nuage de points produit des fichiers très lourds. Néanmoins, si nous en enlevons trop, l’image 3D perd en détails. Dans Nimbes,c’est en partie sur ce simple traitement que l’artiste travaille. En effet, l’œuvre est une alternance de dispersion et de regroupement de points, entre détail et optimisation de la forme.
La partie de la pièce audiovisuelle qui nous intéresse ici est la représentation de l’entrée d’une cathédrale . Cette dernière, tout comme le reste de la vidéo, est projetée sur les murs d’une grande salle qui est plongée dans l’obscurité. Au moment où l’entrée de la cathédrale apparait, elle est au départ à peine visible dans le noir pour finit par s’imposer devant nous, presque à échelle « réelle ». Ses détails fascinent tout en nous déstabilisant, elle nous semble familière sans pour autant que l’on parvienne à la reconnaître. Et alors que nous souhaiterions mieux l’observer, cette dernière semble se dissiper, les points qui la constituent s’éparpillant pour en brouiller la représentation.
Cette entrée, réduite à de simples particules, nous laisse la « possibilité » de la traverser. Tandis que nous sommes censés nous trouver à l’intérieur de l’édifice, les points se font de plus en plus espacés, de plus en plus rares, et nous empêchent de discerner l’architecture dans son entièreté.
Les formes sont vagues (avec en plus un effet fish-eye ) et nous avons la sensation de nous trouver dans une grotte. L’absence de texture et de couleur participent à la perte de repères et renforcent l’impression que nous avons affaire à un nuage plutôt qu’à un monument.
L’artiste ne précise pas le nom de la cathédrale qu’il a numérisée et met en échec le principe de sauvegarde et de transmission de l’histoire. « On [voulait] essayer de jouer avec la time line et de morceler et de mélanger passé, présent, futur ». La « copie » qui reste à l’état de fragment, a donc à travers les nuages de points une consistance particulière, proche du vrai nuage (donc impalpable et aérien) qui procure une ambivalence de la présence.

Ruines et destruction

Avec Nimbes, Joanie Lemercier reflète cet attrait pour l’usage des technologies numériques comme système de représentation des ruines, que ce soit en archéologie comme en art.
De plus en plus pratiqué et médiatisé, ce principe a fait naître, depuis plusieurs années, un florilège d’entreprises spécialisées dans la reproduction 3D de sites historiques.
On pourrait penser que cet intérêt pour l’histoire et plus particulièrement ses représentations numériques est de l’ordre du superflu, de l’accessoire, et que cette présence en masse d’entreprises est excessive. Jamais le passé n’a eu autant de présence dans notre société aujourd’hui.
Pour autant les récentes actions de Daesh à Palmyre et au musée en Irak démontrent cette peur toujours réelle de la disparition de notre culture, qui symbolise la perte de l’humanité.
Ces événements, en particulier, ont provoqué de vives émotions et ont suscité une réaction rapide de la part des infographistes et archéologues, qui ont agi en proposant des versions numériques de ce qui a disparu et de ce qui reste. Les versions réalisées par la société Iconem ont même permis récemment la mise en place d’une exposition au Grand Palais appelée Sites Eternels, dans laquelle nous pouvions observer les versions numériques de quatre sites : Khorsabad, la grande Mosquée des Omeyyades de Damas, le Krak des chevaliers et bien évidemment Palmyre. Ces reproductions projetées sur les murs étaient accompagnées de nombreuses photographies et illustrations produites à différentes époques. Cette documentation permettait ainsi de voir les changements opérés sur les différents sites au cours des années ou des siècles.

LES RUINES, SOURCES D’INSPIRATION

L’intérêt pour les ruines n’est toutefois pas nouveau. Il est, la plupart du temps, influencé par une situation politique et sociale. Les différents bouleversements de l’histoire et de la société au fils du temps ont remis en question nos principes et conceptions de progrès. L’imaginaire produit par les ruines devient ainsi l’écho de nos doutes et de nos craintes face à ces transformations opérées par l’homme. Ce fut déjà le cas lorsqu’Hubert Robert, témoin de la Révolution, imagina le Louvre en ruine alors que l’édifice était en cours de réaménagement. Mais c’est sans doute à partir de la première et de la seconde guerre mondiale que s’opère un tournant dans la conscience collective.

