Ressources abondantes et libres d’accès vers des biens rares et exclusifs

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Importance des arrangements institutionnels pour une gestion durable des ressources naturelles forestières

Au cours de l’histoire, la demande d’une ressource à accès libre, devenue de plus en plus forte, a porté la création des droits de propriété (McKean et Ostrom, 1995). Les droits de propriété peuvent être considérés comme des réponses aux conflits relatifs à l’exploitation des ressources, faite par une multitude d’usagers, pour promouvoir une meilleure gestion des ressources. L’attribution des droits d’usage, de propriété et d’obligations est précisée lors de l’organisation des allocations de ressources (gestion, aménagement), à l’ensemble des utilisateurs dont les besoins peuvent être différents. Ces règles de gestion sont d’une part relatives à l’accès, à l’utilisation, à la maintenance, à l’entretien, et au suivi et contrôle. Et d’autre part, elles explicitent les déclarations relatives à des actions qu’on peut (prescription), qu’on doit (obligation), qu’on ne doit pas faire (prohibition) devant une gamme de choix d’actions (Ostrom, 1998).
D’où des arrangements institutionnels définissant des mécanismes d’accès, d’utilisation, de maintenance/entretien, de suivi/contrôle, d’appropriation doivent exister, et les mécanismes clairement définis, de même que les usagers et groupes utilisateurs autorisé/permis (Hagen, 2000).

Mesures de conservation des ressources naturelles forestières à Madagascar

Madagascar a toujours eu des traditions de protection, de conservation et de promotion de l’environnement. Et les efforts de plus en plus importants face à l’intensification de la spirale de dégradation, ont pris différents contenus et formes à travers le temps et selon les problématiques considérées comme prioritaires. Deux grands enjeux de la politique malgache de nos jours sont la conservation et la gestion durable des ressources naturelles ainsi que la réorganisation de l’Etat et de la Société (Polfor, 2001).
Des mesures visant la protection de la nature ont existé déjà au temps de la monarchie, basées essentiellement sur des interdictions (de brûler la forêt) et de sévères restrictions (à la coupe de bois). Certes, si dégradation il y a, ce que les populations riveraines, premiers utilisateurs des ressources font des pratiques destructrices, non écologiquement pérennes. Ainsi, le pouvoir central en place, que ce soit le pouvoir colonial ou le pouvoir étatique post colonial ont établi des mesures essentiellement restrictives et répressives (Ramamonjisoa, 2001).
La création des premières Aires Protégées a commencé bien avant (en 1927) la mise sur pied d’une Politique Nationale d’Actions Environnementales (PNAE). En effet, certaines ressources telles que des habitats, des écosystèmes, des communautés biologiques et des espèces, jugées représentatives de la biodiversité malgache, ont été mises sous forme d’Aires Protégées. Les Réserves Spéciales en sont des exemples. Le principe est qu’afin de mieux préserver le patrimoine naturel menacé de dégradation et d’extinction, résultats des activités extractives des populations adjacentes (ANGAP, 2001a), il fallait délimiter ces aires et y exclure l’homme.
Historiquement, la vieille formule paternaliste qui guidait la délimitation des Aires Protégées était que ‘la conservation devait être imposée aux communautés rurales pauvres, ce qui les coupait le plus souvent des ressources biologiques, physiques et culturelles dont elles dépendaient’ (Spore, 2004).
Mais est-ce que cette richesse exceptionnelle a été pour autant conservée ? Vraisemblablement non pour différentes raisons. Entre autres, parce que les communautés locales, nanties ou non d’autorisations, d’ailleurs très limitatives et contraignantes, sur l’utilisation des ressources, bases de leur système productif, perpétuent leurs pratiques efficaces en rapport avec leurs rationalités (RazafyFara, 1999). Cependant, elles sont jugées faiblement performantes économiquement et non pérennes écologiquement induisant d’impacts négatifs sinon des gaspillages significatifs (Ramamonjisoa, 2000).
La perspective sociale de la durabilité des ressources naturelles forestières a un poids significatif. En ce sens que les motivations, en étroite relation avec les règles en usage sont un déterminant important pour assurer la pérennité des ressources. Et face aux ‘différents arrangements institutionnels’ sur terrain, la mise en œuvre de l’aménagement des ressources forestières trouve difficilement son chemin (Muttenzer, 2001).
De ces différents éléments constituant le contexte problématique de la gestion durable des ressources naturelles forestières à Madagascar, est dégagée la question directrice de notre investigation :
‘A travers quels mécanismes institutionnels, les différentes institutions et utilisateurs des ressources à multiple fonction que sont les ressources naturelles forestières peuvent s’arranger pour satisfaire leurs besoins respectifs, tout en sachant que ces ressources sont mises en défens ? Et dans quelles mesures la pérennité de ce patrimoine unique et menacé pourrait être assurée par les institutions locales, en l’occurrence la communauté locale ?

