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Caractères antigéniques
Chez K. pneumoniae la présence de la capsule et de nombreux antigènes (somatiques et de surface) tels que le lipopolysaccharide (LPS, antigène O) et le polysaccharide capsulaire (antigène K), détermine l’antigénicité [26]. Il existe 77 types capsulaires (K1 à K72, K74, K79 à K82), et 8 antigènes O [45]. Les souches les plus souvent pathogènes pour l’homme et les animaux appartiennent aux types capsulaires K1 et K2, plus rarement K3 et K4 [53, 57].
Facteurs de pathogénicité de K. pneumoniae
Le terme « pathogénicité » définit la capacité d’une bactérie à provoquer une maladie alors que la « virulence » est la mesure ou le degré de pathogénicité de toute espèce bactérienne [45].
Le pouvoir pathogène et la virulence de Klebsiella pneumoniae sont liés à plusieurs facteurs de pathogénicité: la capsule, la production de sidérophores, la production de lipopolysaccharides (LPS), la production d’adhésines et la résistance au sérum [28, 57]. Les souches présentant un phénotype d’hypermucoviscosité sont définies comme hypervirulentes [58].
La capsule
K. pneumoniae développe habituellement une capsule proéminente composée de polysaccharides acides complexes. Les sous-unités récurrentes capsulaires, composées de quatre à six sucres et, très souvent, d’acides uroniques peuvent être classées en 77 antigènes capsulaires (antigènes K), donnant naissance à différents sérogroupes. La capsule est essentielle à la virulence de K. pneumoniae et lui confère un fort pouvoir invasif car la protégeant de la phagocytose, des facteurs sériques bactéricides et dans une certaine mesure de certains désinfectants [58]. Elle est volumineuse et sa composition explique l’aspect gluant et bombé des colonies sur les milieux usuels. Son rôle est encore mal compris, avec des résultats différents pour les études in vivo et in vitro [53].
Les facteurs d’adhésion
Les adhésines confèrent à K. pneumoniae la capacité de s’attacher aux récepteurs spécifiques de l’hôte .
Dans le processus infectieux, les micro-organismes doivent se rapprocher le plus possible des surfaces muqueuses de l’hôte et maintenir cette proximité en se fixant à la cellule hôte (adhérence), grâce à des propriétés adhésives médiées par différents types de pili (ou fimbriae). Ce sont des projections filamenteuses non flagellaires sur la surface bactérienne. K. pneumoniae a plusieurs types d’adhésines de nature différente : pili Type1, pili Type3, adhésines (Figure 3) [58].
Le Fer
La croissance de K. pneumoniae dans les tissus de l’hôte est limitée non seulement par les mécanismes de défense de l’hôte, mais aussi par l’apport de fer disponible. Le fer est un facteur essentiel dans sa croissance, fonctionnant principalement comme un catalyseur redox dans les protéines participant aux processus de transport d’oxygène et d’électrons. Les sidérophores sont des peptides, chélateurs de fer synthétisés et sécrétés pour lui permettre de puiser le fer essentiel à son développement [58]. Grâce à ces sidérophores, K. pneumoniae utilise la transferrine comme source de fer. Les complexes sidérophores-Fe3+ formés permettront d’internaliser le fer nécessaire au fonctionnement de la cellule bactérienne [29]. On distingue les sidérophores de type phénolate, tel que l’entérobactine et les sidérophores de type hydroxymate, comme l’aérobactine. Le rôle de l’entérobactine, comme facteur de virulence, n’a pas été démontré. À l’inverse, celui de l’aérobactine, grâce à des modèles animaux, a été prouvé [29, 58].
Lipopolysaccharide (LPS)
Le LPS et la capsule contribuent à la pathogénicité de K. pneumoniae, qui exprime typiquement à la fois le lipopolysaccharide (LPS, antigène O) et le polysaccharide capsulaire (antigène K) [26]. Sur le plan structural, les LPS de KP sont constitués de trois domaines : le lipide hydrophobe A, l’oligosaccharide de noyau et le polysaccharide de longue chaîne. Les chaînes polysaccharidiques terminales (antigène O) du lipopolysaccharide protègent K. pneumoniae de l’activation du complément et des anticorps spécifiques. Le lipide A (endotoxine) est doué de propriétés toxiques. Sa libération massive dans la circulation au cours des bactériémies conduit au choc endotoxinique [57]. .