SIMULER LA CATASTROPHE

Si l’on se réfère à sa définition générale, la simulation vient de simulacre qui veut dire copier, imiter, feindre. La simulation est donc une opération qui vise la ressemblance. Cependant, si « dans le domaine artistique, comme le dit Samuel Bianchini, la simulation s’inscrit dans une longue tradition de l’histoire de l’art et en particulier dans le champ problématique de la représentation : mimétique, simulacre, icône ou idole, etc. », la simulation numérique n’est pas seulement la représentation d’une apparence extérieure. Elle est aussi et surtout la reproduction de comportements et d’actions par un travail d’analyse des phénomènes qui seront par la suite calculés et synthétisés. « Toutes les procédures informatiques, continu l’auteur, sont basées sur un système qui ne consiste pas à représenter la réalité, mais à se comporter comme dans la réalité. ». C’est ce qu’évoque également Jean Baudrillard lorsqu’il donne l’exemple d’une personne simulant la maladie. Même si cet exemple fait référence à la simulation comme moyen de tromper, rejouer les symptômes ne demeure pas moins une action qui renvoie au réel sans pour autant être le réel, puisque nous faisons « comme si » c’était vrai.
On pourrait penser que ce processus de simulation est identique quelque soit le domaine pour lequel il est utilisé, mais Samuel Bianchini nous rappel ceci : « Les qualités attendues [dans les sciences et dans l’art] ne sont pas les mêmes. La simulation applicative doit être fidèle et réaliste, tandis que la simulation créatrice doit être malléable, flexible, voire programmable. », le programme permettant ainsi des résultats aléatoires. La simulation numérique dans les arts n’a donc pas pour but de simuler le monde tel qu’il est mais propose un monde à la fois crédible et utopique (ou dystopique), dont le caractère fictionnel fait écho au réel.
Les œuvres d’Eyal Gever illustrent bien ce déplacement opéré dans l’usage de la simulation, puisque l’artiste a beaucoup travaillé en tant qu’infographiste avant de reprendre sa place en tant qu’artiste.
En effet, une partie de son travail, présentée sous forme de vidéos, consiste à simuler des phénomènes, des effets relatifs à des situations catastrophiques, comme le souligne d’ailleurs certains titres : Collision20 , Nuclear Explosion, Big smoke , Break Wall ,etc. Nous pouvons doncvoir des images en mouvement montrant des explosions, des déverserments de fluides, des propagations de nuage de fumée, des destructions ou collisions d’éléments « physiques » à partir d’un programme que l’artiste a lui-même conçu.
Malgré l’usage de titres parfois évocateurs, la particularité de ces scènes est qu’elles sont dépourvues de milieu. C’est le cas dans Piece of Ocean ou dans Nuclear Explosion où les simulations se font dans un espace totalement blanc ou noir et dénué d’horizon. Si l’artiste a recours à un sol et un fond pour mettre en action ces objets, comme dans Collision, ces derniers restent neutres, tout comme les objets qu’il anime dont les formes sont systématiquement géométriques.
Par ce procédé, les œuvres ont pour effet de décontextualiser les situations produites au point de ne se concentrer que sur le résultat qui devient « énigmatique ». Ainsi dans Piece of ocean (2014) nous pouvons voir une étendue d’eau en mouvement qui lévite au dessus du sol et surlequel on distingue des reflets produits par la lumière. Cette surface d’eau, sur laquelle la gravitén’agit pas, présente un mouvement naturel de vagues sans savoir ce qui le provoque.