Hypothèses

Hypothèse 1 : De ‘par leur multiple fonction et de leur utilité commune, la gestion des ressources naturelles forestières relève de plusieurs Acteurs, souvent à intérêts divergents’.
Diversifiées, les ressources naturelles forestières assurent trois fonctions principales : des fonctions de production y compris les espaces pour différents usages, la régulation pour le maintien de la qualité des fonctions de production, des fonctions culturelles avec des charges religieuses et autres normes de valeurs culturelles (Spécial Forum, 1999).
Les valeurs écologiques des ressources naturelles forestières résident en leur poids significatif dans la composition et le fonctionnement de l’environnement vivant qu’elles aident à construire. Notamment, la biodiversité de Madagascar est inhérente principalement aux écosystèmes forestiers, dont les qualités sont indissociables aux notions de variété, de variabilité, et d’interactions. Elle exprime la complexité des systèmes écologiques traduisant les rapports interdépendants qui s’établissent souvent parmi les organismes qui coexistent, intégrant les divers processus évolutifs des écosystèmes (Figure A1 en Annexes).
En outre, la société humaine construit ses cultures en fonction des conditions du milieu dans lequel elle vit, et la façon d’interagir avec la nature résulte essentiellement de la perception qu’elle a de son milieu de vie. Ces pratiques socioculturelles ont pour objectif principal la reproduction de la société traditionnelle à travers le maintien des us et coutumes, la consolidation ou la restauration de l’ordre social. Et force est de constater qu’elles ne constituent pas une menace pour l’intégrité de l’espace encore moins pour ses composantes naturelles.
Durant ces dernières décennies, l’éthique environnementale, une discipline dérivée de la philosophie, prône des valeurs intrinsèques des écosystèmes naturels, ce ‘bien collectif global’ de toute l’humanité qu’elle a le devoir et l’obligation de préserver. L’éthique environnementale énonce qu’un individu dispose d’une série croissante d’obligations morales; de plus en plus ouvertes sur l’univers, partant du moi vers l’humanité jusqu’à l’ensemble des écosystèmes et la terre toute entière (Figure A2 en Annexes).
Dans le même sens, la prise de conscience de plus en plus aigue des communautés humaines que l’environnement est ‘l’ensemble des milieux naturels et artificiels, y compris les milieux humains et les facteurs sociaux et culturels qui intéressent le développement national (Charte de l’Environnement, 1990), une large gamme de valeurs économiques a été attribuée aux ressources naturelles (Figure 1).
Mais force est de constater que les perceptions des valeurs économiques accordées aux ressources naturelles par la multitude d’Utilisateurs sont loin d’être uniformes. De plus, ces perceptions sont de moins en moins tangibles (de gauche à droite dans la Figure 1) lorsqu’il y a des obligations de restrictions quant à l’usage des dites ressources.
Hypothèse 2 : ‘Face à une situation conflictuelle, différentes formes de négociation s’établissent entre les différents Acteurs sur terrain, avec une reformulation de nouvelles règles d’usage’ L’alliance entre les organismes voués à la conservation de l’Environnement et les priorités stratégiques de l’Etat malgache (priorités formulées sous la forme d’un PAE) s’accompagne d’une émergence de différents groupes d’Acteurs (OG, ONG, communautés locales, etc.) ayant différents enjeux (Muttenzer, 2001).
