Responsabilité et détermination
le contexte socio-politique de l’époque
Les années douloureuses qui ont suivi la fin de la Première Guerre mondiale ont bouleversé la société française. En effet, la famine, la crise économique, la montée des extrémistes et les tensions internationales rendent la population vulnérable. Ainsi, pour remédier à cette situation, la littérature, activité qui s’intéresse aux problèmes sociaux, devient un moyen de combat pour les auteurs. Ils s’engagent à rappeler les populations que seule l’action permet d’accéder à la liberté. Les conflits politiques sont source d’inspiration pour les artistes. L’homme est menacé dans un monde absurde et se devait de lutter contre toute intimidation comme les effets néfastes de la guerre. Cependant, une nouvelle perception des choses et de la vie s’impose.
Les travaux de Freud, le rêve et le merveilleux sont perçus comme une perspective de libération de l’homme. C’est à cet effet que Sartre et Camus interviennent par le biais de l’existentialisme qui dénonce l’hypocrisie du genre humain. Ils se font témoins de la conscience de leur temps et choisissent ainsi leur partie. Sartre et Camus optent pour une littérature de conflit entre le destin et la liberté, une littérature capable de fonder un humanisme véritablement moderne, ce qui fortifie leur engagement contre l’histoire et le destin.
Alors, il serait judicieux de s’interroger sur les conséquences de la guerre et la manière dont elle a affecté la conscience des héros qui se livrent à la débauche pour échapper à l’absurdité du monde. La soif d’innover est au cœur des débats intellectuels et littéraires. La modernité s’impose comme seule issue pour dépasser les exactions subies durant les années de guerre. Cette nouvelle conception du monde favorise à son tour le libéralisme et la liberté de conscience prônés par Sartre et Camus.
Les effets de la guerre
Le XXème siècle littéraire débute avec la terrible guerre de 14-18 qui a menacé toute l’Europe. Le continent a subi des conséquences atroces qu’il essaie de réparer. À la suite l’économie fleurie, la France reconstruit sa population. Mais la Deuxième Guerre mondiale vient rompre tout espoir de redressement. La France sombre de nouveau dans la déchéance totale. La famine s’installe dans tout le pays. En effet, les pénuries de tout genre, la hausse des prix et le chômage entrainent des mouvements de mécontentement. C’est ainsi qu’André Gide note dans son journal que « la guerre incline tous les esprits » . Ensuite il dira « dans cette atroce partie qui s’engage, tout ce pour quoi nous vivons est mis en jeu, et le sacrifice de ceux qui nous sont les plus chers risque de ne pouvoir sauver ces valeurs » .
Pour remédier à cette situation de désastre, la littérature, qui se veut engager, épouse les bouleversements sociaux de tous les temps et cherche des solutions. Ainsi, la guerre stimule le besoin d’apporter des solutions au problème de la condition humaine. Elle concourt à répandre d’une part la philosophie de l’absurde, d’autre part la littérature engagée. Ainsi, le déclin du témoignage de la raison favorise la naissance d’une littérature existentielle qui s’interroge sur l’homme en question et sur son statut. La guerre transforme à la fois la production littéraire et sa réception. L’écrivain a la lourde responsabilité de porter le cri de son peuple. C’est ainsi que Sartre et Camus s’érigent en combattant pour libérer l’homme de la pesanteur. Ils mettent en scène des héros qui refusent de vivre dans l’univers des « salauds » .
Force est de constater que la guerre a déclenché une rupture perceptible dans bien des domaines. L’instabilité régnait ; la récurrence de la torture et de la mort provoque un sentiment de terreur et de crainte, il réveille en même temps le sentiment de courage qui conduit à la lutte pour le redressement. Après la guerre, on assiste à une ruine de la civilisation et à la claustration. La mise en fiction de ces événements se révèle dans La Nausée par la situation nauséabonde dans laquelle vit Roquentin et pour ce qui est de La Chute, il passe par la découverte de l’absurdité de la vie. Clamence découvre progressivement l’égoïsme et l’hypocrisie du monde bourgeois. Pour se libérer de cette emprise, Roquentin et Clamence choisissent l’errance comme solution pour échapper à cette séquestration.
Les guerres ont révélé l’absurdité de la vie qu’on retrouve dans les romans de la plupart des écrivains du siècle et particulièrement chez Camus dont toute sa philosophie repose sur cette absurdité et les moyens de la dominer. On assiste à l’avènement d’un homme déraisonnable qui ne comprend plus son monde. C’est ainsi que Clamence de La Chute, suite à une scène de meurtre qu’il ne comprend pas, quitte le monde des hommes. Aussi, dans La Métamorphose de Kafka, Samsa décide de se métamorphoser en un animal pour fuir le monde des hommes.
