RESULTATS ET DISCUSSION SUR LE NIVEAU DE CONTAMINATION CHIMIQUE DES EAUX PAR LES PESTICIDES

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UTILISATION DES PESTICIDES DANS LES NIAYES DE DAKAR

Typologie des pesticides utilisés

Le Sénégal consomme en moyenne 500.000 litres de pesticides liquides et 1500 tonnes de pesticides solides par an dont 1000 tonnes utilisées dans l’agriculture [W.3]. L’agriculture urbaine de Dakar n’est pas laissée en rade pour cette consommation abusive de pesticides. En effet contrairement aux autres zones agro-écologiques, particulièrement celles du bassin arachidier, céréaliers et du coton, la zone des Niayes et les cultures maraîchères ne bénéficient pas d’un encadrement dans l’utilisation des pesticides [5,6]. Cette absence de soutien aux producteurs en particulier chez les petits producteurs qui servent la quasi-totalité des marchés urbains en produits maraîchers frais a entraîné une utilisation abusive et désordonnée de ces substances chimiques. Des enquêtes menées dans la zone des Niayes, ont permis de répertorier 122 types de pesticides dont 67 substances actives différentes [5]. Les pesticides organophosphorés (33 %) sont les plus utilisés. Les pesticides organochlorés (13 %) sont les moins utilisés parmi les classes chimiques les plus importantes (organophosphorés, organochlorés, pyréthrinoïdes, carbamates). Les dérivés et les pesticides divers qui regroupent plusieurs classes chimiques occupent un rang non négligeable dans l’utilisation des pesticides dans ce milieu (Figure 4).
Toujours dans le même sillage, des travaux effectués par Cissé et al [3] ont conduit à la même tendance. En fait les familles chimiques les plus utilisées sont toujours les organophosphorés avec une utilisation de 48,6%, suivis des organochlorés, des pyréthrinoides, des carbamates et le restant des pesticides avec des pourcentages respectifs de 16,2% , 4,4%, 8,1% et 21,6%. Cette même tendance d’utilisation des pesticides persiste encore dans l’agriculture urbaine de Dakar [4]. Des études plus approfondies et plus récentes menées par Anne Guèye [2] ont permis de déceler les substances utilisées massivement par les producteurs urbains de Dakar. Il s’agit des substances : diméthoate, dicofol, méthamidophos, méthomyl et méthyleparathion. Ces mêmes produits ont été retrouvés massivement dans les enquêtes de S. Ngom et al [4] en plus de l’endosulfan et de la déltaméthrine. Les mélanges de pesticides ne seront pas en reste. En effet 50% des producteurs enquêtés effectuent des mélanges de deux pesticides (ils déclarent principalement des mélanges de dicofol + méthomyl, dicofol + manébe, et méthamidophos + méthomyl. 90% des producteurs enquêtés continuent d’utiliser les mêmes substances jusqu’au moment des récoltes. Le choix des pesticides est motivé par l’efficacité, la disponibilité sur le marché et le prix. Dans ce même choix la toxicité des pesticides et la maladie de la plante sont les derniers critères. Ceci s’explique par le fait que les producteurs périurbains viennent souvent de la zone rurale où ils avaient cultivé le coton ou l’arachide et continuent d’utiliser les pesticides destinés originellement à la lutte contre les criquets pour la production maraîchère [2].

Les modes d’application

Les enquêtes et les observations menées sur le terrain montrent trois façons d’utiliser les pesticides par les maraichers [3, 5,7]. Il s’agit de :
 L’utilisation par aspersion, pratiquée par les maraichers cultivant sur de très petites surfaces. Elle consiste à traiter les attaques parasitaires à l’aide d’un seau contenant la solution de pesticides et de branchages comme aspersoir. Quand il s’agit de poudre, le saupoudrage à la main sans gants ni masques de protection est pratiqué par les agriculteurs. Cette façon de traiter a été observée dans la grande Niaye de Pikine.
 Le traitement avec un pulvérisateur manuel ou motorisé. C’est le mode de traitement retrouvé aussi bien chez les petits que chez les exploitants moyens. C’est le mode de traitement le plus répandu dans la zone des Niayes. A ce niveau les traitements sont effectués sans matériels de protection.
 Le traitement par ferti-irrigation utilisé en association avec l’irrigation à la goutte à goutte. Les produits phytosanitaires sont directement injectés dans le système d’irrigation. Il est exclusivement utilisé par les grands et quelques moyens exploitants.

