La chaîne des osselets
Les osselets, au nombre de trois et situés dans la caisse du tympan, comportent différentes parties anatomiques. Ils sont maintenus ensemble par des articulations et des ligaments. (Figure 2)
− Marteau (malleus): en forme de massue, est situé dans l’attique. Il est le plus long et mesure entre 7 et 9 mm, est inclus dans le tympan par sa longue apophyse, appelée plus communément le manche du marteau. Il comporte également une petite apophyse, elle aussi visible en regardant le tympan et une tête cachée, car enfouie dans l’attique. La tête du marteau s’articule au niveau du corps du deuxième osselet,
− Enclume (i ncus) : un peu plus courte ; la branche descendante qui se termine par un renflement (le processus lenticulaire), se dirige en bas et passe à l’aplomb de la fossette de la fenêtre ovale. Elle masque la fenêtre ovale dans la voie d’abord utilisée dans la chirurgie de l’otospongiose. Elle possède aussi une longue apophyse en contact avec le troisième osselet,
− Etrier (stapes): seul osselet situé entièrement dans l’atrium de la caisse du tympan, au niveau de la fossette de la fenêtre ovale. Il se compose d’une tête en contact avec l’extrémité de la longue apophyse de l’enclume (appelée apophyse lenticulaire), de deux branches et d’une base de forme sphérico-ovale, nommée platine. L’ensemble comprenant la tête et les branches de l’étrier est appelé superstructure de l’étrier. Cette platine se trouve dans une logette, la fenêtre ovale, un des passages entre l’oreille moyenne et l’oreille interne et est maintenue en place par un ligament dit annulaire qui permet la transmission des variations de pression aux liquides endolabyrinthiques. La vascularisation de l’étrier se fait principalement par une branche de l’artère stylomastoïdienne qui accompagne le tendon du muscle stapédien. L’étrier mesure environ 4 mm de hauteur. (figure 3)
La mobilité des osselets est contrôlée par le muscle tenseur du tympan s’insérant entre la tête et la longue apophyse du marteau et par le muscle stapédien s’insérant au niveau de la tête de l’étrier. Le muscle du marteau attire le manche du marteau vers l’intérieur et augmente ainsi la tension du tympan tout en poussant l’étrier dans sa logette. Le muscle de l’étrier attire l’étrier en arrière et en dehors, diminuant ainsi sa mobilité.
Biologie moléculaire
Dans les lésions otospongiotiques actives, des macrophages exprimant l’antigène MAC387 à leur surface, ainsi que des cellules HLA-DR+ et la fraction C3 du complément, ont été mis en évidence. Une forte expression de 2- microglobuline a été également mise en évidence au niveau des ostéoblastes et chondrocytes, indiquant une expression marquée des antigènes du complexe d’histocompatibilité CMH de classe I dans ces mêmes lésions otospongieuses. Les cellules exprimant aussi bien le CMH de classe I que la 2- microglobuline constituent une cible potentielle des lymphocytes T CD8+ qui sont des cellules cytotoxiques sécrétant les lymphokines, à savoir l’interféron (Figure 5). D’autres études, utilisant les techniques de marquage immunohistochimique, se sont intéressées à la recherche des anticorps spécifiques (IgG, IgM, IgA) du virus de la rougeole dans les foyers otospongieux. Il est intéressant de noter que ces anticorps ont été mis en évidence dans les foyers otospongiotiques actifs, alors qu’ils étaient absents dans les foyers otoscléreux inactifs et dans les parties saines de la capsule otique. Les antigènes du virus de la rougeole sont plus fortement exprimés par les cellules du tissu conjonctif périvasculaire, et par les macrophages et les lymphocytes présents dans les lacunes de résorption. Ces résultats suggèrent que le processus ostéolytique ainsi que la prolifération agressive du tissu conjonctif vasculaire qui l’accompagne, sont probablement initiés puis maintenus par le virus de la rougeole. Cette hypothèse est soutenue par la chute marquée de l’incidence de l’otospongiose depuis l’introduction de la vaccination obligatoire contre la rougeole, ainsi que par d’autres études plus récentes. L’otospongiose est en fait une régénération anormale et pathologique de la capsule otique, qui est normalement réfractaire à tout processus de remodelage osseux après la fin de son développement, contrairement à tous les os de l’organisme qui subissent des phénomènes continus de dégénération et de régénération. Ce dynamisme du tissu osseux est contrôlé par les cytokines, produites par les ostéoblastes et les cellules stromales, à savoir l’osteoprotegerin (OPG) et Receptor Activator of Nuclear factor Kappa (RANK). Il a été postulé que l’OPG est l’agent responsable de l’inhibition de ce dynamisme osseux dans le cas spécifique de la capsule otique, par inhibition de l’activité ostéoclastique responsable de la résorption osseuse, contrairement au RANK qui produit l’effet inverse. Rudic M et al. ont clairement démontré dans leur étude que le remodelage de la capsule otique est très réduit, voire absent, à proximité de l’oreille interne. Une découverte récente, est que l’OPG est produite en quantités élevées dans le ligament spiral, puis sécrétée de la capsule otique par diffusion, pour atteindre finalement le tissu osseux de la capsule otique par diffusion. Plusieurs études ont démontré que les cellules portant l’ARN du virus de la rougeole exprimant des quantités importantes de RANK (« antagoniste » de l’OPG) et sont capables d’activer le remodelage osseux. En plus, les cytokines telles que IL-1, IFN-` et IL-6 possèdent un effet direct sur le RANK. Il en découle que le virus de la rougeole entraîne, par le biais du RANK, une activation du processus de résorption et remodelage osseux.
