Le système cardio-necteur ou tissu nodal
Les battements du cœur sont dues à une activité électrique intrinsèque. La base de l’automatisme cardiaque se situe au niveau du système cardio-necteur constitué par :
– Le nœud sinusal de Keith et Flack situé dans la paroi postérieure de l’atrium droit, près de l’embouchure de la veine cave supérieure.
– Le nœud atrio-ventriculaire de Aschoff et Tawara situé à la face inférieure de l’atrium droit, près de la partie antéro-inférieure du septum inter-atrial, entre en arrière, l’orifice du sinus coronaire et en bas, la cuspide septale de la tricuspide.
– Le tronc du faisceau de His qui se divise en deux branches droite et gauche au niveau du septum inter-ventriculaire : une branche droite qui va s’engager dans la trabécule septo-marginale et une branche gauche qui chemine superficiellement sous l’endocarde du ventricule gauche. Ces branches se terminent par le réseau de Purkinge qui se disperse dans les parois ventriculaires.
Les valvules tricuspides
Cette valvule se présente comme une membrane mince, blanchâtre, souple (d’autant plus souple que l’individu est jeune), élastique, plissée au niveau de son bord libre. Elle prend la forme d’un entonnoir, dont la base s’insère au niveau de l’anneau tricuspidien et dont le sommet s’avance dans le ventricule droit. Au niveau de l’atrium, elle semble continuer en pente douce les parois de celui-ci du car elle est plus étendue que l’orifice qu’elle est destinée à fermer. Au niveau du ventricule, il existe un sillon périvalvulaire qui sépare la valvule de la paroi du ventricule droit. Sa surface est de 10 à 12 cm2. Elle présente :
– Un bord adhérent qui s’insère sur l’anneau fibreux tricuspidien
– Un bord libre qui flotte dans la cavité ventriculaire, sur lequel viennent s’insérer des cordages tendineux. Ce bord libre est entrecoupé d’échancrures irrégulières et festonnées, il limite également l’orifice atrioventriculaire droit.
– Une face axiale ou atriale, lisse et unie.
– Une face pariétale ou ventriculaire, irrégulière et hérissée de petites saillies correspondant aux insertions des cordages tendineux.
L’épaisseur de la valvule n’est pas uniforme ; elle est plus épaisse au niveau du bord adhérent et des insertions des cordages tendineux alors qu’elle est très mince, semi-transparente, au niveau du bord libre et dans l’intervalle des insertions des cordages. La vascularisation de la valvule ne se fait qu’au niveau de sa base d’implantation ; le bord libre est avasculaire. Comme son nom l’indique la valvule tricuspide est formée de trois cuspides, une antérieure, une postérieure et une septale.
Physiopathologie de l’insuffisance tricuspidienne
Le fonctionnement des valves dépend des évènements du cycle cardiaque. Pendant la diastole, le remplissage des atriums entraine une augmentation de la pression intra-atriale, provoquant l’ouverture des valves atrio-ventriculaires et le passage du sang dans les ventricules, optimisé par la contraction (systole) atriale. Lorsque la pression ventriculaire devient supérieure à celle des atriums, les valves atrio-ventriculaires se ferment : ce phénomène va empêcher le reflux de sang dans les atriums pendant la systole ventriculaire où le sang est propulsé vers l’aorte et l’artère pulmonaire. L’insuffisance tricuspidienne (IT) est un défaut de coaptation de la valve tricuspide causant un défaut d’étanchéité de cette dernière. La conséquence directe est une régurgitation systolique de sang du ventricule droit vers l’atrium droit. Dans les formes sévères, nous pouvons observer une fuite de sang précoce dans le ventricule durant le temps de remplissage initiale diastolique de l’atrium droit. L’IT peut être fonctionnelle. L’élévation des pressions dans la circulation pulmonaire entraine une dilatation progressive du ventricule droit et de l’anneau tricuspidien. Les pathologies cardiaques qui provoquent une augmentation de la post-charge par hypertension artérielle pulmonaire (HTAP), causent secondairement une IT avec une fuite proportionnelle à la dilatation annulaire. Les flèches désignent la distance inter-commissurale (entre la commissure antéro-septale et la commissure antéro-postérieure), distance qui augmente avec la dilatation de l’anneau tricuspide (Ant.= feuillet antérieur ; Post.= feuillet postérieur ; Sept.= feuillet septal). Les lésions primaires valvulaires d’origine organiques sont plus rares et sont rencontrées dans environ 25% des cas [49]. Les étiologies des affections fonctionnelles et organiques sont développées dans le chapitre diagnostic. L’évolution spontanée de l’IT est l’altération progressive de la fonction cardiaque. En effet, elle augmente la précharge par surcharge volumétrique et par conséquent le travail musculaire au niveau du ventricule et de l’auricule droits. Les mécanismes de compensation physiologiques cardiaques comme la dilatation des cavités droites et l’hypertrophie des fibres myocardiques (loi de Franck-Starling), vont permettre une adaptation dans un premier temps, mais deviendront néfastes secondairement en favorisant une rigidité myocardique, des arythmies et des ischémies. Ces remodelages cardiaques entrainent l’installation progressive d’une insuffisance cardiaque droite voire globale.
