Résonance magnétique nucléaire (RMN)
Généralités et RMN du solide
Le spin est une propriété intrinsèque de certaines particules (noyau, électron, neutron, photon etc.), caractérisé mathématiquement par un moment angulaire I : on démontre (théorème de Wigner-Eckart) que si I ̸= 0 , alors il existe simultanément un moment magnétique, µ , colinéaire à I tel que :
La Résonance magnétique nucléaire (RMN) est une technique d’analyse sélective aux noyaux qui sonde les interactions entre le noyau est son environnement. Les diférentes interactions sont : l’écrantage magnétique σb, le gradient de champ électrique Vc, le couplage dipolaire D et le couplage scalaire indirect aussi dénommé couplage J, dont les hamiltoniens sont des perturbations de l’hamiltonien Zeeman. Dans ce travail nous traiterons uniquement les interactions locales qui sont l’écrantage magnétique et le gradient de champs électrique. Ces deux quantités sont bien décrites mathématiquement par un tenseur de rang 2.
Le déplacement chimique est très important en RMN car il est sensible à l’environnement chimique local du noyau sondé. Il traduit la dépendance des niveaux d’énergie magnétique du noyau avec l’environnement chimique. La densité électronique, l’électronégativité des atomes proches et l’anisotropie du champ magnétique induit sont les principaux facteurs qui inluencent le déplacement chimique. L’Anisotropie de déplacement chimique (CSA) est une interaction propre au solide car en solution elle est moyennée à sa valeur isotrope par les mouvements browniens. Dans les solides le CSA peut être moyenné en procédant à des mesures sous rotation à la l’angle magique [28, 29] (MAS). L’angle magique est tel que : cos2 (θm) = 1/3 soit θm ≈ 54.74 Il en résulte un élargissement des raies en RMN en phase solide. A ce phénomène s’ajoute le fait que les échantillons analysés sont à l’état de poudres impliquant une distribution d’orientation des diférents cristallites les constituant. Chacune de ces orientations, représentant un environnement chimique spéciique, va contribuer à un déplacement chimique qui lui est propre. Le spectre RMN obtenu est alors l’enveloppe de toutes ces orientations.
Les noyaux de spin I > 1/2 possèdent une distribution de charge non sphérique conduisant à un moment quadripolaire eQ (tabulé pour chaque noyau). L’interaction quadripolaire résulte de l’interaction entre le moment quadripolaire et le champ électrique généré par la structure électronique voisine. Cette interaction est décrite par le Gradient de Champs électrique (EFG) formulé mathématiquement par un tenseur de rang 2, V symétrique et de trace nulle. Les valeurs propres de V sont telles que Vzz > Vxx > Vyy.
Une acquisition RMN consiste dans une première étape à aligner les spins nucléaires dans un champ externe B0 créant une aimantation macroscopique M0. Les spins nucléaires sont ensuite excités par l’application d’un champs radiofréquence transverse B1, proche de la fréquence de Larmor du spin étudié, permettant des transitions entre les niveaux d’énergie Zeeman. On parle alors de résonance et l’aimantation B0 est basculée dans le plan xy (B0 étant colinéaire à z) où elle va décrire un mouvement de précession libre visant à la ramener à sa position d’équilibre (le long de z), on parle de relaxation. Ce retour à l’équilibre entraîne l’émission d’une onde électromagnétique qui peut être détectée par une bobine et convertie en une tension électrique. L’atténuation de ce signal en fonction du temps est nommée la FID (Free Induction Decay). Le signal RMN tel qu’il est analysé dans le domaine des fréquences est obtenu par transformée de Fourier de la FID. Ce phénomène de relaxation se décompose en deux composantes :
— la relaxation longitudinale, ou relaxation spin-réseau correspondant au retour à l’équilibre selon l’axe z et caractérisé par son temps de relaxation noté T1,
— la relaxation transverse, ou relaxation spin-spin, correspond à la disparition de l’aimantation dans le plan xy et caractérisé par le temps de relaxation T2.
Les diférents noyaux d’intérêts et techniques de découplages associées
Le proton est, après le tritium 3H, le noyau le plus sensible en RMN. Avec une abondance naturelle proche de 100% (99,99%) et un rapport gyromagnétique très élevé (γ1H = 26.75×10−7 rad.s−1T−1 ), l’acquisition d’un spectre RMN proton est très aisée et ne demande l’acquisition que de quelques scans pour obtenir un très bon rapport signal sur bruit. Néanmoins, cette forte abondance naturelle fait aussi la faiblesse de ce noyau de part la très forte interaction dipolaire homonucléaire 1H/1H résultante élargissant considérablement les raies obtenues et qu’il est très diicile de moyenner par la simple rotation à l’angle magique. Des techniques de découplages spéciiques ont alors été élaborées en vue de gagner en résolution mais il est aussi possible de travailler à champ magnétique élevé et à haute vitesse de rotation.
De même que le proton, le phosphore-31 est un noyau facilement observable en RMN compte tenu de son abondance naturelle de 100% et son bon rapport gyromagnétique (γ31P = 10.84×10⁻⁷ rad.s−1T−1 ) lui conférant une excellente réceptivité. Bien qu’abondant, ce noyau soufre moins que le proton de l’interaction dipolaire homonucléaire 31P/31P du fait des distances 31P/31P généralement plus longues que les distances 1H/1H et de son rapport gyromagnétique plus faible. Cependant, le noyau 31P n’est pas sans défaut et présente en général des temps de relaxation longitudinale T1 longs. Ce problème peut être contourné grâce à la séquence de polarisation croisée {31P}-{1H} qui sera décrite dans le paragraphe suivant.