Epidémiologie
K. pneumoniae est responsable de maladies nosocomiales et d’infections communautaires épidémiques. La connaissance de son habitat, son mode de transmission, ses réservoirs de transmission, l’identification des clones par sérotypage sont nécessaires pour la maitrise des souches circulantes [45].
Habitat
Les espèces du genre Klebsiella sont présentes dans le monde entier. Elles sont ubiquistes, c’est-à-dire qu’on les rencontre partout, notamment dans les milieux forestiers, la végétation, le sol, la poussière, les eaux de surface, les eaux usées, les aliments et à l’état commensal sur la peau et les muqueuses des espèces hôtes, notamment les muqueuses respiratoires. K. pneumoniae est un saprophyte du tube digestif et des voies aériennes supérieures [48]. Certaines souches sont considérées comme faisant partie de la flore normale du tractus gastro-intestinal humain et animal [28].
Mode de transmission
K. pneumoniae peut être transmis par contact cutané avec des objets ou des surfaces contaminés par l’environnement comme le matériel médical et les produits sanguins [26, 45, 51]. Cette transmission se fait principalement par voie manuportée. Il a été observé que KP est souvent présente sur les mains du personnel hospitalier où il peut survivre plusieurs heures, ce qui contribue probablement à la propagation nosocomiale. Ce germe est aussi présent naturellement dans le tube digestif et les voies aériennes supérieures de l’homme et des animaux, et dans l’environnement (eau, sols et poussière) facilitant la transmission et la contagiosité des souches pathogènes [51, 52].
Réservoir
Les principaux réservoirs pathogènes pour la transmission de KP sont le tractus gastro-intestinal et les mains du personnel hospitalier [45]. Les humains non hospitaliers infectés (avec ou sans symptômes de la maladie) sont également un réservoir important. Ces porteurs servent de réservoirs pour une transmission continue qui rend la propagation difficile à contrôler et les épidémies difficiles à arrêter [51, 52].
Pouvoir pathogène
K. pneumoniae est une bactérie importante en clinique hospitalière. Son pouvoir pathogène est lié à ses facteurs de pathogénicité et à sa virulence [1, 26, 45]. Elle est à la fois une bactérie commensale de l’organisme, et un agent pathogène responsable d’infections variées. K. pneumoniae est à l’origine d’infections respiratoires et urinaires communautaires survenant surtout chez des sujets fragilisés (personnes âgées, immunodéprimées, diabétiques ou alcooliques) et d’infections opportunistes chez des malades hospitalisés. Ces infections communautaires sont plus fréquentes et plus graves en Asie et en Afrique où une forte virulence des souches a été démontrée avec des conditions d’hygiène limitées [41, 42]. En Occident, K. pneumoniae est essentiellement responsable d’infections nosocomiales (infections broncho-pulmonaires, urinaires, bactériémies, infections méningées post-traumatiques ou post-chirurgicales) [4].
Les fluoroquinolones
Les quinolones sont des molécules synthétiques qui figurent parmi les antibactériens les plus prescrits aujourd’hui dans le monde [8]. Ils sont largement utilisés en médecine clinique grâce à leurs avantages pharmacodynamique (spectre d’activité) et pharmacocinétique. C’est la seule classe actuelle d’agents qui inhibent directement la synthèse de l’ADN bactérien [23]. Les fluoroquinolones (FQ) sont des antibiotiques majeurs de l’arsenal thérapeutique, utilisés pour traiter de nombreuses infections tant en ville qu’à l’hôpital, du fait de leur remarquable qualité. En effet, ces molécules sont dotées d’une excellente diffusion intracellulaire et tissulaire, d’un large spectre antibactérien, sont bactéricides sur les germes sensibles avec une tolérance clinique satisfaisante et une biodisponibilité orale excellente [7, 9, 34].
L’acide nalidixique, première quinolone, a été utilisé pour la première fois en 1962 par Lesher [8, 35]. Cette molécule dérivée d’un antipaludéen (chloroquine), appartient à la famille des pyridone-ß-carboxyliques ou 4-quinolones.
Le succès et le développement de cette famille sont liés à l’addition d’un fluor en C6 du cycle pyridine et d’un cycle pipérazyl en C7, étendant leur spectre d’activité et ouvrant dès 1984 ; le groupe des quinolones de deuxième génération appelées fluoroquinolones, puis en 1994 celui des nouvelles fluoroquinolones [7, 34].