Cathétérisme cardiaque droit
L’exploration hémodynamique a beaucoup perdu de son intérêt depuis le développement des techniques ultrasonores. Le principal intérêt du cathétérisme cardiaque droit est de mesurer la pression pulmonaire (cavités droites) et le débit cardiaque par thermodilution (méthode de Fick) qui est sous-estimé par rapport au débit réel en cas d’IT importante. La courbe de pression auriculaire est, dans les formes typiques, déformée dans sa portion systolique, normalement marquée par une onde négative (le creux x), suivie d’une petite onde positive (l’onde v). L’IT tend à effacer le creux x et à majorer l’onde v qui devient plus précoce. En cas de fuite massive, le creux x est remplacé par une onde positive occupant toute la systole, englobant l’onde x, donnant à la courbe auriculaire un aspect de «ventricularisation ». La pression auriculaire moyenne est alors anormalement élevée, dépassant 10 mmHg. La dépression inspiratoire normale disparaît ou est remplacée par une augmentation inspiratoire de la pression.
Le cœur rhumatismal ou maladie de Bouillaud
C’est l’étiologie la plus fréquente dans les pays en voie de développement alors qu’elle est de plus en plus rare dans les pays développés. C’est une maladie de l’enfance (cinq et quinze ans) avec une prédominance féminine. Nous distinguons deux types de cardiopathie rhumatismale :
– Cœur rhumatismal aigu : ensembles des manifestations cardiaques aigues du rhumatisme articulaire aigu (RAA) qui est une séquelle de l’infection par le streptocoque β hémolytique du groupe A
– Cœur rhumatismal chronique : caractérisé par des séquelles valvulaires et/ou myocardiques après des attaques de RAA.
Le mécanisme n’est pas encore élucidé, mais la théorie la plus en vogue est celle de Kaplan en 1963 : les lésions serait dues à une réaction auto-immune du fait de l’existence d’une similarité antigénique entre la membrane du streptocoque du groupe A et certains tissus de l’organisme notamment au niveau du cœur. L’atteinte cardiaque peut être myocardique, péricardique, ou endocardique. L’atteinte des trois tuniques donne une pancardique. L’atteinte endocardique peut donner :
– Le rétrécissement mitral, l’insuffisance mitrale isolée ou associée à un rétrécissement mitral (maladie mitrale).
– Le rétrécissement aortique, l’insuffisance aortique, la maladie aortique (association des deux lésions).
– L’atteinte tricuspide rhumatismal est plus rare et réalise une dilatation de l’anneau, des lésions valvulaires et sous valvulaires avec des fusions commissurales. Elle est souvent associée à une autre valvulopathie.
– Les polyvalvulopathies mitro-aortiques, mitro-tricuspidiennes, les triples valvulopathies (rétrécissement mitral, insuffisances aortique et tricuspidienne par exemple) sont toujours d’origine rhumatismale.
– Une valvulopathie pulmonaire est exceptionnelle.
L’origine rhumatismale d’une atteinte tricuspidienne peut être évoquée devant la présence des critères de Jones :
– Critères majeurs ; polyarthrite, cardite, chorée, nodosités sous cutanées, érythème marginé.
