Ressources génétiques Tomate, Aubergine, Piment et utilisation
Les Solanacées
Parmi les angiospermes, la famille des Solanaceae est l’une des plus importantes pour l’alimentation humaine. Cette famille représente le troisième taxon d’importance économique de par la diversité des espèces cultivées. La famille comprend une centaine de genres et de l’ordre de 2500 espèces (Olmstead et al. 2008), dont une moitié appartient au genre Solanum (Weese and Bohs 2007). La classification des Solanaceae a été basée à ses débuts sur des critères morphologiques de la fleur, de la graine et de l’embryon, puis complétée au fur et à mesure des progrès des techniques par de nombreux autres critères comme par exemple le nombre et la forme des chromosomes, les métabolites secondaires, le polymorphisme des protéines, la structure des trichomes, etc. (Daunay et al. 2008b). Depuis l’avènement des marqueurs moléculaires révélateurs du polymorphisme de l’ADN, la classification des membres de la famille des Solanacées a été réorientée dans une logique phylogénétique et a été assez fortement remaniée (Olmstead and Bohs 2007; Olmstead et al. 2008), avec par exemple le passage des genres Lycopersicon (Spooner et al. 1993) et Cyphomandra (Bohs 2007) dans le genre Solanum.
La famille des Solanaceae inclue des plantes alimentaires économiquement importantes telles que la tomate (Solanum lycopersicum L.), l’aubergine (S. melongena L.), la pomme de terre (S. tuberosum L.), le piment (Capsicum sp.) et d’autres espèces moins connues comme le pépino (S. muricatum Ait.), la narangille (S. quitoense Lam) et le cocona (S. sessiliflorum Dunal). Elle comprend aussi le tabac (Nicotiana tabacum L.), ainsi que de nombreuses espèces utilisées à des fins pharmaceutiques ou ornementales (Daunay and Lester 1989). Les espèces appartenant à la famille des Solanaceae sont extrêmement diverses (Knapp 2001), à la fois en termes (1) de vigueur et biologie (des herbes annuelles aux arbres pérennes); (2) d’habitat (du déserts aux forêts tropicales humides); et (3) de morphologie, notamment des fleurs et des fruits, par exemple, Knapp, (2002). Le centre d’origine et de diversité de la majorité des Solanaceae est concentré en Amérique du Sud et Amérique centrale (D’Arcy 1991). Parmi les espèces cultivées, l’aubergine constitue une exception notable, puisqu’elle est originaire d’Asie (zone géographique s’étendant de l’Inde à la Chine).
Ressources génomiques
Ressources chez la Tomate, l’Aubergine et le Piment
La richesse de la diversité génétique des Solanacées ainsi que les nombreuses ressources génomiques disponibles, notamment chez la tomate, fait de cette famille végétale un modèle de choix pour des études de génomique comparative. Les moyens pour accroitre les connaissances en génétique moléculaire des solanacées sont concentrés sur la tomate dont l’étude génétique est ancienne riche en résultats. La communauté scientifique travaillant sur les solanacées s’est organisée depuis une dizaine d’année sous forme d’un International Solanaceae Genome Project (SOL) piloté par l’Université de Cornell (NY, USA), qui coordonne une partie des recherches en génomique, génétique, phénotypage et taxonomie des solanacées (et des Rubiacées) et rassemble les données acquises dans la base de données SGN (SOL Genomics Network), elle-même liée aux bases similaires des espèces modèles comme Arabidopsis. Cette base regroupe au fur et à mesure de leur publication toutes les données relatives aux cartes génétiques, marqueurs, gènes, séquences, bibliothèques de BAC et EST, phénotypes etc. des solanacées cultivées et offre des outils d’analyse de ces données. C’est dans le cadre de SGN que le génome de la tomate a été séquencé et mis à disposition de tous, en 2010. D’autres initiatives internationales importantes existent, qui sont en lien avec SGN, comme le projet « Planetary Biodiversity Inventories (PBI) Solanum: a worldwide treatment », financé par l’US National Science Foundation. Ce projet, démarré en 2004, regroupe les compétences et résultats associés aux ressources génétiques, génomiques et phylogénétiques pour le traitement taxonomique du genre Solanum (Knapp et al. 2004).