Les fluoroquinolones sont actives sur K. pneumoniae avec un spectre d’activité élargi, dont l’activité est 100 à 1000 fois plus élevée que celles des quinolones de 1ère génération [34]. La contrepartie de cette qualité est l’augmentation croissante des prescriptions de FQ dans le monde, pour des infections bactériennes probables ou documentées, avec environ 800 millions de patients traités dans le monde ; d’où l’émergence et la dissémination de bactéries résistantes [9, 35].
Mode d’action des fluoroquinolones
Les fluoroquinolones présentent plusieurs modes d’action [8].
Inhibition de l’ADN gyrase
Inhibition de l’ADN topoisomérase IV
Pénétration antibactérienne
Activité bactériostatique (souches sensibles)
Activité bactéricide
Ces différentes actions s’exercent sur leurs cibles principales que sont les topoisomérases bactériennes de type 2 (ADN topoisomérase II ou ADN gyrase et ADN topoisomérase IV) [34]. Ces dernières ont un rôle dans le compactage et la régulation de la conformation (topologie) de l’ADN lors de la réplication, de la transcription et de la recombinaison. L’ADN gyrase a la capacité de surenroulement négatif sur la double hélice de l’ADN, et a la fonction de relâchement de l’ADN afin de permettre la progression de l’ADN polymérase le long de la fourche de réplication. La topoisomérase IV quant à elle a le rôle de désenchevêtrement de l’ADN nécessaire à la division cellulaire [34, 37].
Ainsi, les quinolones exercent une inhibition sélective de la synthèse de l’ADN bactérien en agissant sur ces enzymes impliquées dans le maintien de la structure de l’ADN. C’est l’effet bactériostatique. À cette action bactériostatique s’ajoute une activation du système SOS secondaire au signal du blocage de la réplication et l’accumulation d’ADN coupé. D’où l’effet bactéricide [35].
Chez K. pneumoniae, les quinolones hydrophiles pénètrent grâce aux porines ; par diffusion passive en fonction de leur degré d’hydrophobicité et de leur poids moléculaire. Les quinolones hydrophobes pénètrent par un passage direct à travers la bicouche phospholipidique [7, 35].
Fluoroquinolones et infections urinaires
Le deuxième site infectieux d’intérêt pour les entérobactéries est le tractus urinaire. Les infections des voies urinaires (IVU) sont fréquentes chez les patients hospitalisés et ambulatoires, se classant en deuxième position après les infections respiratoires avec comme problématique pratique le choix d’une antibiothérapie probabiliste pour le traitement des infections urinaires communautaires (IUC) [35]. Jadis, les fluoroquinolones étaient utilisées pour les IUC à K. pneumoniae, mais avec la montée continue de la résistance de K. pneumoniae BLSE aux fluoroquinolones et les échecs thérapeutiques qui en découlent, cette classe d’antibiotiques nécessite une utilisation plus rationnelle dans les traitements de première intention des infections du tractus urinaire [6].
Résistance de K. pneumoniae aux fluoroquinolones
Notion d’antibiorésistance et types de résistance
La résistance aux antibiotiques ou antibiorésistance est l’ensemble de mécanismes biochimiques, génétiques d’échappement utilisés par la bactérie face à l’action létale des antibiotiques. C’est la capacité d’une bactérie à ne pas être sensible à l’action d’un antibiotique. Elle est naturelle ou acquise [8].
La résistance naturelle ou intrinsèque est un caractère d’espèce qui touche toutes les souches bactériennes de l’espèce considérée. Elle est innée, stable, transmise à la descendance (elle a pour support génétique le chromosome bactérien) mais elle n’est pas transmissible sur un mode horizontal (d’une bactérie à l’autre au sein d’une même espèce ou entre espèces différentes) et définit le phénotype sauvage [8, 14].
La résistance acquise quant à elle est plus préoccupante, et se caractérise par l’apparition subite d’une résistance à un ou plusieurs antibiotiques chez certaines bactéries qui étaient auparavant sensibles. Il s’agit d’un caractère qui ne concerne que quelques souches d’une espèce donnée. La résistance acquise est moins stable, mais elle se propage souvent de façon importante dans le monde bactérien. Elle résulte d’une modification du capital génétique de la bactérie, lui permettant de tolérer une concentration d’antibiotique plus élevée que celle qui inhibe les souches sensibles de la même espèce [8, 14, 30].