– Critères mineurs ; fièvre, arthralgie, notion d’angine à répétition ou de poussées rhumatismales dans les antécédents, un syndrome inflammatoire biologique et les signes d’infection antérieure par le streptocoque β hémolytique en général absents à ce stade (prélèvement de gorge et dosage des antistreptolysine O ou ASLO), allongement de l’intervalle PR à l’ECG. L’échographie cardiaque met en évidence au niveau de la tricuspide, l’aspect en dôme à concavité atriale des valves pendant la diastole et une mobilité réduite. La lésion principale est la rétraction valvulaire qui prédomine sur la valve postérieure. Les valves sont épaissies, très rarement calcifiées. Les lésions sousvalvulaires restent modérées : les cordages sont modérément épaissis et il peut s’y ajouter des fusions commissurales partielles. L’ensemble réalise neuf fois sur dix, une maladie tricuspidienne et est fréquemment associée à des lésions mitrales et aortiques (triple valvulopathie). L’anatomopathologie permet l’évaluation macroscopique et microscopique des lésions valvulaires.
– Macroscopiquement, nous pouvons analyser les déformations visualisées à l’échographie : l’endocarde est le siège d’une fibrose rétractile, voire des calcifications pouvant intéresser les cordages. Dans le cadre d’une triple valvulopathie mitro-aorto-tricuspidienne, nous pouvons avoir les lésions suivantes :
o Atteinte mitrale ; épaississement valvulaire prédominant à l’extrémité des deux cuspides, rétraction valvulaire, fusion commissurale, calcifications ; épaississement, fusion, calcifications au niveau de l’appareil sous-valvulaire. Ces remaniements peuvent aboutir à un rétrécissement mitral isolé, à une maladie mitrale ou plus rarement à une insuffisance mitrale isolée.
o Atteinte aortique ; épaississement d’une ou plusieurs sigmoïdes, symphyses commissurales, calcifications plus ou moins importantes des sigmoïdes. Ainsi, la limitation du mouvement des sigmoïdes peut entraîner un rétrécissement aortique, une insuffisance aortique ou une maladie aortique.
– La lésion histologique essentielle est le nodule d’Aschoff. Il est pathognomonique mais inconstant. Il évolue en trois stades :
o Turgescence fibrinoïde avec gonflement de la substance fondamentale et altération importante du conjonctif
o Constitution d’un granulome formé de trois zones ; une zone centrale de nécrose fibrinoïde, acidophile et œdémateuse, une zone moyenne de cellules histiocytaires (myocytes d’Anitshow et cellules d’Aschoff à noyau irrégulier en ruban, à cytoplasme abondant éosinophile) et une zone périphérique d’infiltrat leucocytaire.
o Phase de cicatrisation aboutissant à une cicatrice fibreuse avec des faisceaux de collagènes et de cellules conjonctives.
Principes de la circulation extracorporelle
Le drainage du sang veineux est obtenu par une canule placée en amont du cœur droit. Le sang est récupéré dans un réservoir et est oxygéné. Puis à l’aide d’une pompe, celui-ci est réinjecté en aval du cœur gauche dans l’aorte. Un échangeur thermique permet d’ajuster la température du sang. Il existe une possibilité de décharger les cavités gauches à l’aide d’un aspirateur. Enfin, la protection du myocarde est assurée par l’injection d’une solution de cardioplégie à l’aide d’une pompe séparée. Les oxygénateurs les plus couramment utilisés sont les oxygénateurs à membrane. Le débit de la circulation extracorporelle est habituellement celui d’un flux continu. La circulation extracorporelle est réalisée en normothermie ou en hypothermie modérée, et l’anticoagulation est assurée par administration de 250 à 400 UI/kg d’héparine. Les éléments de surveillance de la circulation extracorporelle comprennent le débit et la pression de perfusion, la température systémique et/ou œsophagienne, les gaz du sang, le bilan de coagulation et l’ionogramme sanguin. Un hématocrite supérieur à 20% est souhaitable. En fin d’intervention, les conditions nécessaires pour le sevrage de la circulation extracorporelle sont le rétablissement d’une température normale, la reprise de l’activité cardiaque spontanée ou par entraînement électrosystolique et la normalisation de la pression artérielle avec des pressions de remplissage satisfaisantes. Après l’arrêt de la circulation extracorporelle, l’optimisation du remplissage et de l’éventuelle administration de catécholamines seront guidée par les chiffres de débit cardiaque et éventuellement de saturation veineuse en oxygène. La neutralisation de l’héparine est obtenue par injection de protamine.
