Restauration écologique dans un système estuarien fortement anthropisé

Les estuaires abritent une grande diversité de zones humides (vasières, prés salés, marais et lagunes côtières, marais alluvionnaires, prairies humides, tourbières, etc …) et représentent des systèmes écologiques de première importance pour la biodiversité à l’échelle mondiale (Mitsch and Gosselink, 2007). En effet, bien que les zones humides ne représentent que 6% des terres émergées, elles constituent des écosystèmes parmi les plus diversifiées et les plus richement structurées (Miller, 1998). Elles possèdent donc une haute valeur patrimoniale mais également, des fonctions écologiques aujourd’hui largement reconnues (Moore and Hunt, 2012; Trémolières and Schnitzler, 2007) : forte production primaire (Alard, 2002; Chabrerie et al., 2001; Dennis, 1999), rôle dans le cycle de l’eau (Anbumozhi et al., 2005; B-M.Vought et al., 1995; Moreno et al., 2007) et dans les cycles de matières (Curie, 2006; Groffman et al., 1992). En particulier, on sait aujourd’hui qu’elles sont capables d’assurer un rôle important dans la régulation des crues (Vought, et al., 1995), le contrôle de la qualité des eaux (Haycock and Muscutt, 1995; Mitsch and Gosselink, 2000) et le stockage de carbone (Coletti et al., 2013). Ces caractéristiques s’expliquent notamment par le positionnement de ces écosystèmes à l’interface (écotone) entre les environnements aquatiques et les environnements terrestres (Mitsch and Gosselink, 2007). Selon le Millennium Ecosystem Assessment ( 2005), ces caractéristiques constituent également les services écosystémiques parmi les plus emblématiques des zones humides.

Les estuaires sont aussi connus pour leur intérêt économique avec la présence de grands ports maritimes et de nombreuses industries (Even et al., 2007; Jorgensen, 1982). Ces activités industrialo-portuaires ont transformé la morphologie de la plupart des grands estuaires en s’installant dans la zone intertidale, forçant les autres activités à se redistribuer dans les espaces restants (Even et al., 2007; Jorgensen, 1982). Cette vocation industrialo-portuaire a largement altéré la biodiversité et les fonctions écologiques des zones humides constitutives de ces systèmes estuariens. L’endiguement, le maintien de la navigabilité (chenalisation et dragages d’entretien), l’extraction de sédiments alluvionnaires mais aussi l’extension des terres agricoles et l’urbanisation ont considérablement réduit la surface des zones humides et impactés leur fonctionnement hydrologique. Selon le Millennium Ecosystem Assessment ( 2005), nombre d’entre elles ont été dégradées et corrélativement, 60% des services écologiques qu’elles assurent sont menacés.

Devant ce constant, le besoin de restaurer les zones humides dégradées s’est fait sentir dès les années 1990, tant en Europe qu’en Australie ou aux Etats-Unis (Mitsch and Gosselink, 2007). Divers projets de restauration ont été réalisés dont le but d’aider ces zones humides dégradés à retrouver leurs fonctions écologiques qui ont été perdus. Plusieurs méthodologies ont été développées pour la restauration de ces zones : reconnexion au cours d’eau par destruction des digues (Theriot et al., 2013) ou par apport d’eau (Mitsch, 2005; Theriot et al., 2013; Waletzko and Mitsch, 2013) et revégétalisation (Brown and Bedford, 1997). Plusieurs études décrivent l’importance de restauration du régime hydrique sur la communautés végétales (Stefanik and Mitsch, 2012), sur la qualité d’eau (Mitsch, 2005; White et al., 2004) et sur le stockage de C (Waletzko and Mitsch, 2013). Par exemple, les travaux de reconnexion dans la plaine alluviale du Mississippi (Etats Unis) par la destruction des digues construites depuis 50 ans en ramenant un régime de perturbation à permis aux sols de retrouver leurs fonctions épuratrices vis-àvis de l’N et du P (Theriot et al., 2013). Un autre exemple de restauration de régime hydrique est celui de ‘‘Wilma H. Schiermeier Olentangy River Wetland Research Park’’ à l’état d’Ohio (Etats-Unis). Ce projet, réalisé en 1994, avait pour objectif de tester l’effet de remise en eau d’une zone humide drainée (par pompage d’eau) sur les habitats (Korfel et al., 2010), la qualité des eaux (Huang et al., 2011; Huang et al., 2010; Mitsch, 2005) et sur le stockage de carbone (Waletzko and Mitsch, 2013). Certains projets se sont focalisés sur la restauration de végétation pour accueillir une faune bien spécifique, e.g. avifaune (Brown and Bedford, 1997). D’autres projets appelés «constructed ou created wetlands» visent à favoriser certaines fonctions en particulier comme l’épuration des eaux vis à vis de l’N (Kovacic et al., 2006) ou vis-à-vis de P (Drizo et al., 1999). Cependant, très peu d’études s’intéressent au fonctionnement du compartiment sol susceptible de fournir des indicateurs de réussite dans le cadre de projet de restauration.

Etat des connaissances

Les zones humides

Définitions et diversité des zones humides

Les zones humides sont parmi les écosystèmes les plus riches et les plus importants du monde (Zhang et al., 2011). Selon Mitsch and Gosselink (2007) elles couvrent une superficie totale de 570 millions d’hectares, soit seulement 6% des terres émergées. Leur importance n’est donc pas liée à leur superficie mais à leur positionnement à l’interface entre les environnements terrestres et aquatiques rendant les processus écologiques qui s’y manifestent importants vis à vis de la ressource en eau et de la biodiversité. De nombreuses définitions ont été élaborées pour cerner ces milieux particuliers. Dugan (1990) estime à plus de 50 le nombre de définitions générales élaborées dans le monde. En France, la législation comporte deux définitions des zones humides. La première a une portée internationale et a été proposée lors de la convention de Ramsar en 1971. (Définition selon l’article 1.1 et l’article 2.1)

Art 1:«… areas of marsh, fen, peatland or water, whether natural or artificial, permanent or temporary, with water that is static or flowing, fresh, brackish or salt, including areas of marine water the depth of which at low tide does not exceed six metres..» (Ramsar, 1971) .