Mécanismes génétiques de la résistance acquise
Le potentiel génétique de K. pneumoniae est constitué d’un chromosome et d’un ou de plusieurs génophores facultatifs et extra-chromosomiques, les plasmides. Des gènes sont également portés par des éléments génétiques transposables et par des intégrons. Les mécanismes de résistance acquise sont liés à des modifications au niveau de l’ADN chromosomique, par des mutations ; ou par des transferts de gènes résistants d’une bactérie résistante à une bactérie sensible, via un plasmide.
K. pneumoniae peut ainsi acquérir une résistance aux antibiotiques par deux grands mécanismes génétiques : l’un a pour support le chromosome et définit une résistance chromosomique, et l’autre a pour support les plasmides ou les éléments transposables ou les intégrons et définit une résistance extra-chromosomique [8, 37].
La résistance chromosomique aux fluoroquinolones
La résistance chromosomique résulte d’une mutation dont la conséquence est la perte ou la modification d’une protéine structurale ou enzymatique. C’est un phénomène rare, dû au hasard, transmissible verticalement et permanent. Il n’est pas provoqué par la présence de l’antibiotique. Mais l’antibiotique révèle la mutation de résistance en sélectionnant les bactéries mutantes résistantes. Il s’agit majoritairement de sélection de mutants résistants par accumulation de résistances ponctuelles [8, 23]. En fait, de multiples mutations sont, en général, nécessaires pour déterminer un niveau clinique de résistance, car les bactéries sauvages sont hautement sensibles aux FQ [23].
Le principal mécanisme de résistance (chromosomique) chez K. pneumoniae est lié à des mutations dans les gènes de structure des topoisomérases de type 2, le plus souvent sur les gènes gyrA ou parC, plus rarement sur les gènes gyrB ou parE. Il s’agit de larges complexes enzymatiques constitués de deux paires de sous-unités, la protéine GyrA de 97 kDa, codée par le gène gyrA et la protéine GyrB de 90 kDa, codée par le gène gyrB pour l’ADN gyrase, et la protéine ParC de 75 kDa, codée par le gène parC et la protéine ParE de 70 kDa, codée par le gène parE pour la topoisomérase IV [8, 37]. Les deux enzymes interviennent au cours des processus de réplication, de transcription, de recombinaison et de réparation de l’ADN. Les fluoroquinolones bloquent la réaction catalysée par l’enzyme en piégeant l’ADN gyrase ou la topoisomérase sur l’ADN en formant un complexe létal antibiotique-enzyme-ADN suivi de la libération consécutive de fragments d’ADN double brin. En cas de résistance, suite à des mutations sur des gènes chromosomiques, le complexe létal n’est plus formé. Ces mutations réduisent la sensibilité et diminuent l’affinité de l’enzyme (mutée) pour l’antibiotique. Il en résulte en effet une diminution de la liaison des FQ sur le complexe ADN- topoisomérase et une altération des fonctions de l’enzyme, réduisant la formation des complexes ADN-enzyme et la liaison subséquente des fluoroquinolones sur ces complexes [23, 25].
Chez K. pneumoniae, l’ADN gyrase est plus sensible à l’inhibition médiée par les fluoroquinolones et les mutations responsables de résistance surviendront d’abord au niveau de gyrA [37]. Ces mutations, situées dans une région appelée QRDR (Quinolone Resistance Determining Region), sont sélectionnées en présence de quinolone avec une fréquence d’environ 1/108. On observe un phénomène de résistance « par paliers », avec une augmentation de la concentration minimale inhibitrice (CMI) à chaque nouvelle mutation acquise. Les mutations des topoisomérases de type 2 confèrent de hauts niveaux de résistance. La première mutation survient généralement au niveau de la topoisomérase pour laquelle la quinolone a la plus grande affinité, ce qui peut varier en fonction de l’espèce bactérienne et en fonction de la quinolone (la cible primaire de la ciprofloxacine est la sous-unité A de l’ADN gyrase chez K. pneumoniae) [22].