Audiométrie tonale
C’est un élément indispensable du bilan, pour le diagnostic positif, l’évaluation de la sévérité et la surveillance évolutive. Elle a une valeur diagnostique en montrant une surdité de transmission ou une surdité mixte à prédominance transmissionnelle. Le diagnostic est conforté par la présence d’une encoche de Carhart (Figure 6): scotome auditif se manifestant par une élévation des seuils de perception en conduction osseuse prédominant sur les fréquences 1000 et 2000 Hz .C’est le signe typique de l’ankylose stapédo-vestibulaire. Cette encoche est due à la diminution de la participation du système tympano-ossiculaire dans la transmission osseuse des vibrations sonores. L’audiométrie tonale a également une valeur pronostique basée sur l’ampleur du Rinne et le degré de réserve cochléaire. Le profil audiométrique de l’otospongiose évolue schématiquement de la manière suivante :
− initialement on note une élévation des seuils auditifs pour les basses fréquences en conduction aérienne ;
− secondairement, il y a une atteinte des fréquences aigues avec une ouverture du Rinne sur tout l’audiogramme ; en l’absence d’atteinte cochléaire associée, la surdité de transmission provoquée par une ankylose stapédo-vestibulaire entraîne un Rinne de 60 à 65 dB au maximum ;
− la troisième étape est celle de la labyrinthisation avec apparition d’une surdité mixte ; simultanément, les seuils en conduction aérienne et osseuse augmentent, surtout sur les fréquences aiguës, donnant un audiogramme en « pente de ski ».
Dans les otospongioses à prédominance cochléaire, l’audiogramme montre des courbes superposables en conduction aérienne et osseuse, avec une atteinte dominante des fréquences moyennes. Les seuils en conduction osseuse contribuent à la décision opératoire dans les atteintes bilatérales, en déterminant l’oreille la plus lésée.
Syndrome de Gusher ou surdité DFN3
Le tableau clinique est celui d’une surdité isolée, mixte ou de perception, congénitale et évolutive. Elle est due à une malformation de l’oreille interne avec des signes de fistule péri lymphatique : le méat auditif interne est élargi et communique avec le tour basal de la cochlée via un aqueduc cochléaire dilaté, responsable d’une hyperpression labyrinthique. Cette anomalie explique le geyser labyrinthique survenant en cas de platinotomie, entraînant un risque élevé de cophose, mais également de fuite de liquide céphalorachidien et de méningite.