Notamment, l’élaboration des axes stratégiques et la réalisation des plans d’actions (telle la maintenance et la surveillance ou le développement socio économique des zones périphériques des Aires Protégées) sont déléguées à d’autres institutions supposées plus performantes en termes de gestion innovatrice et de structure administrative plus souple.
Cependant, l’Etat par l’intermédiaire de ses représentants sur terrain a gardé ses prérogatives sur les droits d’accès aux ressources, ce qui entraine des lacunes au niveau de la répression des délits dans les Aires Protégées (Ramamonjisoa, 2001).
Malgré l’implantation des divers Projets de conservation et de développement intégrés, conçus comme ‘un moyen privilégié pour résoudre le dilemme entre la nécessité perçue de la conservation et les intérêts des populations riveraines des Aires Protégées (Muttenzer, 2001), l’exploitation et l’occupation humaine de ces espaces à conserver reste une réalité incontournable.
Face aux contraintes des pratiques locales, basées sur la logique de survie, des nouvelles logiques institutionnelles peuvent prendre place sur le terrain, principalement guidées par les rationalités des différents Acteurs présents là ou se trouvent les ressources.
Hypothèse 3 : ‘Avec ses motivations actuelles, la communauté locale seule n’est pas performante en matière de gestion durable de ce patrimoine unique mais menacé’
La proximité par rapport à la forêt est un critère crucial à considérer par des gestionnaires forestiers pour déterminer si un groupe social doit exiger des ‘attentions particulières’ car il peut avoir un impact potentiellement important sur la forêt (CIRAD/CIFOR, 2000).
D’une part, à travers le processus de mise en œuvre de la politique de décentralisation de la gestion des ressources naturelles. Et d’autre part, sous l’impulsion des études conclusives sur l’existence des capacités potentielles des communautés de base, en matière de gestion de leurs ressources naturelles renouvelables (principalement les terres, forêts et plantations) (LTC, 1004), les Acteurs locaux se retrouvent au cœur d’un faisceau de ‘nouvelles’ responsabilités relatives à la gestion des ressources naturelles. Cette nouvelle configuration des rôles et des responsabilités élève les Acteurs locaux au rang de gestionnaires privilégiés des ressources de leur terroir (Spécial Forum, 1999).
En outre, supportés par les différentes études de cas relatifs aux dispositifs institutionnels régissant les ressources forestières d’utilité commune (Gibson et al., 2000), la tragédie prédite par Hardin peut être évitée. Les hommes, dépendants des ressources, sont capable d’avoir une conscience suffisante du dilemme auquel ils font face, potentiellement grâce à leur capital social (Gibson et al., 1999). C’est-à-dire que les hommes peuvent s’arranger pour restructurer leurs propres règles et travailler pour des objectifs communs et durables. D’abord d’imposer des règles de restrictions quand à l’utilisation des ressources, ensuite de transformer les tentations de surexploitation en incitations (Ostrom et al., 1999). Ces incitations peuvent être positives ou négatives (telles les sanctions).