Il y est précisé dans l’article 2.1 que ces zones pourront :

«…incorporate riparian and coastal zones adjacent to the wetlands, and islands or bodies of marine water deeper than six metres at low tide lying within the wetlands, especially where these have importance as waterfowl habitat» (Ramsar, 1971) .

La plupart des spécialistes s’accordent sur l’existence de trois principaux critères d’identification : la présence d’eau douce ou salée (Neue et al., 1997), de types de sols particuliers dits « hydromorphes» (Mitsch and Gosselink, 2002), et d’une végétation apte à se développer dans des sols engorgés ou submergés durant une période plus ou moins longue (Piégay et al., 2003; Van Roon, 2012). Alard (2002) regroupe les zones humides en quatre catégories: littorales, de plaines intérieures, de vallées alluviales et les tourbières. À partir de ces définitions, on peut conclure que l’un des critères permettant de reconnaître une zone humide est la présence d’eau dans le sol avec un régime d’engorgement temporaire à quasi-permanent.

D’autres définitions estiment que ce seul critère n’est pas suffisant et y ajoutent la présence d’une végétation hygrophile. Cette première définition a été complétée par une loi nationale, la loi sur l’eau du 3 janvier 1992, visant la protection, la mise en valeur et le développement de la ressource en eau (Curie, 2006) «On entend par zone humide les terrains exploités ou non, habituellement inondés ou gorgés d’eau douce, salée ou saumâtre de façon permanente ou temporaire ; la végétation, quand elle existe, y est dominée par des plantes hygrophiles pendant au moins une partie de l’année». En France, il faut attendre l’arrêté du 24 juin 2008 modifié par l’arrêté du 1er octobre 2009 pour voir la prise en compte des critères qui sont relatifs à la morphologie des sols liée à la présence prolongée d’eau d’origine naturelle et à présence éventuelle de plantes hydrophiles.

Etude de cas : Les zones estuariennes

Ces zones sont caractérisées par un régime hydraulique bien particulier. La circulation de l’eau salée et de l’eau douce suit un trajet complexe qui dépend du cycle des marées. La marée montante refoule l’eau douce en amont sur une distance qui peut être importante: c’est le mascaret. La vitesse du courant fluviatile diminue et les matériaux en suspension se sédimentent; les argiles s’agglomèrent sous l’action des ions de l’eau de mer (floculation) et forment un « bouchon vaseux ». Le sédiment caractéristique est la vase qui est formée de particules fines, de sulfures et d’hydroxydes de fer et de colloïdes organiques. Habituellement, un estuaire peut être découpé en trois secteurs : l’estuaire amont (ou fluvial), l’estuaire intermédiaire (mélange d’eau douce et eau salée) et l’estuaire aval (ou marin). Dans la présente thèse les sites d’étude se situent sur 2 des 3 secteurs de l’estuaire ; le secteur intermédiaire et le secteur amont .

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Table des matières

Introduction générale
1. Contexte scientifique et cadre de la thèse
2. Problématique de la thèse
3. Objectifs et hypothèses
4. Organisation du manuscrit
Chapitre 1 – Etat de connaissance et présentation des sites d’étude
I. Etat de connaissance
I.1. Les zones humides
I.2. Les communautés microbiennes
I.3. Le contexte géographique : l’estuaire de la Seine
I.4. Ecologie de la restauration
I.5. Restauration écologique du compartiment sol
II. Sites d’étude
Partie 1
Chapitre 2 – Influence du degré de connectivité et de l’éloignement au fleuve sur le fonctionnement des sols alluviaux de l’estuaire de Seine : incidence sur la restauration des fonctions écologiques associées à ces sols
2.1. Introduction
2.2. Material and Methods
2.3. Results and Discussion
2.4. Conclusions
Chapitre 3 – A comparison of permanent and fluctuating flooding on microbial properties in an ex-situ estuarine riparian system
3.1. Introduction
3.2. Material and Methods
3.3. Results and Discussion
3.4. Conclusions
Chapitre 4 – Effects of flood duration on floodplain soils characterized by a gradient of hydrological connectivity to the river: implications for the restoration of soil functions microbially-mediated in the Seine fluvial estuary
4.1. Introduction
4.2. Material and Methods
3.3. Results and Discussion
3.4. Conclusions
Conclusion partielle
Partie 2
Chapitre 5 – Use of dredged material for the soil creation in the Estuary of the Seine River (France), an alternative to classical gravel-pit rehabilitation: pedological and ecological values of a reconstituted soil in human-impacted floodplain.
5.1. Introduction
5.2. Material and Methods
5.3. Results and Discussion
5.4. Conclusions
Chapitre 6 – Use of dredged material for the soil creation in the Estuary of the Seine River (France): Importance of soil functioning survey to evaluate the success of wetlands restoration in human-impacted floodplains
6.1. Introduction
6.2. Material and Methods
6.3. Results and Discussion
6.4. Conclusions
Conclusion partielle
CONCLUSION GENERALE
Bibliographie
Listes des figures et tableaux
Liste des annexes
ANNEXES

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