Génomique comparative chez les Solanacées
De nombreuses études de cartographie comparative ont été réalisées avec des espèces de Solanaceae, entre la tomate (2n = 2x = 24) et la pomme de terre (2n = 4x =48) (Bonierbale et al. 1988; Tang et al. 2008; Tanksley et al. 1992) entre la tomate et le piment (2n = 2x =24) (Livingstone et al. 1999; Prince et al. 1993; Tanksley et al. 1988; Wu et al. 2009a), la tomate et l’aubergine (2n = 2x =24) (Doganlar et al. 2002a; Wu et al. 2009b). Bien que les espècesmembres de la famille des Solanaceae soient phénotypiquement diverses, une analyse comparative des génomes de sept d’entre elles, dont la tomate, la pomme de terre, le piment, l’aubergine et le tabac, indique que leurs génomes sont très conservés. Ils ont subi peu de réarrangements et duplications génomiques et leur contenu et l’ordre des gènes sont très similaires. Des marqueurs COS (conserved orthologs set), orthologues chez plusieurs espèces, ont été récemment décrits (Fulton et al. 2002; Wu et al. 2006) et utilisés pour aligner plusieurs cartes sur celles de la tomate.
Les génomes de la tomate et de la pomme de terre différent de seulement quelques réarrangements chromosomiques, chacun d’eux impliquant une seule cassure proche du centromère résultant en inversions paracentriques (qui n’impliquent pas le centromère) des bras courts des chromosomes 5, 6, 9, 11 et 12 et du bras long du chromosome 10 (Bonierbale et al. 1988; Tang et al. 2008; Tanksley et al. 1992). L’inversion sur le chromosome 10 a démontré que les génomes de S. lycopersicoides et S. sitiens sont colinéaires (Pertuzé et al. 2002) suggérant ainsi que cette inversion était fixée dans l’ancêtre commun de la lignée des tomates.
Une comparaison entre les cartes de la tomate et l’aubergine a révélé une conservation de large région de marqueurs colinéaires (Doganlar et al. 2002a) similaire à celle observée chez la pomme de terre et le piment. Durant leur évolution, à partir de leur dernier ancêtre commun, l’aubergine et la tomate se sont différentiées par 24 inversions et 5 translocations chromosomiques, mais également par un certain nombre de transpositions de gènes possiblement apportés par des éléments transposables (Wu et al. 2009b). Le génome nucléaire de l’aubergine est de plus légèrement plus grand que celui de la tomate 1100 Mb d’ADN (1,2 pg/1C) K (Arumuganathan and Earle 1991).
Les génomes de la tomate et du piment présentent des réarrangements plus nombreux, essentiellement des inversions (19) dont seulement deux inversions péricentriques et des translocations depuis leur différenciation à partir de leur ancêtre commun (Livingstone et al. 1999; Wu et al. 2009a). Huit chromosomes chez le piment, excepté P2, P6, P7 et P10) étaient impliqués dans un évènement ou plus de translocations (Wu et al. 2009a)
Flétrissement bactérien causé par Ralstonia solanacearum
R.solanacearum est une bactérie vasculaire d’origine tellurique qui est responsable du flétrissement bactérien. Cette bactérie possède un large spectre d’hôte qui comprend plus de 200 espèces hôtes appartenant à au moins 50 familles et infecte aussi bien les monocotylédones que les dicotylédones (dont les Solanacées, les légumineuses…). Certaines de ces plantes hôtes présentent un intérêt économique important tel que la pomme de terre, la tomate, la banane, l’arachide, l’aubergine, le piment ou le tabac. R. solanacearum est présente sur les cinq continents, d’abord observée dans les zones tropicales, subtropicales, méditerranéenne, elle est désormais signalée dans des régions plus tempérées d’Europe ou d’Amérique du Nord (Hayward 1991). R. solanacearum a été observé en Europe sur des cultures de pomme de terre et de tomate et également sur des mauvaises herbes (Solanum dulcamara, morelle douce-amère) et sur Pelargonium sp. (Janse 1996).