La résistance plasmidique aux fluoroquinolones
Pendant longtemps, le seul support connu de la résistance aux quinolones était de type chromosomique, jusqu’à la découverte du gène qnrA1 porté par une souche de Klebsiella pneumoniae isolée en 1998 à Birmingham aux États-Unis [9, 34, 53]. Depuis lors, les mécanismes PMQR se sont révélés largement répandus au sein d’une grande diversité d’environnements plasmidiques et parmi de nombreux genres bactériens, en conférant de faibles niveaux de résistance aux fluoroquinolones, tout en facilitant l’émergence de niveaux de résistance supérieurs en présence de l’antibiotique en conditions thérapeutiques [47].
Trois mécanismes de résistance aux quinolones à médiation plasmidique (PMQR) ont été découverts, leurs déterminants génétiques étant des gènes extra-chromosomiques :
Les gènes qnr (quinolone resistance), dont qnrA, qnrB, qnrC, qnrD et qnrS avec pour chacun plusieurs allèles. Ces gènes qnr codent pour les protéines Qnr, appartenant à la famille des protéines à motifs pentapeptidiques répétés (PRP), qui protègent l’ADN gyrase et la topoisomérase IV de l’inhibition des quinolones. Ils semblent avoir été acquis à partir de gènes chromosomiques dans des bactéries aquatiques, et sont généralement associés à des éléments mobilisateurs ou transposables sur des plasmides, et sont souvent incorporés dans des intégrons de type sul1 [7, 24, 34, 47].
Le gène aac(6 ‘)-Ib de support plasmidique, code pour une protéine enzymatique appelée aminoglycoside acétyltransférase commune AAC (6 ‘)-Ib responsable de l’acétylation des quinolones comme la ciprofloxacine et la norfloxacine ayant un azote aminé au niveau du cycle piperazinyle [7, 25].
Le gène qepA (quinolone efflux pump) est un gène plasmidique qui code pour une protéine structurale de 511 acides aminés qui est une pompe à efflux de la famille des transporteurs MFS (major facilitator superfamily) responsable de l’efflux amélioré au niveau de la pompe d’efflux QepA, découverte en 2002 au Japon [25, 37]. Le plasmide portant le gène qepA confère un profil de résistance multiple vis-à-vis des aminoglycosides, des fluoroquinolones et des bêta-lactames à large spectre. Cette pompe à efflux confère une résistance à bas niveau en produisant une augmentation de la CMI des fluoroquinolones hydrophiles comme la ciprofloxacine, l’enrofloxacine et la norfloxacine de 32 à 64 fois [37].
Deux raisons justifient l’importance de la résistance plasmidique de K. pneumoniae :
i) la résistance plasmidique est liée à la synthèse de protéines additionnelles et non à une modification des constituants normaux de la bactérie.
ii/ De nombreux plasmides de résistance sont conjugatifs ou mobilisables ce qui permet un transfert horizontal des gènes.
Mécanismes biochimiques de la résistance aux FQ
L’acquisition de la résistance de K. pneumoniae aux FQ est un phénomène qui se fait par étapes, avec l’accumulation progressive de mécanismes de résistance « en marches d’escalier », favorisée surtout par les prescriptions répétées de FQ [8, 53].
Les mécanismes de résistance peuvent être classés selon leur finalité : diminution de l’accumulation intra-cytoplasmique par diminution de la perméabilité de la paroi ou augmentation de l’efflux, diminution de l’affinité des cibles, inactivation enzymatique ou protection des cibles (Tableau II). La résistance à la fluoroquinolone survient normalement par des mutations dans les gènes chromosomiques des topoisomérases de type II et par des changements dans l’expression des protéines qui contrôlent l’accumulation des fluoroquinolones à l’intérieur des bactéries [7, 8].
Modifications de la cible
Les mécanismes de résistance les plus fréquemment retrouvés et les plus anciens sont les mutations ponctuelles chromosomiques dans les cibles de l’antibiotique, la gyrase. La modification de la cible est le mécanisme principal de résistance aux fluoroquinolones. Ces mutations de la cible sont consécutives à des mutations ponctuelles chromosomiques au niveau des gènes de structure ADN gyrase ou topoisomérase IV, provoquant la diminution de l’affinité de l’antibiotique pour sa cible. Elles ont lieu dans la région située à proximité du site catalytique appelée QRDR ou Quinolone resistance Determining Region [30, 37]. L’effet de ces mutations sur l’activité des fluoroquinolones dépend de leur type, de leur nombre et de la molécule concernée. Ainsi, la résistance s’établit par paliers successifs par accumulation d’évènements mutationnels avec des mutants de 1e niveau, puis de 2e niveau et enfin de 3e niveau [8, 35]. Par exemple, une mutation sur la QRDR de gyrA entraîne une résistance de haut niveau à l’acide nalidixique, or pour l’ofloxacine il en faut deux, et pour la ciprofloxacine il en faut trois [35].