Le dosage

Le dosage des pesticides n’est pas maitrisé par les petits producteurs périurbains car ils utilisent les bouchons des bouteilles de pesticides, les cuillères de café comme doseur et font le mélange dans les arrosoirs avant de remplir une pompe manuelle [2, 3, 4] (figure 5). Ceci entraine des sous-dosages ou surdosages. Ainsi l’éthoprophos et le carbofuran sont appliqués à des doses élevées car ils sont utilisés pour la désinfection du sol sous forme sèche (formulation en granulés) en les mélangeant avec du sable. Leur dosage se fait par nombre de boites d’allumettes par planche [2].

Les fréquences d’utilisation des pesticides

Dans certaines zones de la banlieue de Dakar (la grande Niaye de Pikine, Mbao, Malika et Niaga)  la fréquence des traitements varie entre deux et trois traitements par campagne selon les types de spéculations. Ainsi, en fonction de la disponibilité du produit, certains maraîchers peuvent aller jusqu’à quatre traitements par semaine avant la maturation des cultures.
Une gamme très diverse de produits phytosanitaires, est utilisée lors de ces traitements ; parfois même, les usagers procèdent à des mélanges dont ils ne maîtrisent ni le dosage, ni la rémanence, encore moins les propriétés physico-chimiques du produit. Ainsi, on constate qu’un maraîcher utilise en moyenne dans une campagne trois types de produits différents sans compter les mélanges qu’il prépare afin d’obtenir une meilleure éradication des prédateurs [8]. Parmi 53 producteurs enquêtés sur les sites de Pikine et de la Patte d’Oie, 44% font des traitements préventifs une fois par semaine [2]. L’observation de terrain et les fiches de suivi des parcelles réalisées par Anne Gueye [2] ont montré que les traitements débutent après la floraison pour la tomate et l’aubergine amère. La majorité des producteurs appliquent respectivement huit et dix traitements en moyenne sur la tomate et l’aubergine amère. Le chou et le poivron reçoivent dix à douze traitements, le piment et l’oignon huit traitements. La variété de pesticides différents utilisés sur l’ensemble d’une culture est supérieure à quatre, car il y a une alternance des pesticides chaque semaine et un traitement du sol systématique par des nématicides avant le repiquage [2].

Niveau de formation et d’information des maraichers de la zone des Niayes de Dakar

39% de la population des agriculteurs sont instruits dont 2,4% qui ont atteint le niveau du supérieur, 4,9% le niveau secondaire et 31,7% le niveau primaire. Le reste de la population est réparti entre ceux qui n’ont reçu aucune formation et ceux qui ont appris seulement le coran (soit 43,9%). Par ailleurs on peut constater à travers les questionnaires [1] et focus groupe que la plupart des modes de transmission du savoir se fait par :
 Un mode de transmission familiale (c’est mon père ou c’est mon grand père qui m’a appris le métier) ;
 Un mode de transmission inter-voisin (j ai vu faire dans le champ du voisin ou le voisin m’a conseillé de faire de cette façon etc.) ;
 Un mode transmission à travers le fournisseur d’intrants et les vulgarisateurs agricoles de plus en plus rares pour l’agriculture urbaine qui ne fait pas partie du schéma institutionnel classique ;
 Un mode de transmission à travers des séances de formations organisées par des Organisations Non Gouvernementales. Ce mode de transmission est évidemment lié aux aléas des financements et n’atteint pas toujours la totalité de la cible.
Les méthodes d’utilisation des pesticides par les maraichers montrent un manque d’information, de formation et de sensibilisation sur les dangers et les risques sanitaires auxquels les utilisateurs des pesticides, les consommateurs et l’environnement sont exposés. En observant de prés la figure 5 à la page 11, on constate que les mesures de protection et d’hygiène lors des traitements phytosanitaires sont souvent négligées par les maraîchers. En fait, plus de 85% des maraîchers ne disposent d’aucun matériel de protection. Seuls 6,6% disposent de masques et de gants de protection. Par ailleurs, l’usage de combinaison qui est la tenue la plus appropriée pour les traitements phytosanitaires reste également faible [8]. Compte tenu des mauvaises pratiques d’utilisation des pesticides, on peut s’attendre à des niveaux de pollution très élevés de l’environnement et de la nappe phréatique.