PATRIMOINE VIDEOLUDIQUE

Bien évidemment certains jeux ont repris des objets et ou monuments symboliques issus du réel pour servir de contexte aux histoires comme dans la licence Assassin’s Creed. D’autres en revanche proposent des décors inventés de toutes pièces qui subissent de fortes modifications au cours du jeu, ou qui ont subi des modifications avant même que le jeu démarre. Dans Bioshock 1 par exemple, une cité utopique a été construite sous les eaux qui, au moment où le joueur arrive, n’est plus qu’une ville fantôme. Mais ce qui nous intéresse c’est lorsque les décors inventés, au départ intacts, deviennent cultes au point d’être repris dans les licencessuivantes sous forme de « ruine ».
Nous constatons que ces reprises permettent de raviver certains souvenirs des joueurs ou des personnages qu’ils incarnent. Même si ces reprises semblent être en apparence de simples clin d’œil dédiés aux adeptes de ces licences , nous verrons qu’à travers cet usage de la ruine, les concepteurs tentent de délivrer des messages. C’est le cas par exemple dans Metal Gear solid 4, sur playstation 3, qui amène le joueur (et le personnage devenu plus vieux) à retourner à Shadow Moses, lieu de la première mission du héros dans Metal Gear Solid 1 sur playstation 1 . Malgré une amélioration des graphismes, le lieu reste le même. Les développeurs de la licence ont même imaginé de faire rejouer le début du premier volet (Metal Gear Solid) avec les graphismes de l’époque (sous la forme de rêve) durant lequel le héros faisait ses premiers pas (en 3D), et le joueur ses premières expériences en infiltration. Ce retour en arrière permet pour ceux qui n’avaient pas fait depuis longtemps MGS 1 de retrouver de vieilles sensations tout en constatant des changements opérés au fur et à mesure des années.
Une fois sorti de son rêve, le héros (du nom de Snake) se retrouve propulsé exactement au même endroit qui est à présent à l’abandon. On notera que seules quelques machines sophistiquées gardent certaines salles pour empêcher le héros d’aller au cœur du lieu. Le monument en lui-même est resté tel que le héros l’a laissé à la fin du premier jeu : les carcasses des tanks, de l’hélicoptère et même le Metal Gear REX, que Snake a affronté, sont restés ici depuis toutes ces années. C’est d’ailleurs pour le canon à rampe de cette dernière que le héros, et ses ennemis, sont revenus.
Ce retour à Shadow Moses est un véritable retour aux sources. Ainsi à chaque endroit mémorable, le joueur à la possibilité d’enclencher des flashs back de l’ancien jeu, d’en faire apparaitre par à coups des images. Des anciens dialogues ainsi que la musique du premier jeu se font également entendre sous forme d’échos. Ces souvenirs, loin d’être anecdotiques sont là pour appuyer la mélancolie du personnage. Karim Charredib, précise que dans ce jeu nous avons également la possibilité de prendre des photos du lieu qui, si on regarde les clichés, rend visible la présence de fantômes. « […] ce qui dans ce volet prend tout son sens, puisque les fantômes sont constitués en partie par des images des personnages morts dans le premiers volet, dont certains tués par l’avatar. »

DÉTRUIRE OU NE PAS DÉTRUIRE UNE ŒUVRE D’ART

Si nous pouvons dans les jeux vidéo simuler la ruine pour mettre en valeur un passé vidéoludique fort, nous pouvons bien évidemment simuler l’acte de destruction dans toute sa variété possible. Le cas de Metal Gear Solid en est bien la preuve puisque le héros détruit son environnement et tue des ennemis avant de retrouver leur reste et leur fantôme neuf années plus tard. Certains artistes, influencés par les jeux et plus particulièrement ceux de type shoot’em up , se sont penchés sur cette pratique de la destruction en la plaçant cette fois dans le cadre d’un espace muséal. Pour ceux qui ont l’habitude de jouer au jeu vidéo, détruire des objets est une pratique courante. Dès les débuts de ce média, nous avons appris, avec Space War(1962), à diriger un vaisseau qui doit tirer sur un autre, le tir provoquant ainsi l’explosion « pixélisée » du véhicule ennemi. Ce jeu, précurseur du genre qu’on appelle beat’em up , donne le ton d’une pratique consistant à tuer son ennemi symbolisé soit par un personnage, soit, pour ce qui nous intéresse, par un objet, un véhicule qui veut notre mort. Peu à peu le décor qui était absent dans les tous premiers jeux commence à prendre de l’importance et complexifie notre façon d’appréhender l’espace. Ainsi dans Mario Bros, les plateformes en forme de brique proposent à la fois une diversité dans les déplacements tout en cachant des objets utiles ou non au joueur qu’on appelle items . Si les cubes avec le logo « ? » écrit dessus, invitent directement le joueur à les bousculer pour faire sortir l’item, d’autres briques (brique bonus) peuvent contenir les même items en ayant une apparence neutre au point de ne pas être tout de suite identifiable dans le reste du décor. Le joueur peut donc, s’il le désire, cogner uniquement les briques bonus ou bien détruire toutes les briques sur son chemin s’il ignore l’emplacement exact des items bonus. Le jeu est programmé pour que toutes les briques situées au dessus du personnage (à une hauteur minimum du double de la taille du personnage) soit destructibles par le joueur, qui peut donc prendre l’habitude de tout casser sur son passage. Il en est de même pour les jeux Zelda avec les emblématiques pots qui, une fois le personnage sorti de la pièce, réapparaissent pour être à nouveau destructibles par le joueur. La destruction se fait dans ces jeux souvent par besoin.
En effet, dans les jeux Zelda, les items récupérés peuvent permettre de retrouver des objets utiles au personnage afin que l’histoire puisse continuer. Ce système permet ainsi d’établir un dialogue constant entre le joueur et le décor. Le décor est là pour créer des obstacles et pousser le personnage à trouver des solutions pour les surmonter. C’est pourquoi dans ce jeu, il existe également des pierres qui peuvent bloquer une route, un chemin, et qui sont destinées à être détruites par une bombe si le héros veut poursuivre l’aventure. Dans les versions 3D (comme dans certains jeux 2D), les explosions sont souvent bien mises en scène (morceaux qui s’éparpillent, présence de fumée et de traces noires) afin de confirmer au joueur que son action était la bonne. Certains murs, également destructibles, sont détectables par le joueur par la présence de fissures. De cette façon le jeu nous « éduque » en nous proposant des systèmes d’actions récurrents.