Apports et limites du laser
L’intérêt principal du laser est d’éviter la mobilisation ossiculaire et donc de limiter les risques de labyrinthisation traumatique, de fracture platinaire et de platine flottante. Le geste chirurgical est facilité avec une platinotomie calibrée et la durée de l’intervention réduite. Les résultats audiométriques obtenus avec le laser sont sensiblement identiques à ceux des techniques mécaniques conventionnelles. Les limites de son utilisation sont essentiellement liées aux difficultés anatomiques rencontrées rendant l’utilisation d’un laser à distance dangereuse : procidence et/ou déhiscence du canal du nerf facial, position de l’enclume barrant l’accès à la fenêtre ovale. Le frein principal reste aujourd’hui le coût de l’investissement. Il existe plusieurs types de laser utilisés dans la chirurgie de l’otospongiose, chacun ayant un rayonnement avec ses caractéristiques physiques propres. Le laser Argon (longueur d’onde de 490nm) et le laser KTP (Potassiumtitnanyl-phosphate, longueur d’onde de 532nm) sont visibles, délivrés au contact du tissu à l’aide d’une pièce à main permettant le passage d’une fibre optique. La quantité d’énergie absorbée dépend de la couleur des tissus. Dans la périlymphe transparente, l’absorption est maximale avec un risque d’effet thermique pouvant entraîner des lésions des tissus adjacents ou de l’oreille interne. Ils imposent donc une platinotomie de très faible diamètre (<0,15mm) secondairement élargie aux micro-instruments. Le laser CO2 (longueur d’onde de 10 mm) ou le Er : YAG (Erbium : ytrium-aluminium-garnet, longueur d’onde de 2,94mm) sont invisibles et absorbés par l’os, diminuant le risque de lésion par effet thermique. Ils sont délivrés à distance, intégrés au rayon du microscope, pouvant entraîner des difficultés de focalisation. Ils permettent d’obtenir des platinotomies plus larges, de 0,5 à 0,7mm de diamètre. Le laser diode (longueur d’onde entre 800 et 940nm) est invisible et délivré au travers d’une fibre optique au sein d’une pièce à main. Il permet une platinotomie élargie progressivement par des tirs successifs. Sa longueur d’onde proche des lasers visibles expose au risque de lésion de l’oreille interne. L’énergie délivrée nécessaire pour effectuer une platinotomie est de 1,8Joules (J) pour le laser diode, 0,8 à 1,1J pour le laser CO2 et 0,3J pour le laser Er : YAG.
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : RAPPELS
I. ANATOMIE
I.1. Caisse du tympan
I.2. La chaîne des osselets
I.3. La fenêtre ovale
II. PHYSIOLOGIE
III. ETIOPATHOGENIE
III.1. Epidémiologie
III.2. Aspects génétiques
III.3. Biologie moléculaire
IV. HISTORIQUE DE LA CHIRURGIE
IV.1. Premières tentatives chirurgicales
IV.2. 1ère moitié du XXème siècle : la fenestration
IV.3. 2ème moitié du XXème siècle : l’étape stapédienne
V. DIAGNOSTIC
V.1. Diagnostic positif
V.1.1. Signes fonctionnels
V.1.2. Examen clinique
V.1.3. Examens paracliniques
V.1.4. Histologie
V.2. Diagnostic différentiel
V.2.1. Otite seromuqueuse
V.2.2. Anomalies de la chaîne ossiculaire
V.2.3. Tumeurs de l’oreille moyenne
V.2.4. Syndrome de Gusher ou surdité DFN3
V.2.5. Syndrome de minor
V.2.6. Ostéopathies
V.3. Diagnostic étiologique
VI. TRAITEMENT
VI.1. Buts
VI.2. Moyens et méthodes
VI.2.1. Abstention thérapeutique
VI.2.2. Moyens médicaux
VI.2.3. Moyens prothétiques
VI.2.4. Moyens chirurgicaux
VI.3. Surveillance
DEUXIEME PARTIE : NOTRE ETUDE
I. PATIENTS ET METHODES
I.1. Type et durée de l’étude
I.2. Cadre d’étude
I.3. Collecte des données
I.3.1. Critères de sélection
I.4. Analyse des données
II. RESULTATS
II.1. Données épidémiologiques
II.1.1. L’Age
II.1.2. Le sexe
II.2. Données cliniques
II.2.1. Motif de consultation
II.2.2. Durée de la symptomatologie
II.2.3. Antécédent familial de surdité
II.2.4. Examen clinique
II.3. Données paracliniques
II.3.1. Reflexe stapédien
II.3.2. Scanner des rochers
II.3.3. Résultats fonctionnels auditifs préopératoires
II.4. Données thérapeutiques
II.4.1. Nombre d’oreilles opérées
II.4.2. Type d’anesthésie
II.4.3. Voie d’abord
II.4.4. Gestes
II.5. Complications post opératoires
II.6. Durée d’hospitalisation
II.7. Résultats fonctionnels auditifs post opératoires
III. DISCUSSION
III.1. Données épidémiologiques
III.2. Données cliniques
III.3. Données paracliniques
III.4. Données thérapeutiques
III.5. Les complications post opératoires
III.6. Résultats fonctionnels auditifs post opératoires
CONCLUSION
RECOMMANDATIONS
REFERENCES
ANNEXE
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