Technique de fabrication et caractéristiques céramologiques principale
A ce jour, il n’existe pas de textes renseignant sur les techniques de fabrication ou le contexte entourant la production de sigillée, cependant les différentes données archéologiques recueillies permettent d’en établir les grandes lignes. L’expérience des potiers actuels est également d’une aide précieuse, même si la différence du contexte doit être prise en considération. Ce procédé de fabrication dénote toutefois un degré de technicité avancé, réservé à quelques ateliers spécialisés. En effet, si la céramique commune a été fabriquée un peu partout, la production de Sigillée se limite à quelques ateliers, une cinquantaine au total pour le monde romain (en excluant les productions tardives, dites Sigillée claire).
Ressources naturelles nécessaires à l’implantation des ateliers de sigillées
Le site de production ou atelier devait être situé près de gisements d’argile particuliers, d’une source d’eau, mais aussi de forêts pour le bois de chauffage nécessaire à la cuisson. Par exemple à la Graufesenque, le bois (Pin sylvestre) était amené en général par flottage jusqu’à l’atelier toujours à proximité immédiate des fours, les zones d’abattage étant astucieusement situées en amont du site. Sa proximité avec un axe commercial était aussi nécessaire afin de pouvoir diffuser ces productions sur de longues distances, permettant ainsi une exploitation rentable (Schaad, D., 2007).
Confection des corps de vase
L’usage d’un moule en argile combiné à celui d’un tour permettait la fabrication rapide de nombreux exemplaires quasiment identiques. Les moules en argile retrouvés présentent des parois épaisses et la forme de la pièce était imprimée sur la face interne. Ils étaient probablement cuits aux alentours de 800-900°C, pour rester poreux et ainsi faciliter le démoulage. Le moule était ensuite centré sur le tour. A l’intérieur on appliquait une galette d’argile que l’on plaquait sur la paroi. Après séchage le pied ou la lèvre étaient rajoutés et les finitions effectuées (tournassage, nettoyage, lissage). À l’intérieur du moule, des motifs en creux étaient appliqués à l’aide de poinçons généralement en argile ou parfois en os. Ils apparaissaient donc en relief sur le vase.
Pour obtenir des reliefs plus forts, des motifs, préfabriqués en remplissant d’argile des poinçons creux, pouvaient également être collés à l’aide d’une barbotine (argile très fluide) sur un vase lisse monté au tour. L’usage de gouges, roulettes et molettes, surtout utilisées à l’époque tardive, permettait des incisions et des décors d’apparence végétale. Les décors étaient généralement appliqués sur des récipients de présentation pour mets et boissons, plat, coupe, coupelle, gourde et lagène (grande bouteille à une anse). Ils représentent des personnages mythologiques (divinités du panthéon gréco-romain), des scènes de chasse ou de cirque (combat de gladiateurs), des animaux exotiques ou familiers ou encore des végétaux. On trouve également des marques ou signatures sur les poinçons servant à décorer les moules, sur les moules et sur les vases après moulage (toujours sur la face interne de la base, exposition centrale ou radiale). Les signatures sont toujours insérées dans des cartouches qui peuvent arborer différentes formes comme par exemple celle d’un pied (planta pedis). Certaines signatures ne portent pas d’épigraphie, mais se composent de motifs géométriques, ou figuratifs : on parle alors d’anépigraphe. Le sens de cette signature est discuté : label, garantie d’origine ou distinction du (tourneur, potier ou officine) liée à l’organisation interne de l’atelier (reconnaissance en cas de cuisson collective). Sur la sigillée Arétine, le terme fecit (l’a fait) est fréquent. Sur la sigillée gauloise, on trouve plus souvent officina (souvent abrégé : of.). Il y a en général distinction entre le décorateur qui fabrique le moule et le potier qui fabrique en série les objets. Les moules ont pu faire l’objet d’un commerce, prouvé par l’analyse des argiles ayant servi à les produire.