Inactivation de l’antibiotique
L’inactivation des quinolones est un mécanisme qui n’existait pas avant la description du gène aac (6′)-Ib-cr codant un aminoside 6′-N-acétyltransférase plasmidique bi-fonctionnelle capable d’acétyler les fluoroquinolones. La fluoroquinolone pénètre dans K. pneumoniae et atteint une concentration intracellulaire normale, mais est inactivée partiellement par une enzyme : AAC(6′)-Ib-cr. Cette enzyme est caractérisée par deux mutations (Trp104Arg et Asp181Tyr) qui entraînent d’une part une diminution de la résistance aux aminosides, et d’autre part d’une résistance à la ciprofloxacine et à la norfloxacine par N-acétylation du groupement amine secondaire du cycle pipérazinyl [7, 25, 37, 44].
Diminution de la concentration intracellulaire d’antibiotique
Cette mutation affecte d’une part la structure des porines ou diminue la synthèse des porines par lesquelles l’antibiotique peut pénétrer dans K. pneumoniae (imperméabilité), et d’autre part l’efflux actif (hyperexpression de pompe d’efflux). L’efflux repose sur une pompe insérée dans la membrane capable d’éjecter l’antibiotique hors de K. pneumoniae grâce un canal ; ce qui conduit à une diminution de la concentration intracellulaire de l’antibiotique [35, 55]. QepA, pompe d’efflux MFS (Major Facilitor Superfamily) spécifique des FQ, est retrouvée chez certaines souches K. pneumoniae, codée par un gène de support plasmidique [1]. La diminution de la concentration intracellulaire d’antibiotique, mécanisme classique de résistance, provoque une résistance de bas niveau. Plusieurs mutations doivent s’additionner pour entraîner une résistance de haut niveau et avoir un effet clinique [33].
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Table des matières
Première Partie: Revue bibliographique
I. Généralités sur Klebsiella pneumoniae
I.1. Historique
I.2. Taxonomie
I.3. Caractères bactériologiques
I.3.1. Caractères morphologiques
I.3.2. Caractères culturaux
I.3.3 Caractères biochimiques
I.3.4 Caractères antigéniques
I.4 Facteurs de pathogénicité de K. pneumoniae
I.5 Epidémiologie
I.5.1 Habitat
I.5.2 Mode de transmission
I.5.3 Réservoir
I.6. Pouvoir pathogène
II. Les fluoroquinolones
II.1 Définition
II.2 Classification
II.3 Mode d’action des fluoroquinolones
II.4 Fluoroquinolones et infections urinaires
III. Résistance de K. pneumoniae aux fluoroquinolones
III.1. Notion d’antibiorésistance et types de résistance
III.2 Mécanismes génétiques de la résistance acquise
III.2.1 La résistance chromosomique aux fluoroquinolones
III.2.2. La résistance plasmidique aux fluoroquinolones
III.3. Mécanismes biochimiques de la résistance aux FQ
III.3.1. Modifications de la cible
III.3.2. La protection de la cible
III.3.3. Inactivation de l’antibiotique
III.3.4. Diminution de la concentration intracellulaire d’antibiotique
III.4. Multirésistance BLSE/fluoroquinolones
IV. Détection des gènes de résistance par technique moléculaire
IV.1. Polymerase chain Reaction
IV.1.1. Définition
IV.1.2. Principe
IV.2. Séquençage
2ème Partie : Travail expérimental
I. Objectifs
II. Cadre de l’étude
III. Souches bactériennes
IV. Matériel et méthode
IV.1. Matériels
IV.2. Méthodologie
IV.2.1. Sélection des souches Kp BLSE uropathogènes
IV.2.2. Extraction ADN
IV.2.3. Préparation des Mix
IV.2.3. Amplification des gènes de résistance
IV.2.4. Dépôt des amplicons et électrophorèse des produits PCR
IV.2.5. Révélation
V. Résultats
VI. Discussion
Références bibliographiques
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