Stratégies de lutte
Comme pour toutes les maladies causées par des agents phytopathogènes, la compréhension de l’interaction avec l’hôte a permis de développer différents principes de stratégies de contrôle des maladies de plantes (Plant Disease Development and Control. National Academy of Sciences, Washington, D. C. 1968) :
– Prévention – sélectionner une période de l’année ou un site où il n’y a pas d’inoculum ou encore lorsque l’environnement n’est pas favorable à l’infection ;
– Exclusion – empêcher l’introduction de l’inoculum ;
– Eradication – éliminer, détruire ou inactiver les inocula ;
– Protection – prévenir l’infection au moyen de barrières (prophylaxie, de produits chimiques toxiques) ;
– La résistance de ces plantes- cultivars résistants ou tolérants ;
– Thérapie – cure de plantes qui sont déjà infectés. Dans le cas du flétrissement bactérien, la thérapie n’est pas envisageable car les symptômes de flétrissement sont irréversibles.
La lutte prophylactique s’appuie sur un ensemble de mesures préventives, additives, à effet partiels, qui limitent la dissémination des bactéries vers des sites non infectés. Il ne s’agit pas d’éradication mais bien de la réduction du potentiel d’inoculum et des capacités d’infection.
Par exemple, il est recommandé d’utiliser du matériel végétal sain (tubercules de pomme de terre, semences, boutures non contaminées) sur un sol ou un substrat sain avec un équipement désinfecté (machines, outils, bottes, etc). L’eau d’irrigation ainsi que les fertilisants doivent aussi être contrôlés. Sur une parcelle déjà infectée, une des mesures consiste à l’élimination (arrachage et brûlage) des plantes (plantes cultivées et adventices) contaminées autrement dit les sensibles mais aussi les porteurs sains qui sont des réservoirs d’inoculum naturels permettant aux bactéries de survivre et de se multiplier.
Les rotations culturales avec des cultures non hôtes tels que, par exemple, le maïs (Zea mays), le riz (Oryza sativa), le soja (Glycine max), le gombo (Abelmoschus esculentum), le haricot (Vigna unguiculata) à la suite de culture d’espèces hôtes est une mesure efficace pour réduire les populations bactériennes présentes dans un sol et donc de réduire l’incidence de la maladie. Suivant la souche de R. solanacearum présente, les rotations culturales sont plus ou moins efficaces et nécessitent une période de culture de plantes non hôtes qui peut durer plusieurs années (Machmud 1993; Melton and Powell 1991; Michel et al. 1997; Saddler et al. 2005).
Le choix de la plante non hôte est important dans le cas de rotation culturale mais aussi d’association culturale puisque certaines espèces de plantes notamment les alliacées possèdent des propriétés d’assainissement, autrement dit ces espèces non hôtes sont capables de provoquer une diminution de la population bactérienne de R. solanacearum et donc diminuer l’incidence du flétrissement bactérien (Yu 1999).
Résistance au flétrissement bactérien
Face à la diversité des agents pathogènes, les plantes ont développé des systèmes de défenses qui leur permettent de s’adapter aux attaques des organismes pathogènes en variant la nature des réponses, constitutives ou inductibles. En effet, malgré l’existence de barrières constitutives préexistantes (paroi végétale, métabolites secondaires antimicrobiens etc..) qui confèrent à la plante une résistance plutôt générale avec différent degré d’efficacité, l’induction de défenses plus spécifique à chaque classe de phytopathogène, est souvent nécessaire. Ainsi, les plantes ont élaboré des stratégies de défense naturelles contre les différents stress biotiques, régulés par deux mécanismes de défense : la résistance non-hôte et la résistance hôte.
Le développement d’une résistance à une maladie donnée dépend bien de la capacité de la plante à reconnaître le(s) signal(aux) produit par l’agent pathogène, en particulier dans la phase précoce de l’infection. Les évènements qui président à la mise en place de la résistance de la plante sont successivement : (i) la reconnaissance de molécules produites par le pathogène pendant l’infection, (ii) la mise en place d’une signalisation capable de transformer la reconnaissance initiale en signal intracellulaire qui conduit à (iii) l’expression des gènes impliqués dans diverses réponses cellulaires liées à la résistance aux maladies. La cinétique de cette signalétique est importante dans la résistance des plantes, car une détection trop lente est souvent la cause de la sensibilité de l’hôte (Jones and Dangl 2006) .