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE
I- RAPPELS
I-1- Historique
I-2- Rappels anatomiques
I-2-1- Le cœur
I-2-2- L’appareil valvulaire tricuspide
I-2-2-1- L’orifice atrio-ventriculaire droit
I-2-2-2- L’anneau tricuspidien
I-2-2-3- Les valvules tricuspides
I-2-2-4- Les cordages tendineux
I-2-2-5- Les muscles papillaires ou piliers du ventricule droit
I-2-2-6- Innervation de la tricuspide
I-3- Anatomo-histologie
I-4- Physiopathologie de l’insuffisance tricuspidienne
II- DIAGNOSTIC DE L’INSUFFISANCE TRICUSPIDIENNE
II-1- Diagnostic positif
II-1-1- Signes cliniques
II-1-1-1- Signes fonctionnels
II-1-1-2- Signes physiques
II-1-2- Les examens complémentaires
II-1-2-1- Radiographie du thorax de face
II-1-2-2- Electrocardiogramme (ECG)
II-1-2-3- Echographie cardiaque
II-1-2-4- Cathétérisme cardiaque droit
II-1-2-5- Angiographie ventriculaire droite
II-2- Diagnostic de sévérité
II-2-1- Critères cliniques
II-2-2- Critéres échographiques
II-2-3- Critères hémodynamiques par méthode invasive
II-3- Diagnostic étiologique
II-3-1- Insuffisance tricuspidienne fonctionnel
II-3-2- Insuffisance tricuspidienne organique
II-3-2-1- Le cœur rhumatismal ou maladie de Bouillaud
II-3-2-2- Endocardite infectieuse
II-3-2-3- Maladie d’Ebstein
II-3-2-4- Syndrome carcinoïde
II-3-2-5- Causes dystrophiques
II-3-2-6- Causes traumatiques
II-3-2-7- Causes iatrogènes
II-3-2-8- Autres
III- PRINCIPES THERAPEUTIQUES DE L’INSUFFISANCE TRICUSPIDIENNE
III-1- Principes de la circulation extracorporelle
III-2- Annuloplastie de De Vega
III-3- Annuloplastie prothétique de Carpentier
III-4- Plicatures commissurales
III-5- Autres
DEUXIEME PARTIE
I- MATERIEL ET METHODES
I-1- Type d’étude
I-2- Population d’étude
I-3- Cadre d’étude
I-4- Déroulement de l’étude
I-5- Mise en forme des tableaux et graphiques : Tableur Excel
II- RESULTATS
II-1- Etude synthétique
II-1-1- Données épidémiologiques
II-1-2- Données préopératoires
II-1-2-1- Données cliniques
II-1-2-2- Données radiologiques
II-1-2-3- Données électrocardiographiques
II-1-2-4- Données de l’échographie cardiaque trans-thoracique
II-1-3- Données opératoires
II-1-3-1- Voies d’abords
II-1-3-2- Explorations per-opératoires
II-1-3-3- Gestes
II-1-4- Données en réanimation
II-1-5- Morbidité
II-1-6- Mortalité
II-1-7- Résultats du suivi post-opératoire après 3 mois (M3)
II-1-8- Résultats du suivi à long terme
II-2- Etude analytique
II-2-1- Résultats de la plastie tricuspidienne
II-2-2- Morbidité et mortalité
III- DISCUSSION
III-1- Données épidémiologiques
III-2- Résultats de la plastie de De Vega à long terme
III-3- Influence des facteurs hémodynamiques sur les résultats de la plastie de De Vega à long terme
III-4- Influence des paramètres cliniques et de la morbidité post-opératoire sur les résultats de la plastie de Vega et sur la mortalité
III-5- Influence du traitement médical post-opératoire sur les résultats de la plastie tricuspidienne de De Vega
III-6- Comparaison de la plastie de De Vega avec l’annuloplastie de Carpentier
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
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