Méthodologie

Rappelons qu’au départ de notre recherche, la principale interrogation qui se pose est : ‘A travers quels mécanismes institutionnels, les différents institutions et utilisateurs des ressources à multiple fonction que sont les ressources naturelles forestières peuvent s’arranger pour satisfaire leurs besoins respectifs, tout en sachant que ces ressources sont mises en défens ? Et dans quelles mesures la pérennité de ce patrimoine unique et menacé pourrait être assurée par les institutions locales, en l’occurrence la communauté locale utilisatrice ?
La perspective sociale de la durabilité des ressources naturelles forestières a un poids significatif pour mieux cerner et donc de résoudre les problèmes liés à la continuation de la dégradation des écosystèmes naturels. Relier les actions et les motivations humaines (en tant que variables indépendantes/explicatives) avec les changements des conditions des ressources (en tant que variables dépendantes, telle la déforestation, le changement de la couverture forestière) peut s’avérer pertinent. En ce sens que les motivations, en étroite relation avec les règles en usage sont un déterminant important pour assurer la pérennité des ressources.
Vraisemblablement, l’utilisation durable des ressources d’utilité commune, dans un contexte où la demande excède l’offre et au sein d’une situation interdépendante (juxtaposition d’usages sur un système de ressources interactif), dépend de l’adoption des stratégies non individuelles et exigent des actions concertées et collectives (Ostromet al., 1999).
En matière de régulation de l’utilisation des ressources naturelles forestières, les concepts classiques de régulateurs tels relatifs à Etat (pouvoir public) ou de marché en concurrence parfaite ne sont pas réellement pertinents. En effet, pour le système interactif des écosystèmes forestiers, certaines composantes ont les attributs des biens publics tandis que d’autres possèdent des attributs de bien privés.

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Table des matières

Introduction générale
Chapitre I Problématique
I.1. Ressources abondantes et libres d’accès vers des biens rares et exclusifs
I.2. Importance des arrangements institutionnels pour une gestion durable des ressources naturelles forestières
I.3. Mesures de conservation des ressources naturelles forestières à Madagascar
I.4. Hypothèses
Chapitre II Méthodologie
II.1. Concepts de base de la méthodologie
II.1.1. Concepts clés : institutions, règles
II.1.2. Les différents éléments du cadre théorique IAD (Institutional Analysis and Development)
II.2. Méthodes
II.2.1. La méthode IFRI (International Forestry Resources and Institutions)
II.2.2. La méthode d’analyse Mactor
II.2.3. Le ‘Diagnostic d’une gestion locale durable’
Chapitre III Résultats et Discussions
III.1. Résultats
III.1.1. Visiter et observer le terrain
III.1.1.1. Le site Bezà Mahafaly
III.1.1.2. La forêt Analasakamena
III.1.1.3. Les produits forestiers de la forêt Analasakamena
III.1.1.4. Les groupes utilisateurs de la forêt Analasakamena
III.1.1.5. Les Organisations non récoltantes
III.1.2. Traiter, analyser et interpréter les informations
III.1.2.1. Par la méthode IFRI basée sur le modèle de l’IAD
III.1.2.1.a. Quels sont les attributs des ressources ?
III.1.2.1.b. Qu’en est-elles des caractéristiques de la communauté des Utilisateurs riverains ?
III.1.2.1.c. Quels sont les attributs des règles en usage ?
III.1.2.1.d. Arène d’actions
III.1.2.1.e. Tendances d’interactions entre les Acteurs
III.1.2.1.f. Gains issus des interactions
III.1.2.2. Par la méthode d’analyse Mactor
III.1.2.3. Par le ‘Diagnostic d’une gestion locale durable’
III.1.2.3.a. Caractéristiques des Ressources à gérer
III.1.2.3.b. Caractéristiques des Utilisateurs
III.2. Discussions
III.2.1. Discussions en relation avec les hypothèses
III.2.1.1. Des ressources stratégiques devant satisfaire des intérêts concurrentiels
III.2.1.2. Vers des consensus pour la satisfaction des besoins respectifs
III.2.1.3. Une gestion durable conditionnée par des motivations locales renforcées
III.2.2. Discussions méthodologiques
III.2.2.1. Sur la pertinence de l’Institutional Analysis and Development
III.2.2.2. Sur la complémentarité des méthodes
III.2.2.3. Sur les atouts et les limites de chaque méthode
Conclusion générale
Références bibliographiques
Annexes

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