Engobage
Une fois séchées, tournassées et polies, les pièces étaient ensuite trempées dans une préparation argileuse finement décantée et riche en fer, avant d’être cuites. D’après les empreintes laissées par certains potiers antiques non soigneux, le trempage se faisait en tenant le vase par le pied par trois ou quatre doigts. Ce vernis à composition et viscosité bien précise est une des caractéristiques majeures de la Sigillée. Pour faciliter cette opération et séparer les différentes particules entre elles, un défloculant pouvait être utilisé (cendres, silicate de soude, eau de pluie, vinaigre, urine ou tannins). D’après J. Girel (1996), le silicate de soude, qui est actuellement le défloculant le plus couramment utilisé, n’est pas adapté aux engobes de sigillée, car son emploi excessif peut aboutir à un vernis alcalin peu adhérent à la pâte et fragile dans le temps. Cependant, tous les artisans potiers ne s’accordent pas sur ce point et chacun a un avis bien particulier qui dépend de sa propre expérience. Les plus beaux vernis s’obtiennent sur des pâtes claires de type calcaire, qui permettent de mieux faire ressortir la couleur rouge de l’engobe.
Cuisson
La fouille de certains fours, les rebuts de cuisson (colonnes de vases empilés appelées « moutons »), les décomptes d’enfournement souvent gravés sous forme de graffitis sur certaines pièces, et l’expérimentation sont autant d’éléments qui permettent de reconstituer les conditions de cuisson. La couleur rouge et la brillance de la sigillée sont le résultat de conditions particulières. La préparation argileuse doit être fine et riche en fer, mais la cuisson joue également un rôle déterminant : en effet, pour devenir rouges, ces vernis exigent une cuisson en environnement oxydant (riche en oxygène), donc exempt de fumées et gaz de combustion. Les fours devaient donc permettre d’isoler les pièces à cuire des flammes. Des cassettes jointées recouvrant les pièces pouvaient être utilisées. La fouille des ateliers de la Graufesenque a mis en évidence l’utilisation de tubulures pour canaliser les flammes et les gaz de combustion (Vernhet A., 1981). Le résultat obtenu est une installation fonctionnant par rayonnement thermique proche des fours électriques actuels. A l’intérieur du four, les vases étaient empilés et séparés les uns des autres par des cales (séparateurs). La cuisson devait durer plusieurs jours et apparemment au vu des bordereaux d’enfournement retrouvés à La Graufesenque (décomptes gravés sur assiettes), elle était commune à plusieurs potiers qui réunissaient leurs productions préalablement inventoriées. Les accidents de cuisson étaient apparemment nombreux, les vases trop cuits se déformant en se collant les uns aux autres (moutons). À la Graufesenque, lors d’une fournée ratée par excès de chaleur et datée de +35 à +40, six mille exemplaires ont été jetés dans une fosse. La cuisson comporte généralement quatre étapes dont une première montée lente en température (petit feu) jusqu’à environ 500°C selon l’argile. S’en suivent, une montée plus rapide (grand feu) jusqu’à la température de cuisson finale, un palier qui pouvait durer plus ou moins longtemps à cette température, puis le refroidissement des pièces.
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Table des matières
I) Introduction Générale
I.A) État des connaissances archéologiques et historiques
I.A.1) Ouvrages de référence : les incontournables
I.A.2) Définitions et intérêt archéologique
I.A.3) Technique de fabrication et caractéristiques céramologiques principales
I.A.3.a) Ressources naturelles nécessaires à l’implantation des ateliers de sigillées
I.A.3.b) Confection des corps de vase
I.A.3.c) Engobage
I.A.3.d) Cuisson
I.A.3.e) Caractéristiques céramologiques principales
I.A.4) Origine de la technique
I.A.5) Contexte d’apparition et diffusion de la technique de l’Italie au sud de la Gaule
I.A.5.a) Sigillées Italiques
I.A.5.b) Sigillées Sud-Gauloises
I.A.5.c) Imitations de Sigillées Sud-Gauloises
I.B) Etat des connaissances archéométriques
I.B.1) Les pâtes des sigillées : état des connaissances actuelles
I.B.2) Les engobes des sigillées : état des connaissances actuelles
I.C) Problématique et objectifs des recherches