RESULTATS ET DISCUSSION SUR LE NIVEAU DE CONTAMINATION CHIMIQUE DES EAUX PAR LES PESTICIDES

L’utilisation des produits phytosanitaires (insecticides, herbicides et fongicides) est destinée à stopper le développement d’organismes tels que les insectes, les parasites, et les moisissures. Les agriculteurs utilisent ces produits pour d’une part, améliorer ou maintenir les rendements en éliminant ou en réduisant aussi bien la compétition avec les mauvaises herbes que les attaques de ravageurs, et d’autre part, améliorer ou préserver la qualité des produits agricoles. Toutefois l’application des produits phytosanitaires peut présenter des risques pour les ressources en eau soit par la contamination ponctuelle lors de la manipulation des produits (débordement de pulvérisation en bout de champs, mauvaise gestion des fonds de cuve, remplissage ou rinçage des pulvérisateurs) ou lors de l’entreposage (fuite), soit par contamination diffuse après l’application des produits, par ruissellement vers les eaux de surface ou par infiltration vers les eaux souterraines. La contamination des sols peut aussi entrainer celle des eaux. Les pesticides peuvent être transportés par l’air et se déposer éventuellement sur des eaux pour y induire une pollution comme ce fut le cas du lindane retrouvé dans l’arctique [9, W.7]. La figure 6 résume les mécanismes de transport des pesticides dans l’environnement.
Les petits lacs des Niayes sont des zones d’affleurement de la nappe phréatique. Leur étendue dépend du niveau piézométrique de la nappe phréatique. On note aussi l’existence de mares dans les grandes dépressions. Généralement, la durée de rétention de l’eau dans ces mares et marigots à écoulement non pérenne n’excède pas 4 mois [W.9]. Dans les zones vulnérables, comme la zone des Niayes qui se caractérise par une nappe d’eau souterraine qui est très superficielle (0.5 m à 10 m de profondeur), des sols filtrants, les produits utilisés peuvent atteindre la nappe phréatique (figure 7).
L’analyse des résidus de pesticides dans les matrices environnementales (sol, eau, air etc.) et les denrées alimentaires, nécessite des méthodes hautement spécifiques, sensibles et fiables comme la chromatographie en phase gazeuse (CPG) et la chromatographie en phase liquide haute performance (HPLC) selon leur volatilité, leur polarité et leur susceptibilité à la dégradation thermique. Le schéma général de toute technique d’analyse de résidus de pesticides comprend : les opérations de prélèvement et d’échantillonnage de la matrice; le prétraitement des échantillons ; l’extraction des substances actives de la matrice par des solvants organiques appropriés ; la purification qui permet de séparer les molécules recherchées des impuretés issues de la matrice, susceptibles d’interférer lors du dosage ; l’analyse instrumentale par chromatographie en phase gazeuse (CPG) ou en phase liquide haute performance (HPLC) couplée à des détecteurs spécifiques et sensibles comme la spectrométrie de masse qui est un mode de détection hautement sélectif.

Contamination du sol par les pesticides

La zone des Niayes est caractérisée par des sols poreux et perméables. Ainsi, avant l’étude de la contamination des eaux par les pesticides, il serait intéressant de regarder le comportement de ceux-ci par rapport au sol. Des études sur la contamination des sols par les pesticides organochlorés montrent sur 40 prélèvements dont 23 pour l’eau et 17 pour le sol, un niveau de contamination important avec des moyennes très supérieures aux normes (tableau 4)
Ces substances sont les insecticides de la première génération avec comme tête de file le DDT (dichlorodiphényltrichloroéthane) qui a été efficace dans la lutte contre les moustiques, vecteurs du parasite responsable du paludisme. Ces pesticides sont caractérisés par leur persistance dans l’environnement et peuvent donc s’accumuler dans le sol, les plantes et les graisses. Ainsi ils sont parfois décelés dans les denrées alimentaires (viande, lait, fromage, légumes…). Actuellement, hormis le lindane, ils sont interdits dans beaucoup de pays [W.10]. Les organochlorés peuvent entraîner une pollution de la nappe entretenue par le processus de lessivage et d’infiltration.