Le carbone-13 quant à lui soufre d’une faible sensibilité liée à une faible abondance naturelle associée à un rapport gyromagnétique très nettement inférieur à celui du proton (∼4 fois inférieur). De ce fait, leur observation s’avère plus complexe et longue en acquisition directe mais peut être améliorée via l’utilisation de séquences particulières telle que la polarisation croisée. Un autre moyen d’améliorer les conditions d’acquisition de ces noyaux consiste à efectuer un enrichissement isotopique. Ainsi, dans le cadre de l’étude concernant la substitution des hydroxyapatite par des carbonates (partie 4.1), ces derniers sont enrichis en 13C ( du NaH13CO3, enrichi à 100%, a été utilisé comme précurseur de synthèse).
Enin le noyau 43Ca est un noyau de spin I = 7/2 avec une abondance naturelle très faible de l’ordre de 0,14% et un rapport gyromagnétique γ de -1.803e10⁻⁷ rad.s−1T−1. On parle dans ce cas de noyau ’bas-γ’ (fréquence de Larmor : 47.12 MHz sur un spectromètre 16.4 T). Les caractéristiques du 43Ca en font donc un noyau intrinsèquement très peu sensible du tableau périodique. Toutefois, en ayant recours à la RMN à ultra haut champ magnétique et des rotors de gros volume (7 ou 9.5 mm) permettant la rotation MAS à 5 kHz, il est possible d’acquérir des spectres dans des temps raisonnables. A noter qu’une rotation MAS modérée est un outil pertinent (les efets de CSA en 43Ca sont faibles, même à ultra haut champ magnétique).
Séquence de polarisation croisée (CP = Cross-Polarization)
Conceptuellement, cette séquence consiste en un transfert d’aimantation, pendant un temps de contact noté τcp, d’un noyau abondant I (en général et dans la suite de ce manuscrit 1H) vers un noyau rare S (13C…) par le biais du couplage dipolaire I-S. L’eicacité du transfert d’aimantation est directement liée à la force du couplage dipolaire entre les noyaux I et S. Cette séquence présente de nombreux avantages :
— Elle permet d’augmenter le signal des spins rares S (dans un rapport γI/γS)
— Le temps de répétition n’est ici plus géré par le temps de relaxation longitudinal T1 du spin rare S mais par celui du 1H généralement plus court. Le rapport signal sur bruit s’en voit alors amélioré pour une durée d’acquisition donnée. C’est pourquoi on utilise aussi cette séquence pour détecter le phopshore-31
— Une information sur la dynamique locale du système peut être déduite de l’eicacité du transfert d’aimantation. En efet, plus le système sera mobile et moins ce transfert sera eicace.
— Par la polarisation croisée il peut être efectuée de l’édition spectrale amenant par exemple au degré de protonation des groupements ou tout au moins à la proximité entre noyaux I et S, ce qui nous sera très utile comme nous le verrons dans la suite du manuscrit.
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Table des matières
1 Introduction
2 Méthodologie
2.1 Méthodes basées sur les fonctions d’ondes
2.2 Introduction à la théorie de la fonctionnelle de la densité
2.2.1 La densité électronique comme unique variable
2.2.2 Les équations de Kohn-Sham
2.2.3 Approximation de la fonctionnelle Exc[n]
2.2.4 Résolution des équations de Kohn-Sham par la méthode du champ autocohérent
2.2.5 Fonctions de bases et pseudopotentiels
2.2.6 Méthode mixte
2.2.7 Inclusion des forces de dispersion électronique : Corrections de Grimme
2.3 Optimisation de la géométrie
2.3.1 Les ensembles thermodynamiques
2.4 Dynamique moléculaire
2.5 Résonance magnétique nucléaire (RMN)
2.5.1 Généralités et RMN du solide
2.5.2 Les diférents noyaux d’intérêts et techniques de découplages associées
2.5.3 Séquence de polarisation croisée (CP = Cross-Polarization)
2.5.4 Séquence HETCOR (HETeronuclear CORrelation spectroscopy)
2.5.5 Dynamic Nuclear Polarization (DNP)
2.6 Modélisation de la spectroscopie de RMN dans les solides
2.6.1 La méthode PAW : le calcul du tenseur de gradient de champ électrique
2.6.2 La méthode GIPAW : le calcul du tenseur de déplacement chimique
2.6.3 Prise en compte des efets de température : ’MD-GIPAW’
2.7 Modélisation de la spectroscopie IR
2.8 Logiciels et méthodes utilisés
3 Caractérisation des oxalates de calcium hydratés
3.1 Introduction
3.2 Description des structures cristallines
3.2.1 Description de la structure COM
3.2.2 Description de la structure COD
3.2.3 Description de la structure COT
3.3 Caractérisation par spectroscopie infra-rouge (IR)
3.4 Caractérisation par RMN
3.4.1 Modélisation des propriétés RMN à 0K
3.4.2 Analyse des spectres 13C
3.4.3 Analyse détaillée de l’échantillon COM grâce à des expériences RMN HETCOR
3.4.4 Analyse détaillée de la structure COD
3.5 Efet de la température sur les calculs GIPAW
4 Les phosphates de calcium
4.1 Les apatites carbonatées
4.1.1 Description des diférentes substitutions envisagées
4.1.2 Paramètres de maille et énergies de substitution des modèles de CHAp
4.1.3 Calculs des propriétés RMN des modèles de CHAp
4.1.4 Les mono-substitutions
4.1.5 Substitutions multiples et clusterisation des carbonates
4.1.6 Conclusion
4.2 La composante désordonnée du minéral osseux
5 Conclusion Générale