I.D) Méthodes Physiques d’observation et d’analyse : Mise en œuvre et procédure expérimentale
I.D.1) Préparation des échantillons
I.D.1.a) Préparation pour microsonde, microscopie optique, microscopie électronique à balayage (MEB) et pour la µXRF et µXRD par réflexion sur source synchrotron
I.D.1.b) Préparation pour microscopie électronique à transmission (MET)
I.D.2) Appareillage et conditions expérimentales
I.D.2.a) Imagerie
•Microscopie optique et microscopie électronique à balayage (MEB)
•Microscopie électronique en transmission (MET) (mode conventionnel)
I.D.2.b) Composition chimique
•Microscopie électronique à balayage (EDXS)
•Microsonde électronique
•PIXE (particle induced X-ray emission)
•Spectrométrie d’émission et spectrométrie de masse couplées à un plasma inductif (ICP-AES et ICP-MS)
•µXRF
I.D.2.c) Composition minérale
•Diffraction des rayons X sur installation classique
•µXRD (synchrotron)
•Diffraction électronique à aire sélectionnée (MET)
•Spectroscopie Raman
II) Etude des argiles : Comportement en température de leur fraction fine
II.A) Introduction
II.B) Description des prélèvements d’argiles effectués autour des sites de production sud-gaulois
II.B.1) La Graufesenque
II.B.2) Montans
II.B.3) Espalion
II.B.4) Le Viala-du-Pas-de-Jaux
II.B.5) Les Vignes et Le Rozier
II.C) ‘ature minéralogique et préparation des différents prélèvements d’argiles brutes sélectionnés
II.C.1) Démarche expérimentale
II.C.2) ‘ature minéralogique des prélèvements d’argiles brutes sélectionnés
II.C.3) Préparation des prélèvements d’argiles brutes sélectionnés
II.C.4) ‘ature minéralogique des fractions fines des prélèvements d’argiles sélectionnés : influence de la sédimentation sur la composition minérale
II.D) Etude du comportement en température des fractions fines des prélèvements d’argiles sélectionnés
II.D.1) Cuisson en atmosphère oxydante des fractions fines des différents prélèvements d’argiles sélectionnés
II.D.2) Composition Chimique des fractions argileuses des différents prélèvements déterminée par Microsonde électronique
II.D.3) Composition minérale des différents prélèvements d’argiles étudiés après cuisson à 1050°C
II.D.3.a) Analyse par Diffraction des rayons X sur Installation classique
II.D.3.b) Etude de la microstructure par Microscopie électronique en transmission : Imagerie en Champ clair et Diffraction électronique
II.D.3.c) Etude de la microstructure par spectroscopie Raman
II.D.3.d) Etude de la couleur et de la brillance par colorimétrie en mode SCI et SCE (avec ou sans réflexion spéculaire)
II.D.4) Evolution de la microstructure des fractions argileuses des différents prélèvements en fonction de la température
II.D.4.a) Analyse par Diffraction des rayons X sur Installation classique
II.D.4.b) Etude de la microstructure par spectroscopie Raman
II.D.4.c) Etude de la couleur et de la brillance par colorimétrie en mode SCI et SCE (avec ou sans réflexion spéculaire)
II.E) Conclusion
III. Les productions de sigillées
III.A) Présentation du matériel
III.A.1) Productions Italiques
III.A.1.a) Ateliers d’Arezzo
III.A.1.b) Sites de consommation
III.A.2) Productions sud-gauloises
III.A.2.a) La Graufesenque
III.A.2.b) Les ateliers satellites de la Graufesenque
III.A.2.c) Montans
III.B) Etude de la pâte
III.B.1) Composition Chimique (PIXE)
III.B.1.a) Sigillées Italiques
III.B.1.b) Sigillées sud-gauloises
III.B.2) Composition Minérale
III.C) Observation en coupe de l’ensemble pâte-engobe en microscopie optique et microscopie électronique à balayage
III.C.1) Sigillées Italiques
III.C.2) Sigillées sud-gauloises
III.D) Etude de l’engobe
III.D.1) Composition Chimique (Microsonde électronique)
III.D.1.a) Sigillées Italiques
III.D.1.b) Sigillées sud-gauloises
III.D.2) Composition Minérale
III.D.2.a) Analyse par Diffraction des rayons X sur installation classique
III.D.2.b) Analyse par microdiffraction des rayons X sur source synchrotron
III.D.2.c) Etude de la microstructure par microscopie électronique en transmission
III.D.2.d) Etude de la microstructure par spectroscopie Raman
III.D.2.e) Etude de la couleur et de la brillance par colorimétrie en mode SCI et SCE (avec ou sans réflexion spéculaire)
III.E) Conclusion : sigillées italiques et sud-gauloises
IV) Conclusion Générale