En effet, l’après-guerre révèle des moments de tensions internationales avec des crises économiques graves. Le choix des partis politiques reste déterminant. L’occupation allemande fait naître des mouvements de Résistance qui se veulent aussi de transformer la France. Ce qu’entreprend aussi le Général de Gaulle à la libération des nationalistes économiques et une politique sociale. Cela favorise les tentations individuelles dont est victime le monde. En effet, durant la période de l’après-guerre, l’individu se replie sur lui-même. N’ayant confiance ni aux institutions ni à la communauté, l’homme vit isolé dans le désespoir et l’angoisse motivé par les calamités des affrontements qui ont traversé tout le siècle. En témoigne le comportement de Clamence qui déserte le monde des hommes et se refugie à Amsterdam où il déambule dans les canaux et les ponts de la ville.
La crise de l’humanité encourage le questionnement sur le sens de la vie et sur l’homme en question. Ces événements donnent à voir un monde absurde où l’homme se perd, perd ses repères et ses limites qui lui permettaient de se retrouver. Il le mène ainsi à un dégout de la vie et une perte d’espoir. Sartre a eu donc raison de créer le personnage de Roquentin, un solitaire qui éprouve de la nausée face aux choses de la vie. Sa nausée représente la condition humaine durant « le drôle d’époque » (C., p. 142). Et ces pérégrinations confirment son état de désastre face à l’existence. Son existence lui inspire crainte et répulsion.
Ainsi, cette atmosphère de guerre, de tension et de désespoir fait que le héros est traité de façon arbitraire. La condition humaine est attaquée de toute part par les auteurs qui exigent le redressement de l’être malgré les difficultés qui l’accablent. Ils insinuent un monde où l’on accepte et dépasse sa condition. La quête du sens de la vie anime les héros camusiens obnubilés par le sens de la responsabilité sans limite occasionnant ainsi le réveil de conscience. Les auteurs comme Sartre, Camus, Malraux stimulent la conscience de la population de la nécessité d’agir face à la situation ombrageuse dans laquelle il vit.
La guerre mène au débordement de la vie constaté dans les comportements. Elle est le théâtre des pires crimes qui donnent naissance aux manifestations les plus étincelantes de l’intelligence et de la grandeur humaine. La perplexité gagnait du terrain car elle est la forme de régression et d’abaissement de l’humanité la plus catastrophique que l’humanité n’a jamais connu. « La guerre est en effet un phénomène planétaire, si profondément inscrit dans la chair et les esprits des hommes que la façon dont il est ressenti ne varie guère d’un bout à l’autre du monde» .
Toutefois, la raison perd progressivement sa valeur et semblait remplacée par des questionnements sur le sens de l’existence. On assiste à une remise en question de la logique humaine. La guerre mène à la minimalisation de la raison et non une suppression totale de la faculté de juger. Effectivement, l’homme du XXème siècle pense que la raison se joue parfois dans des terrains inattendus et cela crée des problèmes et des catastrophes.
Ainsi, le mal de l’époque est décrété par les guerres qui ont jalonné tout le siècle occasionnant des flottements mentaux et psychologiques. Il est miné par un mal dont il continue de subir les conséquences. En conséquence, le doute, la lassitude affectent la pensée humaine. Et on se pose la question de savoir comment sortir de cet obscurantisme. C’est le défit que lancent les écrivains. Ils « se donne[nt] pour but de restituer à la personne humaine une dignité et une énergie que les temps modernes [leur] ont en partie retirées » .
La guerre a sévèrement frappé le monde entier et particulièrement la France. Il a fortement affecté tous les domaines d’activités. Le bouleversement de la société, de l’homme et de sa conscience atteint un niveau incontrôlable. Toutefois, malgré les dégâts et le désastre, la guerre a quand même réveillé la conscience française et a favorisé l’évolution des idées. Elle a suscité de nombreuses interrogations sur la liberté de l’homme et sur son engagement face à des situations difficiles. Elle est la sonnette d’alarme qui révolutionne la pensée occidentale et favorise une nouvelle perception du monde.
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Table des matières
INTRODUCTION
Première partie : Responsabilité et détermination
Chapitre I : le contexte socio-politique de l’époque
1-1 Les effets de la guerre
1-2 Une nouvelle vision du monde
1-3 Un ordre libertaire
Chapitre II : De la résistance à la liberté
2-1 : le refus et la révolte
2-2 : L’homme face au destin
2-3 : la liberté comme possibilité de survie
Deuxième partie : stratégie d’écriture
Chapitre 3 : les formes narratives
3-1 le dialogue dans le monologue
3-2 l’ironie comme pratique esthétique
Chapitre V : hybridité générique
4-1 : le refus du romanesque
4-2 : l’influence du cinéma et du théâtre
Conclusion
Bibliographie