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Table des matières
Introduction générale
Synthèse Bibliographique
1. Les Solanacées
1.1. Présentation des espèces Tomate, Aubergine et Piment
Tomate
Aubergine
Piment
1.2. Ressources génétiques Tomate, Aubergine, Piment et utilisation
Tomate
Aubergine
Piment
2. Ressources génomiques
2.1. Ressources chez la Tomate, l’Aubergine et le Piment
Tomate
Aubergine
Piment
2.2. Génomique comparative chez les Solanacées
3. Flétrissement bactérien causé par Ralstonia solanacearum
3.1. Symptomatologie
3.2. Le complexe d’espèce Ralstonia solanacearum
3.2.1. Caractéristiques générales de Ralstonia solanacearum
3.2.2. Diversité phénotypique et génétique
Classement en race
Classement en biovars
Description de la diversité génétique par des approches moléculaires
3.2.3. Eléments d’épidémiologie
3.3. Les déterminants du pouvoir pathogène
3.3.1. Taxie
3.3.2. La mobilité
3.3.3. Les lipopolysaccharides
3.3.4. Les enzymes extracellulaires
3.3.5. Les systèmes de sécrétion
3.3.6. Les effecteurs de type III
3.4. Stratégies de lutte
4. Résistance au flétrissement bactérien
4.1. Différents types de résistance chez la plante
4.2. Résistance chez la plante modèle Arabidopsis thaliana
Résistance chez l’écotype Nd-1
Résistance chez l’écotype Col-0
Voies hormonales impliquées dans la résistance chez Arabidopsis thaliana
4.3. Résistance chez les solanacées (Tomate, Aubergine, Piment)
4.3.1. Mécanisme de résistance chez les solanacées
Voies hormonales impliquées dans la résistance chez la Tomate
4.3.2. Déterminisme génétique de la résistance chez les solanacées (tomate, aubergine, piment)
4.3.3. Génétique de résistance chez la Tomate
Résistance chez L285
Résistance chez Hawaii7996
4.3.4. Génétique de résistance chez le Piment
Résistance chez PM687 x Yolo Wonder
Résistance chez CM334
4.3.5. Résistance au flétrissement bactérien chez l’aubergine
Variétés résistantes
Modalités de la résistance
Déterminisme génétique et mécanisme(s) de résistance
Résistance au flétrissement bactérien chez les espèces apparentées
Résistance au flétrissement bactérien et résistance à d’autres maladies vasculaires
Travaux de sélection à l’IRAT et à l’INRA
Marqueurs et cartographie de la résistance
Matériel et Methodes
1. Matériel biologique
1.1. Matériel végétal
1.2. Souches bactériennes
2. Méthode d’inoculation et dispositifs expérimentaux
3. Evaluation phénotypique
4. Etude génétique en utilisant le marquage moléculaire
4.1. Extraction d’ADN génomique
4.2. Marquage moléculaire
4.3. Analyse des profils moléculaires
4.4. Méthodes statistiques
4.4.1. Calcul des variances et de l’héritabilité
4.4.2. La méthode du maximum de vraisemblance
Chapitre 1. Caractérisation des propriétés des sources de résistances chez la tomate, l’aubergine et le piment confrontées à la diversité des souches de Ralstonia solanacearum
1. Article 1 : Bacterial wilt resistance in tomato, pepper, and eggplant: genetic resources respond to diverse strains in the Ralstonia solanacearum species complex
2. Principales conclusions
3. Compléments à la publication
Définition de Core-TEP2-
Choix de la Core-Rs3
Chapitre 2. Déterminisme génétique de la résistance au flétrissement bactérien chez l’aubergine AG91-25
1. Article 2 : Genetic mapping of a major dominant gene of resistance to Ralstonia solanacearum in eggplant
2. Complément d’article
Complément d’information concernant le déterminisme génétique de la résistance
Conclusion et perspectives
1. Caractérisation des propriétés des sources de résistances chez la tomate, l’aubergine et le piment confrontées à la diversité des souches de R. solanacearum
2. Déterminisme génétique de la résistance au flétrissement bactérien chez l’aubergine AG91-25
3. Perspectives
3.1. Sur le plan de la sélection de la résistance
3.2. Sur le plan académique
Références bibliographiques
ANNEXES
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