Hybridation

Liedeke Plarte et Anneke Smelik, dans leur livre Technologies of memory in the arts, considèrent « la mémoire culturelle comme [un] mouvement continu, inquiétant et instable, produisant de nouveaux souvenirs, représentations culturelles et effets sociaux ». Dans ce « mouvement » continu, l’usage des technologies numériques a rendu ces opérations de reproductions et de représentations d’œuvres et de traces du passé plus efficaces et aisées grâce aux images de synthèses. Cette exploitation incessante semble proposer souvent des images qui n’entretiennent uniquement qu’une relation « mélancolique » avec le passé. Toutefois, comme nous avons pu déjà un peu le voir avec certaines œuvres auparavant, ce travail de représentation et de reproduction peut être aussi une manière d’exprimer une position politique ou idéologique.
De plus, si le numérique donne la possibilité de représenter et de « reconstruire » des sites ou des œuvres, nous constatons que les archéologues, infographistes et artistes proposent un autre procédé en parallèle : le recours à la matérialité de l’objet, sa présence physique dans le réel, à travers l’impression 3D ou d’autres techniques produites par des machines. Le cas de Palmyre en est un parfait exemple puisque nous pouvons voir à présent à Trafalgar Square (Londres) une réplique de l’arche du temple de Bêl à l’échelle 2/3.
Mais pourquoi produisons-nous encore des pièces physiques ? Quel est l’intérêt de ce procédé alors que la réalité virtuelle peut remplir cet office en nous permettant de voir des objets à 360° ?
Il est vrai que la réalité virtuelle a un fort potentiel attractif puisqu’elle nous donne cette impression de présence alors que tout ce que nous voyons à travers le casque est virtuel. Ainsi, en présence d’une sculpture, on conserve certains comportements habituels : on en fait le tour, au lieu de la traverser. Mais le monde que l’on découvre reste un monde fermé, coupé de l’espace réel. Une fois que l’on enlève le casque, le monde virtuel disparaît, et est réduit à des bribes de souvenirs ou de sensations si l’expérience a été marquante. La « sculpture » physique, nous allons continuer à l’appeler ainsi pour le moment, est quant à elle bien présente, bien intégrée au réel. On peut donc la voir et la revoir sans que cette expérience soit en rupture avec le monde, le temps et l’espace dans lequel nous évoluons. Son usage, dans le contexte des technologies, est également, comme nous allons le voir, le moyen de mettre en relation des formes, des matérialités anciennes avec la production des machines.

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Table des matières
Avant-propos
Introduction
I- Un art de l’abscence
Objets du réel et virtuel
Détail et perte de données
II- Ruines et destruction
Les ruines, sources d’inspiration
Le monde d’après
Simuler la catastrophe
Patrimoine vidéoludique
Détruire ou ne pas détruire une oeuvre d’art
III- Hybridation
L’impression 3D
Origines: retour et prolongement
Conclusion
Annexe des oeuvres citées
Bibliographie 1
Bibliographie 2

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