Conséquences sanitaires de la contamination des eaux par les pesticides

Au delà des risques encourus via la consommation des produits agricoles, la problématique des pesticides est d’autant plus inquiétante dans nos pays que les eaux naturelles sont strictement utilisées comme eau de boisson et aussi à des fins de ménage dans certaines localités. En fait certains pesticides tels que les organochlorés POPs sont rémanents. Ils s’accumulent dans les chaînes alimentaires et dans l’environnement avec toutes les conséquences sanitaires qui peuvent en découler. Les manipulateurs des pesticides sont les premières victimes des cas d’intoxications aiguës. Selon un communiqué conjoint de presse FAO/OMS du 05/10/2004, le nombre des intoxications par les pesticides se situe annuellement entre 1 et 5 millions avec des milliers de cas mortels [W.12]. Les pays en développement où les mesures de protection personnelle sont souvent inadéquates ou absentes sont les plus touchés soit 99 % des décès dus aux intoxications. En guise d’illustration, les POPs sont toxiques pour les animaux et pour les hommes, même avec de faibles niveaux d’exposition, provoquant des cancers, une perturbation du système immunitaire, des dommages au système nerveux, des lésions hépatiques, des pertes de mémoire, des maladies cardiovasculaires, des troubles endocriniens, des malformations congénitales et d’autres problèmes de reproduction.
Les enquêtes menées dans la zone des Niayes démontrent des pourcentages importants (25 %) d’individus ayant été victimes d’une intoxication. La situation est plus alarmante car, la plupart des maraîchers se souviennent difficilement de leurs antécédents avec les pesticides. Ainsi, dans la zone des Niayes notamment celle de Dakar, on remarque que 26 % des victimes d’intoxication ne peuvent se souvenir du produit incriminé. L’une des intoxications la plus fréquente est l’intoxication avec des signes neurologiques dont 52 % des cas souffrant souvent de nausées, des vertiges, d’étourdissements, etc. [5]

CONCLUSION

Les pesticides ont d’abord paru bénéfiques pour l’agriculture urbaine de Dakar. En effet, devant une augmentation croissante de la population, un grand intérêt s’attache à la nécessité d’une augmentation de la production alimentaire. Mais aussi devant les pertes dues aux ravageurs, aux maladies, et aux mauvaises herbes, l’utilisation des pesticides s’avère être un refuge. Pour parer aux problèmes que posent les pesticides, plusieurs dispositifs législatifs et réglementaires ont été mis en place. De l’étude bibliographique, il ressort aussi que dans la zone des Niayes, les producteurs utilisent abusivement les pesticides pour protéger les cultures tout en minimisant voire même ignorant leur incidence sur l’environnement et la santé publique. Les effets nocifs des pesticides ont été mis en évidence par plusieurs chercheurs. D’ ailleurs même les teneurs en résidus de pesticides surtout avec le diméthoate, le methamidophos et l’endosulfan entres autres détectés dans les eaux restent très souvent égales à des centaines de µg/l. Ainsi, les perspectives ouvertes par cette étude portent sur plusieurs domaines :
 Une action préventive consiste à éviter les risques de pollution ponctuelle ou diffuse en résolvant le problème à sa base. Pour ce faire il faut des opérations groupées de sensibilisation, de formation, de conseils techniques et des démonstrations en champ pour le changement progressif des comportements des agriculteurs en faveur d’ une agriculture en équilibre avec l’environnement.
 Interdire les pesticides polluants organiques persistants (POPs) comme souhaitée par la convention de Stockholm.
 Proposer des taxes susceptibles de contribuer significativement à une réduction d’ensemble des usages des pesticides.
 Faire l’inventaire et valider l’ensemble des données existantes sur les pesticides dans l’environnement et les rendre publiques.
 Centraliser l’ensemble des données de contrôle et de surveillance au sein d’un guichet unique à implanter dans les champs et donc publiquement accessible, y compris les dossiers d’homologation.
 Promouvoir la recherche sur les bio-pesticides pour atténuer l’utilisation abusive des pesticides chimiques. Toutefois, vu le niveau élevé de contamination, la prévention et la lutte contre les pollutions des eaux d’origine agricole nécessitent la mise en place d’actions qui s’inscrivent dans la durée et dont l’impact sur l’eau est rarement immédiat.

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Table des matières

CHAPITRE I LA REGLEMENTATION AU PLAN INTERNATIONAL, NATIONAL ET SOUS-REGIONAL SUR L’USAGE DES PESTICIDES
I.1. Réglementation des pesticides au niveau international
I.2. Réglementation des pesticides au niveau national
I.3. Réglementation des pesticides au niveau sous-régional
CHAPITRE II UTILISATION DES PESTICIDES DANS LES NIAYES DE DAKAR
II.1. Typologie des pesticides utilisés
II.2. Les méthodes d’utilisation des pesticides
II.2.1. Les modes d’application
II.2.2. Le dosage
II.3. Les fréquences d’utilisation des pesticides
II.4. Niveau de formation et d’information des maraichers de la zone des Niayes de Dakar
CHAPITRE III RESULTATS ET DISCUSSION SUR LE NIVEAU DE CONTAMINATION CHIMIQUE DES EAUX PAR LES PESTICIDES
III.1. Contamination du sol par les pesticides
III.2. Contamination des eaux par les pesticides
III.3. Conséquences sanitaires de la contamination des eaux par les pesticides
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE

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